COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 4DB
13ème chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 13 MARS 2008
R.G. No 07/07965
AFFAIRE :
Me X...
C/
S.C.I. DU 33 RUE
ETIENNE Y...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Octobre 2007 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE
No chambre : 6
No Section :
No RG : 06/F00015
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
SCP JUPIN-ALGRIN
SCP TUSET-CHOUTEAU
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE TREIZE MARS DEUX MILLE HUIT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Maître Yannick X...
es qualité de liquidateur de la société AQUABIO
23 rue Victor Hugo
95304 PONTOISE CEDEX
représenté par la SCP JUPIN-ALGRIN, avoués - No du dossier 0024047
assisté de Maître Z..., avocat au barreau de Paris
APPELANT
****************
S.C.I. DU 33 RUE ETIENNE CHEVALIER
33 rue Etienne Chevalier
95100 ARGENTEUIL
représentée par la SCP TUSET-CHOUTEAU, avoués
- No du dossier 20070658
assistée de Maître A..., avocat au barreau de Paris
INTIMEE
VISA DU MINISTERE PUBLIC LE 12/12/2007
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Février 2008, Monsieur Jean BESSE, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Monsieur Jean BESSE, président,
Monsieur Bruno DEBLOIS, conseiller,
Madame Annie DABOSVILLE, conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Jean-François MONASSIER
Maître X... es qualité de liquidateur de la société AQUABIO a interjeté appel le 8 novembre 2007 d'un jugement rendu le 26 octobre 2007 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE qui l'a débouté de l'action principale en nullité de paiements qu'il avait engagée, par assignation du 20 décembre 2005, contre la SCI du 33 RUE ETIENNE CHEVALIER, sur le fondement de l'ancien article L.621-108 du Code de commerce, et qui l'a condamné au paiement d'une indemnité de 8.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Pour statuer ainsi, le Tribunal a distingué deux périodes : en ce qui concerne la première période antérieure à la date de cessation des paiements fixée au 7 septembre 2003, le Tribunal a estimé que la société AQUABIO n'était pas en état de cessation des paiements ; et en ce qui concerne la seconde allant de la date de cessation des paiements jusqu'à celle du jugement d'ouverture du 7 mars 2005, le Tribunal a considéré que la SCI du 33 RUE ETIENNE CHEVALIER n'avait pas connaissance de la cessation des paiements de sa locataire.
La société AQUABIO exploitait à ARGENTEUIL un centre sportif dans des locaux qu'elle louait à la SCI du 33 RUE ETIENNE CHEVALIER. Les deux sociétés avaient des dirigeants communs jusqu'en janvier 2004, époque à laquelle les consorts B... cédaient les actions qu'ils détenaient dans la société AQUABIO à Monsieur C... qui en devenait le gérant. Sur déclaration de cessation des paiements, le Tribunal de Commerce de PONTOISE ouvrait par jugement du 7 mars 2005 une procédure de redressement judiciaire, convertie en liquidation judiciaire par jugement subséquent du 3 juin 2005. Il reportait l'état effectif de cessation des paiements au 7 septembre 2003. Les opérations de liquidation judiciaire permettaient la réalisation d'une étude comptable confiée à Monsieur D..., qui révélait notamment que la société AQUABIO avait accumulé des dettes fiscale et sociales remontant au mois de juillet 2001. D'autre part, les versements opérés par la société AQUABIO au profit de la SCI du 33 RUE ETIENNE CHEVALIER au titre des loyers et des charges s'élevaient à 523.101,13 €, dont 268.159,55 €, pendant la période du 1er octobre 2001 au 7 septembre 2003 et 254.941,58 € durant la période du 7 septembre 2003 au 7 mars 2005.
Par conclusions signifiées le 30 novembre 2007, Maître X... es qualité ne remet pas en cause le jugement déféré qui l'a débouté de son action en nullité des paiements durant la période du 1er octobre 2001 au 7 septembre 2003 pour 268.159,55 € au motif que la société AQUABIO n'était pas en état de cessation des paiements. En revanche, il critique le jugement en ce qu'il l'a débouté de son action en nullité des paiements durant la seconde période du 7 septembre 2003 au 7 mars 2005 pour 254.941,58 €. A cet égard, il demande à la cour de prendre en considération deux sous périodes : celle allant du 7 septembre 2003 au 31 décembre 2003, durant laquelle les deux sociétés avaient encore des dirigeants communs qui connaissaient donc nécessairement l'état de cessation des paiements de la société AQUABIO et qui ont procédé, au profit de la SCI du 33 RUE ETIENNE CHEVALIER, à des paiements à hauteur de 101.685,52€;
et celle postérieure allant jusqu'au redressement judiciaire, durant laquelle la société AQUABIO a effectué des paiements à hauteur de 153.256,06 € au profit de la SCI du 33 RUE ETIENNE CHEVALIER dont les dirigeants ne pouvaient pas ignorer l'état de cessation des paiements de la société AQUABIO qui était avéré avant qu'elle ne changeât de main. Maître X... es qualité demande donc à la cour de réformer le jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de son action au titre de l'article L.621-108 du Code de commerce et statuant à nouveau :
- de prononcer la nullité des paiements effectués par son administrée au profit de la SCI du 33 RUE ETIENNE CHEVALIER du 7 septembre au 7 mars 2005 pour un montant global de 254.941,58 € ;
- de condamner en conséquent la SCI du 33 RUE ETIENNE CHEVALIER à lui rembourser es qualité la somme de 254.951,58 € ;
- et de condamner la SCI du 33 RUE ETIENNE CHEVALIER au paiement d'une indemnité de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions signifiées le 20 décembre 2007, la SCI du 33 RUE ETIENNE CHEVALIER poursuit au contraire la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, subsidiairement de constater que Maître X... es qualité ne prouve pas le montant des paiements dont aurait bénéficié sa bailleresse et subsidiairement encore d'ordonner la compensation des sommes réclamées par Maître X... es qualité au visa de l'article L.621-108 du Code de commerce, avec celles dues par la société AQUABIO au titre des loyers et charges impayés relevant tant de l'article L.621-43 que de l'article L.621-32 du même code. Elle sollicite enfin la condamnation de Maître X... es qualité au paiement d'une indemnité de 15.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. A cet effet, la SCI du 33 RUE ETIENNE CHEVALIER admet que la décision de report de la date de cessation des paiements lui est opposable faute de tierce opposition dans le délai de 10 jours de la publication du jugement d'ouverture au BODACC. Elle n'en prétend pas moins que l'état de cessation des paiements de la société AQUABIO ne serait pas établi au 7 septembre 2003 et que son report à cette date serait frauduleux pour avoir été demandé, de manière occulte par le dirigeant. Elle prétend par ailleurs que Maître X... es qualité ne démontrerait pas comment la SCI aurait pu avoir connaissance de l'état de cessation des paiements, a fortiori après la cession des parts dont il résulte qu'à compter du 31 décembre 2003, les dirigeants de la SCI n'étaient plus les dirigeants de la société AQUABIO. La SCI du 33 RUE ETIENNE CHEVALIER critique également le rapport d'expertise de Monsieur D..., établi selon elle de manière unilatérale, partiale et erronée en ce qui concerne le montant des sommes perçues en principal et TVA. Enfin, au titre de sa demande subsidiairement de compensation, dont elle admet au passage qu'elle n'est juridiquement pas possible, la SCI du 33 RUE ETIENNE CHEVALIER invoque d'une part les loyers impayés avant le jugement d'ouverture conformément à son admission définitive au passif de la société AQUABIO pour 95.138,91 €, et les loyers impayés durant la période d'observation pour 41.574,97€.
MOTIFS
Suivant les dispositions de l'article L.621-108 du Code de commerce encore applicable à la cause dans sa rédaction antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005, les paiements effectués après la date de cessation des paiements peuvent être annulés si ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de la cessation des paiements.
En l'espèce, il est pour l'essentiel constant que par jugement d'ouverture de redressement judiciaire du 7 mars 2005, le Tribunal de Commerce de PONTOISE a reporté au 7 septembre 2003 la date effective de cessation des paiements de la société AQUABIO. Aucun recours n'a été formé contre cette décision qui est donc devenue définitive et opposable à tous. La SCI du 33 RUE ETIENNE CHEVALIER ne le conteste pas, mais n'en prétend pas moins que l'état de cessation des paiements de la société AQUABIO ne serait pas établi au 7 septembre 2003 et que son report à cette date serait frauduleux pour avoir été demandé, de manière occulte par le dirigeant.
Mais en vertu de la règle qui précède, l'état de cessation des paiements est bien établi au 7 septembre 2003. Il est au surplus corroboré par l'existence, au jour du jugement d'ouverture, de dettes sociales et fiscales impayées depuis l'année 2001. Outre enfin le fait que les allégations de fraude imputées à Monsieur C... n'aient donné lieu à aucun recours en révision, il s'avère que la déclaration de cessation des paiements qu'il a déposée le 28 février 2005 ne demande pas un report de la date de cessation des paiements au 7 septembre 2003, mais au 15 septembre 2005.
Or, pour la période comprise entre le 7 septembre et le 31 décembre 2003, et même jusqu'en janvier 2004, les dirigeants de la société AQUABIO étaient les mêmes que ceux de la SCI du 33 RUE ETIENNE CHEVALIER, qui émettaient au nom de la première le règlement de loyers et des charges qu'ils percevaient pour le compte de la seconde. Ces paiements entrent donc dans le champ des dispositions de l'article L.621-108 précité.
De même, ayant eu connaissance de la cessation des paiements pour la période comprise entre le 7 septembre et le 31 décembre 2003, la SCI du 33 RUE ETIENNE CHEVALIER n'est pas fondée à prétendre qu'elle l'aurait ensuite ignoré pour la période subséquente de 18 mois allant jusqu'au jugement d'ouverture du 7 mars 2005, et ce même si la direction des deux sociétés n'était plus commune. Cet élément est d'ailleurs corroboré par le fait que la société AQUABIO ne payait plus ses charges, comme en atteste la propre déclaration de créance de la SCI du 33 RUE ETIENNE CHEVALIER et son admission au passif pour 95.138,91 €. Les paiements opérés durant cette seconde période entrent donc également dans le champ des dispositions de l'article L.621-108 précité.
Mais au titre des paiements que Maître X... es qualité lui reproche d'avoir perçu, la SCI du 33 RUE ETIENNE CHEVALIER n'a jamais reçu que ce que la société AQUABIO lui devait soit au titre d'un bail commercial dont la régularité n'est pas contestée, soit en remboursement de charges locatives nécessaires à l'activité commerciale. Il s'avère par ailleurs que la société AQUABIO est admise au passif de la liquidation judiciaire au titre de charges impayées pour 95.138,91 € et qu'elle est enfin titulaire d'une créance postérieure de plusieurs mois de loyers impayés durant la période d'observation. Compte tenu de ces éléments, il n'est pas opportun de prononcer l'annulation des paiements. Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Maître X... es qualité de ses demandes.
Enfin, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge des frais irrépétibles qu'elles ont engagés dans le cadre de cette procédure dont les dépens suivent le principal.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par arrêt CONTRADICTOIRE et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 26 octobre 2007 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE, en ce qu'il a débouté Maître X... es qualité de ses demandes au titre de l'action principale en nullité de paiements qu'il avait engagée contre la SCI du 33 RUE ETIENNE CHEVALIER sur le fondement de l'ancien article L.621-108 du Code de commerce ;
Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire, dont distraction au profit des avoués à la cause qui peuvent y prétendre, par application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Jean BESSE, président et par Monsieur Jean-François MONASSIER, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,