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05/02/2008 | FRANCE | N°101

France | France, Cour d'appel de Versailles, Ct0011, 05 février 2008, 101


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

6ème chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 05 FÉVRIER 2008

R.G. No 07/02137

AFFAIRE :

Karim X...

C/

S.A. REFLEX IMMOBILIER

en la personne de son représentant légal

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Mai 2007 par le Conseil de Prud'hommes d'ARGENTEUIL

Section :

Activités diverses

No RG : 05/306

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

RÉPUBL

IQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE CINQ FEVRIER DEUX MILLE HUIT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur Karim X...

...

95100 ARGENTEUIL

N...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

6ème chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 05 FÉVRIER 2008

R.G. No 07/02137

AFFAIRE :

Karim X...

C/

S.A. REFLEX IMMOBILIER

en la personne de son représentant légal

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Mai 2007 par le Conseil de Prud'hommes d'ARGENTEUIL

Section :

Activités diverses

No RG : 05/306

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE CINQ FEVRIER DEUX MILLE HUIT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur Karim X...

...

95100 ARGENTEUIL

Non comparant -

Représenté par Me Bruno AGID,

avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P405

APPELANT

****************

S.A. REFLEX IMMOBILIER

en la personne de son représentant légal

...

92712 COLOMBES

Non comparante -

Représentée par Me Patrick BERJAUD,

avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K110

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 18 Décembre 2007, en audience publique, devant la cour composé(e) de :

Monsieur François BALLOUHEY, président,

Madame Nicole BURKEL, Conseiller,

Madame Claude FOURNIER, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre Y...

FAITS ET PROCÉDURE,

Attendu que le conseil de prud'hommes d'ARGENTEUIL, par jugement contradictoire en date du 15 mai 2007, saisi sur la demande de la société Reflex Immobilier en dommages et intérêts pour violation de la clause de non-concurrence, a :

dit que la clause de non-concurrence figurant dans le contrat de travail de Monsieur X... est licite

dit que Monsieur X... a violé son obligation de non-concurrence

condamné Monsieur X... à verser à la SA Reflex Immobilier les sommes suivantes :

3 800 € au titre de dommages et intérêts pour violation de la clause de non-concurrence

700 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile

débouté Monsieur X... de l'ensemble des ses demandes notamment celle relative à la procédure abusive

et laissé les dépens à la charge de Monsieur X... ;

Attendu que la cour est régulièrement saisie d'un appel formé par Monsieur X... ;

Attendu que Monsieur X... a été engagé par la société Reflex Immobilier par contrat à durée indéterminée le 26 août 2002, en qualité de livreur contrôleur de distribution, coefficient 175 ;

Que Monsieur X... devait exercer son activité à Paris et région parisienne (92-93-94-95) et pouvait exercer ponctuellement effectuer des déplacements en province (60-27-76-59) étant précisé que la liste des départements n'est pas exhaustive ;

Que contractuellement, une clause de non concurrence est stipulée ;

Attendu que Monsieur X... a démissionné par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 mars 2005 et a exécuté un préavis d'un mois jusqu'au 2 avril 2005 ;

Attendu que l'entreprise emploie plus de onze salariés et a pour activité la publicité, l'édition et la reproduction spécialisée dans la création et la distribution de magazines gratuits thématiques immobiliers ;

Que la convention collective applicable est celle des entreprises nationales de la publicité;

Attendu que le revenu moyen mensuel brut de Monsieur X... s'élevait au moment de la rupture des relations contractuelles à 1 219,59 € majoré d'une somme de 152,45 € à titre d'indemnité de non concurrence et d'une prime de cariste de 50 € ;

Attendu que le 7 avril 2005, Monsieur X... a été engagé par la société Editeo, en qualité de livreur ; Que cette entreprise a été créée par Monsieur Guillaume Z..., fondateur de la société Reflex Immobilier ;

Attendu que Monsieur X... demande à la cour par conclusions écrites, déposées et visées par le greffier, soutenues oralement à l'audience, au visa des articles L120-2 du code du travail, 1152 du code civil, de :

infirmer le jugement en toutes ses dispositions

dire la société Reflex Immobilier irrecevable et mal fondée en ses demandes, en conséquence, l'en débouter

A titre principal,

dire et juger nulle la clause de non-concurrence incluse dans son contrat de travail, en ce qu'elle a fait l'objet d'une contrepartie financière dérisoire et n'est pas nécessaire à la protection légitime des intérêts de la société Reflex Immobilier

dire et juger nulle la clause de non concurrence en raison d'un défaut total d'indemnisation pendant la période couverte par l'interdiction

dire et juger que la société Reflex Immobilier ne rapporte pas la preuve d'une violation de cette clause par lui

En tout état de cause,

lui donner acte qu'il n'a eu aucun comportement déloyal à l'égard de son ancien employeur et que l'obligation de non concurrence a été respectée

condamner la société Reflex Immobilier à lui verser 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour respect par ce dernier de la clause de non concurrence insérée à son contrat

condamner la société Reflex Immobilier à lui verser 5 000 € pour procédure abusive ;

condamner la société Reflex Immobilier à lui verser 3 000 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

Qu'il expose essentiellement que la clause de non- concurrences est nulle a plusieurs égards :

- la contrepartie financière à la clause de non-concurrence dont il bénéficiait est dérisoire,

- un déséquilibre important existe entre le montant de la clause pénale due en cas de violation de la clause de non-concurrence et celui de son indemnisation

- la société a cessé de lui verser l'indemnité à la rupture du contrat de travail alors qu'elle était tenue de le faire pendant toute la durée de non-concurrence

- l'indemnité de non-concurrence a la nature compensatrice d'un salaire et non de complément de salaire ;

Qu'il soutient que la clause de non-concurrence est illicite car elle n'était pas indispensable à la protection des intérêts légitime de l'entreprise ;

Qu'il rappelle n'avoir exercé que les fonctions de livreur au sein de la société Reflex Immobilier et ne détenir aucune information de nature à fausser le jeu normal de la concurrence ;

Qu'il estime que la clause de non- concurrence présente un périmètre disproportionné par rapport au poste qu'il a occupé ;

Qu'il précise que bien que créée par Monsieur Z..., la société Editeo a une activité sans rapport avec celle de la société Reflex Immobilier, celle-ci éditant exclusivement des magazines gratuits thématiques dans le domaine immobilier alors que la société Editeo édite des documents publicitaires dans tous domaines, à l'exclusion du domaine immobilier ;

Qu'il estime, enfin, que la société n'apporte pas la preuve d'avoir subi un préjudice du fait de son activité au sein de la société Editeo ;

Attendu que la société Reflex Immobilier demande à la cour par conclusions écrites, déposées au greffe, visées par le greffier et soutenues oralement à l'audience, de :

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la clause de non concurrence figurant dans le contrat de travail était licite et en ce qu'il a dit que Monsieur X... à violé son obligation de non-concurrence,

en ce qu'il a condamné Monsieur X... à lui payer 3800 € à titre de dommages et intérêts pour violation de la clause de non concurrence

En tout état de cause,

débouter Monsieur X... de l'ensemble de ses demandes et notamment celles relatives à la procédure abusive

condamner Monsieur X... à lui payer 3 000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens ;

Qu'elle soutient essentiellement que le fondateur de la société Reflex Immobilier a créé des sociétés concurrentes et débauché 34 de ses salariés dont Monsieur X... ;

Qu'elle indique que la clause de non-concurrence figurant dans le contrat de travail du salarié est valide, cette clause étant indispensable à la protection de ses intérêts eu égard aux informations confidentielles relatives aux fichiers de clientèle dont Monsieur X... disposait, étant raisonnablement limitée dans le temps et dans l'espace et comportant une contrepartie financière à hauteur de 11% de son salaire, versée mensuellement sous forme d'indemnité ;

Qu'elle met en exergue le caractère similaire des activités des sociétés Reflex Immobilier et Editeo, à savoir essentiellement les magazines thématiques réservés aux professionnels de l'immobilier ;

Qu'elle fait valoir que les produits présentés par les sociétés concurrentes sont très ressemblants, notamment sur le point de leur présentation graphique ou de leur technique commerciale ;

Qu'elle estime qu'en exerçant des fonctions identiques à celles exercées au sein de la société Reflex Immobilier auprès d'une société directement concurrente, moins de dix jours après son départ de l'entreprise, Monsieur X... a méconnu son obligation de non concurrence, un tel comportement se révélant gravement préjudiciable à ses propres intérêts financiers ;

Attendu que pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie en application de l'article 455 du nouveau code de procédure civile aux conclusions déposées et soutenues oralement;

MOTIFS DE LA DECISION

Attendu que Monsieur X... a été engagé selon contrat à durée indéterminée en date du 26 août 2002 en qualité de livreur- contrôleur de distribution, statut employé ;

Qu'aux termes de l'article XIV du contrat, il est mentionné :

« Monsieur X... s'interdit en cas de cessation du présent contrat, qu'elle qu'en soit la cause même en cas de rupture pendant la période d'essai :

- d'exercer une activité similaire au sein ou au profit d'une entreprise pouvant concurrencer la société

Ou

- de s'intéresser directement ou indirectement (y compris en tant qu'actionnaire, associé, mandataire social, ou indépendant) et sous quelque forme que ce soit, à une entreprise exerçant une activité de même nature.

Cette interdiction de concurrencer est limitée à une période de deux ans commençant le jour de la cessation effective du contrat et couvrant le ou les départements où Monsieur Karim X... aura exercé son activité.

Toute violation de cette clause de non concurrence entraînera de plein droit, par infraction constatée, l'exigibilité d'une somme forfaitaire égale au montant total des salaires perçus pendant les douze derniers mois précédant la résiliation du contrat de travail.

La présente clause de non concurrence est rémunérée tout au long du contrat par l'allocation de l'indemnité de non concurrence stipulée à l'article VII » soit 152,45 € par mois ;

Attendu que d'une part, une clause de non concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière ; Que ces conditions sont cumulatives ;

Attendu que d'autre part, la contrepartie financière a pour objet d'indemniser le salarié qui, après rupture du contrat de travail est tenu d'une obligation qui limite ses possibilités d'exercer un autre emploi ;

Qu'elle ne peut prendre la forme d'une fraction du salaire ni être réglée mois par mois, son montant ne pouvant dépendre uniquement de la durée d'exécution du contrat ni son paiement intervenir avant la rupture ;

Attendu en conséquence que la dite clause de non concurrence du fait de l'absence de limitation géographique, temporelle et du fait d'instauration d'une contrepartie financière réglée pendant l'exécution du contrat de travail est nulle ;

Que le jugement sera infirmé de ce chef ;

Attendu que le respect par un salarié d'une clause de non concurrence illicite lui cause nécessairement un préjudice dont il appartient au juge d'apprécier l'étendue et qu'il incombe à l'employeur qui s'oppose à la demande de dommages et intérêts de ce chef de prouver que le salarié n'a pas respecté cette clause ;

Attendu que la société Reflex Immobilier démontre que Monsieur X..., qui a cessé ses fonctions au sein de Reflex Immobilier à compter du 2 avril 2005, date de fin d'exécution du préavis, a été embauché au sein de la société Editeo Immo dès le 7 avril 2005 en qualité de livreur; Que cette société a été créée le 15 février 2005 ;

Attendu que les activités des deux sociétés ne sont pas identiques au regard des mentions figurant sur les extraits Kbis versés aux débats ; Que la société Reflex immobilier est tournée vers les journaux d'annonces gratuites tandis que la société Edito Immo est tournée vers la conception et diffusion d'imprimés publicitaires pour le compte de donneurs d'ordre dans le domaine de l'immobilier ;

Que la société Reflex Immobilier édite son propre journal alors que la société Edito Immo fabrique pour le compte d'autrui des journaux mais aussi des encarts publicitaires ou des cartes de visite pour divers entrepreneurs de l'immobilier ;

Qu'il en résulte que les activités ne sont pas concurrentes ;

Attendu que la société Reflex Immobilier ne démontre également aucunement la preuve d'un préjudice effectif subi par elle, trouvant sa source dans des actions menées par Monsieur X... ;

Attendu que le tribunal de commerce de Nanterre, dans un jugement en date du 29 septembre 2006, opposant d'une part, la SA des Gratuits Guyenne et Gascogne et la SAS Reflex Immobilier et d'autre part, la SAS Editeo, la Sarl Edito Immo et Monsieur Z..., a d'ailleurs débouté les demandeurs de leurs actions en concurrence déloyale ;

Que ce jugement a été confirmé en toutes ses dispositions par la cour d'appel de Versailles, 12ème chambre section1 par arrêt contradictoire en date du 11 décembre 2007 ;

Attendu que la cour dispose d'éléments suffisants pour indemniser le préjudice immanquablement subi par Monsieur X... à hauteur de la somme de 10 000 € ; Que le jugement sera infirmé de ce chef ;

Attendu que la société Reflex Immobilier sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour violation de la clause de non concurrence en application de la clause pénale stipulée au contrat de travail;

Que le jugement sera infirmé également de ce chef ;

Attendu que le salarié sera débouté de sa demande de dommages et intérêts en l'absence de preuve d'une faute qui soit de nature à faire dégénérer en abus la procédure engagée par l'employeur contre son ancien salarié ;

Attendu que le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions ;

Attendu que la société Reflex Immobilier sera condamnée à payer une somme de 10000 € à titre de dommages et intérêts pour respect d'une clause de non concurrence nulle ;

Attendu que les dépens d'appel resteront à la charge de la société Reflex Immobilier ;

Attendu que les considérations d'équité justifient seulement que soit allouée à Monsieur X... une indemnité de 2500 € au titre des frais irrépétibles qu'il a été contraint d'exposer en cause d'appel en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

STATUANT en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Reçoit l'appel ;

INFIRME la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

DIT nulle la clause de non concurrence telle que résultant du contrat de travail en date du 26 août 2002 ;

CONDAMNE la société Reflex Immobilier à payer à Monsieur X... :

10000 €

(DIX MILLE EUROS) à titre de dommages et intérêts pour respect d'une clause de non concurrence nulle ;

REJETTE toutes autres demandes plus amples ou contraires ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la société Reflex Immobilier à payer à Monsieur X... la somme de 2500 € (DEUX MILLE CINQ CENTS EUROS) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Reflex Immobilier aux entiers dépens d'instance et d'appel.

Arrêt prononcé par Monsieur François BALLOUHEY, président, et signé par Monsieur François BALLOUHEY, président et par Madame Anne TERCHEL, greffier en chef, présent lors du prononcé.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Ct0011
Numéro d'arrêt : 101
Date de la décision : 05/02/2008

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Clause de non-concurrence - Nullité - Cas - / JDF

La clause de non-concurrence litigieuse, stipulée dans le contrat liant un livreur-contrôleur de distribution à une société d'éditions de magazines gratuits relevant du secteur de la publicité immobilière, est nulle en raison de l'absence de limitation géographique, de l'absence de limitation temporelle et du fait de l'instauration, pendant le cours du contrat, d'un versement mensuel à titre de contrepartie financière, cette dernière, destinée à indemniser le salarié après la rupture du contrat, ne pouvant aucunement être antérieure à sa mise en oeuvre.


Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes d'Argenteuil


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2008-02-05;101 ?
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