6ème chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 15 JANVIER 2008
R.G. No 07/01977
AFFAIRE :
Djamila X...
C/SARL SEMBAT TOURISME en la personne de son représentant légal
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Mai 2007 par le Conseil de Prud'hommes de Boulogne BillancourtNo Chambre : Section : CommerceNo RG : 06/01406
Expéditions exécutoiresExpéditionsCopiesdélivrées le : à :
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame Djamila X......78000 VERSAILLES
Comparant en personne -Assisté de M. Michel Y... (Délégué syndical ouvrier)
APPELANT
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SARL SEMBAT TOURISMEen la personne de son représentant légal 1, avenue André Morizet92100 BOULOGNE BILLANCOURT
Non comparante - Représentée par Me Frédérique CASSEREAU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J 91
INTIMÉE
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Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 27 Novembre 2007, en audience publique, devant la cour composé(e) de :
Monsieur François BALLOUHEY, président,Madame Nicole BURKEL, Conseiller,Madame Claude FOURNIER, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Anne TERCHEL
FAITS ET PROCÉDURE,
La cour est régulièrement saisie d'un appel formé par Madame Djamila X..., d'un jugement du conseil de prud'hommes de Boulognes Billancourt en date du 2 mai 2007 , dans un litige l'opposant à la société Sembat Tourisme, et qui, sur la demande de Madame Djamila X... en paiement d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, a :
pris acte de la rupture d'un commun accord par l'acceptation d'une convention de reclassement personnalisée et débouté Madame X... de ses demandes ;
Madame Djamila X... a été engagée par la société Sembat Tourisme à compter du 12 juin 1995 en qualité de réceptionniste, à temps plein à compter du 22 septembre 1996 ; elle était en congé maternité, puis en congé parental du 26 mars 2003 au 26 mai 2006 ;
En janvier 2004, l'agence "grand public" de la société, située Pont de Sèvres, a été fermée ; seule restait exploitée l'agence "entreprises" ; en avril 2005 a eu lieu une réorganisation pour mutation technologique (mise en oeuvre d'un outil de réservation par Internet, mise en place d'un nouvel équipement téléphonique) ; la société Sembat Tourisme a dès lors souhaité licencier Madame X..., dont le poste de réceptionniste devenait sans objet ;
Madame X... a fait l'objet d'une convocation à entretien préalable à licenciement le 25 avril 2006 pour le 5 mai 2006 ; elle s'est présentée à l'entretien, et a accepté le principe d'une convention de reclassement personnalisé puis signé celle-ci, sans que lui soit préalablement notifiée une lettre de licenciement ;
L'entreprise emploie au moins onze salariés, mais moins de vingt ; il existe des institutions représentatives du personnel ; la convention collective applicable est celle des agences de voyages et tourisme ;
Le salaire mensuel brut est de 1.237 € ;
Madame X... , âgée de 34 ans lors de la rupture, a suivi diverses formations professionnelles, accompli quelques missions d'intérim, puis retrouvé un emploi en septembre 2007, qui lui procure un revenu équivalent ;
Madame Djamila X... par conclusions écrites visées par le gref-fier, et soutenues oralement à l'audience, conclut :
à l'infirmation du jugement, à la condamnation de la société Sembat Tourisme à lui payer :
12.151 € d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et 1.000 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Elle expose pour l'essentiel que :
– durant son congé maternité et parental, elle n'a pas été remplacée, tandis qu'un nouvel agent de vente-réservation a été embauché le 2 janvier 2006,
– un reclassement dans l'entreprise était possible,
– la convention de reclassement personnalisé ne dispense pas de l'énoncé d'une cause économique de licenciement ;
La société Sembat Tourisme, par conclusions écrites visées par le gref-fier et soutenues oralement à l'audience, conclut :
à la confirmation du jugement et à l'allocation de 2.000 € en applica- tion de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Elle soutient essentiellement que :
– le contrat a été rompu d'un commun accord entre les parties à effet du 19 mai 2006, date d'expiration du délai de réflexion de la salariée, qui avait accepté la convention dès le 15 mai précédent,
– elle a versé à Madame X... son indemnité de licenciement et versé à l'ASSEDIC une somme de 4.301 € à titre de participation au finance- ment de la convention de reclassement,
– en cas d'acceptation en pleine connaissance de cause, comme en l'es- pèce, par le salarié de la convention, il n'y a pas lieu à mise en oeuvre exhaustive de la procédure de licenciement en matière économique, ni à recherche de la réalité du motif, que le salarié n'est plus fondé à contester ; en outre, ce motif économique est ici établi, réel et sérieux ;
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l' article 455 du nouveau code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ;
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur l'effet de l'adhésion à une convention de reclassement personnalisé : Le contrat de travail peut prendre fin, non seulement par un licencie- ment ou par une démission, mais encore du commun accord des parties;
La convention de reclassement personnalisé est définie par l'article L.321-4-2 du code du travail, issu de la loi du 18 janvier 2005, qui édicte que dans les entreprises non soumises aux dispositions de l'article L.324-1-3, l'employeur est tenu de proposer à chaque salarié dont il envisage le licenciement pour motif économique, le bénéfice d'une convention de reclassement person- nalisé ; en cas d'accord du salarié, le contrat est réputé rompu d'un commun accord des parties ;
La rupture d'un contrat de travail pour motif économique peut résulter d'un départ volontaire dans le cadre d'un accord collectif mis en oeuvre après consultation du comité d'entreprise, cette rupture constituant alors une résilia-tion amiable du contrat de travail ;
Toutefois le départ de Madame X... ne résulte pas de la mise en oeuvre d'un tel accord collectif prévoyant et organisant la rupture d'un commun accord, mais de la seule application de l'article L 321-4-2 précité, qui rappelle dans sa forme et ses fins, les dispositions de l'article L 321-6 issu de la loi du 30 décembre 1986 ;
La cause de cette rupture réputée de commun accord réside dans la seule volonté de l'employeur de procéder à un licenciement pour motif économi- que ; le dispositif relatif à la convention de reclassement fait partie intégrante de ce licenciement, pour en constituer une simple modalité ;
Les dispositions de l'article L. 122-14-2 du code du travail sont ainsi applicables au salarié qui adhère à une convention de reclassement personnalisé et dont le licenciement a été décidé, comme le confirme son droit à perception de l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ;
L'employeur doit notifier au salarié son licenciement et la lettre, qu'elle soit ou non suivie d'une convention, doit être motivée pour fixer les limites du litige ; La convention de reclassement personnalisé est le fruit de négociation entre les partenaires sociaux et d'un accord national interprofessionnel du 5 avril 2005 qui en son article 1o stipule qu'il est "institué des conventions de reclasse- ment personnalisé dont l'objet est de permettre aux salariés licenciés pour motif économique de bénéficier après la rupture de leur contrat de travail d'un ensemble de mesures leur permettant un reclassement accéléré" ; La cause de cette rupture réputée de commun accord réside dans la volonté de l'employeur de procéder à un licenciement pour motif économique;
La rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation par le salarié d'une convention de reclassement personnalisé doit avoir une cause économique réelle et sérieuse ; l'appréciation par le juge de cette cause ne peut résulter que des motifs énoncés par l'employeur dans la lettre de licenciement pour motif économique prévue par l'article L. 122-14-1 du même code ou encore par l'énon-cé de la cause économique de licenciement dans la convention de reclassement personnalisé ;
Sur l'absence de toute notification d'une lettre de licenciement et ses conséquen-ces :
Madame X... a adhéré à la convention sans avoir jamais reçu notification de son licenciement effectif ;
Il résulte de l'application combinée des articles L122-14-2, L321-1-1, L321-4-2 et L511-1 du code du travail que la convention de reclassement personnalisé, aux termes de laquelle le contrat de travail est réputé rompu du commun accord des parties, implique d'une part, l'existence d'un motif économi-que de licenciement qu'il appartient au juge de rechercher en cas de contestation et d'autre part, l'exécution par l'employeur d'obligations qu'il incombe au juge, en cas de litige, de vérifier.
En l'absence de toute lettre de licenciement, comme en l'absence d'é- noncé de la cause économique de licenciement dans la convention de reclasse- ment personnalisé, la validité de la motivation du licenciement ne peut être vérifiée ; en tout état de cause, l'absence de motivation du licenciement le rend nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Madame X... est en conséquence bien fondée à invoquer une telle absence de cause, sans qu'il y ait lieu à analyse de la situation effective de la société SEMBAT TOURISME à la date des faits, dès lors qu'elle n'a pas été énoncée à l'intention de la salariée ;
Il y a lieu à indemnisation de ce licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Sur le préjudice, conformément aux dispositions de l'article L 122-14-4 du code du travail applicable en l'espèce, la cour retient, pour la réparation qui ne peut être inférieure à six mois de salaires, que Madame X... a pu acquérir de nouvelles connaissances professionnelles après son départ et a retrouvé un emploi sans subir de pertes de revenus ; elle bénéficiait en revanche d'une expérience de son travail liée à son ancienneté effective de huit années qu'elle perd avec ce licenciement ; en conséquence cette réparation doit être fixée à la somme de 10.000 € ;
Sur le remboursement des indemnités ASSEDIC :
En application du même texte, l'appelante ayant perçu des indemnités de chômage de l'ASSEDIC; la Cour a des éléments suffisant pour fixer à trois mois les indemnités à rembourser par la société SEMBAT TOURISME ;
Sur l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile :
L'équité commande de mettre à la charge de la société SEMBAT TOURISME , qui doit être déboutée de sa demande du même chef, une somme de 1.000 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au profit de Madame X... au titre de l'instance d'appel ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
STATUANT en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement et statuant à nouveau :
DIT que le licenciement de Madame Djamila X... par la société SEMBAT TOURISME est dépourvu de cause réelle et sérieuse ,
En conséquence CONDAMNE la société SEMBAT TOURISME à payer à Madame X... la somme de DIX MILLE EUROS (10.000 €) à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêt de droit au taux légal du jour du présent arrêt,
ORDONNE à la société SEMBAT TOURISME le remboursement aux ASSEDIC des Yvelines des indemnités de chômage perçues par Madame X... dans la limite de trois mois,
ORDONNE la notification de l'arrêt aux ASSEDIC des Yvelines,
CONDAMNE la société SEMBAT TOURISME à payer à Madame X... la somme de MILLE EUROS (1.000 €) en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile pour les frais en appel,
REJETTE sa demande au même titre et la CONDAMNE aux dépens
Arrêt prononcé par Monsieur François BALLOUHEY, président, et signé par Monsieur François BALLOUHEY, président et par Madame Anne TERCHEL, greffier en chef, présent lors du prononcé.
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,