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29/11/2007 | FRANCE | N°569

France | France, Cour d'appel de Versailles, Ct0087, 29 novembre 2007, 569


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 63A

3ème chambre

ARRET No

PAR DEFAUT

DU 29 NOVEMBRE 2007

R. G. No 06 / 01529

AFFAIRE :

S. A. S. CLINIQUE CHIRURGICALE VAL D'OR
C /
Christiane X... épouse Y...
...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Octobre 2005 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
No chambre : 2
No RG : 04 / 9009

Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :

- SCP BOMMART MINAULT
-SCP LISSARRAGUE DUPUIS BO

CCON GIBOD
-SCP GAS
-SCPP FIEVET-LAFON
-SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT NEUF NOVEMBRE DEUX MIL...

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 63A

3ème chambre

ARRET No

PAR DEFAUT

DU 29 NOVEMBRE 2007

R. G. No 06 / 01529

AFFAIRE :

S. A. S. CLINIQUE CHIRURGICALE VAL D'OR
C /
Christiane X... épouse Y...
...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Octobre 2005 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
No chambre : 2
No RG : 04 / 9009

Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :

- SCP BOMMART MINAULT
-SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD
-SCP GAS
-SCPP FIEVET-LAFON
-SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE SEPT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S. A. S. CLINIQUE CHIRURGICALE VAL D'OR
14 / 16 rue Pasteur
92211 SAINT CLOUD CEDEX
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par la SCP BOMMART MINAULT, avoués-No du dossier 00032837
plaidant par Me Z..., avocat au barreau de PARIS (E. 549)

APPELANTE

****************

1 / Madame Christiane X... épouse Y...
...
80360 EQUANCOURT

2 / Madame Carole Y..., agissant tant en son nom personnel qu'ès qualités d'héritière de Mme Jeanne Y... née A..., décédée
...
80360 EQUANCOURT

représentées par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD, avoués No du dossier 0643064
plaidant par Me B... du cabinet MOR, avocat au barreau de PONTOISE

INTIMEES

4 / Monsieur C... Haissam D...
...
...
92211 SAINT CLOUD

représenté par la SCP GAS, avoués-No du dossier 20060312
plaidant par Me E... du cabinet FABRE, avocat au barreau de PARIS (R. 44)

INTIME

5 / Monsieur C... Jérémie-Bernard F...
...
...
92211 SAINT CLOUD

représenté par la SCP FIEVET-LAFON, avoués-No du dossier 260288
plaidant par Me G..., avocat au barreau de PARIS

INTIME

6 / CPAM DE LA SOMME
8 Place Louis Sellier
80021 AMIENS CEDEX 01
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par la SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER, avoués No du dossier 20060473

INTIMEE

7 / Monsieur Lionel Y..., agissant tant en son nom personnel qu'es qualité d'administrateur des biens de son fils mineur, Camille Charles Grégoire Y..., et qu'ès qualité d'héritier de Mme Jeanne Y... née A..., décédée
...
80200 ESTREES MONS

représenté par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD-No du dossier 0643064
plaidant par Me B... du cabinet MOR, avocat au barreau de PONTOISE

INTIME

8 / Monsieur Gérald Y..., ès qualité d'héritier de Mme Jeanne Y...
...
80200 PERONNE

ASSIGNE EN INTERVENTION FORCEE-DEFAILLANT

9 / Madame Marie-Paule H..., ès qualités d'héritière de Madame Jeanne Y...
...
34290 SERVIAN

INTIMEE DEFAILLANTE

10 / Madame Joëlle Y..., ès qualité d'héritière de Madame Jeanne Y...
...
34290 SERVIAN

INTIMEE DEFAILLANTE

11 / Monsieur Patrick Y..., ès qualités d'héritier de Madame Jeanne Y...
...
80200 MARCHELEPOT

INTIME DEFAILLANT

12 / Madame Béatrice Y..., ès qualités de d'héritière de Madame Jeanne Y...
...- ...
17000 LA ROCHELLE

INTIMEE DEFAILLANTE

13 / Monsieur Alain Y..., ès qualités d'héritier de Madame Jeanne Y...
...
...
80700 ROYE

INTIME DEFAILLANT

14 / Madame Géraldine Y..., ès qualités d'héritier de Madame Jeanne Y...
...
59800 BRUAY SUR ESCAUT

INTIMEE DEFAILLANTE

15 / Madame Corinne Y... épouse I..., ès qualités d'héritière de Madame Jeanne Y...
...
62124 NEUVILLE BOURJONVAL

INTIMEE DEFAILLANTE

16 / Madame Astrid Y... épouse J..., prise en sa qualité d'héritière de Madame Jeanne Y...
...
30140 ANDUZE

ASSIGNEE EN INTERVENTION FORCEE-DEFAILLANTE

17 / Madame Danielle Y...
ayant fait l'objet d'un procès-verbal de recherches infructueuses :
...
...
18100 VIERZON

ASSIGNEE EN INTERVENTION FORCEE-DEFAILLANTE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 Octobre 2007, Mme CALOT, Conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Joëlle BOURQUARD, Président,
Monsieur Marc REGIMBEAU, Conseiller,
Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Claire THEODOSE

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 22 mai 2001, M. Michel Y..., né le 23 septembre 1949, qui bénéficiait d'un suivi neurologique et carcinologique en raison d'un état antérieur, a été admis à la S. A. S. CLINIQUE CHIRURGICALE DU VAL D'OR à Saint-Cloud en vue d'une intervention chirurgicale pour exploration d'un nodule pulmonaire d'apparition récente.

L'exérèse du nodule présentant une structure adéno-carcinomateuse a été réalisée le 25 mai 2001 par le Docteur Haissam K..., chirurgien thoracique et vasculaire, à la S. A. S. CLINIQUE CHIRURGICALE DU VAL D'OR.

Les suites opératoires ont été favorables et M. Michel Y... a été ramené dans sa chambre le 27 mai après avoir été gardé au service de réanimation.

Le patient a été examiné le 28 mai 2001 en début de matinée par le Docteur Jérémie-Bernard F..., pneumologue.

Le 29 mai 201, la famille apprenait que M. Michel Y... avait fait deux chutes et qu'il était tombé dans le coma après une 3ème chute la veille au soir, ayant entraîné un traumatisme crânien, nécessitant son transfert au service de réanimation dans la soirée.

M. Michel Y... est décédé le 31 mai 2001 à la S. A. S. CLINIQUE CHIRURGICALE DU VAL D'OR des suites d'un hématome sous-dural.

Mme Christiane Y..., sa veuve, a saisi le juge des référés, qui a ordonné une expertise médicale, confiée au Professeur L..., par ordonnance de référé du 20 septembre 2002, lequel s'est fait assister d'un sapiteur en la personne du Docteur M..., neurologue.

L'ordonnance du 20 septembre 2002 était rendue commune au Docteur Jérémie-Bernard F... par ordonnance du 20 juin 2003.

Le rapport d'expertise daté du 1er décembre 2003 a été déposé.

Par actes du 28 juin et 1er juillet 2004, les consorts Y..., considérant que les Docteurs Haissam D... et Jérémie-Bernard F... n'avaient pas donné des soins attentifs, consciencieux et diligents à M. Michel Y... et que leur responsabilité solidaire, ainsi que celle de la S. A. S. CLINIQUE CHIRURGICALE DU VAL D'OR était engagée, les ont assignés devant le tribunal de grande instance de Nanterre au visa de l'article 1147 du code civil et des articles L 1110-1 et L 1110-5 du code de la santé publique.

Par jugement rendu le 28 octobre 2005, le tribunal de grande instance de Nanterre a :

- constaté la responsabilité des défendeurs " des fautes " qui ont conduit au décès de M. Michel Y...

- dit que les Docteurs Haissam D... et Jérémie-Bernard F... et la S. A. S. CLINIQUE CHIRURGICALE DU VAL D'OR, sont responsables in solidum du préjudice subi par les ayants droit de M. Michel Y... en raison du décès de celui-ci

-ordonné que dans leur rapport entre eux les Docteurs Haissam D... et Jérémie-Bernard F... seront tenus à hauteur de 10 % chacun et la S. A. S. CLINIQUE CHIRURGICALE DU VAL D'OR à hauteur de 80 % et qu'ils pourront avoir une action récursoire entre eux à cette hauteur

-en tant que de besoin, les a condamnés dans ces proportions à s'indemniser entre eux

-condamné in solidum les Docteurs Haissam D... et Jérémie-Bernard F... et la S. A. S. CLINIQUE CHIRURGICALE DU VAL D'OR in solidum à payer aux ayants droit de M. Michel Y..., les sommes fixées ci-après, ainsi qu'à la CPAM de la Somme, les sommes soumises à recours :

* à Mme Christiane Y... son épouse

-fixé le préjudice soumis au recours des organismes sociaux à la somme de 78. 045, 01 euros sous déduction de la créance de la CPAM de la Somme d'un montant de 7. 484, 84 euros

-fixé le préjudice non soumis à recours à la somme de 22. 000 euros

-en conséquence, condamné in solidum les Docteurs Haissam D... et Jérémie-Bernard F... et la S. A. S. CLINIQUE CHIRURGICALE DU VAL D'OR in solidum à payer à Mme Christiane Y..., la somme de 93. 560, 17 euros et la somme de 7. 484, 84 euros à la CPAM de la Somme avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision, outre l'indemnité forfaitaire de 762, 25 euros

* à M. Lionel Y..., son fils, la somme de 15. 000 euros

* à Mlle Carole Y..., sa fille, la somme de 15. 000 euros

* à Mme Jeanne Y..., sa mère, la somme de 10. 000 euros

* à M. Lionel Y..., agissant en qualité de représentant légal de son fils mineur, Camille, la somme de 5. 000 euros

-ordonné l'exécution provisoire de la décision

-condamné in solidum les Docteurs Haissam D..., Jérémie-Bernard F... et la S. A. S. CLINIQUE CHIRURGICALE DU VAL D'OR à payer :

* aux consorts Y..., la somme de 4. 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et à la CPAM de la Somme, celle de 800 euros au même titre

-dit n'y avoir application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile dans les rapports entre les codéfendeurs

-condamné in solidum les Docteurs Haissam D..., Jérémie-Bernard F... et la S. A. S. CLINIQUE CHIRURGICALE DU VAL D'OR aux dépens, qui comprendront les frais d'expertise.

Par déclaration du 27 février 2006, la S. A. S. CLINIQUE CHIRURGICALE DU VAL D'OR a interjeté appel du jugement.

Vu les conclusions déposées le 26 juin 2006, aux termes desquelles la S. A. S. CLINIQUE CHIRURGICALE DU VAL D'OR, appelante, sollicite de la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a retenu sa responsabilité

-débouter les consorts Y... de leurs demandes,

- subsidiairement, dire et juger que le préjudice subi par les consorts Y... doit s'analyser en une perte de chance dont le taux ne saurait être supérieur à 10 %

- débouter Mme Christiane Y... de sa demande en réparation de son préjudice économique

-dire que la créance de la CPAM de la Somme est de 6. 722, 59 euros

-confirmer les évaluations des préjudices moraux faites par le jugement

-l'infirmer en ce qu'il n'a pas limité à 10 % de ces évaluations, les indemnités allouées aux consorts Y... en tenant compte du fait que leur préjudice doit s'analyser comme une perte de chance

-condamner in solidum le Docteur Haissam D... et le Docteur Jérémie-Bernard F... à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée contre elle en principal, intérêts et frais ainsi qu'au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile par application de l'article 1147 du code civil et éventuellement, 1382 du même code

-rejeter toute autre demande tant en garantie que principale

-condamner les parties succombantes à lui payer la somme de 1. 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile

aux motifs que :

- l'obligation de sécurité d'un établissement de soins est une obligation de moyens

-les conditions de sa responsabilité ne sont pas démontrées

-il appartenait aux médecins de prescrire des mesures particulières de contention

-il n'apparaît pas que des consignes particulières aient été données à l'infirmière compte tenu des antécédents et des recommandations familiales

-il ne peut être reproché à l'infirmière de ne pas avoir pris de précautions supplémentaires alors qu'aucune instruction en ce sens ne lui avait été donnée auparavant bien que le risque important de chute soit connu

-des soins ont été donnés à M. Michel Y... immédiatement après la 3ème chute

-c'est l'état antérieur de M. Michel Y... qui est à l'origine de la chute qui a entraîné sa mort et non un manquement de la S. A. S. CLINIQUE CHIRURGICALE DU VAL D'OR à son obligation de sécurité

-Mme Christiane Y... n'a pas justifié avoir subi une perte de revenus du fait du décès de son époux.

Vu les conclusions déposées le 1er mars 2007, aux termes desquelles le Docteur Jérémie-Bernard F..., intimé, sollicite de la cour de :

- Vu l'article 1147, les articles L 1142-1 et suivants du CSP et le rapport d'expertise

* A titre principal,

- infirmer le jugement en ce qu'il a retenu une faute à son encontre

-rejeter toute demande à son encontre et prononcer sa mise hors de cause

* A titre subsidiaire

-dire et juger que sa part de responsabilité dans le décès de M. Michel Y... ne saurait excéder 5 % du préjudice et condamner la S. A. S. CLINIQUE CHIRURGICALE DU VAL D'OR à le relever et le garantir

* A titre infiniment subsidiaire

-infirmer le jugement en ce qu'il a considéré que l'indemnisation du préjudice ne devait pas s'apprécier en termes de perte de chance

-dire et juger que le manquement du Docteur Jérémie-Bernard F... n'a été à l'origine pour le patient que d'une perte de chance d'éviter une chute mortelle et fixer ce taux à un pourcentage qui ne saurait dépasser 10 % de l'entier préjudice et l'affecter à l'indemnisation des préjudices dont les consorts Y... réclament réparation

* sur les préjudices soumis à recours

-infirmer le jugement

-constater que la CPAM de la Somme n'établit ni la certitude ni l'imputabilité aux actes en cause de sa créance relativement au versement d'un capital décès à la veuve de M. Michel Y...

- dire et juger que la créance de la CPAM de la Somme ne saurait excéder la somme de 1. 871, 33 euros

-constater que la demande d'indemnisation de Mme Christiane Y... au titre des frais funéraires est excessive et en partie injustifiée et par conséquent, réduire la somme à laquelle elle peut prétendre à 5. 145, 57 euros

-constater que l'existence d'un préjudice économique subi par Mme Christiane Y... n'est pas établie et en conséquence, rejeter sa demande

* sur les préjudices personnels, infirmer le jugement

-dire et juger que les enfants du défunt ne sont pas recevables à réclamer en leur seule qualité d'ayants droit de Mme Jeanne Y..., l'indemnisation d'un préjudice moral subi par celle-ci

-dire et juger que les autres préjudices moraux des consorts Y... ne sauraient être évalués à des sommes supérieures à 15. 000 euros pour sa veuve, à 10. 000 euros pour chacun de ses enfants, 3. 000 euros pour son petit-fils
* en tout état de cause

-condamner la S. A. S. CLINIQUE CHIRURGICALE DU VAL D'OR ou toute autre partie succombante à lui verser la somme de 6. 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile

-rejeter la demande d'indemnité de la CPAM de la Somme fondée sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile

aux motifs que :

- lors de son examen le 28 mai 2001, il n'existait aucun élément pouvant justifier une mesure de contention

-avant les chutes, les soins étaient attentifs et adaptés à l'état du malade

-les manifestations très modérées qu'il a présentées avant ses chutes ne devaient pas entraîner de modification dans la conduite thérapeutique ni de la surveillance

-selon les experts, la précaution supplémentaire aurait due être mise en place postérieurement à sa visite, lorsque l'infirmière a constaté un état instable

-il n'a jamais été prévenu par les infirmières des malaises survenus le matin

-il n'était pas de garde le 28 mai 2001 et avait quitté la S. A. S CLINIQUE CHIRURGICALE DU VAL D'OR lorsque le patient avait fait les deux premières chutes

-les infirmières n'ont signalé ces deux chutes à aucun praticien

-il ne saurait être responsable de la carence de la S. A. S CLINIQUE CHIRURGICALE DU VAL D'OR qui n'a pu préciser le nom des médecins de garde le 28 mai 2001 et qui n'apporte pas la preuve qu'une infirmière ait alerté oralement un médecin

-il ne saurait être responsable de la surveillance post-opératoire du patient

-le suivi post-opératoire du patient incombe au chirurgien qui a réalisé l'intervention et à l'anesthésiste

-aucune mesure n'a été prise pour empêcher la 3ème chute qui a été fatale au patient

-une mesure de contention prévue en amont mais comme éventuelle par un praticien, n'aurait pas permis d'éviter tout risque de chute fatale

-il n'est pas certain que si les praticiens avaient attiré l'attention des infirmières sur la possibilité d'immobiliser le patient, celles-ci auraient appliqué cette consigne à titre préventif

-Mme Christiane Y... subvenait aux besoins de son mari et non l'inverse

Vu les conclusions déposées le 7 septembre 2007, aux termes desquelles, le Docteur Jérémie-Bernard D..., intimé, sollicite de la cour de :

- Vu l'article 1147 du code civil et la loi du 4 mars 2002

* A titre principal,

- infirmer le jugement en ce qu'il a retenu sa responsabilité à son encontre

-constater que les consorts Y... ne rapportent pas la preuve d'une faute commise par lui présentant un lien causal certain et direct avec le décès de M. Michel Y...

- rejeter toute demande à son encontre et prononcer sa mise hors de cause

-condamner les consorts Y... au paiement de la somme de 1. 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile

* A titre subsidiaire

-dire et juger que son manquement ne pourrait être à l'origine pour le patient que d'une perte de chance d'éviter le décès

-dire que ce taux de perte de chance ne saurait excéder 10 %

- affecter le taux de perte de chance retenu à l'ensemble des préjudices réclamés

-débouter la CPAM de la Somme

-dire que l'indemnisation de Mme Christiane Y... au titre des frais funéraires sera limitée, avant application du taux de perte de chance, à la somme de 3. 306, 40 euros

-rejeter sa demande au titre d'un préjudice économique

-juger satisfactoire d'allouer les sommes suivantes au titre du préjudice moral avant application du taux de perte de chance : 22. 000 euros pour sa veuve, 15. 000 euros pour chacun de ses enfants, 5. 000 euros pour son petit-fils et 10. 000 euros pour sa mère, décédée, représentée par ses petits-enfants

-condamner la S. A. S. CLINIQUE CHIRURGICALE DU VAL D'OR à le garantir

-débouter les demandeurs du surplus de leurs demandes

-débouter la S. A. S. CLINIQUE CHIRURGICALE DU VAL D'OR de ses demandes

* en tout état de cause,

- condamner les consorts Y... à lui payer la somme de 1. 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile

aux motifs que :

- la preuve d'un manquement à son obligation de moyens n'est pas démontrée

-aucun manquement n'est relevé dans le rapport d'expertise au niveau de l'indication opératoire, de la technique chirurgicale ou du suivi post-opératoire

-il appartenait le cas échéant au réanimateur de prescrire les mesures qui s'imposaient pour éviter les chutes

-aucune mesure particulière, notamment de contention, ne s'imposait lors de l'hospitalisation de M. Michel Y...

- le personnel infirmier était prévenu de l'état épileptique présenté par le patient

-le personnel infirmier n'a nullement prévenu quelque médecin que ce soit, des chutes faites par le patient

-à titre subsidiaire, le patient présentait un état neurologique antérieur grave à l'origine de chutes

-le tribunal a commis des erreurs dans le décompte des sommes à revenir à la veuve du défunt

-il n'a nullement manqué à son obligation d'information et de transmission de consignes au personnel.

Vu les conclusions déposées le 2 août 2007, aux termes desquelles les consorts Christiane X... veuve Y..., Mme Carole Y..., agissant tant en son nom personnel qu'es qualités d'héritière de sa grand-mère, Mme Jeanne A... veuve Y... et M. Lionel Y..., agissant tant en son nom personnel qu'es qualités d'administrateur des biens de son fils mineur, Camille Y..., né le 25 janvier 2001 et d'héritier de sa grand-mère, Mme Jeanne A... veuve Y..., intimés, sollicitent de la cour de :

- Vu l'article 1147, l'article L 1142-1 du CSP et le rapport d'expertise

-confirmer le jugement sur les responsabilités du Docteur Haissam D..., du Docteur Jérémie-Bernard F... et de la S. A. S. CLINIQUE CHIRURGICALE DU VAL D'OR et en ce qu'il a condamné in solidum les défendeurs à réparer les conséquences du décès de M. Michel Y...

- les recevoir en leur appel incident

-condamner solidairement l'établissement de soins et les praticiens à payer à Mme Christiane Y... la somme de 141. 267, 91 euros en réparation de son préjudice

-condamner solidairement l'établissement de soins et les praticiens à payer à M. Lionel Y... la somme de 20. 000 euros en réparation de son préjudice

-condamner solidairement l'établissement de soins et les praticiens à payer à Mme Carole Y... la somme de 20. 000 euros en réparation de son préjudice

-condamner solidairement l'établissement de soins et les praticiens à payer à M. Lionel Y..., es qualités de son fils mineur, la somme de 10. 000 euros en réparation de son préjudice

-condamner solidairement l'établissement de soins et les praticiens à payer aux ayants droit de Mme Jeanne Y... la somme de 25. 000 euros en réparation de leur préjudice

-dire que l'établissement de soins et les praticiens devront régler à la CPAM de la Somme la somme de 6. 722, 59 euros

-confirmer le jugement déféré sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile

-condamner solidairement l'établissement de soins et les praticiens à payer aux consorts Y... la somme de 5. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile

aux motifs que :

- il appartenait aux médecins de prescrire d'emblée des mesures permettant d'assurer la sécurité du patient

-dès le 27 mai, le patient était signalé comme désorienté et donc présentant un risque accru de chute

-la S. A. S. CLINIQUE CHIRURGICALE DU VAL D'OR a manqué à son obligation de surveillance et dans l'organisation

-des mesures auraient dû être prises pour éviter le risque de réitération après la 1ère chute, alors que le risque de chute chez un sujet épileptique est connu et nécessitait une surveillance accrue

-l'argumentation sur la perte de chance ne peut prospérer, car il existe un lien direct et certain entre la faute et le dommage, le patient étant décédé des suites de la 3ème chute

-la pension d'invalidité du défunt n'est pas soumise à imposition mais entre bien dans les revenus du ménage (revenu de substitution)

- le Docteur Jérémie-Bernard F... aurait dû donner des instructions précises pour une surveillance accrue du malade, voire prescrire une mesure de contention, il y a eu un défaut de suivi d'une information pourtant claire et précise

-le Docteur Jérémie-Bernard F... ne pouvait ignorer l'état épileptique du patient qui figurait en bonne place dans le dossier médical et devait prescrire les mesures appropriées

-le Docteur Haissam D... a une obligation de suivi à l'égard de son patient qui dépasse le stade de l'intervention chirurgicale

-il lui appartient de prendre les mesures qu'impose l'état de son malade pour éviter une complication post-opératoire

-il était parfaitement avisé des antécédents de son patient, notamment de sa susceptibilité à présenter des crises d'épilepsies et autres manifestations neurologiques entraînant des chutes

-au sortir du service de réanimation, des mesures s'imposaient pour éviter les chutes, elles auraient dû être prescrites par le Docteur Haissam D... au même titre que le Docteur Jérémie-Bernard F...

- selon l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006, l'évaluation doit être faite poste par poste et le recours des organismes sociaux ne s'exerce que sur les seuls préjudices à caractère économique

-la cour doit prendre en compte l'intervention de cette nouvelle loi et doit procéder à une nouvelle répartition des postes de préjudice, selon la nomenclature Dintilhac.

Vu les conclusions déposées le 19 juin 2007, aux termes desquelles, la CPAM de la SOMME ayant son siège à Amiens, sollicite de la cour de :

- constater que sa créance définitive s'élève à la somme de 6. 722, 59 euros au titre des prestations en nature

-vu l'article L 376-1 du code de la Sécurité sociale

-dire et juger que la concluante a droit au remboursement prioritaire de sa créance sur l'indemnité mise à la charge du tiers réparant l'atteinte à l'intégrité physique de la victime

-dire et juger que sa créance doit porter intérêts de droit à compter de la première demande pour les prestations servies antérieurement à celle-ci et à partir de leur règlement pour les débours effectués postérieurement

-en tant que de besoin, condamner in solidum l'établissement de soins et les praticiens, à lui payer la somme de 6. 722, 59 euros correspondant aux prestations en nature (hospitalisations et capital décès)

- lui donner acte de ses réserves pour les prestations non connues à ce jour et pour celles qui pourraient être versées ultérieurement

-condamner l'appelante à lui payer la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles et celle de 926 euros à titre d'indemnité forfaitaire de recouvrement conformément à l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale

-débouter toute partie contestante de toutes ses demandes

aux motifs que :

- elle s'en rapporte sur le mérite de l'appel

-l'indemnité de recouvrement a été comptabilisée deux fois par le tribunal

-le montant de l'indemnité forfaitaire de recouvrement a été porté à 926 euros (loi du 19 décembre 2005)

- le Docteur Haissam D... ne saurait valablement contester la créance de la caisse, alors qu'il ressort de l'attestation d'imputabilité établie par le Docteur N... du service médical recours contre tiers, que les frais d'hospitalisation du 28 au 31 mai 2001, sont en relation directe et certaine avec l'accident thérapeutique dont a été victime M. Michel Y...

- les complications sont survenues dès le lendemain de l'intervention à la suite des trois chutes de la victime

-il ne s'agit pas de suites normales d'une intervention chirurgicale

-la demande de la CPAM de la Somme ne prend en compte que les seules complications liées à l'accident, à l'exclusion des prestations liées à l'état de santé initial de la victime

-les praticiens ne sauraient remettre en cause l'attribution d'un capital décès par la caisse au profit de la veuve de la victime

-les deux indemnités réclamées au titre des frais de procédure ne font pas double emploi et n'ont pas le même objet.

Vu les assignations en intervention forcée délivrées à la requête de la S. A. S. CLINIQUE CHIRURGICALE DU VAL D'OR aux enfants de feu Mme Jeanne A... veuve Y..., décédée en cours de procédure, le 14 novembre 2005, à savoir, M. Gérald Y..., Mme Joëlle Y..., Mme Marie-Paule H..., M. Patrick Y..., Mme Béatrice Y..., M. Alain Y..., Mme Géraldine Y..., Mme Corinne Y... épouse I..., Mme Astrid Y... épouse J... et Mme Danielle Y... (procès-verbal de recherches infructueuses) en leur qualité d'héritiers de leur mère.

Les ayants droit de Mme Jeanne A... veuve Y..., assignés en intervention forcée, n'ont pas constitué avoué.

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 11 octobre 2007.

MOTIFS DE LA DECISION

-Sur le fondement juridique des demandes

Considérant qu'il ressort des dispositions de la loi du 30 décembre 2002 relative à la responsabilité civile médicale codifiée dans l'article L 1142-1- I du code de la santé publique, que la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé s'applique aux accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales consécutifs à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisés à compter du 5 septembre 2001, même si ces accidents médicaux, affections iatrogène et infections nosocomiales font l'objet d'une instance en cours, à moins qu'une décision de justice irrévocable n'ait été prononcée ;

Qu'en l'espèce, l'intervention chirurgicale de M. Michel Y..., date du 25 mai 2001 et sa chute responsable de l'accident neurologique fatal, est du 28 mai 2001 ;

Que le fait générateur étant antérieur au 5 septembre 2001, les articles L 1142-1 du code de la santé publique invoqués par les consorts Y... et par le Docteur Jérémie-Bernard F..., n'ont pas vocation à s'appliquer et c'est dont à juste titre que les premiers juges ont écarté l'application des dispositions de la loi du 4 mars 2002 ;

- Sur la responsabilité des praticiens pour manquement à leur obligation de prudence

Considérant que l'obligation pesant sur le médecin à l'égard de son patient est celle de lui donner des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science ;

Que la violation même involontaire de cette obligation contractuelle est sanctionnée par une responsabilité de même nature dans les termes de l'article 1147 du code civil ;

Qu'en l'espèce, les premiers juges ont à bon droit constaté le manquement du Docteur Haissam D... et du Docteur Jérémie-Bernard F... et de la S. A. S. CLINIQUE CHIRURGICALE DU VAL D'OR à leurs obligations liées à la surveillance post-opératoire du patient, pour défaut de mesures propres à assurer la sécurité de M. Michel Y... ;

Qu'en effet, le Professeur L... conclut son rapport dans ces termes :

" M. Y... présentait un état neurologique très sévère, connu de tous. Il présentait également un second cancer pulmonaire nécessitant la conduite thérapeutique qui a été adoptée par le chirurgien.
Avant l'intervention chirurgicale, pendant cette intervention, dans les suites immédiates en réanimation puis à la suite de la dernière chute responsable d'un accident neurologique fatal, la conduite thérapeutique du Dr D... et de la Clinique ont été conformes aux données médicales admises.
Dans la journée du 28 mai, journée où est survenu l'accident fatal à 20 h 45, le patient a été vu en début de matinée par le Dr D... et par le O... Saada qui n'ont pas constaté d'éléments pouvant les alarmer et qui n'ont pas prescrit des mesures particulières de contention sur la notion connue du risque de chute.
L'état de leur patient semblait stabilisé et la famille n'était pas alarmée. Néanmoins, l'infirmière a constaté un état instable ce qui a été noté une fois sur un document mais aucun médecin n'aurait été prévenu. Pour le sapiteur neurologue, un précaution supplémentaire aurait dû être le recours à une contention au fauteuil ou au lit afin d'éviter les chutes. Cette prescription dépendant des Drs D... et / ou Saada, ces médecins déclarent ne pas avoir été prévenus ni des malaises ni des chutes initiales, le 28 mai " ;

Considérant que le médecin, seul maître du traitement, est tenu de prendre les mesures nécessaires pour que son patient ne compromette pas sa sécurité ;

Que selon les experts, le Docteur Jérémie-Bernard F..., responsable d'une visite par jour, collabore avec le chirurgien, le Docteur Haissam D..., aux suites opératoires, dans le cadre de l'organisation de la S. A. S. CLINIQUE CHIRURGICALE DU VAL D'OR ;

Qu'il convient de considérer que les fautes conjuguées de ces deux praticiens qui se sont abstenus d'une part, de prendre les mesures qui s'imposaient à l'égard d'un patient, dont les antécédents d'épilepsie et les risques de chute étaient connus de l'équipe médicale et notés sur les fiches d'observation de la S. A. S. CLINIQUE CHIRURGICALE DU VAL D'OR, d'autre part, de prescrire au personnel infirmier une surveillance post-opératoire particulièrement attentive, ont concouru à la réalisation du dommage de la victime ;

Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que le décès de M. Michel Y... est dû aux fautes conjuguées du Docteur Haissam D..., du Docteur Jérémie-Bernard F... et de la S. A. S. CLINIQUE CHIRURGICALE DU VAL D'OR, mais réformé sur le partage de responsabilité entre les acteurs de santé ;

Qu'il convient de considérer, dans les rapports entre la clinique et les praticiens s'agissant de la contribution à la dette, que la faute des praticiens est intervenue dans la réalisation du dommage à raison de 30 %, soit 15 % pour chacun des praticiens ;

- Sur la responsabilité de la S. A. S. CLINIQUE CHIRURGICALE DU VAL D'OR pour manquement à son obligation de surveillance post-opératoire

Considérant qu'il convient de rappeler qu'en vertu du contrat d'hospitalisation liant l'établissement de soins au patient, la S. A. S. CLINIQUE CHIRURGICALE DU VAL D'OR était tenue de donner à M. Michel Y... des soins continus, attentifs et consciencieux, conformes aux données acquises de la science, en particulier lui garantir une surveillance post-opératoire adaptée à son état ;

Que la violation même involontaire de cette obligation contractuelle est sanctionnée par une responsabilité de même nature dans les termes de l'article 1147 du code civil ;

Considérant que seuls les médecins et chirurgiens sont susceptibles de répondre des actes de soins pratiqués ;

Qu'en revanche, l'établissement de soins est tenu à une obligation de surveillance médicale du patient en fonction de sa pathologie et de ses traitements antérieurs ;

Que les antécédents d'épilepsie sévère associée à un traitement médical et les risques de chute étaient portés à la connaissance de la clinique, que ces informations devaient lui permettre de prendre des mesures adaptées à l'état du patient et aux risques liés à sa prise en charge, par la mise en oeuvre d'une surveillance particulière ;

Que c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu une faute de la S. A. S. CLINIQUE CHIRURGICALE DU VAL D'OR dans l'accomplissement du contrat d'hospitalisation et de soins la liant à son patient, en considérant qu'elle n'avait pas pris de mesures ni après la première chute, ni après la deuxième chute, pour éviter toute réitération et prendre immédiatement un avis médical afin d'assurer la sécurité du patient dont les fiches de surveillance indiquaient : " patient très agité " ;

Qu'en effet, la 3ème chute de M. Michel Y... (à 20 h45), ayant entraîné un traumatisme crânien et un coma, est également imputable à une faute de surveillance du personnel hospitalier, qui n'avait pas avisé l'équipe médicale de garde, lors des deux précédentes chutes (à 19 h et 19 h 50), des troubles de l'équilibre présentés par le patient, alors que le dossier médical de M. Michel Y... mentionnait le 22 mai " patient épileptique ", le 25 mai " risques de chutes, patient désorienté à surveiller ", que la transmission réfléchie de cette information à l'équipe médicale aurait permis la mise en place d'un dispositif de protection, tel qu'une contention au fauteuil ou au lit, pour éviter les chutes ;

Que le patient n'a fait l'objet d'une surveillance attentive qu'une heure après sa 3ème chute, après l'apparition de vomissements vers 22 h ;

Considérant qu'au regard des observations développées par les experts, la part de responsabilité imputable à la défaillance de la S. A. S. CLINIQUE CHIRURGICALE DU VAL D'OR dans l'organisation des soins, sera retenue à hauteur de 70 %, s'agissant de la contribution à la dette ;

Que dans leurs rapports, le Docteur Haissam D... et le Docteur Jérémie-Bernard F... supporteront donc chacun 15 % des condamnations et la S. A. S. CLINIQUE CHIRURGICALE DU VAL D'OR supportera 70 % ;

- Sur les appels en garantie réciproques entre les praticiens et l'établissement de soins

Considérant que ces demandes seront rejetées au regard des faits imputables à chacun des acteurs de santé et de leur contribution à la dette précédemment fixée ;

- Sur l'étendue du droit à indemnisation des consorts Y...

Considérant que la S. A. S. CLINIQUE CHIRURGICALE DU VAL D'OR et les praticiens font grief au jugement d'avoir accordé une indemnisation intégrale aux consorts Y... et de ne pas avoir limité celle-ci à une perte de chance, du fait que la chute est en rapport avec un état antérieur du patient, qui souffrait de crises d'épilepsie ;

Considérant que les experts précisent que " La cause du décès est indiscutablement en rapport avec le traumatisme crânien, que le traumatisme est probablement secondaire à des crises d'épilepsie et à l'état neurologique du patient tel qu'il était auparavant " ;

Qu'ils ajoutent que " La complication cérébrale est en relation avec les chutes. La chute est en rapport avec l'état antérieur du patient. La chute a été aggravée par un traitement anti-coagulant indispensable qui a pu favoriser la constitution d'un hématome sous dural aigu (...), " que le patient est sous traitement et il y a un risque permanent de mort brutale sur ce terrain " ;

Qu'il en résulte que M. Michel Y... présentait un état neurologique antérieur grave à l'origine de chutes, que le préjudice de la victime et des proches doit s'analyser en termes de perte de chance, dès lors que l'état de santé de M. Michel Y... était altéré par ses antécédents, les experts relevant en page 8 de leur rapport que " M. Y... avait des antécédents d'adénome hypophysaire opéré et d'hydrocéphalie opérée à trois reprises. Il présentait des crises d'épilepsie temporale réfractaire associant crises partielles complexes et crises morphéïques secondairement généralisées. Il présentait également une détérioration cognitive avec ralentissement idéo-moteur et des éléments frontaux qui compromettaient son insertion professionnelle et motivant l'attribution d'une carte d'invalidité.
D'après l'épouse, il faisait des chutes fréquentes à son domicile " ;

Que les fautes conjugués des praticiens et de la clinique ont fait perdre au patient une chance réelle et sérieuse d'éviter une chute mortelle au décours d'une crise d'épilepsie ;

Que ce taux de perte de chance doit être évalué à 50 % de l'indemnisation allouée ;

Que le jugement sera réformé de ce chef ;

- Sur la réparation des préjudice subis par les consorts Y...

Considérant que les consorts Y... sont bien-fondés à obtenir réparation de la perte de chance de survie à hauteur de 50 % du préjudice réparable ;

Considérant que le recours de la CPAM de la Somme s'exercera poste par poste sur les indemnités réparant les préjudices pris en charge par la caisse, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel ;

1) Préjudices patrimoniaux des victimes par ricochet

-Dépenses de santé actuelles : frais pris en charge par la CPAM de la Somme (frais d'hospitalisation du 28 mai au 31 mai 2001) : 1. 871, 33 euros

Le recours de l'organisme social s'exercera à hauteur de 1. 871, 33 euros sur ce poste, diminué de la perte de chance, soit 935, 66 euros.

Les tiers responsable n'ont pas qualité pour contester la créance des organismes sociaux, dès lors que le lien de causalité entre le service des prestations et le dommage subi n'a pas été remis en cause par les ayants droit de la victime.

La contestation du Docteur Haissam D... relativement à la créance de la caisse sera rejetée, au vu de l'attestation d'imputabilité établie par le Docteur N..., du service médical recours contre tiers, selon laquelle ces frais sont en relation directe et certaine avec " l'accident thérapeutique dont a été victime M. Y... " de même que l'argumentation des praticiens tendant à remettre en cause l'attribution du capital-décès au profit de la veuve de la victime ;

- Frais d'obsèques :

La CPAM de la Somme a versé la somme de 4. 851, 26 euros au titre du capital-décès.

Mme Christiane Y... sollicite la somme de 360 euros (acquisition d'une concession le 9 août 2001), celle de 2. 946, 38 euros au titre des frais funéraires et celle de 4. 892, 09 euros au titre des travaux de marbrerie.

Au regard de la date d'acquisition de la concession, la facture afférente du Trésor Public d'un montant de " 360 " ne peut être libellée qu'en francs et non en euros.

Il sera fait droit à la demande de Mme Christiane Y... à hauteur de 54, 88 euros au titre des frais d'acquisition d'une concession, à celle de 2. 946, 38 euros au titre des frais funéraires et à celle de 3. 261 euros seulement au titre des travaux de marbrerie, la facture concernant un caveau 2 places, soit au total, la somme de 6. 262, 26 euros, sous réserve d'appliquer un abattement de 50 % pour perte de chance, soit un solde de 3. 131, 13 euros au profit de Mme Christiane Y....

Le recours de l'organisme social s'exercera à hauteur de 2. 425, 63 euros, après abattement, sur ce poste, soit un solde revenant à la victime de 705, 50 euros.

- Pertes de revenus du conjoint :

Mme Christiane Y... sollicite l'allocation d'un préjudice économique en sa qualité de veuve, qu'il convient d'évaluer comme suit :

- revenu annuel du foyer : pension d'invalidité du mari de 52. 718 francs ou 8. 036, 81 euros (soit 669 euros / mois) en 2000 + 93. 407 francs ou 14. 239, 81 euros perçue par l'épouse, soit un total de 22. 276, 62 euros

-à déduire :

- part d'autoconsommation de la victime : 35 %

- salaire perçu par le conjoint survivant : 14. 239, 81 euros

. soit une perte de revenus du foyer de 240 euros

-part de la veuve dont la part sera fixée à 70 %, compte tenu des charges du foyer qu'elle continue à assumer : 240 euros x 70 % = 168 euros

-prise en compte du prix de rente à l'âge du décès de la victime (51 ans), soit une perte annuelle capitalisée de 18, 424 x 168 = 3. 095, 23 euros

-abattement pour perte de chance : 1. 547, 61 euros

L'organisme social n'a pas de créance à faire valoir sur ce poste de préjudice.

2) Préjudices personnels : préjudices d'affection

-de sa veuve, Mme Christiane Y... : 18. 000 euros après abattement

-des enfants de la victime : 7. 500 euros après abattement

-du petit-fils de la victime : 2. 500 euros après abattement

-de la mère du défunt (représentée par ses ayants droit) : 5. 000 euros après abattement, étant précisé que ses ayants droit sont recevables à réclamer l'indemnisation du préjudice moral subi par celle-ci, cette action en réparation d'un préjudice extra-patrimonial leur ayant été transmise par voie successorale.

Considérant qu'il convient d'allouer aux consorts Y... la somme de 2. 000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en cause d'appel, en complément de celle allouée par les premiers juges ;

Considérant que le présent arrêt constitue un titre de recouvrement pour les sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire sur lesquelles courront les intérêts dès sa signification ;

- Sur les demandes de la CPAM de la Somme

Considérant qu'il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné in solidum les Docteurs Haissam D..., Jérémie-Bernard F... et la S. A. S. CLINIQUE CHIRURGICALE DU VAL D'OR à payer les débours exposés par la CPAM de la Somme, mais rectifié quant au montant du recours :

- l'organisme social pourra exercer son recours subrogatoire au titre des dépenses d'hospitalisation, soit la somme de 935, 66 euros après abattement pour perte de chance

-l'organisme social pourra exercer son recours subrogatoire au titre des frais d'obsèques, soit la somme de 2. 425, 63 euros après abattement pour perte de chance ;

Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué à l'organisme social la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles et celle de 762, 25 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement ;

Qu'il lui sera alloué en cause d'appel la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles et celle de 926 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement résultant de sa rédaction issue de l'ordonnance du 24 janvier 1996, après revalorisation par la loi du 19 décembre 2005 ;

PAR CES MOTIFS

Vu les rapports d'expertise médicale du Professeur L..., assisté du sapiteur le Docteur M...,

Statuant publiquement, par défaut et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

- écarté l'application des dispositions de la loi du 4 mars 2002 au présent litige

-constaté les manquements du Docteur Haissam D..., du Docteur Jérémie-Bernard F... et de la S. A. S. CLINIQUE CHIRURGICALE DU VAL D'OR à leurs obligations liées à la surveillance post-opératoire du patient,

- dit que les praticiens et l'établissement de soins sont responsables du décès de M. Michel Y...

- condamné in solidum les Docteur Haissam D... et Jérémie-Bernard F... et la S. A. S. CLINIQUE CHIRURGICALE DU VAL D'OR à réparer le préjudice subi par les consorts Y...

- les a condamnés, in solidum, à payer la somme de 800 euros à la CPAM de la Somme au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et l'indemnité forfaitaire de 762, 25 euros ;

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Vu l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006,

Dit que la part de responsabilité imputable au manquement du Docteur Haissam D... et du Docteur Jérémie-Bernard F... sera retenue à hauteur de 15 % chacun,

Dit que la défaillance de la S. A. S. CLINIQUE CHIRURGICALE DU VAL D'OR dans l'organisation des soins et de la surveillance post-opératoire, sera retenue à hauteur de 70 %,

Dit que dans leurs rapports, s'agissant de la contribution à la dette, le Docteur Haissam D... et le Docteur Jérémie-Bernard F... supporteront chacun 15 % des condamnations et la S. A. S. CLINIQUE CHIRURGICALE DU VAL D'OR supportera 70 %,

Dit que le préjudice subi par les consorts Y... s'analyse en une perte de chance évalué à 50 % de l'indemnisation allouée,

Dit qu'en application de la loi du 21 décembre 2006, le recours subrogatoire de la caisse devra s'exercer poste par poste, sur les seules indemnités réparant les préjudices pris en charge par ses soins, c'est-à-dire :

- les prestations en nature (frais d'hospitalisation) devront s'imputer sur le poste des dépenses de santé

-le capital-décès devra s'imputer sur le poste des frais d'obsèques ;

En conséquence, compte tenu du recours subrogatoire de la CPAM de la Somme,

Condamne in solidum le Docteur Haissam D..., le Docteur Jérémie-Bernard F... et la S. A. S. CLINIQUE CHIRURGICALE DU VAL D'OR à payer à Mme Christiane Y..., en deniers ou quittance les sommes suivantes, sous réserve de la créance de la CPAM de la Somme, qui s'imputeront uniquement poste par poste sur les seules indemnités réparant les préjudices qu'elle a pris en charge :

-3. 131, 13 euros au titre des frais d'obsèques
-1. 547, 61 euros au titre de son préjudice lié à sa perte de revenus

Condamne in solidum le Docteur Haissam D..., le Docteur Jérémie-Bernard F... et la S. A. S. CLINIQUE CHIRURGICALE DU VAL D'OR à payer, en deniers ou quittance, les sommes suivantes, en réparation de leur préjudice d'affection, après abattement pour perte de chance :

- à la veuve de la victime, Mme Christiane Y... : 18. 000 euros

-aux enfants de la victime, Carole et Lionel Y... : 7. 500 euros pour chacun

-à M. Lionel Y..., es qualités d'administrateur de son fils, Camille Y... : 2. 500 euros

-aux ayants droit de la mère du défunt : 5. 000 euros

Dit que l'organisme social pourra exercer son recours subrogatoire au titre des dépenses d'hospitalisation, soit la somme de 935, 66 euros après abattement pour perte de chance,

Dit que le recours de l'organisme social s'exercera à hauteur de 2. 425, 63 euros, après abattement, sur les frais d'obsèques, soit un solde revenant à la victime de 705, 50 euros,

En conséquence,

Condamne in solidum le Docteur Haissam D..., le Docteur Jérémie-Bernard F... et la S. A. S. CLINIQUE CHIRURGICALE DU VAL D'OR à payer à la la CPAM de la Somme, après abattement pour perte de chance, les sommes de :

-935, 66 euros au titre des frais d'hospitalisation
-2. 425, 63 euros au titre des frais d'obsèques

Dit que la CPAM de la Somme a droit au remboursement prioritaire de sa créance sur l'indemnité mise à la charge du tiers réparant l'atteinte à l'intégrité physique de la victime,

Dit que sa créance doit porter intérêts de droit à compter de la première demande pour les prestations servies antérieurement à celle-ci et à partir de leur règlement pour les débours effectués postérieurement,

Y ajoutant,

Condamne in solidum le Docteur Haissam D..., le Docteur Jérémie-Bernard F... et la S. A. S. CLINIQUE CHIRURGICALE DU VAL D'OR à verser aux consorts Christiane, Carole et Lionel Y... la somme de 2. 000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

Condamne in solidum l'établissement de soins et les praticiens à payer à la CPAM de la Somme la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles et celle de 926 euros à titre d'indemnité forfaitaire de recouvrement conformément à l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale,

Déclare la présente décision commune à la CPAM de la Somme,

Dit que les sommes allouées au mineur seront employées sous le contrôle du juge des tutelles territorialement compétent,

Rejette toute autre demande,

Condamne in solidum le Docteur Haissam D..., le Docteur Jérémie-Bernard F... et la S. A. S. CLINIQUE CHIRURGICALE DU VAL D'OR aux entiers dépens de première instance et d'appel (y compris les frais des procédures de référé et d'expertise médicale) et admet la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON-GIBOD et la SCP JULLIEN LECHARNY ROL FERTIER, société titulaire d'un office d'avoués, pour les frais les concernant, au bénéfice de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

- signé par Madame Joëlle BOURQUARD, Président et par Madame Marie-Claire THEODOSE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Ct0087
Numéro d'arrêt : 569
Date de la décision : 29/11/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Nanterre, 28 octobre 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2007-11-29;569 ?
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