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04/10/2007 | FRANCE | N°06/03666

France | France, Cour d'appel de Versailles, Ct0156, 04 octobre 2007, 06/03666


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

12ème chambre section 2

F.D./P.G.

ARRET No Code nac : 59C

contradictoire

DU 04 OCTOBRE 2007

R.G. No 06/03666

AFFAIRE :

S.A.S. ETS SEGUREL ET FILS

C/

SAS CSF

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Avril 2006 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES

No chambre : 3ème

No Section :

No RG : 2003F3321

Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le :

à :

SCP DEBRAY-CHEMIN

SCP LISSARRAGUE DUP

UIS BOCCON GIBOD

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE QUATRE OCTOBRE DEUX MILLE SEPT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S. ET...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

12ème chambre section 2

F.D./P.G.

ARRET No Code nac : 59C

contradictoire

DU 04 OCTOBRE 2007

R.G. No 06/03666

AFFAIRE :

S.A.S. ETS SEGUREL ET FILS

C/

SAS CSF

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Avril 2006 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES

No chambre : 3ème

No Section :

No RG : 2003F3321

Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le :

à :

SCP DEBRAY-CHEMIN

SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE QUATRE OCTOBRE DEUX MILLE SEPT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S. ETS SEGUREL ET FILS ayant son siège LE BOIS L'EPICIER 78550 MAULETTE (Kbis) et Route de Rambouillet 78550 MAULETTE (conclusions), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

représentée par la SCP DEBRAY-CHEMIN, avoués - No du dossier 06000456

Rep/assistant : la SCP BROUARD CHESNELONG GOMBERT et PERRIN, avocats au barreau de PARIS.

APPELANTE

****************

SAS CSF Immatriculée au registre du commerce et des sociétés 440 283 752 RCS CAEN ayant son siège Z.I. Route de Paris, 14120 MONDEVILLE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

représentée par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD, avoués - No du dossier 0642842

Rep/assistant : Me J. Patrick LEHUEDE, avocat au barreau de VANNES.

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 Juin 2007 devant la cour composée de :

Madame Françoise LAPORTE, président,

Monsieur Denis COUPIN, conseiller,

Monsieur François DUCLAUD, Conseiller, (rédacteur)

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Thérèse GENISSEL FAITS ET PROCEDURE :

La société MAXI DISTRIBUTION, qui exploite un supermarché à MAGNY EN VEXIN, a conclu le 02 septembre 1997 un contrat de franchise pour une durée de sept ans avec la société COMPTOIRS MODERNES ECONOMIQUES DE NORMANDIE, aux droits de laquelle est venue la société COMPTOIRS MODERNES SUPERMARCHES NORD-OUEST (CMSNO). Cette société a fait apport partiel d'actifs placé sous le régime des scissions avec effet rétroactif au 1er janvier 2002 : à la société CSF apport de la branche commercial et d'approvisionnement de fonds de commerce de type supermarché, et à la société PRODIM, apport de l'exploitation commerciale de fonds de commerce alimentaire de proximité et de franchiseur du réseau COMOD et MARCHE PLUS.

Le 30 août 2001, MAXI DISTRIBUTION a écrit aux COMPTOIRS MODERNES ECONOMIQUES DE NORMANDIE, son franchiseur, lui reprochant la dégradation de ses prestations et lui proposant de mettre fin à leurs relations commerciales le 15 septembre 2001.

Le 27 septembre 2001, la société COMPTOIRS MODERNES ECONOMIQUES DE NORMANDIE a dénoncé le contrat la liant à la société MAXI DISTRIBUTION à trois sociétés approvisionnant des supermarchés DIAPAR, FRANCAP et ETABLISSEMENTS SEGUREL ET FILS.

MAXI DISTRIBUTION a fait paraître dans le journal LSA du 18 octobre 2001, l'avis indiquant qu'elle va déposer l'enseigne COMOD et adopter l'enseigne G20. Dans le même temps, MAXI DISTRIBUTION, par lettre du 26 octobre 2001, a porté à la connaissance de la société COMPTOIRS MODERNES SUPERMARCHES NORD OUEST qu'elle allait cesser tout paiement au titre des redevances de franchise en invoquant l'exception d'inexécution.

Les sociétés PRODIM et CSF contestant cette décision unilatérale, il s'en est suivi plusieurs procédures :

1 - Ordonnance de référé du 08 janvier 2002 :

Le président du tribunal de commerce du MANS a ordonné la poursuite des relations commerciales entre franchiseur et franchisé jusqu'au terme du contrat de franchise, soit jusqu'au 02 septembre 2004, et ce, sous astreinte de 3.500 euros par jour de retard.

La cour d'appel d'ANGERS, saisie de l'appel de cette décision a, par arrêt du 21 janvier 2003, infirmé cette ordonnance au motif que les sociétés PRODIM et CSF ne pouvaient se prétendre "titulaires" des droits de la société COMPTOIRS MODERNES au titre du contrat de franchise à défaut d'accord exprès du franchisé.

2- Procédure de référé à l'encontre de la société DIAPAR

La société COMPTOIRS MODERNES a demandé au juge des référés du tribunal de commerce d'EVRY qu'il soit fait interdiction à la société DIAPAR d'approvisionner le magasin de MAXI DISTRIBUTION. Par ordonnance du 29 mai 2002, le juge des référés du tribunal de commerce a rejeté cette demande.

Sur appel de cette décision, la cour d'appel de PARIS, par arrêt du 24 janvier 2003, après avoir constaté que le contrat prévoyait une clause d'exclusivité d'approvisionnement du franchisé et que l'appréciation du caractère licite ou non de cette clause ne relevait pas du juge des référés, a fait injonction à la société DIAPAR de s'abstenir de toute livraison de produits de la marque de distributeur "Belle France" auprès de la société MAXI DISTRIBUTION.

3 - Procédure au fond devant le tribunal de commerce du MANS

Les sociétés PRODIM et CSF ont assigné devant le tribunal de commerce du MANS la société MAXI DISTRIBUTION ainsi que les sociétés DIAPAR et SEGUREL aux fins notamment de voir condamner MAXI DISTRIBUTION à poursuivre les relations contractuelles avec elles jusqu'au terme du contrat et de la voir condamner à reprendre les commandes de marchandises auprès de CSF. En conséquence de cette demande principale, il était sollicité la condamnation des sociétés DIAPAR et SEGUREL à s'abstenir de toute livraison à MAXI DISTRIBUTION sous astreinte.

Par jugement du 07 juillet 2003, le tribunal de commerce du MANS, sur la demande principale dirigée à l'encontre de MAXI DISTRIBUTION a rejeté les demandes de PRODIM et CSF qui entendaient se substituer à la société COMPTOIRS MODERNES alors que ladite société MAXI DISTRIBUTION n'avait pas donné son accord à ce transfert de franchiseur.

Sur la demande dirigée à l'encontre des sociétés SEGUREL et DIAPAR, le tribunal de commerce du MANS, en ce qui concerne SEGUREL s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de VERSAILLES et en ce qui concerne DIAPAR s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce D'EVRY.

Ce jugement du tribunal de commerce du MANS est aujourd'hui définitif, la cour d'appel d'ANGERS ayant donné acte aux sociétés PRODIM et CSF de leur désistement d'appel.

4 - La présente procédure

Compte tenu de l'évolution du litige, les sociétés PRODIM et CSF, qui ne maintiennent plus les demandes d'interdiction d'approvisionnement, ont assigné SEGUREL ET FILS devant le tribunal de commerce de VERSAILLES au motif que SEGUREL a livré MAXI DISTRIBUTION de février à fin septembre 2003, alors qu'elles lui avaient dénoncé non seulement le contrat de franchise la liant à la société COMPTOIRS MODERNES, par lettre recommandée du 27 septembre 2001, mais également l'arrêt de la cour d'appel de PARIS statuant en référé prononcé le 24 janvier 2003, lequel a retenu comme constituant un trouble manifestement illicite le fait que la société DIAPAR ait été tiers complice de la violation du contrat de franchise par MAXI DISTRIBUTION en lui vendant des produits de la marque "Belle France", et a fait injonction à DIAPAR de s'abstenir de procéder à toute livraison de produits à marque de distributeur "Belle France" auprès de MAXI DISTRIBUTION, ce sous astreinte de 30.000 euros par infraction constatée.

Les sociétés PRODIM et CSF ont sollicité l'allocation de dommages et intérêts pour faute de la société SEGUREL au titre de la perte de redevance de franchise et de bénéfice brut pour la société CSF.

La société ETS SEGUREL et FILS a expliqué en réponse que, par l'arrêt de la cour d'appel d'ANGERS du 21 janvier 2003, MAXI DISTRIBUTION a été déchargée de toute obligation se rapportant au contrat de franchise du 02 septembre 1997 à l'égard de PRODIM et de CSF puisqu'elles ont été déclarées mal fondées à se prétendre "titulaires" des droits des COMPTOIRS MODERNES au titre du contrat de franchise. Et ce n'est qu'à compter de cet arrêt du 21 janvier 2003, que MAXI DISTRIBUTION lui a demandé de lui vendre des marchandises. La société SEGUREL n'étant pas partie dans cet arrêt, rien n'interdisait à MAXI DISTRIBUTION de s'adresser à d'autres fournisseurs et donc à elle.

C'est dans ces conditions qu'est intervenu le jugement du tribunal de commerce de VERSAILLES déféré du 28 avril 2006, qui, après avoir déclaré irrecevable un incident soulevé par Maître Pascal BROUARD, a :

- débouté la SAS PRODIM de sa demande de dommages et intérêts pour perte de redevances de franchise au motif que la société ETS SEGUREL ET FILS ne peut être tenue pour responsable de la perte temporaire de cotisation de franchise,

- condamné la société ETS SEGUREL ET FILS à payer à la SAS CSF la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de bénéfice brut,

- condamné la société ETS SEGUREL ET FILS à payer à la société CSF la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- condamné la société ETS SEGUREL ET FILS aux dépens.

La société ETS SEGUREL ET FILS a interjeté appel de ce jugement uniquement à l'encontre de la société CSF. Dans ses écritures du 10 mai 2007, cette société estimant n'avoir commis aucun acte fautif, demande à la cour de débouter la société CSF de l'intégralité de ses demandes dirigées à son encontre.

Elle reproche au jugement déféré de n'avoir tenu aucun compte de l'arrêt de la cour d'appel d'ANGERS du 21 janvier 2003 qui déchargeait le franchisé de ses obligations au titre du contrat de franchise et donc de l'obligation d'approvisionnement. Par ailleurs, le tribunal, selon l'appelante, ne tire aucune conséquence de la décision rendue au fond par le tribunal de commerce du MANS, le 07 juillet 2003, décision aujourd'hui définitive selon elle, qui retient qu'en aucun cas, les sociétés PRODIM et CSF ne peuvent "revendiquer" le bénéfice du contrat de franchise qui liait la société COMPTOIRS MODERNES à la société MAXI DISTRIBUTION. Il y a autorité de chose jugée de ce jugement du tribunal de commerce du MANS du 07 juillet 2003.

Elle estime dès lors, qu'aucun fait fautif lié aux effets de l'arrêt rendu par la cour d'appel de PARIS statuant en référé, du 24 janvier 2003, ne peut être reproché à la société SEGUREL.

Elle ajoute que par ailleurs, la clause d'approvisionnement prévue au contrat, qu'elle soit nulle ou valable, ne pouvait rendre l'approvisionnement fautif, SEGUREL conteste l'existence même du préjudice.

Elle sollicite, en définitive, l'infirmation du jugement déféré, le débouté de la société CSF de l'intégralité de ses demandes dirigées contre elle, l'allocation de la somme de 20.000 euros pour procédure abusive et de celle de 10.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi que la condamnation de la société CSF aux dépens.

La SAS CSF, intimée, conclut à la confirmation du jugement déféré. Elle fait valoir que la société SEGUREL ET FILS, en se substituant à la société DIAPAR pour livrer des marchandises à MAXI DISTRIBUTION, a commis une faute. Cette substitution ne peut être niée puisque les livraisons de SEGUREL à la société MAXI DISTRIBUTION sont intervenues dès que les sociétés PRODIM et CSF ont notifié à la société DIAPAR l'arrêt de la cour d'appel de PARIS.

En livrant à la société MAXI DISTRIBUTION des produits à marque de distributeurs "Belle France", contrevenant ainsi à l'arrêt de la cour d'appel de PARIS du 24 janvier 2003, la société SEGUREL ET FILS a privé la société CSF de la chance de voir la société MAXI DISTRIBUTION reprendre les relations contractuelles avec elle. La société CSF sollicite l'allocation de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

A l'audience de plaidoiries, la Cour a demandé aux avocats des parties, qui ont exprimé leur accord sur ce point, de bien vouloir lui établir et communiquer un schéma et objectif des différentes instances ainsi que leur résultat évoqués dans leurs écritures respectives.

La SCP LISSARRAGUE-DUPUIS-BOCCON-GIBOD, avoués de la SAS CSF, a ainsi adressé un schéma explicatif des différentes instances, dûment communiqué en copie à l'avoué de la partie adverse, la SAS ETABLISSEMENTS SEGUREL ET FILS.

MOTIFS :

Considérant que la société CSF soutient que la société SEGUREL ET FILS a engagé sa responsabilité délictuelle en livrant des produits à marque de distributeurs "Belle France" entre le 03 février 2003 et le 1er octobre 2003 à la société MAXI DISTRIBUTION, franchisée de la société COMPTOIRS MODERNES SUPERMARCHES NORD OUEST, aux droits de laquelle la société CSF se trouve par apport partiel d'actifs ;

considérant que plus précisément, la société CSF reproche à la société SEGUREL de n'avoir pas tenu compte de l'injonction faite à la société DIAPAR, autre fournisseur de MAXI DISTRIBUTION, par l'arrêt de la cour d'appel de PARIS statuant en référé (Comptoirs Modernes, Prodim et CSF c/ Diapar et Francap Distribution) le 24 janvier 2003, de s'abstenir de procéder à toute livraison de produits à marque de distributeurs "Belle France" auprès de la société MAXI DISTRIBUTION sous astreinte de 30.000 euros par infraction constatée, qu'il est à noter que les motifs de l'arrêt prévoyaient cette interdiction de livraison "même par personne interposée" ; que les sociétés PRODIM et CSF avaient, par lettre recommandée du 30 janvier 2003, notifié la teneur de cet arrêt de la cour d'appel de PARIS à la société SEGUREL ;

considérant que pour s'opposer à cette demande, SEGUREL fait valoir que n'étant pas partie à l'arrêt de la cour d'appel de PARIS du 24 janvier 2003, il ne peut lui être reproché de ne pas avoir tenu compte de sa décision ; que si elle a donné suite aux commandes de MAXI DISTRIBUTION, postérieurement à cet arrêt, c'est parce qu'elle considérait que PRODIM et CSF n'avaient aucune qualité à agir en tant que franchiseur de MAXI DISTRIBUTION ; qu'elle prétend tirer cette opinion de deux décisions de justice, l'arrêt rendu par la cour d'appel d'ANGERS du 21 janvier 2003 et le jugement du tribunal de commerce du MANS du 07 juillet 2003 ; qu'en effet, d'une part, l'arrêt de la cour d'appel d'ANGERS a rejeté les demandes des sociétés PRODIM et CSF, relatives au contrat de franchise liant MAXI DISTRIBUTION et COMPTOIRS MODERNES, et que SEGUREL en conclut que le franchisé MAXI DISTRIBUTION était délié de toute obligation à l'égard des sociétés PRODIM et CSF ; que d'autre part, le jugement au fond du tribunal de commerce du MANS, qui a autorité de chose jugée depuis le désistement d'appel de PRODIM et CSF constaté par décision de la cour d'appel d'ANGERS du 16 mai 2004, a déclaré irrecevables les sociétés PRODIM et CSF en leurs demandes pour défaut de qualité à agir au titre du contrat de franchise de MAXI DISTRIBUTION ; que la société SEGUREL critique le jugement déféré du tribunal de commerce de VERSAILLES pour ne pas avoir tenu compte de cette décision du tribunal du MANS ;

mais considérant qu'en premier lieu, si SEGUREL s'est vu notifier par PRODIM et CSF le contenu de l'arrêt de la cour d'appel de PARIS du 24 janvier 2003 faisant interdiction à DIAPAR de livrer des marchandises "Belle France", c'est parce que les sociétés PRODIM et CSF savaient que comme DIAPAR, et parfois dans le même trait de temps, SEGUREL avait effectué des livraisons à MAXI DISTRIBUTION, d'où notamment sa présence dans l'affaire jugée le 07 juillet 2003 par le tribunal du MANS ; que dans ces conditions, la portée de la notification qui lui a été faite n'a pu lui échapper ; qu'elle n'a d'ailleurs exercé aucune voie de droit consécutivement à la réception de cette notification ;

considérant qu'en deuxième lieu, le jugement du tribunal de commerce du MANS du 07 juillet 2003, est donc postérieur à l'arrêt de la cour d'appel de PARIS du 24 janvier 2003 ; que cependant, l'autorité de chose jugée qui s'attache à ce jugement au fond, lequel contrairement à l'arrêt de PARIS, a décidé que PRODIM et CSF n'avaient pas qualité à agir au titre du contrat de franchise, n'entraîne pas la nullité de l'arrêt de référé de PARIS ; qu'en effet, les parties dans les deux affaires ne sont pas les mêmes ; que contrairement à l'instance devant le tribunal de commerce du MANS, SEGUREL et MAXI DISTRIBUTION ne sont pas parties dans la procédure d'appel se déroulant à PARIS, alors qu'y figurent la société COMPTOIRS MODERNES et FRANCAP DISTRIBUTION, non parties devant le tribunal de commerce du MANS ;

Considérant qu'en troisième lieu, quant à l'arrêt de la cour d'appel d'ANGERS du 21 janvier 2003, il s'agit d'une décision rendue en référé dans un litige opposant la société COMPTOIRS MODERNES à la SARL MAXI DISTRIBUTION, les sociétés PRODIM et CSF étant intervenantes volontaires ; que cet arrêt a décidé qu'il n'appartenait pas au juge des référés d'apprécier le bien fondé de la contestation portant sur la qualité de franchiseur de PRODIM et de CSF vis à vis de MAXI DISTRIBUTION ; que cette décision a estimé que les sociétés PRODIM et CSF n'étaient pas à même de justifier de leur qualité à agir au titre du contrat de franchise, et a rejeté leurs demandes, se rapportant audit contrat ; que cette décision ne peut prévaloir sur l'arrêt statuant en référé également de la cour d'appel de PARIS du 24 janvier suivant entre des parties différentes : MAXI DISTRIBUTION, COMPTOIRS MODERNES, PRODIM et CSF à ANGERS, et COMPTOIRS MODERNES, CSF, PRODIM, DIAPAR et FRANCAP DISTRIBUTION à PARIS ; que dans ces conditions, la décision de la cour d'appel d'ANGERS n'a pu faire obstacle à l'arrêt de la cour d'appel de PARIS du 24 janvier 2003 qui a eu autorité de chose jugée dès son prononcé ;

considérant que les trois premiers moyens soutenus par SEGUREL pour s'opposer aux demandes de la société CSF ne peuvent qu'être écartés ;

considérant que SEGUREL soutient que de toute façon, les livraisons litigieuses ne présentent aucun caractère fautif en raison de la clause d'approvisionnement commune aux franchisés du réseau COMOD (Comptoirs Modernes), clause qui, selon SEGUREL, régit le contrat de franchise conclu entre les Comptoirs Modernes et MAXI DISTRIBUTION ; que SEGUREL soutient encore que la Cour d'appel de RENNES, dans des affaires semblables, a décidé que ladite clause d'approvisionnement était illicite, compte tenu de l'absence de spécificité des marchandises livrées par la société COMPTOIRS MODERNES ;

mais considérant que la société CSF fait à juste titre observer que dans les affaires PRODIM, la cour d'appel de RENNES a inversé sa jurisprudence en décidant, dans un arrêt du 30 novembre 2004, qu'une clause comparable ne peut être qualifiée d'exclusive de sorte qu'un complément d'achats auprès d'autres fournisseurs du choix du franchisé peut intervenir sur des produits qui ne sont pas spécifiquement attachés à une enseigne ;

considérant que l'arrêt de rejet de la cour de cassation du 03 avril 2007cité par SEGUREL concerne un litige opposant PRODIM et CSF à DIAPAR et G20 ;

considérant que la cour remarque que ces arrêts cités par SEGUREL n'ont pas autorité de chose jugée au regard de la présente affaire et ne peuvent constituer quelque précédent fiable, la société COMPTOIRS MODERNES n'étant pas toujours dans ces affaires, le franchiseur, de sorte que le franchisé peut être lié par une clause d'approvisionnement différente ;

considérant que dans le présent litige, la cour constate que la clause "approvisionnement" du contrat de franchise en cause est ainsi rédigée :

"le franchisé a décidé de conclure le présent contrat afin de bénéficier de l'habileté et de la puissance d'achat du franchiseur auprès duquel il s'engage à effectuer l'essentiel de ses achats nécessaires à l'exploitation du magasin COMOD. EN outre, il remet une liste de fournisseurs agréés subsidiaires auprès desquels il aura également la possibilité d'acheter tous produits nécessaires à l'exploitation du magasin COMOD" ; que si cette stipulation ne s'analyse pas en une clause d'approvisionnement exclusif, pour autant elle ne permettait pas à SEGUREL de se faire juge de l'interdiction prononcée par la cour d'appel de PARIS, le 24 janvier 2003, qui lui avait été spécialement adressée par les sociétés PRODIM et CSF ;

considérant, en conséquence, que le règlement européen de 1999 limitant à cinq ans la validité des clause d'approvisionnement exclusif n'est pas applicable en la cause ;

considérant qu'en définitive, la société SEGUREL a commis une faute préjudiciable à la société CSF en ne respectant pas l'injonction de la cour d'appel de PARIS du 24 janvier 2003 mais en procédant à des livraisons de produits "Belle France" comme il ressort du procès-verbal du constat du 20 mars 2003, ce à partir du 03 février 2003 jusqu'au 1er octobre 2003 ;

****

Considérant que la société CSF qui, en première instance, demandait l‘allocation à titre de dommages et intérêts d'une somme de 136.433 euros qui correspond, selon elle, à sa part de bénéfice brut sur la période du 03 février au 1er octobre 2003 ; qu'elle sollicite la confirmation du jugement déféré qui lui a alloué à ce titre la somme de 50.000 euros ;

considérant que la société SEGUREL soutient que le montant des achats effectués est de l'ordre de 60.000 euros TTC soit environ 50.000 euros HT alors que la société MAXI DISTRIBUTION réalisait plus de 2 millions d'euros d'achats annuels, tous fournisseurs confondus ; que le montant des achats incriminés ne représente que 2,5 % du total des achats de MAXI DISTRIBUTION ;

considérant que le préjudice consécutif à la faute de la société SEGUREL qui a privé la société CSF de commandes de marchandises de la part de MAXI DISTRIBUTION sera fixé, compte tenu des éléments de la procédure, à la somme de 25.000 euros en réparation de sa perte de bénéfice brute ;

considérant que la société SEGUREL qui succombe en ses prétentions, sera déboutée de sa demande d'allocation de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi que de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

considérant que l'équité commande de condamner SEGUREL à verser à CSF une indemnité complémentaire de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société ETABLISSEMENTS SEGUREL ET FILS à indemniser la société CSF de son préjudice pour perte de bénéfice brut,

Réformant le montant de l'indemnité allouée par les premiers juges,

Dit que la société ETABLISSEMENTS SEGUREL ET FILS sera condamnée à verser à la société CSF la somme de 25.000 euros,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a alloué une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile à la société CSF et en ce qu'il a décidé quant au sort des dépens de première instance,

Y ajoutant,

Déboute la société ETABLISSEMENTS SEGUREL ET FILS de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi que de celle fondée sur les dispositions de l'article 700,

Condamne la société ETABLISSEMENTS SEGUREL ET FILS à verser une indemnité complémentaire de 5.000 euros à la société CSF sur le fondement de ce même texte,

Condamne la société ETABLISSEMENTS SEGUREL ET FILS aux dépens d'appel et autorise la SCP LISSARRAGUE-DUPUIS-BOCCON-GIBOD, avoués, à les recouvrer conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Arrêt prononcé par Madame Françoise LAPORTE, président, et signé par Madame Françoise LAPORTE, président et par Madame Marie-Thérèse GENISSEL, greffier, présent lors du prononcé

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Ct0156
Numéro d'arrêt : 06/03666
Date de la décision : 04/10/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Versailles


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2007-10-04;06.03666 ?
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