La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/09/2007 | FRANCE | N°437

France | France, Cour d'appel de Versailles, Ct0194, 13 septembre 2007, 437


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 38Z

13ème chambre

ARRET No

REPUTE

CONTRADICTOIRE

DU 13 SEPTEMBRE 2007

R.G. No 05/09112

AFFAIRE :

QUALITAIR ET SEA

INTERNATIONAL

C/

BNP PARIBAS

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Janvier 2000 par le Tribunal de Commerce de BOBIGNY

No Chambre : 2

No Section :

No RG : 1998F1064

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me BINOCHE


SCP DEBRAY-CHEMIN

SCP GAS

SCP KEIME GUTTIN JARRY

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE TREIZE SEPTEMBRE DEUX MILLE SEPT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire en...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 38Z

13ème chambre

ARRET No

REPUTE

CONTRADICTOIRE

DU 13 SEPTEMBRE 2007

R.G. No 05/09112

AFFAIRE :

QUALITAIR ET SEA

INTERNATIONAL

C/

BNP PARIBAS

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Janvier 2000 par le Tribunal de Commerce de BOBIGNY

No Chambre : 2

No Section :

No RG : 1998F1064

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me BINOCHE

SCP DEBRAY-CHEMIN

SCP GAS

SCP KEIME GUTTIN JARRY

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE TREIZE SEPTEMBRE DEUX MILLE SEPT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDERESSE devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation (chambre commerciale, financière et économique) du 31/05/2005 cassant et annulant l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris (15ème B) le 7/11/2002

S.A. QUALITAIR ET SEA INTERNATIONAL

venant aux droits de la société MARITEAM

7 rue du Cercle

95702 ROISSY CHARLES DE GAULLE

représentée par Maître BINOCHE, avoué - No du dossier 750/05 assistée de Maître GODIN, avocat au barreau de Paris

****************

DEFENDERESSES DEVANT LA COUR DE RENVOI

S.A. BNP PARIBAS

16 boulevard des Italiens

95100 ARGENTEUIL

représentée par la SCP DEBRAY-CHEMIN, avoués - No du dossier 06000096

assistée de Maître DARMON, avocat au barreau de Paris

Société BANCO SANTANDER CENTRALHISPANO BSCH

venant aux droits de BANCO CENTRAL HISPANO AMERICANO

Paseo de Pereda ESPAGNE et

6 rue Baudry

75008 PARIS

représentée par la SCP GAS, avoués - No du dossier 20060366

assistée de Maître SCHAFIR, avocat au barreau de Paris

Société GONBEL SL

27 Oficina 13/14

28029 MADRID ESPAGNE

assignée, n'a pas constitué avoué

Société MICHEL BERGARECHE

venant aux droits de BERGARECHE RUIZ MADRID

Antigua Carretera N-II

28802 ALCALA DE HENARES ESPAGNE

représentée par la SCP KEIME GUTTIN JARRY, avoués

- No du dossier 06000357

assistée de Maître LEBORGNE, avocat au barreau de Paris

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 Juin 2007, Monsieur Bruno DEBLOIS, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Jean BESSE, président,

Madame Dominique ANDREASSIER, conseiller,

Monsieur Bruno DEBLOIS, conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Jean-François MONASSIER

Vu la communication de l'affaire au Ministère Public en date du 22/12/2006,

La Cour d'appel de VERSAILLES est désignée comme cour de renvoi après cassation d'un arrêt de la Cour d'appel de PARIS statuant sur une action en responsabilité engagée par la BNP en matière de crédit documentaire.

La société de droit espagnol GONBEL a acheté le 9 décembre 1996 à la société HENRI MOREAU et CIE, négociant en vins à BORDEAUX, 38.400 bouteilles de vin, représentant à l'époque 582.080 F, en vue de les livrer à HONG-KONG à une société EVER TACT LTD, en vue d'une revente finale à une société chinoise ZHONG XIE.

Le transport maritime était confié à la société COSCO (CHINA OCEAN SHIPPING COMPANY), transporteur, commissionné à cet effet par BERGARECHE RUIZ MADRID, et ses correspondants français MARITEAM, devenu la société QUALITAIR et SEA et chinois BALTRANS.

Sur ordre de la société GONBEL, la banque CENTRAL HISPANO AMERICANO qui est devenue SANTANDER CENTRAL HISPANO (BSCH), a émis le 3 janvier 1997 crédit documentaire irrévocable à paiement différé à 90 jours, en faveur de la société HENRI MOREAU et CIE, en garantie de la livraison des marchandises entre BORDEAUX et HONG-KONG via LE HAVRE. Le crédit a été confirmé par la BNP agence de BORDEAUX, contre remise des documents, suivant les dispositions prévues par les Règles et usances uniformes de la Chambre de commerce internationale, dites les RUU 500.

Pour assurer la sécurité du crédit, les trois exemplaires originaux du connaissement no 954431/000 étaient remis à la BNP. Disposant ainsi d'un gage sur la marchandise, elle honorait le 4 avril 1997 son engagement de banque confirmante auprès de la société HENRI MOREAU et CIE, malgré les réserves de la banque émettrice, la BSCH, sur la conformité des documents présentés. Cette dernière refusait finalement d'honorer le crédit documentaire.

En recherchant alors la marchandise gagée qu'elle avait payée, la BNP apprenait notamment :

- que le connaissement no 954431/000 avait été établi sur instruction de BERGARECHE RUIZ MADRID par MARITEAM en sa fausse qualité d'agent du transporteur COSCO (as agent of the carrier) ;

- que la marchandise avait été remise à HONG KONG à la société BALTRANS sur présentation d'un autre connaissement no HAVHKG0019 établi également le 3 janvier 1997 sur ordre de MARITEAM pour le compte de BERGARECHE RUIZ MADRID, par une société SAGA en qualité d'agent du transporteur COSCO ;

- que la société BALTRANS avait pu remettre la marchandise à la société EVER TACT LTD sur présentation d'un troisième connaissement no 61742, toujours daté du 3 janvier 1997, mais établi par BERGARECHE RUIZ MADRID ;

- que la société EVER TACT LTD aurait enfin remis la marchandise au destinataire final ZHONG XIE ;

- et qu'elle avait donc finalement perdu son gage alors que seul le porteur du connaissement no 954431/000 pouvait en principe obtenir la délivrance de la marchandise entre ses mains.

La BNP a dès lors fait assigner le 24 novembre 1997 toutes les parties en cause devant le Tribunal de Commerce de BOBIGNY. Elle mettait notamment en jeu la responsabilité des commissionnaires de transports qui avaient émis deux jeux de connaissements supplémentaires pour prendre possession des marchandises, lui faisant alors perdre son gage représenté par le connaissement original, représentant lui-même la marchandise.

Par jugement du 27 janvier 2000, le Tribunal de Commerce de BOBIGNY a notamment :

- condamné solidairement les sociétés GONBEL, BERGARECHE RUIZ MADRID et MARITEAM à payer à la BNP la somme de 582.080 F (soit 88.737,52 €) avec intérêts au taux légal à compter du 3 avril 1997 et capitalisation des intérêts échus dans les termes de l'article 1154 du Code civil, à titre de dommages-intérêts ;

- mis hors de cause la BSCH et les sociétés COSCO, EVER TACT LTD et ZHONG XIE;

- débouté la BNP de sa demande de dommages-intérêts supplémentaire ;

- débouté MARITEAM de son appel en garantie contre BERGARECHE RUIZ MADRID;

- condamné les sociétés GONBEL, BERGARECHE RUIZ MADRID et MARITEAM à payer à la BNP une indemnité de 9.146,94 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

- et condamné la société MARITEAM aux dépens.

Les sociétés MARITEAM et BERGARECHE RUIZ MADRID ont interjeté appel de ce jugement. Par arrêt du 7 novembre 2002, la Cour d'appel de PARIS a considéré que la BNP était également à l'origine de la perte de son gage, en n'ayant pas tiré toutes les conséquences des informations dont elle disposait. Statuant à nouveau, elle a jugé que la responsabilité du dommage était imputable pour les 2/3 à GONBEL et pour 1/3 à la BNP. Elle a ainsi condamné la première à payer à la seconde la somme de 59.158,35 € en principal.

Par arrêt du 31 mai 2005, la cour de cassation a cassé dans toutes ses dispositions l'arrêt d'appel, et renvoyé l'affaire devant la Cour d'appel de VERSAILLES. La cassation repose sur l'admission des trois moyens suivants :

1) en violation des articles 1382 du Code civil et L.521-2 du Code de commerce, la Cour d'appel a considéré que la BNP n'avait pas tiré les conséquences des informations dont elle disposait, alors qu'un jeu complet de connaissements originaux lui avait été remis et qu'elle était fondée à se croire investie du droit de retenir la marchandise jusqu'à son complet paiement;

2) en violation de l'article 1382 du Code civil, la Cour d'appel a exonéré BERGARECHE RUIZ MADRID de toute responsabilité en estimant qu'elle avait établi plusieurs jeux de connaissements sur ordre de GONBEL, alors qu'en sa qualité de mandataire, elle était personnellement responsable envers les tiers des délits qu'elle pouvait commettre ;

3) et en violation des articles 1351 du Code civil et 552 du nouveau Code de procédure civile, la Cour d'appel a réduit le montant de la condamnation de la société GONBEL qui n'était ni appelante ni comparante en cause d'appel, ce dont il résultait que le jugement était devenu définitif à son égard.

La société MARITEAM, devenue société QUALITAIR et SEA, a régulièrement saisi la cour de renvoi par déclaration du 9 décembre 2005. Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 3 avril 2007, elle invoque d'abord à son profit l'autorité de chose jugée par l'arrêt d'appel du 7 novembre 2002 constatant l'absence de faute commise par MARITEAM à l'égard de la BNP, sachant que le moyen de cassation tendant à remettre en cause cette décision a été rejeté et que suivant l'article 624 du nouveau Code de procédure civile la censure qui s'attache à un arrêt de cassation est limitée à la portée du moyen qui constitue la base de la cassation. Subsidiairement sur le fond, la société QUALITAIR et SEA prétend avoir régulièrement signé le connaissement initial en qualité d'agent transporteur COSCO dans le strict respect des dispositions de l'article 23 a) i) des RUU 500. Elle estime par ailleurs que le second connaissement, avait été établi à l'initiative de BERGARECHE, qu'il n'était pas négociable, qu'il ne pouvait donc servir au transfert de propriété sur la marchandise, et qu'il a seulement permis à BALTRANS de prendre livraison de la marchandise. Le troisième connaissement n'aurait pas permis la livraison de la marchandise à son acheteur final. Enfin la société QUALITAIR et SEA invoque la propre faute de la BNP qui n'a pas exploité ni répercuté les informations dont elle disposait de la part de la banque émettrice sur le caractère douteux des documents présentées. Elle lui reproche également de ne pas avoir contraint la BSCH à exécuter ses obligations alors que ses réserves n'étaient pas fondées et qu'elle a elle-même commis plusieurs fautes en tant que banque émettrice. Enfin la société QUALITAIR et SEA se retourne en garantie contre son donneur d'ordre. Elle demande donc à la cour d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné MARITEAM, et de condamner la BNP PARIBAS à lui payer une indemnité de 10.000 € au titre

de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, subsidiairement de condamner la société MIGUEL BERGARECHE à la garantir de toutes condamnations et à la condamner également au paiement de la même indemnité pour frais irrépétibles.

La société MIGUEL BERGARECHE est intervenue volontairement aux droits de BERGARECHE RUIZ MADRID. Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 6 février 2007, elle reproche aux premiers juges d'avoir considéré qu'en émettant un second connaissement, elle avait failli à toutes ses obligations et ainsi permis la délivrance de la marchandise en fraude aux droits du porteur du connaissement initial. Il serait au contraire courant que les commissionnaires de transport émettent leurs propres lettres de voiture, ou connaissement, en plus des documents établis par leurs sous-traitants. Les RUU 500 le consacreraient et aucune autre règle ne prévoirait d'en avertir le donneur d'ordre. En l'espèce, le connaissement HAVHKG 0019 n'avait pour seule fonction que de permettre à la société BALTRANS de se faire remettre la marchandise par le transporteur maritime COSCO. Aucune faute ne saurait donc lui être reprochée. La société MIGUEL BERGARECHE conteste également le préjudice invoqué par la BNP au titre de la perte de son gage, alors qu'il lui appartenait de contraindre la BSCH à honorer ses obligations de banque émettrice du crédit documentaire, sachant que son refus ne reposait que sur des différences mineurs entres les documents présentés et les documents requis. La société MIGUEL BERGARECHE conteste également le lien de causalité en invoquant les propres fautes de la BNP qui a honoré le crédit sur présentation de documents non conformes et qui, malgré les réserves de la BSCH, s'est abstenue d'en avertir le transporteur pour qu'il retienne la marchandise au lieu de la livrer. La société MIGUEL BERGARECHE demande donc à la cour d'infirmer le jugement et statuant à nouveau :

- de débouter la BNP de touts ses demandes ;

- de la condamner au paiement d'une indemnité de 5.000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

- subsidiairement de la débouter de sa demande relative aux intérêts pour la période du 15 juin 2000, date d'exécution du jugement par l'assureur de MARITEAM, au 10 janvier 2003, date de restitution des fonds ;

- de débouter la société QUALITAIR et SEA de son appel en garantie à son encontre ;

- de la condamner au paiement d'une indemnité de 2.600 € pour frais irrépétibles ;

- et de condamner la BNP aux entiers dépens.

Par conclusions signifiées le 1er février 2007, la BNP, qui est devenue BNP PARIBAS, poursuit au contraire la confirmation du jugement déféré dans toutes ses dispositions, sollicitant cependant la condamnation des sociétés QUALITAIR et SEA, MIGUEL BERGARECHE et GOMBEL au paiement d'une indemnité supplémentaire de 15.000 € pour frais

irrépétibles. Après avoir rappelé les conséquences d'une cassation totale pour s'opposer à l'autorité de chose jugée telle que revendiquée à tort par la société QUALITAIR et SEA, la BNP PARIBAS invoque à son encontre deux nouveaux éléments de fait tenant d'une part à l'usurpation de la qualité d'agent du transporteur COSCO dans le connaissement initial et d'autre part à l'émission des deux autres connaissements. Elle rappelle le principe de son action en responsabilité qui repose sur le fait qu'étant porteur du titre représentant une marchandise constituant son gage, elle était fondée à se croire investie du droit de la retenir jusqu'à complet paiement. Or en fraude aux RUU 500, les appelantes ont, soit spontanément, soit sur instruction de leur mandant, émis deux autres jeux de connaissements et ainsi permis la livraison des marchandises et par conséquent la perte de son gage. Enfin la BNP PARIBAS réfute l'argumentation adverse n'ayant aucun rapport direct avec l'objet du litige.

La société BANCO SANTANDER CENTRAL HISPANO (BSCH) a également conclu le 30 novembre 2006 à la confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé sa mise hors de cause, ce jugement étant de toute façon devenu définitif à son égard. Elle sollicite la condamnation de la société QUALITAIR et SEA à lui verser une indemnité de 1.800 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

A la requête de la société QUALITAIR et SEA, la société GONBEL a été assignée à son siège à MADRID le 22 mai 2006 conformément au Règlement CE 1348/2000. L'assignation sur appel incident provoqué de la BNP PARIBAS a en revanche été infructueuse. La société GONBEL n'a pas constitué avoué.

Les autres parties au jugement de première instance ne sont pas intimées.

MOTIFS

Sur la portée de la cassation et l'autorité de chose jugée

La société QUALITAIR et SEA invoque à son profit l'autorité de chose jugée par l'arrêt d'appel du 7 novembre 2002 constatant l'absence de faute commise par MARITEAM à l'égard de la BNP, sachant que le moyen de cassation tendant à remettre en cause cette décision a été rejeté par l'arrêt rendu le 31 mai 2005 par la Cour de cassation.

Mais si, en principe, la censure qui s'attache à un arrêt de cassation est limitée à la portée du moyen qui constitue la base de la cassation, en revanche, lorsque comme en l'espèce, la cassation est totale, la juridiction de renvoi est investie de la connaissance de l'entier litige dans tous ses éléments de fait et de droit, sans que le rejet de certains moyens n'ait d'incidence sur l'étendue de cette saisine.

En tout état de cause, l'autorité de chose jugée ne concernerait que le dispositif de l'arrêt de la Cour d'appel de PARIS qui ne comporte pas de mention suivant laquelle cette juridiction constaterait l'absence de faute commise par MARITEAM.

La société QUALITAIR et SEA doit donc être déboutée de ses exceptions relatives à la portée de la cassation et à l'autorité de chose jugée.

Sur la responsabilité de la société GONBEL

Pour retenir la responsabilité de la société GONBEL, les premiers juges ont considéré qu'elle avait, par faute, fait établir plusieurs jeux de connaissements, omis d'en informer la BSCH et refusé de valider auprès d'elle le connaissement initial. Elle ne pouvait dès lors méconnaître les conséquences de ses actes qui ont objectivement participé à la délivrance de la marchandise en fraude aux droits de la BNP. La société GONBEL a négligé de relever appel de ce jugement qui lui a été signifié le 8 juin 2000 et n'est pas comparante en cause d'appel. Enfin la cour de cassation a mentionné dans son arrêt du 31 mai 2005 que le jugement du Tribunal de Commerce de BOBIGNY était devenu irrévocable dans les rapports entre la société GONBEL et la BNP.

Sur la responsabilité de la société MIGUEL BERGARECHE

Pour retenir également la société BERGARECHE RUIZ MADRID, devenue MIGUEL BERGARECHE, dans les mêmes liens, les premiers juges lui ont reproché d'avoir donné des instructions pour l'émission du second jeu de connaissements no HAVHKG0019 ayant permis la livraison de la marchandise entre les mains de la société BALTRANS ; d'avoir également émis le connaissement no 61742 ayant permis à la société BALTRANS de remettre la marchandise à la société EVER TACT LTD ; d'avoir négligé d'en informer la BSCH et MARITEAM alors que son nom est mentionné dans tous les documents de transport, y compris le premier, ainsi que dans le crédit documentaire ; et d'avoir dans ces conditions failli à toutes ses obligations en application des RUU 500.

A l'appui de son appel incident, la société MIGUEL BERGARECHE prétend qu'elle aurait été en droit d'établir plusieurs jeux de connaissements, invoquant à cet effet une pratique courante qui ne ressort d'aucun élément et d'autre part les RUU 500, dont l'article 30 prévoit exactement le contraire en énonçant : " sauf autorisation contraire dans le crédit, les banques accepteront seulement un document de transport ". Elle prétend également qu'aucune règle ne prévoirait d'en avertir le donneur d'ordre. Mais cette objection n'a pas de sens dès lors que l'émission de plusieurs connaissements est interdite. Enfin la société GONBEL expose que les

connaissements HAVHKG 0019 et 61742 n'avaient pour seule fonction que de permettre la livraison des marchandises. Mais cet élément constitue précisément le fait générateur du préjudice de la BNP qui a ainsi perdu son gage.

La société MIGUEL BERGARECHE prétend également que la BNP aurait dû contraindre la BSCH à honorer ses obligations de banque émettrice du crédit documentaire, sachant que son refus ne reposait que sur des différences mineures entres les documents présentés et les documents requis. Mais les relations entre banques sont en réalité indifférentes au préjudice antérieurement causé par la perte d'un gage dont disposait la BNP sur la marchandise. Le refus opposé par la banque émettrice pour honorer le crédit documentaire s'impose donc comme un simple fait qui n'est pas de nature à influer sur le préjudice résultant de la perte d'un gage. En tout état de cause la BSCH a été mise hors de cause en première instance et le jugement est à cet égard devenu définitif.

La société MIGUEL BERGARECHE reproche enfin à la BNP d'avoir honoré le crédit sur présentation de documents non conformes et d'avoir négligé d'avertir le transporteur des difficultés avec la banque émettrice, pour qu'il retienne la marchandise au lieu de la livrer. Mais détenant un jeu complet de connaissements originaux, la BNP avait la qualité de porteur des titres représentant la marchandise constituant son gage. Elle était fondée à se croire investie du droit de la retenir jusqu'à son complet paiement. Elle a dès lors pu, sans commettre de faute, honorer le crédit sans avertir le transporteur de la survenance de difficultés avec la banque émettrice, sachant que si la société MIGUEL BERGARECHE n'était pas intervenue frauduleusement, il ne pouvait pas la livrer, sauf à engager sa propre responsabilité.

Le jugement déféré doit donc également être confirmé en ce qui concerne la société MIGUEL BERGARECHE.

Sur la responsabilité de la société QUALITAIR et SEA

Le Tribunal de Commerce a retenu la société QUALITAIR et SEA (à l'époque MARITEAM) dans les mêmes liens pour avoir commis une erreur de numérotation dans l'établissement des documents, dont la BSCH a cru devoir déceler une non-conformité ; d'y avoir également usurpé la qualité d'agent de COSCO ; et d'avoir encore prêté son concours à l'établissement des deux autres jeux de connaissements ayant permis la livraison de la marchandise en fraude aux droits de la BNP.

A l'appui de son appel, la société QUALITAIR et SEA conteste le premier grief, prétendant avoir régulièrement signé le connaissement initial en qualité d'agent transporteur COSCO dans le strict respect des dispositions de l'article 23 a) i) des RUU 500. Elle prétend donc qu'elle est agent de COSCO, ce dont elle ne justifie nullement. La société QUALITAIR et SEA désigne incidemment BERGARECHE comme donneur d'ordre à l'établissement du second connaissement, mais cet élément n'est pas de nature à exonérer la responsabilité du mandataire envers les tiers des fautes qu'il a pu commettre à leur égard. Enfin la société QUALITAIR et SEA estime que le second connaissement HAVHKG 0019 ne pouvait servir au transfert de propriété sur la marchandise, mais seulement à sa livraison. Mais telle est précisément la faute qui lui est reprochée et qui est donc établie. Enfin, elle prétend que le troisième connaissement no 61742 n'aurait pas permis la livraison de la marchandise à son acheteur final. Mais en réalité, c'est sur présentation de ce document, que BALTRANS a remis la marchandise à EVER TACT.

La société QUALITAIR et SEA conteste encore le préjudice et le lien de causalité dans des termes similaires à ceux qui figurent au chapitre précédent relatif à la responsabilité de la société MIGUEL BERGARECHE. La cour y apporte la même réponse.

Enfin la société QUALITAIR et SEA entend invoquer les propres fautes de la banque émettrice. Mais elle ne forme aucune demande à son égard. Son argumentation à ce sujet est donc inopérante et le jugement déféré doit encore être confirmé sur la responsabilité de la société QUALITAIR et SEA.

Sur l'appel en garantie

Le Tribunal de Commerce a débouté la société MARITEAM de l'appel en garantie qu'il avait formé à l'égard de la société BERGARECHE RUIZ MADRID. La société QUALITAIR et SEA ne critique pas particulièrement cette décision mais forme en cause d'appel la même demande, invoquant le fait que la société MIGUEL BERGARECHE était son donneur d'ordre.

Mais la société QUALITAIR et SEA n'a pas seulement commis de fautes à l'égard de la BNP en tant que simple exécutante de la société MIGUEL BERGARECHE. Elle a également commis des erreurs dans l'émission des premiers documents, usurpé la qualité d'agent du transporteur, et prêté son concours actif à l'établissement des documents frauduleux bien au-delà d'un simple rôle d'exécutante. C'est donc à bon droit que le Tribunal l'a déboutée de son appel en garantie, sans préjudice toutefois de son éventuel recours récursoire, mais selon une répartition à parts viriles.

Sur les demandes annexes

La société MIGUEL BERGARECHE conteste à la BNP PARIBAS le droit aux intérêts légaux pour la période du 15 juin 2000, date d'exécution du jugement par l'assureur de MARITEAM, au 10 janvier 2003, date de restitution des fonds. La BNP PARIBAS ne le conteste pas. Cette disposition doit donc être ajoutée.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la BNP PARIBAS l'intégralité des frais irrépétibles engagés dans le cadre de cette procédure d'appel dont elle doit donc être indemnisée à hauteur de 5.000 € par les sociétés MIGUEL BERGARECHE et QUALITAIR et SEA au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, indépendamment de la décision prise à ce sujet par les premiers juges et qui mérite confirmation. Corrélativement, les demandes formées par les autres parties au même titre doivent être rejetées. Enfin les dépens incombent à la partie succombante, en l'occurrence la société QUALITAIR et SEA qui est appelante.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt REPUTE CONTRADICTOIRE et en dernier ressort,

Donne acte des interventions volontaires de la société QUALITAIR et SEA aux droits de MARITEAM, de la société MIGUEL BERGARECHE aux droits de BERGARECHE RUIZ MADRID et de la BNP PARIBAS aux droits de la BNP,

Déboute la société QUALITAIR et SEA de ses exceptions tenant à la portée de la cassation et à l'autorité de chose jugée,

Confirme dans toutes ses dispositions le jugement rendu le 27 janvier 2000 par le Tribunal de Commerce de BOBIGNY,

Y ajoutant,

Dit que la BNP PARIBAS n'a pas droit aux intérêts légaux pour la période du 15 juin 2000 au 10 janvier 2003,

Déboute les sociétés MIGUEL BERGARECHE, QUALITAIR et SEA et la BSCH de leurs demandes au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Condamne les sociétés MIGUEL BERGARECHE et QUALITAIR et SEA à payer à la BNP PARIBAS une indemnité supplémentaire de 5.000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Condamne la société QUALITAIR et SEA aux entiers dépens exposés par toutes les parties devant toutes les juridictions ayant eu à connaître de la présente instance, dont distraction au profit des avoués à la cause qui peuvent y prétendre, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

Signé par Monsieur Jean BESSE, président et par Monsieur Jean-François MONASSIER, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Ct0194
Numéro d'arrêt : 437
Date de la décision : 13/09/2007

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2007-09-13;437 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award