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22/11/2006 | FRANCE | N°530

France | France, Cour d'appel de Versailles, Ct0171, 22 novembre 2006, 530


COUR D'APPEL DE VERSAILLES

Code nac : 86D

14ème chambre
ARRET No
contradictoire
DU 22 NOVEMBRE 2006
R. G. No 06 / 00807
AFFAIRE :
S. A. EDF...

C / Fédération NATIONALE DES MINES ET DE L'ENERGIE CGT...

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendu le 18 Janvier 2006 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE No chambre : No Section : No RG : 06 / 70

Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à :

SCP KEIME GUTTIN JARRY (x2)
Me Claire RICARD,
SCP LEFEVRE TARDY et HONGRE BOYELDIEU,

SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER,
SCP FIEVET-LAFON, REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE VINGT DEUX NO...

COUR D'APPEL DE VERSAILLES

Code nac : 86D

14ème chambre
ARRET No
contradictoire
DU 22 NOVEMBRE 2006
R. G. No 06 / 00807
AFFAIRE :
S. A. EDF...

C / Fédération NATIONALE DES MINES ET DE L'ENERGIE CGT...

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendu le 18 Janvier 2006 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE No chambre : No Section : No RG : 06 / 70

Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à :

SCP KEIME GUTTIN JARRY (x2)
Me Claire RICARD,
SCP LEFEVRE TARDY et HONGRE BOYELDIEU,
SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER,
SCP FIEVET-LAFON, REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE VINGT DEUX NOVEMBRE DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S. A. EDF... 75382 PARIS CEDEX 08 représentée par la SCP KEIME GUTTIN JARRY-N du dossier 06000116 assistée de Me Baudouin DE MOUCHERON (avocat au barreau de PARIS)

APPELANTE SOUS LE RG 06 / 807 ET INTIMEE SOUS LES RG 06 / 819,06 / 977,06 / 851 et 06 / 847
Société SPIE NUCLEAIRE anciennement dénommée S. A. S. AMEC SPIE THERMATOME... 95800 CERGY représentée par Me Claire RICARD-N du dossier 260100 assistée de Me Emmanuelle HELLOT-CINTRACT (avocat au barreau de PARIS)

APPELANTE SOUS LE RG 06 / 977 ET INTIMEE SOUS LES RG 06 / 819,06 / 807,06 / 851 et 06 / 847
S. A. S. TECHNIQUES MAINTENANCE ASSISTANCE NUCLEAIRES INDUSTRIE " TECHMAN INDUSTRIES " ...13008 MARSEILLE 08 représentée par la SCP LEFEVRE TARDY et HONGRE BOYELDIEU-N du dossier 260116 assistée de Me Michel DOSSETO (avocat au barreau de MARSEILLE)

APPELANTE SOUS LE RG 06 / 851 ET INTIMEE SOUS LES RG 06 / 819,06 / 807,06 / 977 et 06 / 847
SA POLINORSUD ... 37420 AVOINE représentée par la SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER-N du dossier 20060166 assistée de Me Hubert FLICHY (avocat au barreau de PARIS)

APPELANTE SOUS LE RG 06 / 819 ET INTIMEE SOUS LES RG 06 / 977,06 / 807,06 / 851 et 06 / 847
SAS ENDEL ...92700 COLOMBES représentée par la SCP KEIME GUTTIN JARRY-N du dossier 06000125 assistée de Me Philippe ROZEC (avocat au barreau de PARIS)

APPELANTE SOUS LE RG 06 / 847 ET INTIMEE SOUS LES RG 06 / 819,06 / 807,06 / 851 et 06 / 977
****************
Fédération NATIONALE DES MINES ET DE L'ENERGIE CGT ...93516 MONTREUIL représentée par la SCP FIEVET-LAFON-N du dossier 260187 assistée de Me Ralph BLINDAUER (avocat au barreau de METZ)

Fédération DES TRAVAILLEURS DE LA METALLURGIE CGT ...93516 MONTREUIL représentée par la SCP FIEVET-LAFON-N du dossier 260187 assistée de Me Ralph BLINDAUER (avocat au barreau de METZ)

Fédération NATIONALE DES SALARIES DE LA CONSTRUCTION ET BOIS CGT ...93516 MONTREUIL représentée par la SCP FIEVET-LAFON-N du dossier 260187 assistée de Me Ralph BLINDAUER (avocat au barreau de METZ)

INTIMEES SOUS LES RG 06 / 977,06 / 819,06 / 807,06 / 851 et 06 / 847
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 25 Octobre 2006 devant la cour composée de :
Monsieur Thierry FRANK, président, Madame Evelyne LOUYS, conseiller, Mme Ingrid ANDRICH, Conseiller,

qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Marie-Pierre LOMELLINIFAITS ET PROCEDURE,
La société anonyme ELECTRICITE DE FRANCE exploite un parc de dix-neuf centrales nucléaires réparties sur l'ensemble du territoire français, subdivisé en « plaques régionales ». Cette société fait sous-traiter depuis longtemps les opérations de maintenance de ses centrales nucléaires par des entreprises extérieures, notamment par les sociétés ENDEL, POLINORSUD, TECHMAN INDUSTRIE et AMEC SPIE, suivant des marchés de gré à gré passés individuellement avec chaque entreprise.
Estimant que ce mode de fonctionnement segmenté avait des effets négatifs, elle a envisagé courant 2002 de regrouper, lors du renouvellement des contrats, les marchés sous la supervision d'un sous-traitant unique, à charge pour lui de coordonner ensuite les autres sous-traitants dans le cadre d'une prestation globale d'assistance chantier (ci après « PGAC »), selon un cahier des charges établi contractuellement, et a entamé les consultations avec les entreprises prestataires à cette fin.
Un marché cadre a été signé le 18 août 2004 avec la société AMEC SPIE THERMATOME pour la PGAC du centre nucléaire de production d'électricité (CNPE) de FESSENHEIM, prévoyant notamment un retour d'expérience.
L'attribution des marchés des plaques CAUX MANCHE et AQUITAINE a été finalisée le 19 octobre 2005 suivant une répartition des sites, le tout avec prise d'effet au 1er janvier 2006.
Le volet « emplois » a été supervisé par le « COPSAR » (comité professionnel des prestataires de services en matière d'assainissement radioactif) qui regroupe les entreprises sous-traitantes d'EDF. Elles ont mis en place une cellule de gestion des emplois régie par une charte dont l'objectif est de « répondre aux enjeux de gestion de l'emploi et des compétences induits par cette nouvelle politique industrielle » et, notamment de « minimiser, au mieux de l'intérêt de toutes les parties prenantes (EDF, entreprises prestataires, salariés de ses entreprises), l'impact en termes d'emplois du fait des conditions d'attribution du marché ».
Estimant que l'impact social des PGAC intéressait la marche générale tant d'EDF que des entreprises sous-traitantes et que, les mesures proposées par la cellule de gestion des emplois et notamment les conventions tripartites proposées aux salariés concernés par les changements de marché, avaient pour effet de déjouer l'application de l'article L. 122-12 du code du travail dans certaines successions d'entreprises et de déjouer la mise en oeuvre de PSE en cas de rupture de contrats touchant plus de 10 salariés, les fédérations CGT ont saisi la juridiction des référés d'une demande de suspension de la mise en application de la PGAC tant que les consultations nécessaires des institutions représentatives du personnel, nationales et locales et des CHSCT tant d'EDF que des entreprises sous-traitantes n'auront pas été respectées, et tant que les négociations obligatoires sur la gestion prévisionnelle des emplois n'auront pas été engagées et menées à terme.
Par une ordonnance de référé en date du 18 janvier 2006, le juge des référés du tribunal de grande instance de NANTERRE a :
-rejeté les exceptions d'irrecevabilité soulevées,
-constaté l'existence d'un trouble illicite et en conséquence, ordonné aux sociétés EDF et ENDEL, POLINORSUD, TECHMAN INDUSTRIE et AMEC SPIE de reprendre la procédure d'information et de consultation de leurs institutions représentatives du personnel sur la PGAC, tant au niveau national qu'au niveau local ;
-ordonné la suspension des PGAC en cours dans l'attente de la mise en oeuvres desdites procédures et ce sous astreinte, dont il s'est réservé la liquidation, de 10 000 € par jour et par société concernée, un mois après le prononcé de la présente décision ;
-condamné solidairement les sociétés EDF et ENDEL, POLINORSUD, TECHMAN INDUSTRIE et AMEC SPIE aux dépens et à payer aux fédérations requérantes la somme de 3000 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Le premier juge a d'abord déclaré l'action des fédérations demanderesses recevable.
Sur la demande de suspension aux visas des articles L 431-5 et L 432-1 du code du travail, il a estimé sur les consultations au sein d'EDF que l'ensemble des documents relatifs aux réunions des CMP ne répondait pas aux exigences d'information et de consultation prévue aux articles précités, de telle sorte que le trouble manifestement illicite était établi et qu'il y avait lieu de le faire cesser. En ce qui concerne les entreprises prestataires, il a retenu que compte tenu de l'impact sur l'emploi de la mise en oeuvre de la PGAC, la violation des dispositions légales était patente, et qu'était établi un trouble manifestement illicite qu'il y avait lieu de faire cesser. L'ordonnance de référé retient l'existence d'une contestation sérieuse sur l'obligation de consulter et d'informer le comité national des CHSCT et les CHSCT de la société EDF et des autres sociétés dès lors qu'il n'est pas établi que la PGAC modifie les conditions d'hygiène et de sécurité ;

Il jugeait en ce qui concerne les conditions de travail, qu'il existait une contestation sérieuse sur l'importance de celles-ci, aucune consultation n'ayant encore eu lieu sur les conséquences effectives de la PGAC en termes d'organisation du travail et d'organisation des cadences, de telle sorte que la question devrait être, le cas échéant, tranchée par les juges du fond.
Sur la demande de suspension au visa de l'article L 320-2 du code du travail, il estimait que le débat relevait de la compétence des juges du fond et rejetait les demandes formulées sur ce fondement.
La société anonyme EDF, la société par actions simplifiée ENDEL, la société POLINORSUD, la société AMEC SPIE THERMATOME et la société TECHNIQUES MAINTENANCE ASSISTANCE NUCLEAIRES INDUSTRIE « TECHMAN INDUSTRIE » ont relevé appel de cette décision. Les appels ont été joints par une ordonnance du conseiller de la mise en état du 15 février 2006.
La société EDF a conclu à l'irrecevabilité des demandes de la FNME CGT, FTM CGT et FNSC CGT de leurs demandes tendant à la suspension de la mise en application de la PGAC tant que les institutions représentatives du personnel d'EDF n'auraient pas été informées et consultées et à l'infirmation de l'ordonnance qui les a déclarées recevables.
Subsidiairement, EDF demande à la cour d'appel de dire que les demandes présentées excèdent les pouvoirs du juge des référés en l'absence de trouble manifestement illicite et d'infirmer l'ordonnance, sauf en ses dispositions déboutant les demanderesses.
Elle réclame une somme de 10 000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La société EDF soutient que l'action des trois fédérations syndicales vise en réalité au respect des prérogatives de ses propres institutions représentatives du personnel et de celles de certains de ses prestataires ;
Que l'action pour la défense de l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent, dont disposent les syndicats en application de l'article L 411-1 du code du travail, est limitée au seul terrain de la réparation du préjudice éventuellement porté à cet intérêt et que, dès lors, les fédérations ne peuvent se substituer à ces institutions en agissant en leur lieu et place pour exiger leur consultation ;
Qu'en l'espèce, sous couvert de la dénonciation d'un délit d'entrave, les syndicats tentent de se substituer aux organismes de la filière pour contester la validité des procédures d'information et consultation qui se sont déjà déroulées.
Subsidiairement, la société EDF soutient que l'existence d'un trouble manifestement illicite pouvant justifier la compétence du juge des référés fait défaut. La société EDF se réfère à la répartition des compétences entre les institutions représentatives du personnel de la filière CMP, précisée par la circulaire PERS 873 du 23 mars 1987, qui se compose des sous-comités mixtes à la production, des comités mixtes à la production correspondant aux comités d'établissement distincts dans une entreprise divisée, de conférences régionales inter-CMP et du conseil supérieur consultatif des CMP correspondant au comité central d'entreprise et expose que la répartition des compétences est la même en ce qui concerne la filière des CHSCT.
Elle fait valoir que la PGAC marché de logistique et de radioprotection est négociée au niveau régional, est signée au niveau de chaque CNPE, ne relève pas de la compétence de la direction nationale d'EDF et n'entre pas dans le domaine de compétences du conseil supérieur des CMP et du conseil national des CHSCT et que c'est à tort que le premier juge l'a qualifiée de " projet d'ampleur national ".
Elle soutient encore que les fédérations n'apportent aucun élément de nature à démontrer que la PGAC a un impact sur les conditions de travail des agents EDF des sept CNPE concernés et que, dès lors, sa mise en application n'avait pas à être précédée de l'information consultation de la filière CHSCT.
Elle expose que les CMP et les sous-CMP ont été régulièrement informés et consultés ;
Que la procédure commencée à GRAVELINES, le 3 juin 2004, s'est poursuivie sur les différents sites jusqu'en décembre 2005 ; que la demande de suspension est désormais sans objet, dès lors qu'en exécution de l'ordonnance de référé entreprise, les consultations ont été engagées au niveau national et au niveau local.
Elle oppose enfin à la demande de suspension formulée par les organisations syndicales que, contrairement à ce qui a été jugé, la société EDF, entreprise publique dont le personnel est régi par un statut réglementaire, n'est pas soumise à l'obligation de négociation prévue par l'article L 320-2 du code du travail et qu'en tout état de cause, à la date du 4 janvier 2006, il ne pouvait lui être reprochée de ne pas avoir encore ouvert des négociations, dès lors que les entreprises qui sont comprises dans le champ d'application de la loi entrée en vigueur le 18 janvier 2005 disposent d'un délai expirant le 18 janvier 2008 pour engager cette négociation.
Les quatre sociétés prestataires concluent également à l'irrecevabilité des demandes des syndicats pour défaut d'intérêt à agir dans les mêmes termes que ci-dessus exposés et soulèvent l'existence d'une contestation sérieuse excluant la compétence du juge des référés, dans la mesure où l'existence d'un trouble illicite n'est pas établi et où, l'attribution des marchés dans le cadre de la PGAC relève de la décision de la société EDF et non de leur propre décision. Elles soulignent que la mesure de suspension aurait pour effet de suspendre l'attribution des marchés qui sont indissociables du fonctionnement des centrales nucléaires, dont le fonctionnement ne peut être suspendu, que certaines d'entre elles ont réorganisé de manière irréversible leurs équipes depuis l'année 2004 en ce qui concerne la centrale de FESSENHEIM et à compter d'octobre 2005 en vue des changements de marchés à effet du 1er janvier 2006.
En application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, la société SPIE NUCLEAIRE anciennement AMEC SPIE THERMATONE sollicite une somme de 2 000 €, la société POLINORSUD une somme de 1500 €, les sociétés ENDEL et TECHMAN INDUSTRIE une somme de 3 000 € à chacune des fédérations syndicales.
Les fédérations nationales CGT des MINES et de l'ENERGIE, des salariés de la CONSTRUCTION et des travailleurs de la METALLURGIE, par conclusions signifiées le 12 septembre 2006 auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des motifs, demandent à la cour d'appel de :
-confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle les a jugées recevables ;
-constater l'existence de trouble manifestement illicite ;
-confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a ordonné aux sociétés appelantes de reprendre la procédure d'information et de consultation de leurs institutions représentatives du personnel sur la PGAC, tant au niveau local que national ;
-confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a ordonné la suspension de la PGAC dans l'attente de la mise en oeuvre des procédures d'information et de consultation ;
-ordonner la suspension de la mise en application de la PGAC sur les plaques CAUX MANCHE ou NORD OUEST et la plaque ATLANTIQUE tant que :
-la commission supérieure des CMP d'EDF n'aura pas été informée et consultée ;
-les CMP concernés n'auront pas été informés et consultés ;
-la filière CHSCT d'EDF n'aura pas été informée et consultée.
-suspendre le processus d'application de la PGAC sur les plaques concernées, tant que les comités centraux d'entreprise, comités d'établissement et le cas échéant comités d'entreprise européen des sociétés ENDEL, POLINORSUD, TECHMAN et AMEC SPIE n'auront pas été complètement informés et consultés et tant que les CHSCT des dites sociétés n'auront pas été informés et consultés.
Par ailleurs, les fédérations demandent à la cour d'appel de :
-suspendre l'ensemble du processus de mise en application de la PGAC tant que la négociation prévue à l'article L 320-2 n'aura pas été mis en oeuvre, d'une part par EDF à l'égard de ces organisations syndicales, d'autre part par les autres sociétés appelantes ;
-faire injonction à toutes les sociétés appelantes de convoquer les réunions de négociations prévues à l'article L. 320-2 sous astreinte de 10 000 € par jour de retard ;
-faire interdiction à l'ensemble des sociétés appelantes de mettre en oeuvre la moindre mesure d'application de la PGAC sous astreinte de 100 000 € par infraction constatée ;
Condamner les appelants à payer aux organisations intimées la somme de 15 000 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

MOTIFS DE L'ARRÊT,
Sur la recevabilité à agir des organisations syndicales :
Considérant que les organisations syndicales tiennent de l'article L. 411-11 du code du travail le droit d'ester en justice afin d'obtenir réparation du préjudice, direct ou indirect, causé à l'intérêt collectif de la profession qu'elles représentent ;
Que le défaut de réunion, d'information et de consultation des institutions représentatives du personnel lorsque l'employeur y est légalement obligé, porte nécessairement atteinte aux droits de la profession à laquelle les salariés appartiennent ; que les fédérations syndicales qui représentent cette profession ont un intérêt légitime à l'action entreprise ;
Considérant que les organisations syndicales qui sont recevables à demander des dommages et intérêts dans le cadre d'une instance pénale en raison du préjudice né de l'entrave au fonctionnement régulier des institutions représentatives du personnel élues peuvent demander réparation devant la juridiction civile, et en conséquence, demander en référé, les mesures de remise en état destinées à mettre fin à un trouble dont l'illégalité est constatée ;
Que l'ordonnance de référé sera confirmée sur ce point ;
Sur les demandes dirigées contre les sociétés SPIE NUCLEAIRE, POLINORSUD, ENDEL et TECHMAN INDUSTRIES relatives à la consultation des institutions représentatives du personnel :
Considérant que les décisions sur lesquelles le comité d'entreprise et le CHSCT des entreprises sont obligatoirement informés et consultés, sont celles de leur propre chef d'entreprise ou organe de direction ; Que si, les sociétés prestataires ont été associées à la définition de certaines normes, et sont signataires de la " charte sur la cellule de gestion des emplois PGAC ", la décision de mettre en oeuvre la PGAC n'appartenait à aucune des entreprises prestataires qui ont dû s'y soumettre ;

Que le caractère tardif, relevé par le premier juge, de l'information donnée aux comités d'entreprise des sociétés prestataires, après acceptation des marchés ne peut être retenu comme établissant un trouble apporté au fonctionnement des institutions représentatives du personnel des sociétés prestataires, dès lors que la soumission aux appels d'offres émis par la société EDF qui détient le monopole de la production d'énergie nucléaire, relève de l'objet même de ces sociétés et que l'information des comités d'entreprise ne peut se faire que lorsque les évolutions des appels d'offre, la durée des marchés et les attributions sont connues ;
Que les organisations syndicales n'établissent pas l'existence d'un trouble manifestement illicite qu'il conviendrait de faire cesser ;
Que l'ordonnance de référé sera infirmée en ce qu'elle a fait injonction aux sociétés de mettre en oeuvre une procédure d'information consultation ;
Sur le défaut de consultation des institutions représentatives du personnel de la société EDF :
Considérant que le conseil supérieur consultatif des comités mixtes à la production qui, au sein de la société EDF, a le rôle d'un comité central d'entreprise, est, selon la PERS 973 du 23 mars 1987 reprenant les termes de l'article L 432-1 du code du travail, " obligatoirement informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la marche générale de l'établissement et en particulier les mesures de nature à affecter le volume et la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle " ; Considérant que la société EDF soutient que le conseil supérieur n'avait pas à être informé et consulté sur la PGAC, car elle consiste en un marché de logistique et de radioprotection négocié au niveau régional, signé par chaque CNPE et n'est manifestement pas une question du domaine de compétence des instances dirigeantes d'EDF ; qu'à l'heure actuelle, elle ne concerne que les directions maintenance et production des plaques Nord-Ouest et Atlantique et ne pourra être étendue aux autres plaques qu'à l'issue d'un retour d'expérience approfondi ;

Considérant que telle qu'énoncée lors de la présentation à la commission de la branche Energie du 5 février 2004, la maintenance est une activité au coeur du métier d'exploitant nucléaire, elle a une dimension stratégique indissociable de l'exploitation ;
Que, certes la PGAC a pour but de rationaliser en transférant à un attributaire du marché global, l'encadrement et la planification des travaux des prestataires, mission qui, auparavant, était assurée par la société EDF ; que cette nouvelle organisation a vocation à s'étendre sur tout le territoire national, mais après retour d'expérience, et que relevant de la sécurité des installations nucléaires, elle se situe dans un domaine particulièrement sensible ;
Que néanmoins le recours à des entreprises extérieures pour répondre aux différents lots des marchés : de logistique nucléaire, déchets nucléaires, propreté et assistance radioprotection, manutention et levage, échafaudage calorifuge, logistique de chantier, chaîne de linge et staff, qui entraient auparavant dans l'activité de la société EDF, existe depuis de très nombreuses années et qu'en l'espèce seul le mode opératoire, à l'échelon des sept centrales nucléaires des plaques Nord-Ouest et Atlantique parmi les dix-neuf centrales exploitées par EDF, est nouveau en ce que désormais, les marchés qui auparavant étaient l'objet d'appels d'offres dispersés sont désormais globalisés en un seul appel d'offres et qu'une entreprise est désormais attributaire principal ;
Considérant que le défaut d'information et de consultation des institutions représentatives du personnel ne peut constituer un trouble manifestement illicite permettant au juge des référés d'ordonner, à la demande d'organisations syndicales, toute mesure destinée à y mettre fin, que dans la mesure où la consultation préalable à la mise en oeuvre était manifestement obligatoire et que les prérogatives des institutions représentatives du personnel ont été méconnues ;
Que les documents produits et, notamment, l'expertise diligentée, ne permettent pas à l'évidence, de retenir que la PGAC affecte réellement le volume ou la structure des effectifs de la société EDF, de constater que ce changement dans l'organisation du recours pré-existant à des entreprises sous-traitantes emporte un abandon notable des prérogatives exercées préalablement par des agents EDF, et qu'elle affecte notablement, par des suppressions, les effectifs de la société EDF, ou affecte la durée du travail, les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle de ces agents ou salariés d'EDF ;
Qu'en l'absence de trouble manifestement illicite, il n'y a pas lieu en référé de retenir que sa mise en oeuvre imposait au delà de l'information et de la consultation des CMP concernés sur les dispositions spécifiques à l'établissement qu'elle imposait et sur lesquelles ils ont compétence, l'information et la consultation du conseil supérieur des CMP et d'ordonner en conséquence sa suspension ;
Que l'ordonnance de référé sera infirmée sur ce point ;
Considérant par ailleurs que les organisations syndicales sollicitent qu'il soit fait injonction à la société EDF de procéder à la consultation de la filière CHSCT du niveau national aux niveaux locaux concernés ;
Considérant que les charges incombant aux prestataires auxquels la société EDF fait appel depuis de nombreuses années sont normées ;
Qu'après étude de faisabilité au cours de l'année 2002, un cahier des clauses techniques particulières a été rédigé entre janvier et juillet 2004 pour les différents lots des futurs marchés ; que la consultation des CHSCT ne s'impose que dans le cas où un nombre significatif de salariés est concerné par une modification des conditions de travail et que le projet emporte un changement important des conditions de travail ;
Qu'en l'espèce aucun élément ne permet de constater que les conditions d'hygiène et de sécurité, ou les conditions de travail d'un nombre important de salariés ou d'agents EDF sont concernées directement par la PGAC qui s'adresse aux entreprise prestataires ;
Sur les demandes fondées sur les dispositions de l'article L 320-2 du code du travail :
Considérant que si, les dispositions de l'article L 320-2 du code du travail permettent aux organisations syndicales d'obtenir l'ouverture de négociations sur la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences et les mesures d'accompagnement susceptibles d'y être associées, l'absence de négociation dans le délai de trois années à compter de la promulgation de la loi du 18 janvier 2005, sans demande à cette fin de leur part, ne saurait justifier la suspension de la mise en oeuvre d'une quelconque décision du chef d'entreprise ou d'établissement ;
Que la demande tendant à ce qu'il soit fait injonction aux sociétés dans la cause de convoquer les réunions de négociations prévues à l'article L. 320-2 du code du travail sous astreinte de 10 000 € par jour de retard qui, au reste, est étrangère à la demande principale, ne peut prospérer, en référé, en l'absence de péril imminent ;
Sur les demandes au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile :
Considérant qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties, les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance ; PAR CES MOTIFS,

Statuant en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme l'ordonnance de référé rendue entre les parties par le tribunal de grande instance de NANTERRE le 18 janvier 2006, en ce qu'elle a déclaré les fédérations syndicales CGT recevables à agir ;
L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau :
Rejette la demande de suspension de mise en oeuvre de la prestation globale assistance chantier en ce qu'elle est dirigée contre les sociétés AMEC SPIE THERMATOME, TECHMAN INDUSTRIE, ENDEL et POLINORSUD ;
Dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes ;
Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Condamne les fédérations nationales CGT des MINES et de l'ENERGIE, des salariés de la CONSTRUCTION et des travailleurs de la METALLURGIE aux dépens, autorisation étant donnée aux SCP KEIME-GUTTIN et JARRY, LEFEVRE-TARDYet HONGRE-BOYELDIEU, JULLIEN-LECHARNY-ROL et FERTIER, et Me RICARD, avoués, de les recouvrer conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Arrêt prononcé et signé par Monsieur Thierry FRANK, président et par Madame Marie-Pierre LOMELLINI, greffier, présent lors du prononcé

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Ct0171
Numéro d'arrêt : 530
Date de la décision : 22/11/2006

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Nanterre, 18 janvier 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2006-11-22;530 ?
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