COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 80A 17ème chambre ARRET No 743 CONTRADICTOIRE DU 10 NOVEMBRE 2006 R.G. No 05/05215SB/NB AFFAIRE :Société EUROGROUP C/Hicham X... Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Octobre 2005 par le Conseil de Prud'hommes de NANTERRENo Chambre : Section :
EncadrementNo RG : 04/00805Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à :
RÉPUBLIQUE FRANOEAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS
LE DIX NOVEMBRE DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rend l'arrêt suivant dans l'affaire entre : Société EUROGROUP Tour Areva 92084 PARIS LA DEFENSEreprésentée par Me Claire LAVERGNE, avoca au barreau de PARIS, vestiaire : K35 APPELANTE Monsieur Hicham X... ... comparant en personne, assisté de Me FORGET Richard, avocat au barreau de PARIS, vestiaire :
C1834 INTIME Composition de la cour :En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Octobre 2006, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie BOURGOGNE, conseiller chargé(e) d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de :
Madame Marie-Noùlle ROBERT, conseiller faisant fonction de président,
Madame Patricia DEROUBAIX, conseiller,
Madame Sylvie BOURGOGNE, conseiller, Greffier, lors des débats : Mme Catherine SPECHT, Exposé des faits et de la procédure Hicham X... est engagé par la société Eurogroup aux termes d'un contrat à durée indéterminée en date du 20 novembre 2000 à effet du 16 octobre 2000,
en qualité d'ingénieur conseil, catégorie cadre position 1.2, coefficient 95 de la convention collective Syntec applicable à la relation contractuelle. Le salaire moyen mensuel brut perçu en dernier lieu par le salarié s'élève à 2 850 euros. Le 13 novembre 2003, Hicham X... est convoqué à un entretien préalable fixé le 13 novembre 2003 en vue de son éventuel licenciement et est licencié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 17 novembre 2003 dans les termes suivants:(...)Je vous notifie en conséquence votre licenciement pour insuffisance professionnelle caractérisée par l'ensemble des faits suivants:Tout au cours de la mission que vous avez effectuée chez Mederic, vos performances sont restées de médiocre niveau, présentant des lacunes rédactionnelles considérables obligeant Matthieu Asse à systématiquement corriger vos copies pour éviter des problèmes avec notre client, problèmes qui n'ont cependant pu être totalement évités, la mission prenant de votre fait plusieurs mois de retard.Ces lacunes persistantes ont logiquement été sanctionnées par une augmentation de rémunération beaucoup plus faible que la moyenne des autres consultants du cabinet deux années successives, ainsi que par une absence de promotion au grade de consultant senior, prenant normalement lieu à échéance de deux ans (et au pire de trois ans) pour tout consultant donnant satisfaction.L'ensemble des points jobs confirmait par ailleurs l'appréciation réservée que portait votre hiérarchie sur la qualité de vos prestations, laquelle vous a été confirmée par Olivier le Y..., votre coach à l'époque.(...)Dès lors, à la sortie de la mission Mederic, vous vous étiez constitué une réputation en terme de performances professionnelles rendant très difficile votre affectation dans une nouvelle équipe.(...) La recherche de nouvelles missions était engagée prioritairement par Laurence Z..., associé du pôle APS en charge des relations humaines (...)Après deux
mois d'intermission, cette dernière imposait votre participation à une courte mission d'audit de la CRAM Centre-Ouest (Limoges), se déroulant sur le mois de mars 2003.Cette nouvelle tentative n'a pas été concluante, et vos lacunes perduraient: incapacité d'analyse comme de synthèse, aucune production de produit fini utilisable, obligation de réécrire le peu de documents produits, pour une mission qui s'est terminée à la satisfaction du client ... grâce au travail de ceux qui vous entouraient.(...)Laurence Z... vous a indiqué en mai 2003 qu'aucune évolution professionnelle n'était envisageable au sein du cabinet et vous a engagé à chercher un poste dans une autre société, vous précisant que le cabinet s'engageait à vous aider dans cette démarche en vous ménageant toute la disponibilité nécessaire, en vous assurant personnellement un accompagnement de vos démarches de recherche, et en vous laissant un délai de huit mois pour quitter le cabinet à la fin de l'année 2003.Votre démarche de recherche (ä) suit selon vous, un rythme ne vous permettant pas d'espérer aujourd'hui un départ en décembre 2003 comme initialement convenu en mai, et dans ces conditions, nous sommes contraints de mettre un terme à notre relation contractuelle pour les raisons ci-avant exposées.Nous déplorons cependant qu'alors que le cabinet s'est montré d'une extrême correction à votre égard, vous vous soyez borné, en guise de réponse, à proférer des critiques personnelles contre deux managers, à affirmer l'insuffisance, voire l'incompétence, managériale de l'ensemble de votre pôle, à émettre des doutes sur la "légalité" (OE) de la note du président d'Eurogroup, selon laquelle la promotion comme manager intervenait désormais en moyenne au bout de 6 ans d'expérience, à soutenir que les clients étaient très satisfaits de vous (ce qui est probablement le cas de vos correspondants directs).(...)Contestant le bien-fondé de son licenciement, Hicham X... saisit le Conseil de prud'hommes de
Nanterre afin d'obtenir une indemnité de 34 200 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 3 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.Par jugement rendu le 5 octobre 2005, le Conseil de prud'hommes dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et condamne la société Eurogroup à payer au salarié le somme de 17 100 euros à titre d'indemnité et 700 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.Il relève que le salarié a été sans activité pendant près de 8 mois sans qu'il soit justifié de ce que ce délai avait été donné au salarié pour trouver un nouvel emploi; que les faits rapportés dans la lettre de licenciement qui remontent donc à plus de huit mois sont fondés sur les points jobs (évaluations) et que les points jobs qui lui sont soumis font état de commentaires qui sans être élogieux ne sont pas négatifs.La société Eurogroup relève régulièrement appel de cette décision.Aux termes de conclusions déposées et soutenues à l'audience auxquelles la cour se réfère pour un plus ample exposé des faits et des moyens, elle demande l'infirmation du jugement déféré, le rejet des demandes du salarié et la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.Elle fait valoir:-que le client Mederic a demandé au manager de reprendre les travaux du salarié qui n'était pas exploitables et a ensuite sollicité l'exclusion de M. X...,-que les attestations produites établissent qu'au titre de la mission effectuée pour le CRAM à Limoges, le salarié n'a pas non plus donné satisfaction, n'ayant pu rédiger sur un rapport de 239 pages, que 3 pages, alors qu'il s'agissait d'un travail simple,-que les évaluations nuancées qui ont été faites à son égard sont très en retrait par rapport à celle des consultants donnant toute satisfaction et sont en outre souvent exagérément positives pour ne pas décourager les salariés,-que le seul courriel de félicitation émanant d'un client produit par le
salarié s'avère être celui d'un ami proche.-que le seul fait d'avoir choisi de laisser M. X... effectuer une recherche d'emploi rémunérée prouve l'inaptitude professionnelle de ce dernier,-que le salarié est le seul au sein de l'entreprise: dont la performance est classée inférieure aux attentes,*à n'avoir fait l'objet d'aucune augmentation,-que loin de chercher à pallier ses lacunes, M. X... s'autorisait un absentéisme du plus mauvais aloi,-que M. X... ne s'est jamais plaint de l'absence de toute mission pendant 8 mois, conscient de son incapacité et de son insuffisance professionnelle.Aux termes de conclusions déposées et soutenues à l'audience auxquelles la cour se réfère pour un plus ample exposé des faits et des moyens, Hicham X... demande la confirmation du jugement déféré sauf en ce qui concerne le quantum de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'il veut voir porter à 34 200 euros, sollicitant en outre 3 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.Il fait valoir:-que les différents "points jobs" et les attestations produites font état de ses qualités professionnelles, -qu'il n'a été absent entre le mois de septembre 2002 et la date de licenciement que 11 jours pour cause de maladie et n'a fait l'objet d'aucune sanction à cet égard,-qu'il n'a jamais manqué de motivation pour les fonctions exercées et a retrouvé un emploi en qualité de consultant senior, les appréciations de son nouvel employeur étant très élogieuses,-qu'il a été l'objet d'un harcèlement moral en ayant été privé d'activité pendant 8 mois, aucun élément ne venant justifier de l'accord entre les parties allégué par l'employeur à ce sujet;-que le montant de l'indemnité réclamée inclut la réparation de son préjudice moral.Motifs de la décision Considérant que la lettre de licenciement circonscrit le litige; que la question des absences du salarié qui n'est pas évoquée dans cette
lettre n'a donc pas à être examinée par la cour; que le comportement du salarié à l'égard des managers de la société déploré par l'employeur n'apparaît pas non plus constituer un grief à l'appui du licenciement compte tenu des termes de la lettre litigieuse, les reproches fondant ce licenciement étant exposés "ci-avant"; Considérant que l'employeur produit une attestation d'Olivier Le Y..., responsable du suivi de l'évaluation d'Hicham X..., de ses promotions et augmentations, et de mars à mai 2003, directeur de mission encadrant directement le salarié; qu'outre la timidité de l'intéressé, le témoin mentionne notamment la "faible capacité d'analyse et de synthèse, nuisant à la qualité de sa production";Que les fiches d'évaluation produites dites "point job" font état de performances globales évaluées à très bien ou bien pour la majorité d'entre elles; que si les commentaires font état de la timidité du salarié, et en ce qui concerne les évaluations les plus récentes, des efforts de synthèse et d'analyse que celui-ci doit faire, il ne ressort pas de la rédaction de ces "points jobs" une insuffisance au sens de la lettre de licenciement, laquelle mentionne des performances de niveau médiocre et des lacunes rédactionnelles "considérables" ainsi qu'aucune "production de produit fini utilisable"; qu'aucun élément de comparaison n'étant fourni quant aux modalités d'évaluation des autres salariés de l'entreprise dans la même situation que M. X..., la cour ne peut vérifier les allégations de l'employeur concernant les évaluations "exagérément positives" à des fins de motivation du salarié; que les pièces produites concernant les promotions au sein de l'entreprise et l'évolution professionnelle du salarié ne permettent pas de lever le doute résultant des contradictions entre les attestations fournies par l'employeur et les évaluations qu'il a effectuées, alors que M. X... produit de son côté des témoignages de nature élogieuse sur son
travail, dont un émane du responsable de maîtrise d'ouvrage comptable de la société Mederic, sans qu'on puisse mettre en doute sa crédibilité;Qu'il n'est pas démontré par ailleurs l'accord des parties concernant l'absence de mission confiée au salarié pendant un délai de 8 mois afin de permettre à celui-ci selon l'employeur de trouver un autre emploi, compte tenu de son incapacité; Qu'en l'absence d'autres éléments objectifs concernant la qualité du travail de M. X..., notamment en ce qui concerne les plaintes des clients de la société Eurogroup dont l'employeur fait état, la cour doit constater que le licenciement n'est pas justifié au regard des dispositions de l'article L. 122-14-3 du code du travail;Considérant que dès lors que le salarié a été privé de toute mission pendant 8 mois, il est établi que celui-ci a subi les agissements répétés de harcèlement moral qui ont eu pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité au sens de l'article L. 122-49 alinéa 1er du code du travail;Considérant que le salarié ne justifie pas de sa situation avant d'avoir retrouvé l'emploi dont il fait état dans ses écritures ;Considérant qu'en application de l'article L. 122-14-4 du code du travail, M. X... ayant plus de 2 ans d'ancienneté et l'entreprise comptant plus de 10 salariés, et tenant compte du préjudice subi par l'intéressé du fait du harcèlement moral, il y a lieu d'allouer à celui-ci la somme de 18 000 euros à titre d'indemnité ; Considérant qu'en outre, il y a lieu, en application de l'article L 122-14-4 précité, d'ordonner le remboursement par la société Eurogroup aux organismes concernés, parties au litige par l'effet de la loi, des indemnités de chômage qu'ils ont éventuellement versées à M. X... à concurrence de six mois.Considérant que l'équité commande d'allouer à M. X... la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure
civile ;Qu'il y a lieu de débouter la société Eurogroup de cette même demande ;Par ces motifs La Cour,Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,Infirme partiellement le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Nanterre le 5 octobre 2005 par le Conseil de prud'hommes de Nanterre,Condamne la société Eurogroup à verser à Hicham X... la somme de 18 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et harcèlement moral,Ordonne le remboursement par la société Eurogroup aux organismes concernés des indemnités de chômage qu'ils ont éventuellement versées à M. Hicham X... à concurrence de six mois. Confirme pour le surplus les dispositions no contraires du jugement déféré,Y ajoutant,Condamne la société Eurogroup à verser à Hicham X... la somme de 1 500 euros pour les frais de procédure engagés en cause d'appel,Déboute la société Eurogroup de sa demande d'indemnité de procédure,Condamne cette société aux dépens.
Arrêt prononcé par Madame Marie-Noùlle ROBERT, conseiller faisant fonction de président, et signé par Madame Marie-Noùlle ROBERT, conseiller faisant fonction de président et par Mme Catherine SPECHT, greffier présent lors du prononcé.
Le GREFFIER,
Le PRESIDENT,