COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 14A14ème chambre ARRET No contradictoire DU 03 NOVEMBRE 2006R.G. No 06/03779 AFFAIRE :S.N.C. PRISMA PRESSE (EDITRICE DE L'HEBDOMADAIRE VOICI) C/Patrick X... Y... dit Patrick X... ...Décision déférée à la cour : Ordonnance rendu le 12 Mai 2006 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE No chambre : No Section : No RG :
06/1124 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à :
représentée par la SCP GAS représenté par la SCP KEIME GUTTIN JARRY, REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE TROIS NOVEMBRE DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : S.N.C. PRISMA PRESSE (EDITRICE DE L'HEBDOMADAIRE VOICI) 6 rue Daru 75379 PARIS CEDEX 08 représentée par la SCP GAS - N du dossier 20060466 assistée de Me D'ANTIN du Cabinet D'ANTIN - BROSSOLET (avocats au barreau de PARIS) APPELANTE****************Monsieur Patrick X...-Y... dit Patrick X...... représenté par la SCP KEIME GUTTIN JARR - N du dossier 06000511assisté de Me Florence WATRIN de l'ASSOCIATION WATRIN - BRAULT ET ASSOCIÉS (avocats au barreau de PARIS) Madame Amanda Z... épouse X...-Y..., dite Amanda A... ... représentée par la SCP KEIME GUTTIN JARRY - N du dossier 06000511 assistée de Me Florence WATRIN de L'ASSOCIATION WATRIN-BRAULT ET ASSOCIES (avocats au barreau de PARIS) INTIMES****************Composition de la cour :L'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 Octobre 2006 devant la cour composée de :
Monsieur Thierry FRANK, président,
Madame Evelyne LOUYS, conseiller,
Mme Ingrid ANDRICH, Conseiller,qui en ont délibéré, Greffier, lors de débats : Madame Marie-Pierre LOMELLINI FAITS ET PROCEDURE,
Dans l'édition numéro 964 du magazine VOICI du 29 avril 2006, un article illustré de cinq photographies prises à l'insu des époux X... a été publié, annoncé en page de couverture par une photographie du couple se promenant en bord de mer, main dans la main, sous le titre " Patrick X... et Amanda Un 3ème enfant ! " surmonté de l'accroche : " on ne les arrête plus !", reprise sur le site internet du journal, développé dans les pages 14 à 16 sous le titre :
" Patrick X... et Amanda jamais deux sans trois " et l'intertitre " sept mois après l'arrivée de leur deuxième garçon, ils attendent déjà un nouveau bébé. On ne les arrête plus ! ".
Sur une assignation en référé délivrée à la requête des époux X... à l'encontre de la société PRISMA PRESSE, le juge des référés du tribunal de grande instance de NANTERRE, par une ordonnance en date du 12 mai 2006, a :
- rejeté l'exception de nullité de l'assignation,
- condamné la société PRISMA PRESSE à payer à chacun des époux X... la somme provisionnelle de 12 000 ç, outre 3 000 ç en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- ordonné la publication d'un communiqué judiciaire dans le numéro à paraître immédiatement après la signification de l'ordonnance, puis sous astreinte provisoire de 20 000 ç par numéro de retard,
- fait interdiction à la société PRISMA PRESSE de reproduire de nouveau les clichés litigieux sous astreinte provisoire de 1 500 ç par infraction constatée dès la signification de la décision, le premier juge s'étant réservé la liquidation des astreintes prononcées.
La société PRISMA PRESSE a relevé appel de cette décision.
Sur une demande de radiation formée par les époux X..., en application de l'article 526 du nouveau code de procédure civile, au motif que la mesure de publication judiciaire n'avait pas été exécutée bien qu'assortie de l'exécution provisoire de droit, le conseiller de la mise en état, par une ordonnance du 29 septembre 2006 a rejeté l'incident, dans la mesure où la radiation à ce stade de la procédure serait inadaptée et disproportionnée par rapport au but poursuivi et de nature à priver l'appelante de son droit de voir son appel jugé dans des conditions conformes avec les exigences d'un procès équitable.
La société PRISMA PRESSE sollicite le prononcé de la nullité de l'assignation, et subsidiairement :
- le débouté des époux X... de leur demande de provision sur dommages et intérêts,
- de publication d'un communiqué judiciaire,
- d'interdiction de republication des clichés,
Plus subsidiairement encore, elle demande de dire que l'astreinte ne courra qu'à compter de la signification de l'arrêt ;
Elle fait valoir que les intimés ont saisi le juge sous une identité qui n'est pas la leur, en ce qui concerne le chanteur, sous son nom de scène ce qui justifie la nullité de l'assignation et de l'ordonnance ;
Que la publication d'un communiqué ne s'impose pas en référé alors qu'elle a, d'ores et déjà, fait paraître un démenti extrêmement clair, accompagné de ses excuses mentionnant que l'article fait l'objet de poursuites ;
Que la nouvelle publication des clichés invoquée n'est qu'éventuelle et hypothétique en l'absence d'éléments laissant présumer qu'elle aurait à nouveau l'intention d'en faire usage de sorte que l'interdiction de publication des clichés pour le futur ne saurait être prononcée ; concernant l'étendue de leur préjudice, que les intimés font état "des répercussions qu'une telle annonce peut avoir sur eux ainsi que sur leur entourage" sans aucune preuve.
Patrick X... et Amanda Z... , son épouse, concluent à la confirmation de la décision en ses principes mais, formant un appel incident, demandent à la Cour de :
- ne pas modifier le point de départ des astreintes,
- condamner PRISMA PRESSE à verser à Amanda A... une provision de 30 000 ç et à Patrick X... une provision du même montant au titre du préjudice moral subi par eux, outre la somme de 4 000 ç chacun en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Ils soutiennent que leur désignation n'est pas irrégulière et qu'en tout état de cause, la société éditrice ne se prévaut d'aucun grief ;
Qu'il existe une atteinte flagrante au droit qu'ils détiennent sur leur image compte tenu du fait que les photographies litigieuses ont été prises dans le cadre de leurs activités privées et ont été publiées sans leur autorisation, ainsi qu'à l'intimité de leur vie privée s'agissant de l'annonce mensongère d'une prétendue grossesse et du déroulement d'un séjour d'ordre privé ;
Que ces atteintes ne sont pas sérieusement contestables ;
Qu'à titre de réparation, une mesure de publication judiciaire est nécessaire, la parution d'un démenti n'étant pas suffisante.
Ils s'opposent à la modification du point de départ de l'astreinte prononcée par le premier juge et sollicitent qu'il soit fait interdiction pour l'avenir à la société PRISMA PRESSE de publier à nouveau ces photographies, sous astreinte, dès lors qu'il s'agit d'une mesure propre à empêcher une atteinte à leur vie privée. Ils invoquent, enfin, l'étendue de leur préjudice et l'absence de complaisance de leur part pour solliciter le paiement d'une somme provisionnelle indemnitaire de 30 000 ç chacun. MOTIFS DE L'ARRET,
Considérant que la société PRISMA PRESSE soulève la nullité de l'assignation en raison de l'utilisation par les époux X... d'une identité tronquée, au moyen d'un pseudonyme, X... n'étant pas le patronyme de l'intimé, ni par conséquent le nom d'usage de femme mariée de son épouse ;
Mais, considérant que d'une part, le patronyme de l'intimé est X... Y... et son nom d'usage est X... ;
Que d'autre part, il n'est démontré ni même allégué aucun grief de la part de la société éditrice de sorte que l'exception soulevée ne peut qu'être écartée ;
Considérant que c'est, à juste titre, que le premier juge a estimé que l'article litigieux, annonçant, sans aucune réserve, la prétendue
naissance du troisième enfant de Patrick X... et d' Amanda A... et livrant des détails sur le déroulement d'un séjour d'ordre privé tant par son texte que par ses illustrations réalisées à l'insu des intéressés, les représentant se promenant sur la plage à des moments différents, comme en témoigne leur tenue vestimentaire, ce qui traduit la surveillance dont ils ont fait l'objet, porte manifestement une atteinte caractérisée à l'intimité de leur vie privée et à leur droit à l'image, sans motif légitime d'actualité ;
Considérant que la société PRISMA PRESSE ne conteste d'ailleurs pas réellement les atteintes portées aux droits de la personnalité des intimés et se borne à critiquer les mesures ordonnées par le premier juge au titre de la réparation ;
Qu'elle conclut au débouté de leur demande d'indemnisation du chef d'un prétendu préjudice moral non démontré, les époux X... sollicitant quant à eux, une indemnité provisionnelle de 30 000 ç chacun ;
Considérant, à cet égard, qu'il est constant que le préjudice moral ouvre droit à réparation dont le montant est apprécié au regard de la seule valeur du dommage subi sans que la gravité de la faute puisse en influencer l'évaluation, il ne saurait être fait obligation aux intimés de rapporter la preuve de la souffrance ressentie ;
Considérant qu'en allouant à chacun des époux X..., une somme provisionnelle de 12 000 euros en réparation de leur préjudice moral, le premier juge a, par des motifs pertinents que la Cour adopte, fait une juste appréciation du dommage subi ; que, dès lors, l'ordonnance entreprise sera confirmée de ce chef ;
Considérant encore, qu'à titre de mesure de réparation complémentaire, le premier juge a ordonné la publication judiciaire, sous astreinte, d'un communiqué judiciaire à laquelle la société
PRISMA PRESSE s'oppose en faisant état du démenti accompagné de ses excuses qu'elle a fait paraître dans le no 967 de VOICI, du 22 mai 2006, qui remplit l'office d'un communiqué judiciaire en portant à la connaissance du public que l'article incriminé était attentatoire aux droits de la personnalité du couple X... et qu'ils ne l'ont pas toléré ;
Qu'elle fait état de ce qu' une telle mesure s'accommode mal, en outre, de la nature provisoire et provisionnelle du référé ;
Mais, considérant que d'une part, il n'appartient pas à la société PRISMA PRESSE de se substituer à l'autorité judiciaire et de fixer les modalités de l'information à donner au public sur le caractère erroné de l'annonce faite dans un des numéros précédents de VOICI quant à l'annonce d'un 3ème enfant au sein du couple X... ;
Que, d'autre part, il apparaît que la mesure de publication judiciaire ordonnée est justifiée au regard de la gravité des atteintes commises s'agissant de la révélation d'un état de grossesse, réel ou supposé, qui touche à la sphère la plus intime de la vie privée ;
Qu'une telle mesure de publication forcée est, enfin, proportionnée aux atteintes portées et nécessaire à la protection des droits de la personnalité des époux X... ;
Considérant que l'ordonnance dont appel sera, par conséquent, également confirmée sur ce point ;
Considérant que la société PRISMA PRESSE demande à la Cour de fixer le point de départ de l'astreinte à compter de la date de signification de son arrêt en visant l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et le droit à un procès équitable ; Mais, considérant que c'est en toute connaissance de cause que ladite société a pris le risque de ne pas procéder à la publication ordonnée
et s'est ainsi exposée de manière délibérée à faire l'objet d'une importante condamnation financière au titre de l'astreinte prononcée ;
Qu' elle ne peut valablement faire valoir qu'elle aurait été privée d'un degré de juridiction compte tenu du risque financier encouru puisqu'elle a relevé appel de la décision ;
Qu'il ne s'agit pas, enfin, d'une mesure irréversible en cas de réformation, une publication similaire pouvant toujours intervenir ; Considérant que la prétention émise par la société PRISMA PRESSE ne sera donc pas accueillie favorablement ;
Considérant que les époux X... concluent qu'il doit être fait interdiction à la société PRISMA PRESSE de publier pour l'avenir les photographies litigieuses ;
Mais, considérant que l'interdiction sollicitée, n'entre, à l'évidence, pas dans les pouvoirs du juge des référés ;
Qu'en effet, tant le trouble manifestement illicite que le dommage imminent n'existent pas, la nouvelle publication invoquée n'étant qu'éventuelle et hypothétique en l'absence d'éléments laissant présumer que la société aurait l'intention d'en faire usage à nouveau ;
Qu'en tout état de cause les droits des intimés sont préservés par les articles 9 et 1382 du Code Civil dont il convient de faire une application selon les circonstances de chaque espèce ;
Considérant que l'ordonnance qui a fait droit à la demande, sera infirmée ;
Qu'il n'y a lieu à référé sur ce point ;
Considérant que l'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile au
profit des époux X..., dans les termes du dispositif ; PAR CES MOTIFS,
Statuant en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté l'exception de nullité soulevée par la société PRISMA PRESSE, condamné cette dernière à payer à chacun des époux X... la somme provisionnelle indemnitaire de 12 000 ç (douze mille euros), ordonné la publication judiciaire d'un communiqué aux frais de la société PRISMA PRESSE, dans le numéro à paraître après la signification de la présente décision et sous astreinte provisoire de 20 000 ç (vingt mille euros) par numéro de retard, condamné la société PRISMA PRESSE au paiement d'une indemnité de procédure de 3 000 euros (trois mille euros) ainsi qu'aux dépens,
L'infirme sur l'interdiction de publier à l'avenir les clichés litigieux,
Statuant à nouveau,
Dit que la société PRISMA PRESSE, dans le numéro à paraître immédiatement après la signification du présent arrêt et sous astreinte provisoire de 20 000 ç (vingt mille euros) par numéro de retard, devra publier, à ses frais avancés, le communiqué suivant :
" Par arrêt rendu le 3 novembre 2006, la Cour d'appel de VERSAILLES a condamné la société PRISMA PRESSE pour avoir porté atteinte au droit à la vie privée et au droit à l'image de Patrick X... et d'Amanda Z... épouse X... dite Amanda A... dans le numéro 964 du magazine VOICI, daté du 29 avril 2006, en publiant un article intitulé "Patrick X... etamp; Amanda Un 3ème enfant!".
Disons qu'il sera procédé à cette publication en partie haute de la page de couverture, dans un encart de 16 centimètres de hauteur, sur toute la largeur de la page du magazine, en dehors de toute publicité
ou mention ajoutée, en caractères gras et noirs, sur fond blanc recouvrant l'intégralité de l'encart, surmonté du titre "Condamnation judiciaire de Voici au profit de Patrick X... et Amanda Z... épouse X... dite Amanda A..." en lettres rouges d'un demi-centimètre de hauteur.
Déboute la société PRISMA PRESSE de sa demande tendant à modifier le point de départ de l'astreinte provisoire.
Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande des époux X... d'interdiction de publier pour l'avenir les clichés litigieux.
Condamne la société PRISMA PRESSE à payer conjointement aux époux X... la somme de 3 000 ç (trois mille euros) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux dépens, autorisation étant accordée à la SCP KEIME, GUTTIN JARRY, avoués, de les recouvrer conformément à l'article 699 du même Code.
Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile et signé par Monsieur Thierry FRANK, président et par Madame LOMELLINI, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER,
Le PRESIDENT,