COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 72Z 4ème chambre ARRET No CONTRADICTOIRE DU 16 OCTOBRE 2006 R.G. No 05/02561 AFFAIRE : S.D.C. DU 6/16 ALLEE MOLIERE A COLOMBES (92700), C/ Société BEINEIX LECLERE Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Décembre 2004 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE No Chambre : 7ème No Section : B No RG :03/05030 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE SEIZE OCTOBRE DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DU 6/16 ALLEE MOLIERE A COLOMBES (92700), représenté par son syndic la Société G.MAUDUITetCIE, Ayant son siège 36, rue Jean-Baptiste Pigalle 75009 PARIS elle-même prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège représenté par la SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER, avoués - N du dossier 20050377 plaidant par Maître COLLIER avocat au barreau de PARIS APPELANT Société BEINEIX LECLERE Ayant son siège 6, Impasse Massonnet 75018 PARIS prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège représentée par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD, avoués - N du dossier 0541168 ayant pour avocat Maître Christian GUILLOT du barreau de PARIS INTIMEE Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 Juin 2006 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Geneviève BREGEON, président chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Geneviève BREGEON, Président,
Madame Catherine MASSON-DAUM, Conseiller,
Madame Dominique LONNE, Conseiller, Greffier, lors des débats :
Madame Marie-Christine COLLET, FAITS ET PROCEDURE,
Le 7 mars 2000, le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES de l'immeuble sis 6/16 allée Molière à Colombes (92) a confié à la société BENEIX LECLERE (ci-après désignée BENEIX) le ravalement de celui-ci, tel que décrit à son devis du 6 mars précédent, pour un montant de 133.041,65 ç toutes taxes comprises, incluant celui de 107.243,92 ç au titre des travaux de maçonnerie.
Faisant valoir que la surface des parements de pierre à reprendre s'est avérée de 860 m au lieu des 390 m prévus au devis, la société BENEIX a établi son décompte général définitif sur la base de cette nouvelle superficie en y appliquant le prix unitaire du devis. Estimant que sa commande avait un caractère forfaitaire, le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES a refusé de régler le supplément de prix ainsi réclamé.
Se prévalant de désordres, le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES a obtenu
la désignation de M Roland X... en qualité d'expert par ordonnance du juge des référés en date du 16 septembre 2001, sur saisine de l'entreprise en paiement de la somme de 55.937,97 ç (366.929 F). Celui-ci a établi son rapport le 21 novembre 2002.
Le 21 mars 2003, la société BENEIX a assigné le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES en paiement de la somme de 47.497,19 ç avec intérêts conventionnels à compter du 24 juillet 2001, au titre du solde dû sur ses travaux, outre celle de 4.000 ç en réparation de son préjudice. A titre reconventionnel, le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES a demandé que soit prononcée la réception judiciaire des travaux à la date du 4 octobre 2000 ainsi que réclamé paiement des sommes de 1.303,44 ç et 40,21 ç, au titre de la levée des réserves, et de celle de 7.500 ç, à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.
Par jugement en date du 7 décembre 2004, le tribunal de grande instance de Nanterre a : * condamné le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES à payer la somme de 33.102,78 ç toutes taxes comprises à la société BENEIX au titre du solde du marché, avec intérêts moratoires au taux des obligations cautionnées augmenté de 2,5 points, à compter du 24 septembre 2001, en application de l'article 18-7 de la norme NF P 03-001, * débouté la société BENEIX du surplus de ses demandes, * prononcé la réception judiciaire des travaux au 4 octobre 2000 avec les réserves figurant au procès-verbal dressé le même jour, * condamné la société BENEIX à payer au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES la somme de 1.375,13 ç toutes taxes comprises au titre de la reprise de la bande de rejaillissement sur le pignon de gauche, * débouté le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES du surplus de ses demandes, * ordonné l'exécution provisoire, * condamné le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES à payer à la société BENEIX une somme de 5.000 ç en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens comprenant les frais de l'expertise.
LA COUR
Vu l'appel formé par le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES à l'encontre de cette décision,
Vu les conclusions en date du 18 avril 2006, par lesquelles le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES, poursuivant la réformation partielle du jugement déféré, demande à la cour, au visa des articles 1134, 1147 et 1792-6 du Code civil et 32-1 du nouveau Code de procédure civile, de : subsidiairement, dire qu'aucun avenant ni ordre de service n'est intervenu pour l'exécution de travaux supplémentaires, débouter en conséquence la société BENEIX de l'ensemble de ses demandes, confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société BENEIX à lui payer la somme de 1.375,13 ç toutes taxes comprises, au titre de la bande de rejaillissement, et en ce qu'il a prononcé la réception judiciaire avec réserves, condamner la société BENEIX à lui payer la somme de 7.500 ç à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, condamner la société BENEIX aux entiers dépens de première instance et d'appel,
Vu les conclusions en date du 13 février 2006, par lesquelles la société BENEIX, intimée relevant appel incident sur le montant des condamnations prononcées, demande à la cour, au visa des articles 1134 et suivants, 1153 et 1154 du Code civil, 515 du nouveau Code de procédure civile et de la norme AFNOR NFP 03-001 en son édition de septembre 1991, de : condamner le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES à lui payer la somme de 47.497,19 ç avec intérêts conventionnels tels qu'arrêtés à l'article 18.7 de la norme AFNOR NFP 03-100 en son édition de septembre 1991 et ce, depuis le 24 juillet 2001, date de son ultime mise en demeure, infirmer en tout état de cause le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES la somme de 1.375,13 ç, condamner le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES à lui payer la somme de 5.000 ç au titre de ses frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux entiers dépens,
SUR CE,
Considérant que les dispositions relatives à la réception judiciaire des travaux ne sont pas remise en discussion ; qu'elles sont donc devenues définitives sans qu'il y ait lieu de confirmer le jugement de ce chef, ainsi que le demande le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES ;
Considérant que les parties s'opposent sur la nature du marché de travaux confié à la société BENEIX ; que celui-ci se réfère exclusivement à la norme AFNOR NF P 03-001 des marchés privés ;
Que la société BENEIX soutient que les quantités mentionnées à son devis n'étaient que provisionnelles et qu'il s'agit d'un marché de
travaux au métré tel que défini par l'article 1.4.22.2 de la norme AFNOR NF P 03-001, en son édition de septembre 1991 en vigueur au moment de la passation dudit marché et de son exécution ;
Que, pour sa part, le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES se prévaut du descriptif des travaux établi par son maître d'oeuvre pour la consultation des entreprises, lequel énonce en sa page 2 qu'"Une fois la proposition de prix remise, aucune réclamation sur l'état des supports ou sur les quantités ne sera admise par le maître de l'ouvrage" et que "Pour faciliter la comparaison des offres et permettre une présentation synthétique aux copropriétaires, il est demandé aux entrepreneurs de chiffrer les postes suivant l'ordre des chapitres du présent descriptif" ; qu'il fait également valoir que le devis établi le 6 mars 2000 par la société BENEIX se réfère à la reprise de "la totalité des joints" alors que son devis initial du 17 novembre 1999 prévoyait une option de réfection partielle des seuls joints dégradés, estimés à 20 % ;
Qu'il ajoute que l'ordre de service du 7 mars 2000, contenant la lettre d'engagement de cette entreprise, énonce que le marché comprend le "lot maçonnerie complet pour 666.800,00 F HT soit 703.474,00 F TTC" et que "L'entreprise s'engage à exécuter les travaux du présent marché dans les délais prévus aux clauses particulières, et ce pour la somme de 827.200 F HT soit 872.696,00 F TTC avec une taxe à la valeur ajoutée 5,5 %" ; qu'il observe qu'aucune reddition des comptes n'a été prévue en fonction d'un métré à réaliser mais que la lettre d'engagement prévoit le paiement de la façon suivante : 20 % d'acompte à la commande, 70 % suivant l'avancement des travaux et "le solde après la réception des travaux et éventuelle levée de réserves" ;
Qu'il souligne, qu'au cours du chantier, la société BENEIX a émis six situations de travaux faisant toute référence au seul prix du marché
de "872.696,00 F TTC", sans faire état de l'exécution de travaux supplémentaires, et que ce n'est qu'après que le maître d'oeuvre ait exprimé des réserves, à raison d'une moins value pour les protections des baies et les échafaudages, qu'elle a invoqué des travaux supplémentaires et établi, le 5 mars 2001, le détail des travaux accomplis en modifiant les quantités portées sur son devis, relatives au gommage par projection d'eau des parements en pierre et à la réfection des joints ;
Considérant que le devis du 6 mars 2000, tout comme celui initialement présenté le 17 novembre 1999 par la société BENEIX, précise, pour chacune des prestations, sa quantité, son prix unitaire et son montant total hors taxe avant d'indiquer le prix global des travaux hors taxe, le montant de la taxe à la valeur ajoutée et le prix total toutes taxes comprises ; que les quantités ont été préalablement calculées par cette entreprise ; qu'aux termes de sa lettre d'engagement du 7 mars 2000, signée par elle avec le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES et le maître d'oeuvre, la société BENEIX s'est engagée "sur une somme nette et non révisable fixée dans (ladite) lettre" à "872.696,00 F TTC" ;
Considérant, en l'état de ces éléments, que le syndicat appelant soutient avec pertinence que la société BENEIX s'est engagée à exécuter les travaux moyennant un prix forfaitaire, conformément à l'article 1.4.22.1 de la norme AFNOR NF P 03-001 ; qu'aucun avenant ou nouvel ordre de service n'a ensuite modifié ce prix, en sorte que la société BENEIX ne peut prétendre à aucune augmentation de celui-ci ; qu'elle doit donc être déboutée de ses demandes de paiement, tant au titre d'un solde du prix de son marché qu'à titre de dommages-intérêts pour retard de paiement de ce solde ;
Considérant, en revanche, en ce qui concerne le remplacement d'un échafaudage tubulaire par un échafaudage volant sur une partie des
surfaces arrières de l'immeuble, que la société BENEIX est fondée à se prévaloir des constatations de l'expert X... selon lesquelles ces surfaces sont réduites et l'utilisation d'un échafaudage volant n'a eu aucune influence sur la qualité du travail réalisé ; que la société BENEIX en déduit justement que le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES ne peut prétendre à aucune moins value sur son devis ;
Qu'au cours des opérations d'expertise, la société BENEIX a reconnu ne pas avoir protégé les baies et huisseries au cours de ses travaux et a retiré le coût de cette prestation de sa facture ; qu'il s'ensuit que le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES évoque vainement la non-réalisation de cette protection ;
Que le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES n'établit pas que la société BENEIX soit redevable à son égard de la somme de 40,21 ç ;
Considérant, en outre, que l'indication par le procès verbal de réception des travaux du 4 octobre 2000 (non signé par l'entreprise) d'une réserve, en ce qui concerne la teinte de la bande de rejaillissement du premier bandeau du pignon gauche, se trouve suivie de la constatation par l'expert judiciaire de ce que "la copropriété" trouve "inesthétique" cette teinte "qui est d'une couleur plus foncée que le reste du mur" ; que l'expert relève par ailleurs que les murs extérieurs sont en pierre de taille, la séparation des étages étant matérialisée par une ceinture en béton peint de couleur crème, que, sur certaines façades, les rejaillissements réalisés au dessus des ceintures en béton sont plus foncés que la pierre et qu'il existe, sur cette dernière, des différences de teintes ou d'aspect dues à la présence d'oxydes métalliques ou de coquillages dans la carrière dont cette pierre est extraite ; que M X... observe que seule est critiquée la teinte de la bande de rejaillissement du premier bandeau du pignon gauche alors que cette teinte existe sur d'autres zones ;
Qu'en cet état, la société BENEIX est fondée à faire valoir, sans être démentie par le moindre élément, que la différence de teinte litigieuse résulte des différences de couleur de la pierre elle-même ; que, dès lors, la demande de paiement de la somme de 1.375,13 ç au titre de la reprise d'une réserve non levée, présentée à son encontre par le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES, doit être rejetée ;
Considérant que l'exercice d'une action en justice constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de
Considérant que l'exercice d'une action en justice constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, d'erreur grossière équipollente au dol ou, à tout le moins, de légèreté blâmable ; que, tel n'étant pas le cas en l'espèce, la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive présentée par le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES ne peut être accueillie ;
Considérant que l'équité commande de ne pas attribuer de somme au titre des frais non compris dans les dépens ; que la société BENEIX, partie perdante sur l'essentiel de ses prétentions, doit être condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel, incluant les frais d'expertise ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement, dans les limites de sa saisine,
Réforme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné : la société BENEIX LECLERE à payer la somme de 1.375,13 ç, et en ce qu'il a statué sur les dépens,
Déboute la société BENEIX LECLERE de ses demandes de paiement,
Déboute le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES de ses demandes de paiement, Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties, Condamne la société BENEIX LECLERE aux entiers dépens de première instance, incluant les frais d'expertise, ainsi qu'aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
Arrêt prononcé par Madame Geneviève BREGEON, président, et signé par Madame Geneviève BREGEON, président et par Madame Marie-Christine COLLET, greffier, présent lors du prononcé.
Le GREFFIER,
Le PRESIDENT,