COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 80A 11ème chambre ARRÊT No contradictoire DU 26 SEPTEMBRE 2006R.G. No 05/02802 AFFAIRE :Jean Edouard DE LA X... C/S.A. CLARINS Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Mai 2005 par le Conseil de Prud'hommes de NANTERRE No RG : 02/02842 Expéditions exécutoires Expéditions Copiesd élivrées le : à : RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS LE VINGT SIX SEPTEMBRE DEUX MILLE SIX,La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : Monsieur Jean Edouard DE LA X... ... comparant en personne, assisté de Me Monique PENINON JAULT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L 0152APPELANT****************S.A. CLARINS 4 rue Berteaux Dumas 92200 NEUILLY SUR SEINE Représentée par Me Olivier SERS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R 213 INTIME****************Composition de la cour :En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Juin 2006, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Colette SANT, présidente, et Madame Christine FAVEREAU chargées d'instruire l'affaire. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé de :
Madame Colette SANT, présidente,
Madame Christine FAVEREAU, conseillère,
Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, vice-Présidente, Greffier, lors des débats : M. Nyembo MALUTSHI, FAITS ET PROCÉDURE,
Employant M. De La X..., depuis le 1er janvier 1993, la société Clarins, par lettre du 25 février 2002, a convoqué le salarié à un entretien fixé le 5 mars 2002 préalable à un éventuel licenciement et
lui a notifié sa mise à pied à titre conservatoire jusqu'à décision définitive, soit au maximum le 15 mars 2002, par lettre du 14 mars 2002 elle lui a notifié une prolongation de la mise à pied jusqu'au 22 mars 2002 et, par lettre du 28 mars 2002 elle lui a notifié son licenciement pour faute grave.
Saisi par le salarié de diverses demandes liées à la rupture de son contrat de travail, le conseil de prud'hommes de Nanterre, par jugement rendu le 25 mai 2005, a retenu que le licenciement était justifié par une cause réelle et sérieuse, a condamné l'employeur à payer au salarié des sommes au titre de la mise à pied conservatoire, à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés, d'indemnité de licenciement et d'indemnité en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et, a débouté le salarié du surplus de ses prétentions.
Le salarié a régulièrement relevé appel de cette décision.
Par conclusions déposées à l'audience, il demande à la Cour d'infirmer le jugement seulement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de condamner l'employeur à lui payer à ce titre 123.693 ç et de porter à 10.000 ç l'indemnité fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Il revendique la fonction de directeur ou plutôt de responsable des ventes instituée en septembre 2000 par le prédécesseur de M. Leprince, directeur commercial, dans le cadre d'une restructuration de la force de vente qui a pris effet le 1er janvier 2001 et conteste les faits qui lui sont reprochés dans la lettre de licenciement.
Par conclusions déposées à l'audience, la société Clarins formant appel incident sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a retenu que le licenciement avait une cause réelle et sérieuse, de débouter le salarié de toutes ses demandes et de le condamner à lui
payer 10.000 ç en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Elle soutient que
- fin 2001, le salarié exerçait les fonctions de représentant en charge de la prospection, de la prise et du suivi de commandes d'un secteur géographique en liaison avec deux déléguées à la formation, l'information et au merchandising , sous l'autorité d'un directeur commercial, M. Le Y... ;
- les fautes professionnelles reprochées au salarié sont réelles et sérieuses, et confirmées notamment par la note que l'intéressé produit et un relevé de France-Télécom,
- le comportement du salarié constitutif d'un faisceau de fautes professionnelles soudaines et immédiatement consécutives à un entretien au cours duquel il avait indiqué à son supérieur qu'il était en quelque sorte candidat à son propre licenciement, justifiait la rupture pour faute grave.Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la Cour renvoie à leurs conclusions soutenues à l'audience.
SUR CE, LA COUR,
Considérant que la lettre de licenciement énonce les faits suivants reprochés au salarié :
- alors que son rôle était de contacter les deux déléguées de son secteur une à deux fois par semaine pour les guider, les motiver et répondre à leurs questions, il n'a contacté qu'une seule fois l'une des déléguées et aucune fois l'autre en deux mois, soit depuis le séminaire des 7,8 et 9 janvier,
- à la fin janvier 2002, il a été constaté que de nombreux clients qu'il devait rencontrer n'ont pas été visités,
- il devait visiter l'intégralité de ses clients sur le dernier cycle de tournée 2001 afin de mettre en place les nouveautés Multi-Active
Jour et l'envol des couleurs pour livraison de ces produits début janvier 2002,
- à la fin janvier 2002, certains clients (10 clients sur les 70 de son secteur) ont alerté l'employeur qu'ils n'avaient pu, faute de contact avec le salarié, passer leurs commandes des nouveautés,
- il n'a visité aucun client sur le département 44 depuis le 1er janvier 2002,
- il n'a adressé aucun rapport d'activité depuis le 7 décembre 2001,
- il a adressé le 31 janvier 2002 une demande, reçue le 7 février 2002, de congés pour la période du 12 février au 18 février 2002, ne respectant pas ainsi la procédure selon laquelle toute demande doit parvenir quinze jours avant la date de départ et a ainsi mis l'employeur devant le fait accompli ;
Qu'après l'énoncé de ces faits, la lettre de licenciement se poursuit en ces termes :
Outre le fait que nous pensons que ces carences peuvent se justifier en partie par une présence irrégulière sur votre secteur, nous considérons qu'elles découlent d'un acte délibéré.
En complément de ces faits, et comme nous vous en avons fait part le 5 mars, nous ne pouvons détacher ce comportement fautif de la demande d'être licencié que vous aviez formulée le 7 décembre à Monsieur LE Y... et le 15 janvier à Monsieur LE Y... et moi-même.
A cette époque, vous souhaitiez créer une entreprise et pour cela être licencié et obtenir, outre les indemnités de rupture de votre employeur, les allocations chômage.
Comme nous avons pu vous le dire, les 7 décembre et 15 janvier, n'ayant à ce moment là aucun motif pour vous licencier nous ne pouvions accéder à votre demande. Nous vous avons rappelé alors, tout comme le 5 mars à vous-même et Mme Z... que nous ne cautionnons pas les licenciements arrangés , ne souhaitant pas ouvrir des
ASSEDIC à un salarié qui ne serait pas involontairement privé d'emploi.
Bien que les faits reprochés constituent à eux seuls une faute grave caractérisée, nous pensons que ces fautes professionnelles soudaines et immédiatement consécutives à ces entretiens ne sont pas le fruit du hasard. Nous déplorons ceci, sachant que nous n'aurions jamais sanctionné une telle demande une fois que nous nous étions expliqués de notre refus.
Vous nous avez évoqué en réponse à nos griefs un état de santé fragile qui vous avait démotivé et avancé des arguments sur les points reprochés qui ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits.
Si votre souhait de quitter nos effectifs était à l'origine de ces agissements, ceci constituerait une intention de nuire caractérisant une faute lourde. Nous ne souhaitons pas, eu égard à votre ancienneté, opter pour une telle solution.
Cependant, malgré les explications recueillies auprès de vous, nous considérons que les manquements professionnels précités sont constitutifs d'une faute grave et nous sommes donc au regret de vous informer que nous avons décidé de vous licencier pour faute grave.
De même, eu égard aux faits reprochés, nous avons par ailleurs décidé de ne pas vous payer la mise à pied conservatoire à laquelle vous étiez soumis du 27 février (date de réception du courrier) au 15 mars 2002.
Comme nous vous l'avons précisé par courrier du 14 mars, nous avons prolongé cette mise à pied pour finaliser notre réflexion. Cette période, nécessaire pour vérifier certains de vos dires et affiner nos recherches vous sera rémunérée, ne souhaitant pas que cette réflexion supplémentaire vous pénalise au-delà d'une limite raisonnable.
Le licenciement prendra effet dès la première présentation de ce courrier, date à compter de laquelle vous cesserez de faire partie de nos effectifs.
Cette rupture de contrat est privative des indemnités de licenciement et de préavisà Considérant que l'attestation de M. A... affirmant, en des termes généraux, que traditionnellement il ne leur était plus possible à compter du 10-15 décembre en raison des fêtes de fin d'année d'obtenir des rendez-vous chez les clients, ne saurait suffire à justifier des contacts pris par téléphone et fax avec les clients sans même tenter d'obtenir un rendez-vous et au surplus après la période des fêtes de fin d'année, outre que les fax dont le salarié se prévaut n'ont pas pour objet la mise en place des nouveautés Multi-Active Jour et l'envol des couleurs ; Que, quoiqu'il en soit, si le salarié a manqué à ses obligations en téléphonant et/ou en envoyant un fax à des clients plutôt que de leur rendre visite ce qui n'a pas le même impact du fait de la présentation des produits au cours des visites, en n'établissant pas de rapport écrit à compter du 7 décembre 2001 et en adressant dans un délai loin de celui de 15 jours exigé sa demande de congés payés, la mise à pied, dans la mesure où elle était prononcée pour une durée déterminée qui venue à expiration avant que le licenciement soit notifié, a nécessairement pris le caractère d'une mesure disciplinaire, s'opposant à une nouvelle sanction pour les mêmes faits ; Que le licenciement de M. De La X... est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse ;Que par suite, et le statut de cadre du salarié n'étant pas contesté, le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives à l'indemnité compensatrice de préavis, comprenant l'incidence de la prime de fin d'année ;Qu'en revanche, la prime de fin d'année n'ouvrant pas droit à l'indemnité de congés payés, l'indemnité de congés payés afférents au préavis s'élève à la somme de 1.446 ç ;Que
par ailleurs, il résulte des dispositions conventionnelles que l'indemnité de licenciement est calculée sur la base de la rémunération gagnée pendant le mois précédent le licenciement ou, si elle est plus favorable, la base de la moyenne des salaires des douze mois précédent le préavis ; que sur la base du salaire ressortant du bulletin de paie du mois de janvier 2002, dernier mois complet travaillé, l'indemnité de licenciement s'établit donc, compte tenu de la durée du préavis, à la somme de 11.883,32 ç, le salarié n'établissant pas par la production de ses bulletins de paie utiles qu'un calcul sur la base de la moyenne des douze mois précédant son préavis lui serait plus favorable ; Que compte tenu de l'âge du salarié, de son ancienneté et des éléments produits, le préjudice subi sera, en application de l'article L. 122-14-4 du Code du travail, évalué à la somme précisée au dispositif de la présente décision, étant notamment précisé que le salarié justifie seulement qu'il était bénéficiaire en décembre 1999 d'options d'achat d'actions Clarins et au surplus sans verser aux débats le plan d'options d'achat d'actions ni aucun autre document permettant d'en connaître les modalités de fonctionnement, et il n'apparaît pas l'existence d'un lien de causalité entre les difficultés alléguées consécutives à son divorce prononcé le 27 février 2002 et le licenciement ; Qu'en outre, l'employeur devra rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage servies au salarié depuis son licenciement jusqu'au jugement dans la limite de six mois d'indemnité ;Considérant, le salarié, selon ses dires, ayant été en arrêt de travail pour maladie du 19 février au 24 mars 2002, que les pièces de la procédure établissent que le salarié a négligé de rendre visite à des clients et délaissé des départements de son secteur géographique, ce que ne contredit pas sérieusement les documents qu'il verse aux débats ni son argumentation et qui ne s'explique pas par une
surcharge de travail, l'intéressé indiquant dans une note avoir tourné que trois semaines en 2002 alors que son indisponibilité, du début janvier à son départ en congé le 12 février, du fait du séminaire et de la réunion du 15 janvier n'a duré que 4 jours, que le salarié reconnaît ne pas avoir adressé de rapport d'activité depuis le 7 décembre 2001 et qu'il ne justifie pas sérieusement sa demande tardive de congé ;Que certes ces faits sont survenus après que l'employeur ait expliqué au salarié, qui l'avait informé de son désir de changer d'orientation, qu'il n'était pas question de le licencier pour motif économique ; Que néanmoins, la mise à pied disciplinaire, au moins par sa durée, apparaît disproportionnée aux fautes commises, étant relevé s'agissant de l'établissement des rapports d'activité qu'il n'est justifié d'aucun rappel à l'ordre adressé à l'intéressé ; Que le salarié ne peut prétendre qu'au paiement du salaire dont il a été privé pendant la mise à pied, évalué en l'état des éléments fournis et faute de production du bulletin de paie correspondant au mois considéré, à la somme de 2.570,90 ç à laquelle s'ajoute l'indemnité de congés payés afférents ;Considérant que succombant, l'employeur supportera les dépens ;Que l'équité commande d'accueillir à hauteur de 1.500 ç la demande du salarié fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire, INFIRME le jugement entrepris, sauf en ses dispositions relatives à l'indemnité compensatrice de préavis,Statuant à nouveau, DIT que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,CONDAMNE la société Clarins à payer à M. De La X...
- 1.446 ç (MILLE QUATRE CENT QUARANTE SIX EURO) au titre de l'indemnité de congés payés afférents au préavis,
- 11.883,32 ç (ONZE MILLE HUIT CENT QUATRE VINGT TROIS EURO ET TRENTE DEUX CENTIMES) à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 41.000 ç (QUARANTE ET UN MILLE EURO) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 2.570,90 ç (DEUX MILLE CINQ CENT SOIXANTE DIX EURO ET QUATRE VINGT DIX CENTIMES), au titre du salaire correspondant à la période de mise à pied et l'indemnité de congés payés afférents de 257,09 ç (DEUX CENT CINQUANTE SEPT EURO ET NEUF CENTIMES) ;
DIT que les intérêts au taux légal seront dus en ce qui concerne les sommes de nature salariale à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et celles de nature indemnitaire à compter de la date du jugement,
CONDAMNE la société Clarins à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage servies à M. De La X... depuis le licenciement jusqu'au jugement dans la limite de six mois d'indemnité,
CONDAMNE la société Clarins aux dépens,
LA CONDAMNE à verser à M. De La X... 1.500 ç (MILLE CINQ CENTS
EURO) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Arrêt prononcé et signé par Madame Colette SANT, présidente, et signé par Madame Christiane PINOT, greffier présent lors du prononcé.
Le GREFFIER,
La PRESIDENTE,