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26/09/2006 | FRANCE | N°52

France | France, Cour d'appel de Versailles, Ct0064, 26 septembre 2006, 52


COUR D'APPEL DE VERSAILLESRENVOI DE CASSATION COMMERCIALD.C./P.G.ARRET No Code nac : 59BcontradictoireDU 26 SEPTEMBRE 2006R.G. No 05/03905 AFFAIRE :SA CONSORTIUM DE REALISATION (CDR CREANCES) venant aux droits de la sté CDR FINANCE elle même venant aux droits de la sté FINANCIERE DE BANQUE DE L'UNION MEUNIERE C/Me Marie-José X... - Liquidateur judiciaire de Société VD PHENIXDécision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Janvier 2000 par le Tribunal de Commerce de PARISNo Chambre : 1No Section : No RG : 57786/98Expéditions exécutoiresExpéditionsdélivrées le : à : SCP FIEVET-

LAFON SCP DEBRAY-CHEMIN

E.D.REPUBLIQUE FRANCAISEAU NOM DU PEUPL...

COUR D'APPEL DE VERSAILLESRENVOI DE CASSATION COMMERCIALD.C./P.G.ARRET No Code nac : 59BcontradictoireDU 26 SEPTEMBRE 2006R.G. No 05/03905 AFFAIRE :SA CONSORTIUM DE REALISATION (CDR CREANCES) venant aux droits de la sté CDR FINANCE elle même venant aux droits de la sté FINANCIERE DE BANQUE DE L'UNION MEUNIERE C/Me Marie-José X... - Liquidateur judiciaire de Société VD PHENIXDécision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Janvier 2000 par le Tribunal de Commerce de PARISNo Chambre : 1No Section : No RG : 57786/98Expéditions exécutoiresExpéditionsdélivrées le : à : SCP FIEVET-LAFON SCP DEBRAY-CHEMIN

E.D.REPUBLIQUE FRANCAISEAU NOM DU PEUPLE FRANCAISLE VINGT SIX SEPTEMBRE DEUX MILLE SIX,La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : DEMANDERESSE devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation (chambre commerciale, financière et économique) du 04 janvier 2005 cassant et annulant l'arrêt rendu par la cour d'appel de de PARIS, 15ème chambre, section B, le 20 septembre 2002.SA CONSORTIUM DE REALISATION (CDR CREANCES) venant aux droits de la sté CDR FINANCE qui vient elle même aux droits de la sté FINANCIERE DE BANQUE DE L'UNION MEUNIERE ayant son siège 3/5 rue Saint Georges 75009 PARIS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. représentée par la

SCP FIEVET-LAFON, avoués - N du dossier 250433Rep/assistant : Me Gilbert MANCEAU, avocat au barreau de PARIS (A.627).DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI Me Marie-José X..., mandataire judiciaire, agissant en qualité de Liquidateur à la liquidation judiciaire de la Société VD PHENIX anciennement DIFFUSION DE SOLDES demeurant ... 75001 PARIS.représentée par la SCP DEBRAY-CHEMIN, avoués - N du dossier 05000136Rep/assistant : Me Antoine DIESBECQ, avocat au barreau de PARIS (E.1052).Composition de la cour :L'affaire a été débattue à l'audience publique du 23 Mai 2006, Monsieur Denis COUPIN, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Françoise LAPORTE, président,

Monsieur Jean-François FEDOU, conseiller,

Monsieur Denis COUPIN, conseiller,

qui en ont délibéré,Greffier, lors des débats : Madame Marie-Thérèse GENISSELVu la communication de l'affaire au ministère public en date du 23 février 2006 ;

FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

La société DIFFUSION DE SOLDES, ultérieurement dénommée VD PHENIX, qui a été créée en 1973 par monsieur Y..., a connu une croissance rapide financée par d'importants crédits bancaires, notamment ceux consentis par la SOCIETE FINANCIERE DE BANQUE DE L'UNION MEUNIERE.

Cette banque, aux droits de laquelle se sont successivement trouvées la COMPAGNIE COMMERCIALE DE LOCATION devenue la société CDR FINANCE puis la société CONSORTIUM DE REALISATION, a consenti trois prêts :

le 16 juillet 1989 de 8.000.000 francs (1.219.592,14 euros) à la société DIFFUSION DE SOLDES, le 06 juillet 1990 de 16.700.000 francs (2.545.898,59 euros) aux époux Y... pour affectation en compte-courant dans la société à concurrence de 12.700.000 francs (1.936.102,52 euros) et le 26 juillet 1990 de 4.000.000 francs (609.796,07 euros) à la société DIFFUSION DE SOLDES ;

Par jugement du 12 décembre 1991, le tribunal de commerce de Paris a ouvert la procédure de redressement judiciaire de la société DIFFUSION DE SOLDES, fixant au 12 juin 1990 la date de cessation des paiements, désignant maître Z... aux fonctions d'administrateur judiciaire et maître X... à celles de représentant des créanciers.

Le 27 juillet 1992, un accord a été conclu entre la COMPAGNIE COMMERCIALE DE LOCATION, cessionnaire de la créance, et les époux Y..., aux termes duquel ces derniers cédaient pour un franc leur compte-courant d'associés tandis que la créance bancaire était ramenée à 13.000.000 francs (1.981.837,22 euros). Cet acte stipulait l'abandon de toute action en responsabilité.

Par jugement du 22 novembre 1993, le tribunal de commerce de Paris a arrêté le plan de redressement par continuation de la société DIFFUSION DE SOLDES, maintenant maître Z... en qualité d'administrateur judiciaire pour une durée de six mois avec les pouvoirs nécessaires à la mise en oeuvre du plan et l'a désigné aux fonctions de commissaire à l'exécution de celui-ci.

Le 29 mars 1994, un avenant au protocole d'accord du 27 juillet 1992 a entériné la réduction de la créance bancaire à 9.000.000 francs (1.372.041,16 euros) et une renonciation à toute action en responsabilité pour soutien abusif. Maître Z... a signé cet acte dans une qualité qui se trouve aujourd'hui discutée.

Par un jugement rendu le 19 mars 1996, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la résolution du plan de redressement ainsi que la

liquidation judiciaire de la société VD PHENIX, nouvelle dénomination sociale de la société DIFFUSION DE SOLDES, a fixé au 19 septembre 1994 la date de cessation des paiements et a nommé maître Marie-José X... aux fonctions de liquidateur judiciaire.

Une expertise judiciaire sur la situation financière de la société, la cessation de ses paiements et les conditions de ses financements a été confiée à monsieur A... par ordonnance de président de la juridiction consulaire.

Faisant à plusieurs établissements financiers le grief d'un soutien abusif de la société DIFFUSION DE SOLDES, maître X... les a assignés devant le tribunal de commerce de Paris qui, par un jugement rendu le 24 janvier 2000, l'a débouté de ses demandes à l'encontre des banques DE BAECQUE, CREDIT LYONNAIS et FINANCIERE COLBERT. Cette juridiction a cependant constaté que la société DIFFUSION DE SOLDES était dans une situation irrémédiablement compromise à compter du 1er juillet 1990, a qualifié d'abusif le soutien financier apporté par la BANQUE DE L'UNION MEUNIERE, a condamné la société CDR FINANCE qui se trouvait aux droits de celle-ci à payer, à titre provisionnel, une somme de 500.000 francs (76.224,51 euros) à maître X... et a désigné un expert en la personne de monsieur B... pour analyser les comptes et, notamment, la répartition et le montant des créances ainsi que l'évaluation des actifs.

Sur appel interjeté par la société CDR FINANCE et par arrêt rendu le 20 septembre 2002, la cour d'appel de Paris a infirmé le jugement. Elle a considéré que l'avenant du 29 mars 1994 au protocole d'accord du 27 juillet 1992 constituait une transaction, qu'il avait été signé par Maître Z... es-qualités d'administrateur judiciaire de la société DIFFUSION DE SOLDES, lequel avait ultérieurement confirmé qu'il avait apposé sa signature aussi en qualité de commissaire à l'exécution du plan. Elle a dit que ce dernier avait pouvoir de

renoncer à une action en paiement de dommages et intérêts. Elle a critiqué le jugement d'avoir tiré de l'échec du plan de continuation la conséquence que l'accord transactionnel était privé de son contenu.

Elle a, en conséquence, déclaré irrecevable l'action en responsabilité exercée contre la société CDR FINANCE par maître X....

Sur pourvoi formé par ce dernier et par un arrêt du 04 janvier 2005, la chambre commerciale, financière et économique de la cour de cassation a cassé en toutes ses dispositions l'arrêt d'appel du 20 septembre 2002, lequel avait déclaré irrecevable l'action en responsabilité en retenant d'un côté que maître Z... avait signé l'acte du 29 mars 1994 en qualité d'administrateur judiciaire et, de l'autre, qu'il avait précisé dans une lettre du 10 juin 1994 avoir apposé sa signature également en qualité de commissaire à l'exécution du plan, ce dernier trouvant, dans les pouvoirs qui lui étaient confiés par l'article L.621-68 du code de commerce en vue de poursuivre les actions exercées avant le jugement arrêtant le plan par le représentant des créanciers pour la défense de leurs intérêts collectifs, qualité pour engager également en leur nom une action tendant aux mêmes fins, de sorte qu'il a corrélativement le pouvoir d'y renoncer.

Elle a dit qu'en statuant ainsi alors que l'acte du 29 mars 1994 a été signé par maître Z... en sa qualité d'administrateur et non celle de commissaire à l'exécution du plan, la cour d'appel n'avait pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé les articles L 621-67 et L.621-68 alinéa 2 du code de commerce.

Devant la présente cour de renvoi, la société CONSORTIUM DE REALISATION, ci-après désignée CDR, venant aux droits de la société CDR FINANCE, rappelle l'économie de la transaction conclue le 27

juillet 1992 et de son avenant du 29 mars 1994 qui a été signé par maître Z..., selon elle en qualité de commissaire à l'exécution du plan, et signifié à maître X....

Elle soutient la parfaite validité de ces accords notamment au regard de l'argument du défaut d'autorisation du juge commissaire puisque l'action en nullité sur un tel fondement est prescrite. Elle ajoute que maître X... ne peut invoquer la nullité de la transaction par voie d'exception puisque l'acte dont la validité est contestée a reçu un début d'exécution.

Elle réfute pareillement la nullité alléguée de l'avenant du 29 mars 1994 pour défaut d'objet ou pour l'absence d'une mention manuscrite de renonciation.

Elle affirme que la résolution du plan de redressement par continuation ne détruit pas rétroactivement l'ensemble des faits et actes juridiques postérieurs au redressement judiciaire, que l'effet de la condition accomplie, à savoir en l'espèce l'adoption du plan, est irrévocable même si les suites de l'événement viennent à cesser.

Elle tient la transaction pour parfaitement opposable à maître X... en réfutant les moyens avancés à cet égard par ce dernier et en relevant qu'il importe peu que celui-ci n'ait pas signé cet avenant puisqu'il n'avait pas le pouvoir de transiger.

Elle qualifie de simple erreur de plume la mention d'une qualité d'administrateur attribuée à maître Z... qui n'a pu signer l'avenant, eu égard à la chronologie, qu'en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Elle dénie ainsi au liquidateur le pouvoir d'engager une action en responsabilité qui a fait l'objet d'une transaction avec le commissaire à l'exécution du plan.

Elle se prévaut de l'autorité de la chose jugée par le jugement du 22 novembre 1993, qui a homologué le plan de redressement, pour discuter

le postulat selon lequel la société DIFFUSION DE SOLDES se trouvait au mois de juillet 2000 dans une situation irrémédiablement compromise et donc privée de toute possibilité de redressement.

Elle en déduit que l'action de maître X... est radicalement irrecevable par l'effet des articles 1350 du code civil et 617 du nouveau code de procédure civile.

Elle expose que le jugement de résolution du plan de redressement par continuation a eu pour effet d'ouvrir une nouvelle procédure collective contre le débiteur et soutient que le liquidateur judiciaire ne peut pas engager une action en responsabilité pour la réparation d'un préjudice subi par la première procédure ; que maître X... n'a aucune qualité pour agir pour des faits antérieurs à la première procédure collective ; que l'action dont la cour est saisie n'est rien d'autre qu'une demande en paiement au titre de l'insuffisance d'actif de la première procédure collective aujourd'hui clôturée et pour laquelle le liquidateur n'a aucun pouvoir.

Elle en déduit que l'action est irrecevable.

Subsidiairement, elle prétend que la situation de la société DIFFUSION DE SOLDES n'était pas désespérée lors de l'octroi des concours puisque le tribunal de commerce de Paris, en arrêtant un plan de continuation a admis qu'il existait des perspectives de redressement. Elle qualifie de particulièrement succinctes les recherches des premiers juges sur sa responsabilité et sur la démonstration d'une situation irrémédiablement compromise au 1er juillet 1990.

S'appuyant sur l'analyse des comptes, elle admet que les conditions d'exploitation de la société DIFFUSION DE SOLDES se sont dégradées en 1990 mais considère que cette circonstance ne suffit pas à caractériser une situation irrémédiablement compromise. Elle observe

que le fond de roulement est demeuré positif en 1990 et que la perte, cette année-là, n'atteint que 5% du chiffre d'affaires.

Elle ajoute que l'information comptable dont elle disposait était imparfaite et qu'il ne peut lui être reproché d'avoir connu ou dû connaître la situation prétendument irrémédiablement compromise, affirmant en outre l'inexactitude des comptes sociaux.

Elle soutient que la reconnaissance de sa prétendue faute se heurterait à l'autorité de la chose jugée par le tribunal de commerce de Paris qui, dans sa décision du 23 avril 2003 a débouté maître X... de son action contre le dirigeant alors qu'il lui reprochait un recours excessif au crédit c'est à dire une faute identique à celle aujourd'hui invoquée.

Elle relève que maître X... renonce à toute réclamation à raison de l'ouverture de crédit de 8.000.000 francs (1.219.592,14 euros) consentie à la société DIFFUSION DE SOLDES le 16 juillet 1989 et estime que le prêt de 16.700.000 francs (2.545.898,59 euros) du 06 juillet 1990 ne peut pas être assimilé à un soutien abusif dès lors qu'il a été consenti à titre personnel au dirigeant de la société et à son épouse qui ont pris seuls l'initiative d'injecter les capitaux dans la société.

Elle observe plus subsidiairement que maître X... ne rapporte pas la preuve d'un lien de causalité entre les concours consentis et le préjudice allégué dont elle discute, plus subsidiairement encore, le quantum de 2.406.712,64 euros, critiquant la méthodologie de l'expert judiciaire et les conclusions de celui-ci sur le montant de la détérioration d'actif, en s'appuyant sur l'analyse qu'en a faite monsieur LECLERCQ, expert amiable, notamment quant à la détermination de la valeur des stocks et du montant des provisions à passer pour leur dépréciation.

Elle demande en conséquence à la cour d'infirmer le jugement en

toutes ses dispositions, de déclarer l'action de maître X... irrecevable et subsidiairement mal fondée, de le débouter de toutes ses demandes et de le condamner à lui payer 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Maître Marie-José X... réplique que la société CDR est mal fondée en son exception d'irrecevabilité tirée des termes d'un protocole du 27 juillet 1992, modifié par avenant du 29 mars 1994, auquel ne sont pas parties les organes de la procédure collective qui n'y sont pas tenus à défaut de l'avoir signé.

Il soutient que la signature de l'avenant par maître Z..., postérieurement à l'adoption du plan de continuation, en sa seule qualité d'administrateur judiciaire dont les pouvoirs étaient limités à la mise en oeuvre du plan, ne peut valoir ratification d'une convention qu'il n'aurait pu signer, avant l'adoption du plan, qu'avec l'autorisation du juge commissaire et ne peut emporter renonciation à l'exercice d'une action relevant des seuls pouvoirs du commissaire à l'exécution du plan ou du liquidateur judiciaire après la résolution de ce dernier.

Il considère que la qualité en laqueIle maître Z... a signé l'acte ne peut plus être contestée en l'état de la décision de la cour de cassation.

Il ajoute que maître Z... a précisé les limites à attacher à sa signature en rappelant que, si le plan venait à être résolu, maître X... pourrait actionner la responsabilité de la banque.

Il approuve les premiers juges d'avoir estimé que les accords étaient soumis à la condition résolutoire que le plan soit adopté et exécuté. Il observe que la banque a déclaré la totalité de sa créance à la liquidation de la société DIFFUSION DE SOLDES sans égard pour les abandons successivement consentis sous conditions.

Il invoque les dispositions des articles L.621-39 et L.622-4 anciens

du code de commerce pour affirmer qu'il a pouvoir d'agir et qu'il était seul habilité à le faire, au cours de la période d'observation, au nom et pour le compte des créanciers.

Il explique que maître Z... est intervenu à l'avenant du 29 mars 1994 au protocole du 27 juillet 1992 auquel il n'était pas partie, postérieurement au jugement arrêtant le plan de continuation, en qualité d'administrateur judiciaire et non de commissaire à l'exécution du plan qui disposait seul du pouvoir de transiger ; qu'en sa qualité d'administrateur judiciaire maintenu, il n'avait nul pouvoir d'engager les créanciers et qu'il n'a pu dès lors valablement renoncer en leur nom à engager la responsabilité de la banque.

Il considère qu'en toute hypothèse une telle renonciation serait nulle à défaut d'objet dès lors qu'entré en vigueur par l'effet du jugement arrêtant le plan, l'accord n'avait pas à recevoir réitération ; que l'avenant n'emporte aucune concession de la part de la banque au profit des créanciers puisque les seuls bénéficiaires sont les époux Y..., seuls parties à l'acte ; que la signature de maître Z... n'est précédée d'aucune mention manuscrite permettant de suggérer qu'il renoncerait expressément à une action en responsabilité.

Réfutant toute prescription et toute exécution des conventions résolues par l'effet de la résolution du plan, il s'estime fondé, par voie d'action ou d'exception, à conclure à la nullité dudit avenant.

Il affirme que l'adoption par le tribunal d'un plan de redressement comme sa résolution sont sans incidence sur la recevabilité des organes de la procédure collective à agir en responsabilité à l'égard de tiers, indifféremment des périodes au cours desqueIles la faute est intervenue et le préjudice a été subi.

Il dénie toute autorité de la chose jugée à la décision du tribunal de commerce de Paris du 22 novembre 1993 qui n'était pas saisi et n'a

pas statué sur la question de la responsabilité de la banque.

Il s'estime donc recevable en son action en responsabilité fondée sur les dispositions de l'article 1382 du code civil, la preuve étant selon lui rapportée que la BANQUE DE L'UNION MEUNIERE a soutenu, en toute connaissance de cause l'activité de la société DIFFUSION DE SOLDES pour obtenir de la part de ses dirigeants des avantages particuliers au détriment de la collectivité des créanciers.

Il tient pour établi que la situation de la société DIFFUSION DE SOLDES s'est trouvée irrémédiablement compromise dès avant le 1er juillet 1990 comme le montre, selon lui, le rapport de l'expert judiciaire et les crédits mis en place dès octobre 1988 par la société FINANCIERE COLBERT.

Il considère qu'à la date du 1er juillet 1990, la banque ne pouvait plus ignorer la gravité de la situation de sa cliente, le CEPME ayant dénoncé ses concours dès le 06 décembre 1989 non sans avoir constaté le retrait antérieur de trois autres banques.

Il explique que la société CDR confond, de manière inopérante, la notion économique de situation irrémédiablement compromise avec celle financière d'état de cessation des paiements et observe que les concours apportés ou maintenus par les établissements bancaires fautifs n'ont par permis à la société DIFFUSION DE SOLDES d'échapper à la liquidation judiciaire nonobstant l'adoption d'un plan de redressement qui n'a connu aucun début d'exécution.

Il conteste que l'adoption d'un plan de continuation serait exclusive d'une situation irrémédiablement compromise en soulignant que l'argument a déjà été condamné par la cour de cassation.

Il affirme que les concours consentis par la BANQUE DE L'UNION MEUNIERE à compter du 1er juillet 1990 ont revêtu un caractère fautif dès lors que la simple lecture des bilans de la société DIFFUSION DE SOLDES permettait de prendre connaissance de la situation compromise,

comme l'a d'ailleurs fait le CEPME.

Il ajoute que l'imprudence fautive peut aussi consister à ne pas s'être informé suffisamment de l'état de la société, lequel aurait dû appeler une rupture immédiate des concours financiers.

Il explique que l'octroi des concours aux époux Y... était subordonné à leur affectation au compte-courant d'associés et visait à substituer à la créance détenue sur la société, une sur les dirigeants assortie d'une garantie hypothécaire.

Il considère que ces concours ont eu pour effet de maintenir artificiellement l'activité et de retarder la cessation effective des paiements ; qu'en soutenant abusivement la poursuite d'une activité déficitaire, la banque a contribué à la création du passif de la société DIFFUSION DE SOLDES et à la dépréciation de ses actifs.

Au vu du rapport de l'expert judiciaire, en réfutant point par point les critiques articulées contre le travail de ce technicien, il constate que le passif s'est accru de 2.406.712,64 euros entre le 1er juillet 1990 et le 12 décembre 1991.

Il demande en conséquence à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions en son principe et de le compléter en son quantum, de déclarer recevable son action, de dire et juger inopposable et subsidiairement nul et plus subsidiairement résolu, le protocole d'accord du 27 juillet 1992 et l'avenant du 29 mars 1994, de débouter la société CDR de l'ensemble de ses demandes, de la condamner à lui payer la somme de 2.406.712,64 euros à titre de dommages et intérêts augmentée des intérêts calculés au taux légal à compter de la décision à intervenir et capitalisés, outre celle de 30.000 euros par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Le dossier a été communiqué au ministère public le 23 février 2006.

La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la

mise en état en date du 09 mai 2006 et l'affaire a été évoquée à l'audience du 23 mai 2006.

MOTIFS DE LA DECISION

Considérant qu'il n'est pas discuté par les parties que, des trois prêts de la société FINANCIERE DE BANQUE DE L'UNION MEUNIERE, seuls ceux accordés les 06 et 26 juillet 1990 aux époux Y... et à la société DIFFUSION DE SOLDES pour les montants respectifs de 16.700.000 francs (2.545.898,59 euros) et de 4.000.000 francs (609.796,07 euros) sont qualifiés par maître X... de fautifs ;

Considérant que le prêt de 16.700.000 francs (2.545.898,59 euros) a été consenti, non pas directement à la société DIFFUSION DE SOLDES, mais aux époux Y..., dirigeants de la société ; que l'acte notarié précise que cette somme correspond à un crédit de trésorerie qui devra, à hauteur de 12.700.000 francs (1.936.102,52 euros) être affecté à un apport en compte-courant dans la société DIFFUSION DE SOLDES, et le complément au remboursement d'un compte débiteur des époux Y... ;

Considérant que la convention de prêt emporte une garantie hypothécaire complémentaire de 12.000.000 francs (1.829.388,21 euros) sur divers biens immobiliers appartenant à ces derniers ;

Considérant que le 27 juillet 1992, la COMPAGNIE COMMERCIALE DE LOCATION, venant aux lieu et place de la FINANCIERE DE BANQUE ET DE L'UNION MEUNIERE, a conclu avec monsieur et madame Y... un protocole d'accord, valant transaction au sens des dispositions de l'article 2044 du code civil, aux termes duquel ont été rappelées les difficultés financières et l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société DIFFUSION DE SOLDES, monsieur Y... a cédé pour un franc le compte-courant de 18.222.964,33 francs (2.778.073 euros) ouvert à son nom dans les livres de la société DIFFUSION DE SOLDES ; qu'en contrepartie, la COMPAGNIE

COMMERCIALE DE LOCATION s'est engagée à se désister de toutes actions engagées et poursuivies à l'encontre des époux Y... et à donner mainlevée des garanties prises sur les biens immobiliers afin d'en permettre la vente et d'en affecter le prix au paiement des créanciers de la société DIFFUSION DE SOLDES sous le contrôle de l'administrateur judiciaire et du représentant des créanciers et permettre ainsi l'établissement d'un plan de continuation ;

Considérant que cet accord stipulait "Le présent protocole ne vaudra loi entre les parties et ne pourra constituer une transaction au sens de l'article 2044 du C.C. que sous réserve de la réalisation des conditions suivantes" :1o) - adoption, par le tribunal de commerce de Paris, d'un plan de continuation de la société DIFFUSION DE SOLDES, 2o) - assurant à la banque un règlement de 13.000.000 francs (1.981.837,22 euros) sur une créance totale de 42.437.874,04 francs (6.469.612,19 euros), pour le surplus abandonnée,3o) - renonciation par maîtres Z... et X..., respectivement administrateur et représentant des créanciers de la société DIFFUSION DE SOLDES, à une action en responsabilité pour les soutiens financiers consentis par la FINANCIERE DE BANQUE ET DE L'UNION MEUNIERE ;

Considérant que, par l'avenant du 29 mars 1994, les époux Y... et la COMPAGNIE COMMERCIALE DE LOCATION, prenant en compte le jugement du tribunal de commerce de Paris adoptant le plan de redressement de la société DIFFUSION DE SOLDES, ont modifié les termes de l'article 5 relatif aux conditions suspensives convenues en ramenant à la somme de 9.000.000 francs (1.372.041,16 euros) la créance de la banque ;

Considérant que cet avenant reproduit à l'identique la condition suspensive no3 portée dans le protocole du 27 juillet 1992 et ainsi libellée : "Maître Régis Z..., es qualités d'administrateur judiciaire de la société DIFFUSION DE SOLDES SA et maître Marie-José X..., es-qualités de représentant des créanciers de la société

DIFFUSION DE SOLDES SA, renoncent, sous condition d'adoption du plan de continuation par le tribunal de commerce de Paris présenté par la société DIFFUSION DE SOLDES SA, à engager tant à l'encontre de la FINANCIERE DE BANQUE ET DE L'UNION MEUNIERE qu'à l'encontre du groupe MAAF dont la FINANCIERE DE BANQUE ET DE L'UNION MEUNIERE ne constituait que l'une des filiales, toute action en responsabilité qui serait fondée sur les soutiens que les établissements du groupe MAAF ont pu accorder aux époux Y... ou à la société DIFFUSION DE SOLDES SA" ;

Sur l'opposabilité de l'accord à maître X...

Considérant que cet avenant comporte les signatures des parties, à savoir la COMPAGNIE COMMERCIALE DE LOCATION et monsieur et madame Y... ; qu'il est aussi revêtu de la signature de Maître Z... ;

Considérant que, par une lettre adressée au conseil de la banque, le 10 juin 1994, maître Z... a confirmé avoir signé l'avenant "car il est postérieur à l'adoption du plan de continuation arrêté par le tribunal de Commerce de Paris" et a précisé : "En ma qualité d'administrateur judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan, j'ai pu renoncer à engager toute procédure à l'encontre de la banque dans le contexte favorable de l'exécution dudit plan de continuation" ;

Considérant que maître X..., alors représentant des créanciers, n'est ni partie, ni signataire du PROTOCOLE D'ACCORD du 27 juillet 1992 ; qu'il en est de même de maître Z..., alors administrateur judiciaire ; qu'en application des dispositions de l'article 1165 du code civil cette convention est inopposable aux organes de la procédure collective ;

Considérant que la société CDR admet que le "PROTOCOLE D'ACCORD", n'a pas, à l'égard de la procédure collective, la portée de son titre mais soutient que l'avenant du 29 mars 1994 constitue la transaction

qu'elle invoque pour justifier de l'extinction de l'action de maître X... ;

Considérant que cet avenant a été revêtu de la signature de maître Z... auquel est attribué, dans le corps du texte, la qualité d'administrateur au redressement judiciaire de la société DIFFUSION DE SOLDES ; que maître X... n'a pas accepté de le signer ;

Considérant qu'à la date du 29 mars 1994, maître Z... n'était plus administrateur judiciaire de cette société puisque le jugement du tribunal de commerce de Paris arrêtant le plan de redressement par continuation, avait été rendu le 22 novembre 1993 et ne le maintenait dans ces fonctions que pour une durée de six mois avec les pouvoirs nécessaires à la mise en .uvre du plan ;

Considérant que, comme le demande maître X..., il doit être constaté qu'il est irrévocablement jugé que maître Z... n'a signé l'avenant du 29 mars 1994 qu'en qualité d'administrateur judiciaire ; que la troisième branche du moyen du pourvoi, telle que l'a retenue la cour de cassation, faisait grief à la cour d'appel de Paris de n'avoir pas tiré les conséquences de ses propres constatations selon lesquelles maître Z... avait signé en qualité d'administrateur judiciaire, alors qu'il n'était pas compétent en cette qualité ; que la cour de cassation a dit qu'en statuant ainsi alors que l'acte du 29 mars 1994 a été signé par maître Z... en sa qualité d'administrateur et non en celle de commissaire à l'exécution du plan, la cour d'appel avait violé les articles L.621-57 et L.621-68 du code de commerce lesquels organisent les rôles de l'administrateur et du commissaire à l'exécution du plan, relativement au jugement qui arrête le plan de redressement ;

Considérant que la société CDR tente cependant de tirer du rapprochement des dates du jugement et de l'avenant l'affirmation selon laquelle maître Z... n'a pu signer ce dernier qu'en qualité

de commissaire à l'exécution du plan et que la référence à celle d'administrateur judiciaire ne résulte que d'une simple erreur de plume ; qu'elle invoque à cet égard les dispositions de l'article 1156 du code civil et soutient que l'intention des parties était de réaliser des concessions réciproques ;

Considérant que, comme le relève maître X..., la présentation de l'avenant du 29 mars 1994, dans lequel ni les organes de la procédure collective, ni la société DIFFUSION DE SOLDES elle-même ne figurent en tant que parties, et la circonstance que la convention intervienne postérieurement à l'arrêté du plan de continuation, en démontrent les faiblesses formelles, lesquelles, au demeurant, contraignent la société CDR à invoquer l'intention des parties ;

Considérant que cette notion ne peut être prise en considération à la lecture du seul avenant et doit recevoir l'éclairage de la lettre émise par maître Z... le 10 juin 1994 ; que ce dernier y affirme qu'en sa qualité d'administrateur judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan il avait pu renoncer à engager une procédure contre la banque dans le contexte de l'exécution du plan, mais a ajouté : "Si par malheur, ce plan venait à être résolu : - Me X... pourrait actionner en responsabilité la FBUM, - mais la FBUM recouvrerait tous ses droits, c'est à dire 100% de ses créances qu'elle serait en droit de déclarer dans le nouveau délai imparti après le prononcé d'une liquidation judiciaire" ;

Considérant au demeurant que, sans être contredit, maître X... expose que la FBUM, aux droits de laquelle se trouve la société CDR, a procédé à la déclaration de la totalité de sa créance, sans égard pour les abandons successivement consentis sous conditions ;

Considérant que l'erreur de plume alléguée par la société CDR quant à la qualité dans laquelle maître Z... a signé ne peut davantage être retenue sur le fondement de l'article 1157 du code civil dès

lors que la recherche d'un effet ne viserait que la condition suspensive no3 et non la qualité d'un signataire ;

Considérant qu'il ne peut se déduire des éléments produits que maître Z... qui, n'ayant plus la qualité d'administrateur judiciaire, aurait renoncé à rechercher la responsabilité de la banque, implicitement mais nécessairement en sa qualité de Commissaire à l'exécution du plan, alors qu'il s'est borné à porter sa signature sur cet acte qui ne le désigne pas comme une partie contractante, qui se réfère à ses fonctions d'administrateur judiciaire et qui vise seulement à modifier les conditions suspensives d'un protocole d'accord inopposable aux organes de la procédure collective ;

Considérant que la signature de l'avenant par maître Z..., postérieurement à l'adoption du plan de continuation, en sa seule désignation d'administrateur judiciaire dont les pouvoirs sont limités à la mise en .uvre du plan, alors que le jugement ne comporte aucune stipulation de renonciation paraître Z..., postérieurement à l'adoption du plan de continuation, en sa seule désignation d'administrateur judiciaire dont les pouvoirs sont limités à la mise en .uvre du plan, alors que le jugement ne comporte aucune stipulation de renonciation par les organes de la procédure collective, ne peut ni valoir ratification d'une convention qu'il n'avait aucun pouvoir de signer après l'adoption du plan et, qu'avant celle-ci, il n'aurait pu signer qu'avec l'autorisation du juge commissaire, ni emporter renonciation à l'exercice d'une action relevant des seuls pouvoirs du commissaire à l'exécution du plan ou du liquidateur après la résolution de celui-ci ;

Considérant qu'il suit de là que l'avenant du 29 mars 1994 est, comme le PROTOCOLE D'ACCORD du 27 juillet 1992, inopposable à maître X... ; qu'il n'y a pas lieu en conséquence de statuer sur les demandes subsidiaires de ce dernier de nullité et de résolution de ces actes

;

Que la société CDR n'est pas, en conséquence, fondée à prétendre que maître X... serait irrecevable à engager une action en responsabilité qui serait éteinte par les effets la transaction conclue entre la COMPAGNIE COMMERCIALE DE LOCATION et les époux Y... ;

Sur les effets de l'adoption du plan de continuation

Considérant que la société CDR soutient que l'adoption d'un plan de continuation ferme toute discussion sur le point de savoir si la situation de la société DIFFUSION DE SOLDES était irrémédiablement compromise avant l'ouverture de la première procédure collective ; qu'elle oppose, en effet, à maître X... l'autorité de la chose jugée par le tribunal de commerce Paris homologuant, par son jugement du 22 novembre 1993, le plan de redressement ;

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 1351 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait le jugement, que la chose demandée doit être la même, que la demande doit être fondée sur la même cause, entre les mêmes parties ;

Considérant que tel n'est pas le cas en l'espèce où le jugement du tribunal de commerce de Paris du 22 novembre 1993 arrête un plan de redressement par continuation de la société, que cette décision ne tranche aucune contestation et, notamment, aucune demande quant à la responsabilité des divers intervenants ; que la banque n'y était pas partie ;

Considérant que la procédure de redressement judiciaire vise, aux termes de l'article L.620-1 du code de commerce, à permettre la sauvegarde de l'entreprise, le maintien de l'activité et de l'emploi et l'apurement du passif ; que la portée de l'adoption d'un plan de redressement n'est pas de qualifier la nature des soutiens financiers

reçus ; que les avis exprimés par les organes de la procédure collective ne sauraient priver ces derniers des recours que la loi leur réserve quant à l'éventuelle responsabilité de tiers ;

Qu'il suit de là que l'action de maître X... ne saurait être déclarée irrecevable sur le fondement des articles 1350 du code civil et 617 du nouveau code de procédure civile ;

Sur les pouvoirs du liquidateur

Considérant que la société CDR affirme qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du liquidateur d'agir sur le fondement de faits qui sont antérieurs au redressement judiciaire dont la solution a été l'adoption d'un plan de continuation ; qu'elle souligne à cet égard que le jugement, rendu le 02 mars 1996, a eu pour effet d'ouvrir une nouvelle procédure collective contre la société DIFFUSION DE SOLDES, nouvellement dénommée VD PHENIX et que le liquidateur judiciaire n'a aucun pouvoir pour agir au titre de la première procédure collective aujourd'hui clôturée ;

Considérant que maître X..., représentant des créanciers dans la première procédure collective jusqu'au jugement rendu le 22 novembre 1993, a été désigné aux fonctions de mandataire liquidateur judiciaire de la société VD PHENIX par le jugement rendu le 02 mars 1996 constatant l'échec du redressement, résiliant le plan et prononçant la liquidation judiciaire de la société ;

Considérant qu'il n'est pas discuté qu'aux termes des dispositions de l'article L.621-39 du code de commerce, le représentant des créanciers a seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt des créanciers et qu'en vertu de l'article L.622-4 du même code, le liquidateur peut introduire les actions qui relèvent de la compétence du représentant des créanciers ;

Considérant que l'action engagée par maître X... à l'encontre de la banque met en cause la responsabilité de cette dernière sur le

fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil ; qu'elle ne repose sur aucun texte spécifique aux dispositions relatives au redressement ou à la liquidation judiciaires ;

Que la recevabilité de l'action ne saurait être rejetée au motif qu'un plan de redressement a été arrêté postérieurement aux soutiens financiers accordés par la banque mise en cause par maître X... ;

Sur la faute alléguée de la banque

Considérant que maître X... agit à l'encontre de la société CDR, venant aux droits de la SOCIETE FINANCIERE DE BANQUE DE L'UNION MEUNIERE, sur le fondement d'une responsabilité quasi-délictuelle ; qu'il lui appartient donc de caractériser la faute commise, d'en démontrer la réalité et d'établir le lien de causalité de celle-ci avec le préjudice invoqué ;

Considérant que la jurisprudence s'accorde à retenir que la responsabilité d'une banque peut être engagée s'il est démontré qu'elle avait, ou bien pratiqué une politique de crédit ruineux pour l'entreprise devant nécessairement provoquer une croissance continue et insurmontable de ses charges financières, ou bien apporté un soutien artificiel à une entreprise dont elle connaissait ou aurait dû connaître, si elle était informée, la situation irrémédiablement compromise ;

Considérant que maître X... affirme que la faute de la banque est constituée de l'octroi abusif de concours financiers alors que la société DIFFUSION DE SOLDES s'est trouvée dans une situation irrémédiablement compromise au plus tard au 1er juillet 1990, ce que la banque ne pouvait, en aucun cas, ignorer ; qu'elle n'articule pas à l'encontre de la société CDR le grief d'une politique de crédit ruineux induisant une croissance insurmontable des charges financières de sa cliente ; qu'elle met en cause les seuls financements accordés en juillet 1990 et non pas le prêt de 8.000.000

francs (1.219.592,14 euros) mis en place le 16 juillet 1989 ;

Considérant que maître X... doit, dès lors, apporter la double démonstration, d'une part, qu'au mois de juillet 1990, la société DIFFUSION DE SOLDES se trouvait dans une situation irrémédiablement compromise et, d'autre part, que l'UNION MEUNIERE le savait ou aurait dû le savoir ;

Considérant qu'à cette fin, il s'appuie sur le rapport d'expertise judiciaire dressé par monsieur A... dans le cadre d'une mission confiée par ordonnance de référé du 05 mars 1997 qui ne comportait pas une recherche de la qualification de la situation de la société au 1er juillet 1990 mais seulement celle de la date à laquelle celle-ci s'était trouvée en état de cessation des paiements avant le 12 décembre 1991 ;

Considérant que, comme l'expose maître X... lui-même, il est inopérant de confondre les deux notions de cessation des paiements et de situation irrémédiablement compromise, qui sont de nature différente, l'une financière et l'autre économique ;

Considérant que cet expert a observé que, dès avant juin 1990, la société ne pouvait plus honorer toutes ses dettes échues, que les charges financières de l'ensemble des concours obtenus par la société DIFFUSION DE SOLDES présentaient un caractère anormal et ne permettaient quasiment plus de dégager des bénéfices dès l'exercice 1984 sauf à avoir recours à des opérations exceptionnelles (réalisation d'actifs, abandons de créances...) ; qu'il tire de ces constatations que la situation de la société était compromise dès 1986 ; qu'il invoque une date de cessation des paiements au 12 juin 1990 ; qu'il émet l'avis que les insuffisances d'actif et de trésorerie constatées dès avant 1986 se sont fortement aggravées à partir de 1988/89 la situation financière apparaissait alors irrémédiablement compromise ;

Considérant que les recherches de ce technicien sur la date de cessation des paiements qui découle de la seule situation financière, n'ont qu'une portée limitée pour démontrer le caractère irrémédiablement compromis de la situation économique de la société ; qu'indépendamment de l'état de trésorerie immédiate lui permettant ou non de faire face à son passif exigible, une entreprise peut détenir des actifs immobilisés ou négocier ses dettes pour rétablir une situation compromise ;

Considérant que, si comme l'expose maître X..., l'adoption d'un plan de continuation ne saurait être exclusive d'une situation irrémédiablement compromise, la constatation d'un état de cessation des paiements n'attribue pas, nécessairement, un caractère irrémédiable à une situation compromise ; que, s'il peut exister une co'ncidence entre cessation des paiements et situation irrémédiablement compromise, les éléments soumis à l'examen de la cour sont insuffisants à démontrer, en l'espèce, une telle concomitance ;

Considérant que le rapport de monsieur A... montre que l'évolution des produits d'exploitation de la société DIFFUSION DE SOLDE, sur les exercices précédents le mois de juillet 1990, a été la suivante :- 1985 :

25.015 KF- 1986 :

26.769 KF- 1987 :

29.250 KF- 1988 :

28.227 KF- 1989 :

33.743 KF

que les résultats positifs d'exploitation se sont respectivement élevés à :- 1985

1.169 KF- 1986

1.104 KF- 1987

2.461 KF- 1988

2.585 KF- 1989

3.509 KF

que le résultat net de ces exercices, après prise en compte des frais financiers, des impôts et des produits et charges exceptionnels ont été bénéficiaires à concurrence de :- 1985

242 KF- 1986

142 KF- 1987

100 KF- 1988

160 KF- 1989

303 KFQu'au cours de cette même période le montant du capital social et la situation nette comptable ont évolué de la manière suivante ;- 1985 capital :

2.028 KFsituation nette :

2.868 KF- 1986

capital :

2.028 KFsituation nette :

3.010 KF- 1987

capital :

2.028 KFsituation nette :

6.312 KF- 1988

capital :

6.084 KFsituation nette :

6.868 KF- 1989

capital :

6.084 KFsituation nette :

6.615 KF

Considérant qu'il ne saurait être sérieusement discuté qu'à la fin juin 1990, la situation de la société DIFFUSION DE SOLDE était compromise, notamment en raison de sa situation de trésorerie, de sa structure financière, du recours excessif à l'endettement et de frais financiers très lourds, notamment au regard du montant des chiffres d'affaires ;

Considérant toutefois que, comme l'ont relevé les premiers juges, les marges de la société demeuraient suffisantes pour couvrir les coûts correspondants et laisser subsister un résultat d'exploitation positif ;

Considérant ainsi que les éléments économiques et comptables établis ne permettent pas de qualifier le caractère irrémédiable de la mauvaise situation de la société, à la date où l'UNION MEUNIERE a consenti les financements de 17.200.000 francs aux époux Y... et de 4.000.000 francs à la société ;

Considérant qu'une situation irrémédiablement compromise se caractérise, notamment, comme le relève la société CDR, par l'absence de toute perspective de redressement ; que la seule circonstance que la banque de l'UNION MEUNIERE ait consenti les financements litigieux ne démontre en rien une situation irrémédiablement compromise de la société emprunteuse, précisément à cette date, même si les modalités de mise en oeuvre d'un prêt personnel aux dirigeants avec obligation d'en apporter une partie significative à la société, visaient et ont

eu pour résultat d'octroyer à la banque des garanties réelles sur les biens immobiliers personnels des époux Y... et de soustraire ainsi une partie des engagements à l'éventuel aléa d'une procédure collective ;

Considérant que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le caractère irrémédiablement compromis de la situation est sans apport avec les modalités inhabituelles et préférentielles choisies par la banque pour répondre aux besoins de trésorerie de l'entreprise ;

Considérant de plus qu'il ressort du rapport A... et des éléments comptables postérieurs que l'aggravation de la situation de la société a été soudaine et ne s'est produite qu'au cours de l'exercice 1990 sans que maître X... ne démontre que cette dégradation serait nécessairement survenue au cours du premier semestre 1990 ;

Considérant que les éléments soumis à la banque avant l'octroi des financements critiqués ne permettaient aucunement de cerner le caractère irrémédiable de la situation ;

Considérant que le bilan arrêté au 31 décembre 1988 était le plus récent dont la société CDR disposait ; qu'il comporte une erreur importante puisqu'un prêt de 13.000.000 francs (1.981.837 euros) accordé par la banque FINANCIERE COLBERT avait été comptabilisé, non pas au titre de engagements financiers auprès des établissements de crédit mais, de manière inexacte, dans le compte-courant de monsieur Y... ; que cette erreur, bien que ne modifiant pas le total du passif social était de nature à tromper l'UNION MEUNIERE sur la nature des endettements et sur l'analyse qu'elle pouvait mener à bien de leur exigibilité ;

Considérant qu'il ne peut être tiré aucune conclusions de la circonstance que la banque CEPME avait décidé, en décembre 1989, non pas comme le soutient maître X... de dénoncer ses concours, mais de

donner une réponse négative à une demande de financement supplémentaire de 1.000.000 francs (152.449,02 euros) ; que le rôle modeste que cette banque occupait parmi les différents bailleurs de fonds de la société DIFFUSION DE SOLDE ne permet pas d'inférer de son refus d'un engagement supplémentaire marginal la démonstration prétendue d'une situation irrémédiablement compromise ; que les critères d'analyse financière retenus par cet organisme financier l'ont seulement conduit à refuser d'assumer le risque de cette demande de financement ; qu'il ne saurait être imputé à faute à la banque de l'UNION MEUNIERE d'avoir tiré, des mêmes éléments, des conséquences différentes ;

Considérant qu'il peut lui être fait le reproche de ne s'être pas suffisamment renseignée sur la situation exacte de la société, préalablement à l'octroi des prêts ; que la banque n'a pas exigé la communication du bilan au 31 décembre 1989 qui n'avait été ni arrêté ni soumis à l'approbation des actionnaires dans le délai légal de six mois de la clôture de l'exercice ; qu'elle n'a sollicité aucun compte prévisionnel, notamment quant à l'évolution probable de la situation de trésorerie ; qu'elle a consenti aux époux Y... un financement largement disproportionné avec leur faculté de remboursement ; qu'elle n'allègue ni ne justifie à cet égard avoir réclamé les déclarations de revenus et avoir procédé à une analyse de leur situation financière personnelle ; qu'elle s'est bornée à prendre en considération les éléments d'actif de leur patrimoine, notamment immobilier ;

Mais considérant que la communication du bilan au 31 décembre 1989, tel qu'il est soumis à l'examen de la cour, n'aurait pas permis à la banque de connaître la situation prétendument irrémédiablement compromise puisque ces éléments comptables ne traduisaient aucune dégradation, les experts ayant relevé que la société DIFFUSION DES

SOLDES avait connu son apogée au cours de l'exercice 1989 ;

Considérant qu'indépendamment de la cessation des paiements, le rétablissement d'une situation compromise peut être mené à bien, notamment, par la cession d'éléments d'actifs et la négociation du montant de certaines dettes ; que tel est, au demeurant, la démarche suivie par la société DIFFUSION DE SOLDES et les organes de sa procédure collective dans le cadre de l'élaboration du plan ;

Considérant ainsi qu'à la suite d'une période d'observation qui s'est déroulée du 12 décembre 1991 au 22 novembre 1993, le tribunal de commerce de Paris a arrêté un plan de redressement par continuation ; qu'en l'espèce, une telle décision sanctionne un certain potentiel de redressement ; que les financements litigieux ont été accordés en juillet 1990 et la liquidation judiciaire prononcée pour cause de résolution du plan en mars 1996 ; que maître X... en explique lui-même l'échec par la circonstance que la société DIFFUSION DE SOLDES s'est maintenue sur ses errements passés, qu'elle n'a procédé à aucune des cessions de fonds de commerce qu'elle s'était engagée à réaliser, qu'elle n'a effectué aucune des restructurations auxquelles il lui appartenait de procéder et qu'elle n'a mis en oeuvre aucune des mesures d'économie nécessaires au rétablissement escompté de la rentabilité ;

Qu'il résulte de ce qui précède que, faute de démontrer que la situation compromise de la société DIFFUSION DE SOLDES présentait, au mois de juillet 1990, un caractère irrémédiable, maître X... doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts contre la banque ; que le jugement entrepris doit en conséquence être infirmé en ses dispositions constatant que la société DIFFUSION DE SOLDES, devenue VD PHENIX, était dans une situation irrémédiablement compromise, condamnant la société CDR à payer à maître X... une provision de 500.000 francs (76.224,51 euros) et désignant un expert ;

Sur les autres demandes

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la société CDR la charge des frais qu'elle a été contrainte d'engager dans la présente procédure ; que maître X... sera condamné à lui payer une indemnité de 7.500 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Considérant que l'équité ne commande pas l'application de ce même texte au bénéfice de maître X... ;

Considérant que l'intimé qui succombe doit être condamné à la totalité des dépens de première instance et d'appel ; PAR CES MOTIFS

Statuant en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort, sur renvoi après cassation de la décision de la cour d'appel de Paris du 20 septembre 2002 par arrêt de la cour de cassation rendu le 04 janvier 2005,

Déclare maître Marie-José X... recevable mais mal fondé en son action, l'en déboute,

Infirme le jugement entrepris en ses dispositions déférées constatant que la société DIFFUSION DE SOLDES, devenue VD PHENIX, était dans une situation irrémédiablement compromise, condamnant la société CONSORTIUM DE REALISATION à payer à maître X... une provision de 76.224,51 euros et désignant un expert,

Condamne maître Marie-José X... à payer à la société CONSORTIUM DE REALISATION la somme de 7.500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à application de ce même texte au bénéfice de maître Marie-José X...,

Condamne ce dernier en tous les dépens de première instance et d'appel,

Autorise la SCP FIEVET- LAFON, avoués, à recouvrer directement ceux engagés devant la cour conformément aux dispositions de l'article 699

nouveau code de procédure civile.

Arrêt prononcé par Monsieur Denis COUPIN, conseiller, et signé par Madame Françoise LAPORTE, président et par Madame Marie-Thérèse GENISSEL, greffier, présent lors du prononcé

Le GREFFIER,

Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Ct0064
Numéro d'arrêt : 52
Date de la décision : 26/09/2006

Analyses

BANQUE - Responsabilité - Faute - Octroi abusif de crédit - Exclusion - Cas

La responsabilité de la banque peut être engagée s'il est démontré qu'elle a apporté un soutien artificiel à la société dont elle connaissait ou aurait dû connaître la situation irrémédiablement compromise. Dès lors, ne peut invoquer la responsabilité quasi-délictuelle de la banque pour soutien abusif, la société, dont la situation n'était pas compromise malgré sa situation de trésorerie, sa structure financière, son recours excessif à l'endettement et aux frais financiers très lourds, ses marges demeurant suffisantes pour couvrir les coûts correspondants et laissant subsister un résultat d'exploitation positif, la concomitance entre l'état de cessation des paiements et le manque d'avenir de la société n'étant pas suffisamment établie, l'ensemble des éléments économiques et comptables ne permettant pas de qualifier d'irrémédiable sa mauvaise situation. En outre, le plan de continuation arrêté par le tribunal admet les perspectives de redressement de la société


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Mme Laporte, président

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2006-09-26;52 ?
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