COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 50Z 3ème chambre ARRET No CONTRADICTOIRE
DU 12 MAI 2006 R.G. No 05/00915 AFFAIRE : Marcel X... C/ S.C.P. RENARD-PLAISANT Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 Décembre 2004 par le Tribunal de Grande Instance de CHARTRES No chambre : 1 No RG :
2594/03 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à :
SCP BOMMART MINAULT SCP KEIME GUTTIN JARRY REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE DOUZE MAI DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur Marcel X... 19 Rue Richebourg 72000 LE MANS représenté par la SCP BOMMART MINAULT, avoués - N du dossier 00031322 plaidant par Me Marie CADIOU-REBOURS, avocat au barreau de PARIS APPELANT S.C.P. RENARD-PLAISANT 35 Rue Auvray 72000 LE MANS prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège représentée par la SCP KEIME GUTTIN JARRY, avoués - N du dossier 05000139 plaidant par Me GRANDGERARD, avocat au barreau de PARIS INTIMEE Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 30 Mars 2006 devant la cour composée de :
Madame Bernadette WALLON, président,
Monsieur Marc REGIMBEAU, conseiller,
Madame Nelly DELFOSSE, conseiller,
qui en ont délibéré, Greffier, lors des débats : Madame Marie-Claire THEODOSE
FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
Suivant acte sous seing privé du 6 avril 1990, M. X..., marchand de biens alors âgé de 79 ans, a promis de vendre à M. Y..., autre marchand de biens, avec faculté de substitution, un immeuble sis au MANS, 109 rue Ambroise PARE, au prix de 2,250 millions de francs, payable "en dation de payement au prix de revente", jusqu'au 4 avril 1991.
Le montant insuffisant selon lui du prix a inquiété M. X..., qui a alors consulté la SCP RENARD-PLAISANT, avocats, sur la validité de la convention. La SCP RENARD-PLAISANT a, en réponse, par lettre du 18 février 1991, déconseillé une action en rescision, l'insuffisance de prix n'étant pas assez importante, mais évoqué la possibilité d'une action en nullité pour indétermination du prix.
Le 28 mars 1991, M. Y... a levé l'option pour le compte de la SOCOPRIM, promoteur, mais M. X... a refusé de régulariser la vente, et un procès-verbal de difficultés a été dressé le 18 avril suivant.
Par acte sous seing privé du 3 septembre 1991, M. X... a réitéré son engagement de vendre à M. Y..., avec la précision que la signature de l'acte notarié interviendrait "moyennant le payement du prix indiqué dans la promesse".
M. X... a ensuite entrepris une procédure judiciaire visant à l'annulation des deux promesses pour indétermination du prix, dont il a été débouté en première instance par le tribunal de grande instance du MANS, par la cour d'appel d'ANGERS, et par la Cour de Cassation suivant un arrêt du 9 avril 1998, ces juridictions ayant estimé que
la seconde promesse avait substitué à un payement du prix par dation en payement, un payement comptant. La vente a été régularisée au profit de la société SOCOPRIM par acte notarié du 26 novembre 1998.
A la suite de cette procédure, la SOCOPRIM a, à son tour, intenté une action en justice contre M. X..., en réparation du préjudice que lui avait causé son attitude, en retardant son projet de promotion.
Sur appel d'un jugement du tribunal de grande instance du MANS, du 7 mars 2000, qui avait avant dire droit ordonné une mesure d'expertise pour évaluer les pertes de la SOCOPRIM, la cour d'appel d'ANGERS a, infirmant sur la décision d'expertise, alloué 100.000 francs de dommages-intérêts au promoteur. Par arrêt du 24 octobre 2002, la Cour de Cassation cassait cet arrêt au motif que la cour n'avait pas tenu compte de l'intégralité du préjudice, et renvoyait l'affaire devant la cour d'appel de CAEN, où elle était radiée à la suite de la signature d'un protocole d'accord entre les parties, aux termes duquel M. X... se reconnaissait redevable de 609.000 euros envers la SOCOPRIM au titre du préjudice subi.
M. X... estimant alors qu'il avait été victime des mauvais conseils de son avocat dans ces deux affaires, soit maître PLAISANT, s'est retourné contre lui.
M. X... a interjeté appel du jugement rendu le 1er décembre 2004 par le tribunal de grande instance de CHARTRES, qui, sur son assignation tendant à voir dire que Maître PLAISANT est responsable du préjudice que lui ont causé ses mauvais conseils dans les litiges ci-dessus rappelés, et condamner la SCP RENARD-PLAISANT à lui payer, pour l'essentiel, 654.085,31 euros à titre de dommages-intérêts, a : - débouté M. X... de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de Maître PLAISANT, - condamné M. X... à payer à la SCP RENARD-PLAISANT la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, et les dépens.
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M. X..., qui conclut à l'infirmation du jugement, prie la cour de : - vu les articles 1147 du code civil et 156 du décret du 27 novembre 1991,
- condamner la SCP RENARD-PLAISANT à lui payer 654.085,31 euros de dommages-intérêts, 4.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, et les entiers dépens.
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La SCP RENARD-PLAISANT conclut à la confirmation du jugement déféré sauf en ce qu'il la déboutée de sa demande reconventionnelle, et demande à la cour de : - constater que M. X... ne rapporte pas la preuve de la réalisation en l'espèce des conditions de la responsabilité de l'avocat,
- condamner M. X... à lui payer 4.000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive, 3.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en cause d'appel, et les entiers dépens.
DISCUSSION ET MOTIFS DE LA DECISION
Considérant que M. X... expose que : - au 18 avril 1992 il avait clairement accepté la vente à M.HADDAD au prix de 2,250 millions de francs, fort des conseils de Maître PLAISANT quant à la validité de ce prix au regard du marché, de la nécessité d'obtenir un payement comptant, et de la consignation du prix par l'acquéreur, - Maître PLAISANT avait, sans son autorisation, fait délivrer à M. Y... sommation de renoncer aux deux promesses, puis une assignation au fond, et en toute hypothèse il avait omis de le conseiller sur l'opportunité et les chances d'une action en justice en annulation, - le tribunal lui a, à tort, imputé à faute d'avoir signé l'acte du 3 septembre 1991 en violation de son obligation de coopérer avec son conseil, alors qu'il n'avait fait qu'appliquer les conseils de Maître PLAISANT dans sa lettre du 18 février 1991, et en outre renversé la charge des obligations des parties, - il n'a pas donné son accord sur l'exercice de l'appel dans la première procédure, et Maître PLAISANT ne l'a pas conseillé sur l'opportunité des recours en général, y compris le pourvoi en cassation, - Maître PLAISANT a seul décidé de ne pas transiger avec M. Y..., et omis de le conseiller sur l'intérêt d'une transaction ;
Que la SCP RENARD-PLAISANT réplique que : - M. X... changeait
souvent d'avis malgré les conseils de son avocat, qu'il avait seul décidé de signer le compromis du 3 septembre 1991, malgré l'avis contraire de Maître PLAISANT, qu'il était ensuite revenu sur sa décision et avait demandé au même de tenter d'obtenir l'annulation de la promesse en justice, ainsi que des dommages-intérêts, - M. X... est seul à l'origine de son préjudice pour avoir signé sans le concours de ses conseils, notaire ou avocat, le 3 septembre 1991, un acte dont les termes étaient litigieux, - c'est à sa demande et à son instigation que la procédure a été poursuivie, il en était régulièrement informé, et il pouvait à tout moment l'interrompre, - l'action en nullité était valablement fondée sur l'indétermination du prix dépendant du prix de revente, dans le cas de la première promesse, et pour la seconde promesse sur le fait qu'elle se référait au prix contenu dans la première elle-même nulle, et sur le caractère perpétuel de l'engagement de M. X..., - Maître PLAISANT a donné les conseils nécessaires au sujet des recours ;
Considérant, en droit, que l'avocat est tenu envers son client, d'une obligation de conseil et d'information de moyens, qui l'engage à lui donner des avis motivés, reposant sur des éléments de droit et de fait vérifiés par lui ;
Qu'en application de cette obligation, il lui appartient de vérifier que l'action de son client est bien fondée, de choisir et de proposer audit client les moyens les plus propres à le défendre, et de lui donner le cas échéant un avis motivé sur l'opportunité d'un recours ; Qu'il lui incombe aussi de rapporter la preuve qu'il s'en est acquitté ;
Qu'en outre l'article 156 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, impose à celui-ci d' "observer les règles de prudence et de diligence qu'inspire la sauvegarde des intérêts qui
lui sont confiés par ses clients" ;
Que c'est à la lumière de ces règles qu'il importe d'examiner les griefs de M. X... ; - SUR L'OBLIGATION DE CONSEIL ET LA DECISION D'AGIR EN ANNULATION DES PROMESSES
Considérant que l'acte du 6 avril 1990, est une promesse de vente par M. X..., portant les mentions manuscrites de l'acceptation dudit acte "en tant que promesse de vente" par M. Y..., et que le prix de 2,250 millions de francs sera payable "en dation de payement au prix de revente", cette dernière mention étant suivie d'un paragraphe dactylographié qui précise que le prix sera payé entièrement comptant le jour de la signature de l'acte authentique ;
Qu'il résulte des pièces versées aux débats, que la formule "dation de payement au prix de revente" ne faisait pas de difficultés entre les parties, pour lesquelles elle signifiait que M. X... recevrait partie des immeubles bâtis plus tard par M. Y..., au prix de vente desdits immeubles ;
Que l'acte sous seing privé du 3 septembre 1991, est un engagement unilatéral enregistré, entièrement manuscrit par M. X..., dans lequel il écrit qu' il "confirme son intention de donner une suite favorable à la promesse de vente signée en faveur de M. Z... 6 avril 1990..........La signature de l'acte authentique interviendra moyennant le payement du prix indiqué dans la promesse" ;
Considérant qu'il ressort des termes de la lettre écrite le 18 février 1991 par Maître PLAISANT à M. X..., que l'avocat était interrogé par ce dernier sur une possibilité de revenir sur son engagement en raison du prix selon lui trop faible, puisque Maître PLAISANT indique que selon ses renseignements concernant les prix du marché, les conditions d'une action en rescision ne pourraient pas être remplies, et qu'il a alors de lui-même évoqué la possibilité
d'une action en annulation du premier acte pour indétermination du prix en vertu de l'article 1591 du code civil ;
Que dans le cas de cette promesse du 6 avril 1990, acte bien fragile pour être contradictoire sur les modalités de payement du prix, à la fois comptant et par attribution de biens à construire, Maître PLAISANT a cru devoir faire preuve de prudence en précisant à son client dans la même lettre du 18 février 1991 à propos d'une éventuelle action en annulation "cependant je ne puis vous assurer qu'une telle action serait à coup sûr couronnée de succès. Le problème est tout de même épineux" ;
Que si le second acte, unilatéral, ne l'était pas moins en droit en apparence, pour stipuler une modification des modalités de payement sans contenir l'accord du bénéficiaire, il était en revanche en réalité beaucoup moins attaquable du fait que le prix n'était plus indéterminé,ent sans contenir l'accord du bénéficiaire, il était en revanche en réalité beaucoup moins attaquable du fait que le prix n'était plus indéterminé, et que M. Y... avait accepté ces nouvelles conditions posées par le vendeur, ce que Maître PLAISANT ne pouvait pas ignorer, puisque le conseil de M. Y... l'avait informé par lettre du 18 avril 1991 que celui-ci avait consigné le prix et partie des frais soit 2,3 millions de francs en lui communiquant copie du chèque, et que M. Y... avait informé le notaire de M. X... avec lequel l'avocat était en relations étroites, par une lettre du 28 mars 1991, qu'il levait l'option ;
Qu'ainsi ce n'est pas M. Y... qui s'est refusé à signer l'acte notarié de vente le 18 avril 1991, jour où le notaire a dressé un procès-verbal de difficultés, mais bien M. X..., M. Y... s'étant retrouvé seul dans le bureau du notaire ;
Que la Cour de Cassation a d'ailleurs relevé dans son arrêt de rejet du 29 avril 1998, que M. X... n'avait pas soutenu dans ses
conclusions d'appel que l'acte du 3 septembre n'avait pas été accepté par M. Y..., mais qu'il avait au contraire indiqué que M. Y... avait été l'instigateur de cet acte ;
Que Maître PLAISANT invoquait un moyen accessoire relatif à l'engagement perpétuel de M. Y... par le second acte, à l'évidence mal fondé, le premier acte stipulant qu'à compter de la levée de l'option, la partie la plus diligente pourrait requérir la réitération ;
Que les chances d'une action en annulation dans ce contexte d'un prix déterminé accepté par M. Y... se trouvaient encore amoindries ;
Que cependant la SCP RENARD-PLAISANT ne propose aucun élément de preuve que Maître PLAISANT avait, conformément à son obligation de prudence et de conseil, mis en garde M. X... contre les risques aggravés d'échec de l'action en annulation de la promesse qu'il avait lui-même antérieurement proposée, dans le nouveau contexte de vente à prix comptant acceptée par M. Y..., dont il a de fait été débouté en première instance, en appel et en cassation ;
Que l'argument de la SCP RENARD-PLAISANT dans ses dernières conclusions (p14) consistant à soutenir que l'action en justice était justifiée par le but de faire pression sur M. Y... pour qu'il renonce à l'achat, ou offre un prix supérieur, sachant que pour un promoteur une action en justice paralyse son opération de construction et génère rapidement des frais d'immobilisation lourds, équivalant à reconnaître un détournement illicite de la procédure, est de ce fait inopérant ;
Que le fait pour un avocat, auxiliaire de justice, de proposer un tel moyen de renégocier un prix, est au surplus constitutif d'une faute au regard de son obligation de conseil ;
Que la faute de Maître PLAISANT est ainsi établie ;
Que néanmoins, ainsi que la SCP RENARD-PLAISANT le soutient à juste
titre, M. X... a lui-même commis une faute à l'origine de son préjudice ;
Qu'en effet, il sera rappelé que par lettre du 18 février 1991, Maître PLAISANT l'a informé des risques d'échec de l'action en annulation contre le premier acte, ajoutant le conseil suivant "je pense que vous pourriez négocier avec M. Y... la vente de votre terrain et surtout que le prix de la vente vous soit payé comptant......afin d'éviter toute équivoque" ;
Que M. X... savait donc exactement, ainsi qu'il le fait plaider, qu'il s'était conformé à l'avis de son conseil pour valider la première promesse, en exigeant un payement comptant, avec l'acceptation de M. Y... qu'il n'a jamais contestée, écrivant même dans ses conclusions qu'à la date du 3 septembre 1991 les parties étaient d'accord sur la chose, le prix et les modalités de payement comptant, et qu'il avait donc toutes raisons d'être persuadé du plus grand risque d'échec encore de l'action en annulation ;
Qu'il ne peut pas prétendre valablement se réfugier derrière le fait que la lettre de Maître PLAISANT du 9 juin 1992 indiquait que la sommation de renoncer aux actes serait délivrée à M. Y... sauf avis contraire (des notaires) sans mention de l'accord du client ;
Qu'en effet en raison de sa qualité d' homme d'affaires avisé qui avait de lui-même et seul décidé de signer deux compromis sans les soumettre aux hommes de loi (notaires et avocat) dont il avait pris le soin de s'entourer et dont il prétend qu'ils décidaient pour lui, alors même que par lettre du 15 avril 1991 Maître PLAISANT lui avait expressément indiqué "il n'y a pas lieu que vous alliez signer quelque acte que ce soit chez maître FOURNIER", il ne pouvait pas ignorer qu'il avait le pouvoir d'arrêter la procédure ;
Que s'il ressort de cette même lettre du 9 juin 1992, que Maître PLAISANT s'adressait prioritairement aux notaires plutôt qu'à M.
X... pour accord dans les termes suivants "si donc maîtres.....n'ont pas d'observation à faire valoir sur mon projet, il faudra.......que nous engagions une action", cela s'entendait des données juridiques qui leur étaient soumises, et non du principe de l'action en justice qui relevait du seul M. X..., de sorte que là encore la faute de l'avocat n'est pas établie ;
Que son silence en réponse, valait donc autorisation ; - SUR L'OBLIGATION DE CONSEIL AU REGARD DES VOIES DE RECOURS
Considérant, s'agissant du jugement du 8 septembre 1993 du tribunal de grande instance du MANS, rejetant la demande d'annulation, que la SCP RENARD-PLAISANT produit une lettre du 13 septembre 1993 adressée à M. X..., à laquelle était joint un commentaire détaillé de la décision sur les deux points qui avaient retenu l'attention de la juridiction, à savoir la question de la détermination du prix, et de l'occupation des lieux par un locataire, l'argumentation du conseil soulevant les mêmes difficultés qu'indiqué plus haut ;
Que s'agissant de l'arrêt confirmatif rendu le 30 mai 1995 qui le déboutait, les termes "le raisonnement tenu par la cour me paraît plus que tortueux" figurant dans sa lettre du 23 juin 1995 ne peut pas tenir lieu d'avis motivé, fait également fautif ;
Considérant, en ce qui concerne le pourvoi en cassation, que M. X... reproche à Maître PLAISANT de s'être gardé d'attirer son attention sur les réserves émises par l'avocat aux conseils sur les chances d'un pourvoi ;
Que sur ce point la SCP RENARD-PLAISANT se prévaut encore de la note explicative jointe à sa lettre du 13 septembre 1993 susmentionnée, déjà communiquée aux notaires conseils de M. X..., l'invitant à la prudence dans les termes suivants "il est bien évident que notre affaire est complexe et que l'on ne peut donc pas se prononcer avec certitude sur son issue. Je ne puis évidemment pas vous certifier que
nous gagnerons en appel, mais je crois que tout de même cette procédure serait nécessaire, ne serait-ce éventuellement pour que nous puissions négocier avec le sieur Y..." ;
Que ce rappel d'un commentaire du jugement de première instance ne saurait valoir avis motivé au sujet d'un pourvoi en cassation ;
Que la SCP RENARD-PLAISANT ajoute cependant que Maître PLAISANT a pris soin de s'assurer l'avis de Maître FOUSSARD, avocat aux conseils, remplissant ainsi ses obligations, que l'analyse de cet avocat aux conseils était proche de la sienne, certes assortie de réserves, mais qui avaient été communiquées à M. X..., et qu'un rendez-vous avait été organisé le 20 octobre 1996 avec ce dernier et les notaires pour prendre une décision ;
Considérant cependant que la SCP RENARD-PLAISANT sur laquelle pèse le fardeau de la preuve, ne propose d'autre preuve de ce que Maître PLAISANT a donné un avis objectif sur ce point, qu'une attestation des notaires du 7 septembre 1995 relative à une réunion en présence de M. X... pour discuter de ces questions, sans autre précision, insuffisante pour y parvenir ;
Qu'en outre si la consultation se terminait par l'avis que la procédure pouvait être raisonnablement tentée notamment au vu de ce que les griefs articulés étaient au nombre de trois, le corps de l'avis contenait des réserves très sérieuses, telles que "en présence d'un moyen de dénaturation (du contrat) la cour se réfugie très aisément derrière le pouvoir souverain des juges du fond", ou s'agissant de l'acceptation par M. Y... de l'acte du 3 septembre "on peut se demander si le document n'a pas été préparé par M.HADDAD et si dès lors celui-ci n'en a pas par avance accepté les termes", ce qui était la position même de M. X..., et encore "(en) matière contractuelle.....la cour peut a-priori être tentée de laisser subsister l'arrêt sans véritablement entrer dans le champ de la
discussion", réserves sur lesquelles la SCP RENARD-PLAISANT ne propose aucun élément de preuve que l'attention de M. X... a été attirée ;
Qu'il existe donc là encore un manquement de Maître PLAISANT à son obligation de conseil ; - SUR L'OBLIGATION DE CONSEIL AU REGARD DE LA TRANSACTION
Considérant que la SCP RENARD-PLAISANT ne propose pas plus de preuve de ce que Maître PLAISANT a rempli son obligation de conseil au regard de l'utilité d'une transaction à l'égard de la demande de dommages-intérêts de la SOCOPRIM, la résistance étant manifestement vouée à l'échec, au vu de la procédure précédente qui avait validé les promesses ;
Que M. X... invoque valablement à ce sujet une lettre de Maître PLAISANT du 3 décembre 2001 adressée au notaire, et versée aux débats, par laquelle il refuse directement sans son avis une proposition de transaction à hauteur de 200.000 francs émise par M. Y..., contre le payement d'une somme de 100.000 francs en plus des 100.000 francs alloués par la Cour d'ANGERS ;
Que la SCP RENARD-PLAISANT réplique que cet avis était raisonnable au regard du contexte ;
Considérant que la SCP RENARD-PLAISANT ne justifie pas de la transmission de l'offre de M. Y... à M. X..., que son refus direct de cette offre, très raisonnable au vu des demandes originaires et des sommes finalement acceptées par M. X... dans le protocole, est donc incontestablement injustifié ;
Que ces faits seront donc jugés fautifs non seulement au regard de l'obligation de conseil de l'avocat, mais également au regard de ses obligations de mandataire ;
Qu'enfin en ce qui concerne la transaction finale, M. Y... n'a pas pris l'avis de son conseil dont la faute ne saurait donc être retenue
à ce titre ;
Que compte tenu de l'ensemble des fautes commises par chacune des parties, il convient de mettre le préjudice qui en est résulté à la charge de la SCP RENARD-PLAISANT dans la proportion de 6/10o ; - SUR LE PREJUDICE
Considérant que M. X... inclut dans son préjudice directement lié aux manquements de Maître PLAISANT, les sommes au payement desquelles il a été condamné par les différentes décisions judiciaires, ainsi que le montant de la transaction avec la SOCOPRIM, ajoutant qu'il a perdu une chance de vendre son bien dans des conditions normales, sans avoir à payer des dommages-intérêts à l'acquéreur du fait du retard pris par la construction ;
Que la SCP RENARD-PLAISANT fait valoir de son côté que le montant de la transaction est curieusement plus élevé que les demandes de SOCOPRIM devant les juges du fond ;
Considérant cependant, que devant les juges du fond, la SOCOPRIM demandait 102.600,64 francs au titre de ses frais, et 1.430.565 francs au titre de son manque à gagner, que le tribunal a ordonné avant dire droit une mesure d'expertise sur le montant du manque à gagner, que la cour en appel lui a alloué 100.000 francs en principal au titre des frais d'architecte, et que la cour suprême a cassé cet arrêt au motif qu'il a accordé à M. X... la somme de 100.000 francs de dommages-intérêts rejetant le chef de préjudice tenant au manque à gagner ;
Que si la cour doit donc tenir compte du préjudice consistant dans le manque à gagner, ce préjudice ne saurait être chiffré au montant indiqué dans la transaction conclue le 15 novembre 2002 pour 609.800 euros, cette transaction précisant que ce montant pourrait être payé soit en argent "soit en dation attribuant ainsi à concurrence de la somme due à titre de dommages-intérêts des biens appartenant à M.
X... portant exclusivement sur la nue-propriété de ses biens", d'où il suit que le montant final supporté par M. X... demeurait en réalité subordonné à l'estimation des biens apportés en nue-propriété, non connue de la cour ;
Que M. X... soutient que le montant de la transaction avait été fixé d'après l'expertise, non contradictoire pour la SCP RENARD-PLAISANT, de M. A... du 7 juillet 2000, laquelle concluait à un profit HT escompté par le promoteur de 1.862.424 francs, qui n'est qu'une hypothèse fondée sur un bon déroulement des opérations de construction et de vente des lots ;
Qu'il doit être pris en compte le montant de la demande de la SOCOPRIM devant les juges du fond, soit 1.430.565 francs, ainsi que la plus value réalisée par le promoteur sur la revente au prix de 3,6 millions de francs, du terrain payé 2,250 millions de francs en 1998, et le fait que la SOCOPRIM, dont Mme Y... était la gérante, n'aurait pu réaliser le gain que moyennant un travail et des charges d'impôts sur le revenu effectifs ;
Que compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le préjudice réel subi au titre du manque à gagner, sera évalué à la somme de 120.000 euros ;
Que s'agissant d'un préjudice de perte de chance, et en considération de ce que M. X... a montré qu'il tenait à l'action en annulation, il convient d'en fixer la réparation à la somme de 60.000 euros, dont 6 / 10o soit 36.000 euros à la charge de la SCP RENARD-PLAISANT ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que M. X... a supporté des payements au titre des frais de procédure pour 27.248,41 euros, et sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile pour 2.591,63 euros, soit au total 29.840,04 euros ;
Qu'en tenant compte de ce que le préjudice de M. X..., n'est que
celui d'une perte de chance, comme indiqué ci-dessus, la réparation en sera fixée à 14.920,02 euros, dont 6 / 10o à la charge de l'intimée, soit 8.952,01 euros ; - SUR LA DEMANDE DE DOMMAGES-INTERETS DE LA SCP RENARD-PLAISANT
Considérant que M. X... prospère partiellement dans ses demandes ; Que la demande de dommages-intérêts de la SCP RENARD-PLAISANT pour procédure abusive ne peut donc qu'être rejetée ; - SUR LA DEMANDE AU TITRE DES FRAIS IRREPETIBLES
Considérant que compte tenu de l'équité il y a lieu d'allouer à M. X... la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; - SUR LES DEPENS
Considérant que la SCP RENARD-PLAISANT qui succombe doit supporter les dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau,
Dit que Maître PLAISANT a manqué à ses obligations de conseil,
Dit qu'il est responsable du préjudice qui en est résulté pour M. X... dans la proportion des 6 / 10o de 60.000 euros pour le manque à gagner et de 14.920,02 euros pour les frais de procédure et condamnation sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, au titre d'une perte de chance, et en conséquence, Condamne la SCP RENARD-PLAISANT à payer à M. X... les sommes de : . 36.000 euros de dommages-intérêts au titre du manque à gagner, . 8.952,01 euros de dommages-intérêts au titre des frais de procédure et de la condamnation au titre des frais irrépétibles, . 2.000 euros
au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Rejette les autres demandes,
Condamne la SCP RENARD-PLAISANT aux dépens de première instance et d'appel,
Dit que ces dépens pourront être recouvrés par la SCP BOMMART MINAULT, avoué de M. X..., pour la part la concernant, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile. - signé par Madame WALLON, président et par Madame THEODOSE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER,
Le PRESIDENT,