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11/05/2006 | FRANCE | N°193

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12ème chambre section 2, 11 mai 2006, 193


COUR D'APPELDE VERSAILLES
12ème chambre section 2
D.C./P.G.ARRET No Code nac : 59C
contradictoire
DU 11 MAI 2006
R.G. No 05/00760
AFFAIRE :
S.A.R.L. JBS ...
C/S.A. SODICLAIR EXPANSION

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Septembre 2004 par le Tribunal de Commerce de CHARTRESNo Chambre : No Section : No RG :
Expéditions exécutoiresExpéditionsdélivrées le : à : SCP GASSCP LEFEVRE TARDY et HONGRE BOYELDIEU E.D.

LE ONZE MAI DEUX MILLE SIX,La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A.R.L. J

BS Immatriculée au registre du commerce et des sociétés 342 189 305 RCS MACON, ayant son siège ZIC les...

COUR D'APPELDE VERSAILLES
12ème chambre section 2
D.C./P.G.ARRET No Code nac : 59C
contradictoire
DU 11 MAI 2006
R.G. No 05/00760
AFFAIRE :
S.A.R.L. JBS ...
C/S.A. SODICLAIR EXPANSION

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Septembre 2004 par le Tribunal de Commerce de CHARTRESNo Chambre : No Section : No RG :
Expéditions exécutoiresExpéditionsdélivrées le : à : SCP GASSCP LEFEVRE TARDY et HONGRE BOYELDIEU E.D.

LE ONZE MAI DEUX MILLE SIX,La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A.R.L. JBS Immatriculée au registre du commerce et des sociétés 342 189 305 RCS MACON, ayant son siège ZIC les Bruyères 71130 NEUVY GRANDCHAMP, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
S.A.R.L. CETIMAT Immatriculée au registre du commerce et des sociétés 340 813 211 RCS MACON, ayant son siège Zone des Bruyères, Route de Bourb 71130 NEUVY GRANDCHAMP, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
représentées par la SCP GAS, avoués - N du dossier 20050077Rep/assistant : Me DUMONT, avocat au barreau de MACON.
APPELANTES****************
S.A. SODICLAIR EXPANSION (SAS au vu de l'extrait Kbis du 24.02.2006 ) Immatriculée au registre du commerce et des sociétés 308 018 415 RCS CHARTRES, ayant son siège Pontault Nottonville 28140 ORGERES EN BEAUCE, prise en la personne de son Président du conseil d'administration domicilié en cette qualité audit siège.
représentée par la SCP LEFEVRE TARDY et HONGRE BOYELDIEU, avoués - N du dossier 250096Rep/assistant : la SELARL DUVIVIER J., BLAYE S., avocats au barreau de TOURS.
INTIMEE****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 Mars 2006 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Denis COUPIN, conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Françoise LAPORTE, président,Monsieur Jean-François FEDOU, conseiller,Monsieur Denis COUPIN, conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Marie-Thérèse GENISSEL,

FAITS, PROCEDURE ET MOYEN DES PARTIES :

La société SODICLAIR EXPANSION exploite, sous l'enseigne SODICLAIR, par le moyen de la franchise, un procédé de fabrication, de commercialisation et de mise en œuvre de produits d'isolation et de protection solaire.

Elle a conclu un contrat de franchise avec la société CETIMAT, le 02 février 1987, concernant les départements du Rhône, de la Loire et de la Haute Loire, zone étendue à l'Allier et au Puy de Dôme le 28 septembre 1987. Elle a concédé à la société JBS une franchise semblable, le 09 juin 1987, portant sur trois départements de la région Bourgogne et quatre de Franche Comté, puis sur la Nièvre a partir de juin 1991.

Chacun de ces contrats était conclu pour une durée de six ans renouvelable tacitement, sauf dénonciation six mois avant l'échéance de renouvellement, et comportait une clause interdisant au franchisé, en cas de rupture, de concurrencer directement ou indirectement le concédant, pendant trois ans.

Les sociétés JBS et CETIMAT ont engagé un contentieux devant le tribunal de commerce de Chartres puis la présente cour d'appel pour voir prononcer la nullité de cette clause. Par un arrêt confirmatif et devenu définitif, rendu le 12 juin 2003, la cour a déclaré valables les clauses de non-concurrence.

Par deux courriers en date du 26 octobre 2001, chacune des sociétés JBS et CETIMAT ont signifié à la société SODICLAIR EXPANSION leur décision de procéder à la résiliation du contrat à effet du 1er décembre 2001.

Faisant à ses franchisés les griefs d'une rupture fautive du contrat et de violation de la clause de non-concurrence en raison de l'exploitation d'une enseigne concurrente STORE INNOVATION, la société SODICLAIR EXPANSION les a assignés devant le tribunal de commerce de Chartres réclamait à chacun d'eux une somme équivalent à six mois de redevance au titre du préavis non respecté ainsi qu'une indemnité mensuelle pour violation de leurs engagements. Elle sollicitait aussi que soit ordonnée la "fermeture" de chacune des sociétés sous astreinte et des indemnités pour ses frais irrépétibles.
Les sociétés JBS et CETIMAT ont reconventionnellement demandé la condamnation de la société SODICLAIR EXPANSION à leur payer, à chacune, 100.000 euros de dommages et intérêts sur le fondement des dispositions de l'article L.442-6 du code de commerce et en soulignant la très faible intervention de la société SODICLAIR EXPANSION ainsi que la relation de dépendance qui les a empêchées de rompre le contrat.
Par un jugement rendu le 07 septembre 2004, cette juridiction a déclaré les deux contrats de franchise résolus, a condamné, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, la société JBS à payer 69.592,35 euros et la société CETIMAT 63.184,86 euros à titre de dommages et intérêts ainsi qu'aux dépens.
Appelantes de cette décision, les sociétés JBS et CETIMAT exposent ensemble que les premiers juges n'ont pas statué sur le défaut d'objet des contrats des 02 février et 09 juin 1987 qu'elles allèguent au motif qu'il est impossible de déceler les caractéristiques qui en feraient un contrat de franchise et compte tenu du caractère non-innovant des produits et services proposés par le franchiseur. Elles discutent à cet égard la réalité de la formation professionnelle, de l'assistance à la gestion ainsi qu'en matière commerciale, d'un réseau de fournisseurs et d'un savoir-faire technique.
Elles en tirent la conséquence que le contrat est "inexistant" faute d'objet et que la société SODICLAIR EXPANSION est mal fondée à demander le versement d'une indemnité. Elles justifient le règlement des redevances, pendant plus de quatorze ans par la seule menace d'une résiliation et de la clause de non-concurrence qui aurait conduit à un arrêt pur et simple de leur activité.

Soulignant le caractère arbitraire du montant des demandes indemnitaires de la société SODICLAIR EXPANSION qui ne produit aucune pièce justificative, elles expliquent que la résiliation d'un contrat inexistant ne peut constituer sa violation et ajoutent que la rupture est justifiée par des motifs légitimes.

Elles invoquent les dispositions de la loi 2001-420 du 15 mai 2001 codifiée à l'article L.442-6 du code de commerce ainsi qu'une décision du Conseil de la Concurrence et exposent que la société SODICLAIR EXPANSION les tient dans une relation de dépendance en les soumettant à des obligations injustifiées constituées, d'une part, de versement de redevances sans rapport avec les services rendus et, d'autre part, de la clause de non-concurrence les dissuadant d'une résiliation.
Elles en déduisent que la résiliation était, pour elles, le seul moyen d'échapper à cette relation de dépendance en observant que la société SODICLAIR EXPANSION admet, en sollicitant sans fondement une indemnité de six mois de préavis et en n'exigeant pas la reprise des relations contractuelles, que les franchisés aient pu mettre fin au contrat.
Elles considèrent que la réalité de la dépendance dont la société SODICLAIR EXPANSION entend abuser est confirmée par la demande de fermeture pure et simple sous astreinte, nonobstant le versement d'indemnités mensuelles très importantes.
Elles qualifient d'injustifiée l'obligation de non-concurrence en exposant que la société SODICLAIR EXPANSION n'est pas en mesure d'établir un quelconque préjudice et concluent au rejet des prétentions de celle-ci dont elles réfutent point par point les arguments.

Elles arguent de la très faible intervention de la société SODICLAIR EXPANSION dans le développement de leurs activités commerciales et de la relation de dépendance qui s'est instaurée pendant plusieurs années pour réclamer, chacune, une indemnité de 100.000 euros.

Elles demandent en conséquence à la cour d'infirmer partiellement le jugement, de dire que la rupture du contrat n'est pas fautive, de débouter la société SODICLAIR EXPANSION de l'intégralité de ses prétentions, de la condamner à payer à chacune d'elles 100.000 euros à titre de dommages et intérêts et 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La société SODICLAIR EXPANSION réplique en rappelant la durée des contrats qui ne pouvaient être rompus avant leurs termes respectifs sauf à engager la responsabilité de l'auteur de la rupture et à justifier la condamnation à une indemnisation qui peut être, en l'espèce, raisonnablement évaluée aux sommes respectives de 25.189,70 euros TTC pour la société CETIMAT et de 27.444,15 euros TTC pour la société JBS, calculées en retenant les redevances perçues au cours des six derniers mois précédant la rupture.
Elle se prévaut des termes de l'arrêt de cette cour, rendu le 12 juin 2003, revêtu de l'autorité de la chose jugée, qui démontre la parfaite exécution de ses obligations ainsi que la consistance et l'objet du contrat de franchise. Elle rappelle, en tant que besoin, les éléments justifiant leur validité en en déniant la prétendue "inexistence".
Elle rappelle la définition de la franchise dont elle rapproche le contenu des contrats, invoque l'antériorité de la création, en 1976, de son fonds de commerce et du réseau de l'enseigne, relève l'exécution pendant quatorze ans pour soutenir la réalité de l'objet du contrat de franchise.
Elle soutient que les sociétés JBS et CETIMAT violent manifestement la clause de non-concurrence qui a été jugée valable en exploitant une nouvelle enseigne STORE INNOVATION. Sur le fondement de l'article 1143 du code civil, elle demande la fermeture de la société CETIMAT tant en son siège social qu'en son établissement secondaire ainsi que celle de la société JBS.
Elle fait état du préjudice financier qu'elle a subi depuis le 1er décembre 2001 en raison de la perte des redevances et de la concurrence illicite déployée en violation de la clause contractuelle, en expliquant que la situation ne lui a pas permis de trouver des remplaçants, sur les secteurs concernés. Elle invoque aussi le préjudice patrimonial et commercial résultant de l'atteinte portée à l'ensemble du réseau, aux clients nationaux, aux relations avec les fournisseurs ainsi qu'à la réputation et à l'identité commune du réseau.
Elle dénie tout état de dépendance, tel que visé par l'article L.442-6 du code de commerce en soulignant la durée des relations et la parfaite connaissance qu'avaient les dirigeants des sociétés JBS et CETIMAT qui n'ont émis aucune protestation. Elle ajoute que cette dépendance ne peut résulter de la clause de non-concurrence qui a été jugée valide en relevant qu'elle est limitée dans le temps et dans l'espace ce qui laissait à chacune des sociétés JBS et CETIMAT une solution économique de rechange.
Elle tire de la rédaction de l'article 442-6 du code de commerce la conséquence que seul le Ministère Public ou le Ministre de l'économie peuvent agir en nullité des contrats et que les "victimes" de pratiques abusives n'ont pas qualité pour demander sur ce fondement la nullité de tout ou partie du contrat de franchise.
Elle en déduit que les sociétés JBS et CETIMAT ne peuvent demander des dommages et intérêts puisque l'action ne leur est pas ouverte.
Elle critique l'estimation à laquelle ont procédé les premiers juges de ses préjudices et, rappelant la durée de l'interdiction de trente-six mois, elle les chiffre en doublant les indemnités retenues en première instance et en les majorant de la TVA.
Rappelant que la cour d'appel a déjà jugé qu'elle avait exécuté ses obligations, elle considère irrecevable la demande en paiement de dommages et intérêts des sociétés JBS et CETIMAT. Subsidiairement, elle relève que la somme réclamée par chacune de 100.000 euros n'a aucune base de calcul et conclut au rejet de cette prétention.
Elle demande ainsi à la cour :
- de réformer le jugement, - de condamner la société CETIMAT à lui payer la somme de 25.189,70 euros au titre de l'indemnisation de la rupture fautive, celle de 151.138,19 euros pour violation de ses engagements de non-concurrence sous astreinte de 76,22 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt,- de condamner la société CETIMAT à la fermeture de son établissement principal et de ceux secondaires de Saint Etienne et de Dardilly, sous astreinte de 7.622,45 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt,
- de condamner la société JBS à lui payer la somme de 27.744,15 euros au titre de l'indemnisation de la rupture fautive, celle de 166.464,90 euros pour violation de ses engagements de non-concurrence sous astreinte de 76,22 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt,- de condamner la société CETIMAT à la fermeture, sous astreinte de 7.622,45 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt,- de rejeter toutes les demandes des sociétés JBS et CETIMAT,- de les condamner solidairement à lui payer 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 09 mars 2006 et l'affaire a été évoquée à l'audience du 14 mars 2006.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'inexistence alléguée des contrats
Considérant que les contrats de franchise litigieux sont libellés dans des termes identiques quant aux conditions générales de leur exécution et stipulent que le franchiseur confère l'utilisation au franchisé de ses méthodes d'exploitation de fonds de commerce, de fabrication, commercialisation et installation de produits d'isolation et de protection solaire ; que cette franchise est assortie de l'autorisation d'utiliser la marque SODICLAIR par l'exploitation, respectivement, des enseignes SODICLAIR BOURGOGNE et SODICLAIR RHONE ALPES AUVERGNE ;
Considérant que le contrat indique que "Le franchiseur, par sa réputation et par la qualité des services qu'il offre, peut contribuer, comme cela est établi par ses résultats passés, au développement de la clientèle du franchisé" ; qu'il ajoute "Le franchisé a pu examiner, au cours de sa venue au siège et des différents entretiens et visites durant lesquelles il a pu examiner les réalisations du franchiseur et l'application du savoir-faire dont il reconnaît le bien-fondé et l'originalité et il déclare parfaitement connaître les avantages et les contraintes des méthodes et procédés du franchiseur" ;

Considérant que, par ailleurs, le contrat comporte diverses dispositions relatives à l'assistance lors de l'ouverture du fonds de commerce, dont les appelants ne discutent pas avoir effectivement bénéficié, et l'assistance postérieure en ce qui concerne la formation professionnelle, la gestion, la technique, le commercial ; qu'il stipule en outre les conditions d'approvisionnement des matières premières ;
Considérant que le contrat a été conclu avec la société JBS le 09 juin 1987 ; qu'il accordait une exclusivité sur les départements de l'Yonne, de la Cote d'Or, de la Saône et Loire, du Jura, du Doubs, de la Haute Saône et sur le territoire de Belfort ; que, par un avenant du 17 juin 1991, cette exclusivité a été étendue à la Nièvre ;
Considérant pareillement que le contrat signé le 02 février 1987 avec la société CETIMAT emportait exclusivité sur les départements du Rhône, de la Loire et de la Haute Loire qui a été étendue, le 28 septembre de la même année, à ceux du Puy de Dôme et de l'Allier ;
Considérant que les sociétés JBS et CETIMAT ont réglé à la société SODICLAIR EXPANSION des redevances, calculées sur leur chiffre d'affaires, en exécution des contrats, de 1987 à 2001, sans avoir, au cours de cette longue période, émis la moindre protestation sur la prétendue inexistence des contreparties et, par conséquent, des contrats ;
Considérant qu'en tout état de cause, elles ne discutent pas avoir pu exploiter la marque SODICLAIR, laquelle est reportée sur leur papier à entête ; qu'elles produisent les lettres circulaires du franchiseur en soulignant la légèreté de la formation dispensée ; que la contestation de l'ampleur et de la qualité de cette formation confirme l'existence du contrat, même si les sociétés JBS et CETIMAT en critiquent aujourd'hui la qualité de l'exécution ; qu'elles discutent pareillement celle de la plaquette de présentation dont, cependant, l'existence atteste de la réalité des contreparties apportées par le franchiseur, mêmes qualifiées d'insuffisantes au regard de celles de la concurrence ;
Considérant qu'à ces éléments démontrant la réalité de l'existence de la franchise, s'ajoute le volume des affaires traitées pendant quatorze ans ; que le manque allégué de particularisme du réseau et des produits proposés ne saurait constituer la justification d'une inexistence alléguée, qu'aucune stipulation contractuelle ou obligation légale ne soumettent l'existence de la franchise à un quelconque caractère innovant ou original des produits ou méthodes distribués dans le réseau ;
Considérant au surplus que la cour, dans son arrêt rendu le 12 juin 2003 entre les mêmes parties avait déjà estimé que les nombreuses pièces versées aux débats par la société SODICLAIR EXPANSION attestaient du respect de ses obligations et de la réalité indéniable de la franchise en relevant que cette dernière était "au demeurant expressément admise par les sociétés JBS et CETIMAT" ;
Que les sociétés JBS et CETIMAT doivent ainsi être déboutées de leur demande de voir constater que les contrats ne présentent pas d'objet réel ;
Sur la prétendue situation de dépendance
Considérant que les sociétés JBS et CETIMAT invoquent les dispositions de l'article L.442-6-I du code de commerce, dans sa disposition 2o b) visant l'abus par tout producteur, commerçant, industriel ou artisan, de la relation de dépendance dans laquelle il tient son partenaire et soutiennent que la rupture des relations était justifiée par des motifs légitimes dès lors que la poursuite du contrat était très onéreuse et que la fin entraînerait de manière inéluctable l'application d'une clause de non-concurrence inacceptable ;
Considérant que ce même article édicte, en son paragraphe III, que l'action est introduite devant la juridiction civile ou commerciale compétente par toute personne justifiant d'un intérêt, par le Ministère Public ou par le Ministre de l'économie ; que ces initiatives sont concurrentes et non exclusives ; que la société SODICLAIR EXPANSION n'est donc pas fondée à soutenir que l'action ne serait pas ouverte aux sociétés JBS et CETIMAT qui justifient d'un intérêt ;
Considérant que les stipulations relatives au montant des redevances à payer par le franchisé au franchiseur, comme la clause par laquelle, en cas de résiliation, le franchisé s'interdit, pendant trois ans et dans son secteur d'exclusivité, de concurrencer directement ou indirectement le concédant, ont été librement acceptées lors de la signature des contrats et constituent, par application de l'article 1134 du code civil, la loi des parties ;

Considérant que chacun des contrats de franchise ont été conclus pour une durée de six ans, renouvelable par tacite reconduction sauf, à charge de la partie désirant y mettre fin, à signifier, six mois avant l'échéance, la volonté de ne pas le voir renouvelé ;
Considérant que le contrat dispose encore qu'en cas de rupture, le franchisé s'interdit de concurrencer directement ou indirectement le concédant ou le nouveau franchisé, sur le secteur d'exclusivité, pendant une durée de trois ;
Considérant que, dans son arrêt rendu le 12 juin 2003 la cour a déjà dit que ces clauses étaient limitées dans leur étendue, leur objet et leur territoire d'application ; qu'elle a dit que la cause même de la clause de non-concurrence post contractuelle dans un contrat de franchise réside dans la protection du réseau en termes de droit de propriété intellectuelle du franchiseur ou d'identité commune et de réputation du réseau dont les deux sociétés franchisées ont bénéficié à titre exclusif dans leur propre secteur pendant quatorze ans ; qu'elle a ainsi jugé que ces clauses apparaissaient proportionnées à l'objet des conventions et s'avéraient valables ; qu'elle a dès lors confirmé le jugement en sa disposition déboutant la société JBS de sa demande de nullité de la clause de non-concurrence telle qu'elle figure dans le contrat de franchise ;
Considérant que, par ordonnance rendue le 08 avril 2004 le premier président de la cour de cassation a constaté la déchéance du pourvoi qu'avait formé les sociétés JBS et CETIMAT à l'encontre de cet arrêt qui est ainsi devenu définitif ;
Considérant que les sociétés JBS et CETIMAT, qui ne précisent pas les sommes qu'elles ont effectivement payées au regard du chiffre d'affaires qu'elles ont réalisé dans le cadre de l'exécution du contrat de franchise, se bornent, sans en justifier, à affirmer que le montant de ces "royalties" serait sans rapport avec les services que la société SODICLAIR EXPANSION rend à ses franchisés ; qu'il convient de relever qu'elles ont exécuté les contrats et payé les redevances contractuelles pendant quatorze années sans émettre la moindre protestation quant à leur caractère prétendument disproportionné ;
Considérant que les sociétés JBS et CETIMAT disposaient contractuellement de la faculté de ne pas reconduire le contrat, à chacune de ses échéances de six ans ; que la société CETIMAT pouvait refuser la reconduction du contrat, signé le 02 février 1987, à pareille date des années 1993 et 1999 ; qu'elle n'en a rien fait ; qu'il en est de même de la société JBS pour son contrat conclu le 09 juin 1987 ;
Considérant que les sociétés JBS et CETIMAT prétendent que c'est la clause de non-concurrence qui les a dissuadées de procéder à une résiliation ; qu'elles ne peuvent qualifier d'abus de dépendance, auquel les aurait soumises la société SODICLAIR EXPANSION, la présence, dans un contrat librement consenti, d'une clause qui a été reconnue valable par une décision judiciaire définitive ;
Considérant que les sociétés JBS et CETIMAT disposaient de la faculté de quitter la franchise contractuelle à chacune des échéances ; qu'elles pouvaient, librement, soit exercer une activité différente sur le secteur d'exclusivité, soit s'ériger en concurrente de la société SODICLAIR EXPANSION à la condition de s'installer sur une autre zone géographique du territoire national ;
Considérant qu'une telle reconversion peut, pour une entreprise, constituer une difficulté, qu'elle ne saurait cependant être qualifiée de contrainte ou d'obligation injustifiée ; que, comme l'a rappelé la cour dans son précédent arrêt, les sociétés JBS et CETIMAT avaient bénéficié d'une exclusivité, dans leur secteur durant quatorze ans, ce qui justifiait la protection de leurs éventuels successeurs et du réseau lui-même, excluant tout abus de la part de la société SODICLAIR EXPANSION ; que les sociétés JBS et CETIMAT n'apportent pas la démonstration qu'elles se trouvaient dans l'impossibilité de disposer d'une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu'elles avaient nouées ;
Considérant en effet que la clause de non-concurrence interdisait à la société JBS de déployer, pendant trois ans son activité sur sept départements de Bourgogne et de Franche Comté et à la société CETIMAT, cinq départements de Rhône Alpes et d'Auvergne ; qu'elles disposaient, chacune pour ce qui la concernait, de la liberté, sans enfreindre la clause de non-concurrence, de travailler sur le territoire anciennement concédée à l'autre, ainsi que sur plus de 87 départements ;

Considérant que c'est par des lettres en date du 26 octobre 2001 que chacune des sociétés JBS et CETIMAT a signifié à la société SODICLAIR EXPANSION sa volonté de mettre fin au contrat ; que cette dernière n'a, à aucun moment, invoqué la durée déterminée de chacune des conventions, leurs échéances respectives des 02 février et 09 juin 2005 ; qu'elles ne peuvent en conséquence articuler à l'encontre de la société SODICLAIR EXPANSION le grief d'un emploi abusif des obligations contractuelles ; qu'elles admettent, au demeurant, explicitement que la société SODICLAIR EXPANSION n'a jamais évoqué dans ses écritures et n'a pas sollicité la reprise des relations contractuelles avec elles ;
Sur la résiliation
Considérant que les contrats, tacitement renouvelés aux dates respectives des 02 février et 09 juin 1999 devaient poursuivre leurs effets jusqu'à l'année 2005 ; qu'en signifiant le 26 octobre 2001 leur volonté de mettre unilatéralement fin au contrat à effet du 1er décembre suivant, chacune des sociétés JBS et CETIMAT a violé ses obligations contractuelles ;
Considérant que la société SODICLAIR EXPANSION rappelle à bon droit que des contrats à durée déterminée ne peuvent être rompus avant le terme que sur l'accord des deux parties ; que, par des courriers recommandés adressés le 27 novembre 2001, elle a protesté du caractère irrégulier de ces résiliations et invité chacun de ses cocontractants à revoir sa position ;
Considérant qu'il est établi par un constat d'huissier dressé le 10 décembre 2001 qu'à cette date, la société CETIMAT avait cessé toute exploitation de l'enseigne SODICLAIR et lui avait au contraire substitué celle de STORE INNOVATION ;
Considérant que la société JBS soutient de son côté, sans être contredite, avoir pareillement procédé, à la date du 1er décembre 2001, à la dépose de l'enseigne SODICLAIR ;
Considérant que, sans mettre en demeure ses cocontractantes de rétablir les relations contractuelles, la société SODICLAIR EXPANSION a pris acte de la rupture fautive en assignant, dès les 22 février et 21 mars 2002, chacune des sociétés JBS et CETIMAT, en indemnisation du préjudice résultant pour elle de cette rupture abusive ;Considérant que, comme le relèvent les sociétés JBS et CETIMAT, les contrats n'envisageant pas une rupture par le franchisé avant le terme, aucune de leurs dispositions ne fait référence à une quelconque valeur de l'indemnité ; que la société SODICLAIR EXPANSION se borne à se référer aux six mois du préavis fixé à l'échéance de renouvellement pour calculer sa demande indemnitaire ;
Considérant que le préjudice de ce chef correspond aux conséquences pécuniaires de l'interruption brutale des relations contractuelles ; qu'il doit se déterminer au vu des montants de redevances dont le franchiseur a perdu le bénéfice de l'encaissement pendant la durée qui restait à courir d'exécution des contrats, c'est à dire plus de trois ans ;
Considérant que la société SODICLAIR EXPANSION produit aux débats les factures de redevances qu'elle a adressées aux sociétés JBS et CETIMAT entre les mois d'octobre 2000 et de novembre 2001 et qui s'établissent à une moyenne mensuelle, sur la période considérée, de 3.137 euros HT pour la société JBS et de 3.160 euros HT pour la société CETIMAT ;
Considérant que la société SODICLAIR EXPANSION limite sa demande de condamnation de la société JBS à lui payer une indemnité qui correspond à six mois de redevance moyenne ; que son indemnisation sera donc fixée à la somme de 6 x 3.137 = 18.822 euros et non pas 27.744,15 euros comme elle le prétend ;
Considérant que, de la même manière, l'indemnisation du préjudice résultant de la rupture du contrat par la société CETIMAT doit être arrêtée à la somme de 6 x 3.160 = 18.960 euros ;
Qu'il convient, en conséquence, d'arrêter le montant de l'indemnistation du préjudice résultant de la rupture brutale, par chacune des sociétés JBS et CETIMAT, à la somme arrondie de 19.000 euros.
Sur la concurrence
Considérant qu'il n'est pas discuté que, dès le début de mois de décembre 2001, les sociétés JBS et CETIMAT ont continué d'exploiter, chacune pour ce qui la concerne, leur fonds de commerce respectif de fabrication, vente et pose de stores mais y ont procédé sous une nouvelle enseigne concurrente, dénommée STORE INNOVATION ;
Considérant que cette exploitation, déployée sur la même zone régionale que celle visée par la concession exclusive SODICLAIR, constitue une violation flagrante de la clause de non-concurrence post contractuelle.
Considérant que ces violations ont nécessairement causé à la société SODICLAIR EXPANSION un préjudice constitué de la perte partielle, pour le panonceau SODICLAIR, de la clientèle des secteurs concernés, de la cessation de la perception des redevances calculées sur une fraction des affaires réalisées avec les clients ;
Considérant en effet que le très court délai constaté entre la lettre de résiliation et la date d'effet de cette rupture ne permettait pas à la société SODICLAIR EXPANSION de pourvoir au remplacement de ses deux franchisés défaillants et de mettre en place les moyens nécessaires pour assurer la continuation de l'exploitation, directement ou indirectement, des secteurs commerciaux concédés depuis plus de quatorze années aux sociétés JBS et CETIMAT ;
Considérant qu'il n'est pas discuté que l'exploitation par ces dernières du panonceau STORE INNOVATION s'est effectuée, sans solution de continuité, depuis le 1er décembre 2002 ; que cette exploitation a durée pendant la totalité des trois années d'interdiction contractuelle ; que cette période est échue depuis le 1er décembre 2004 ;
Considérant que la demande de la société SODICLAIR EXPANSION tendant à voir prononcer sous astreinte la fermeture des fonds de commerce, établissements principaux ou secondaires des sociétés JBS et CETIMAT, ne peut en conséquence aboutir puisque, à la date où la cour statue, le caractère déloyal de la concurrence a cessé par l'écoulement de la durée des trois années d'interdiction conventionnelle dont l'achèvement est confirmé par la société SODICLAIR EXPANSION dans ses écritures ;
Considérant que la société SODICLAIR EXPANSION réclame au titre de l'indemnisation de son préjudice de ce chef les sommes respectives de 166.464,90 euros TTC à la société JBS et de 151.138,19 euros TTC à la société CETIMAT en expliquant qu'elles correspondent à trente-six mois de redevance ;

Considérant cependant que la moyenne des redevances constatées les douze derniers mois d'exécution du contrat s'établissent respectivement à 3.137 et 3.160 euros HT ; que, pour trente-six mois, elles ne sauraient donc s'établir au delà de 112.900 et 113.760 euros ;

Considérant par ailleurs que le montant des recettes qu'auraient pu enregistrer les sociétés JBS et CETIMAT sous le panonceau SODICLAIR demeure hypothétique, qu'il n'est pas établi qu'il aurait été au moins égal à celui de la période octobre 2000 à septembre 2001 ;

Considérant par ailleurs que la société SODICLAIR EXPANSION n'a entrepris, pendant cette période de trois ans, aucune démarche pour exploiter ou confier en franchise les secteurs délaissés par les sociétés JBS et CETIMAT ce qui aurait constitué pour elle un moyen d'atténuer le préjudice tenant à la perte des redevances ;

Considérant qu'il convient, dans ces conditions de fixer à 70.000 euros le montant des indemnités que devront payer à la société SODICLAIR EXPANSION chacune des sociétés JBS et CETIMAT au titre de la concurrence déloyale ;
Sur la demande reconventionnelle des les sociétés JBS et CETIMAT
Considérant que les sociétés JBS et CETIMAT qui n'ont démontré ni la réalité de la faiblesse prétendue des interventions de la société SODICLAIR EXPANSION dans leur développement alors qu'elles ont exécuté, sans émettre aucune protestation, les contrats pendant quatorze années, ni le caractère de dépendance prétendument attaché aux relations contractuelles, doivent être déboutées de leurs demandes en paiement des sommes de 100.000 euros à chacune à titre de dommages et intérêts.

Sur les demandes accessoires

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la société SODICLAIR EXPANSION la charge des frais non compris dans les dépens qu'elle a été contrainte d'engager en cause d'appel ; que les sociétés JBS et CETIMAT seront condamnées in solidum à lui payer une indemnité de 3.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Considérant que l'équité ne commande pas d'allouer des sommes sur le fondement du même texte aux appelantes qui, succombant dans l'exercice de leur recours, doivent être condamnées in solidum aux dépens d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Statuant en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme, par substitution de motifs le jugement entrepris, sauf à porter les condamnations respectives en paiement de dommages et intérêts au titre de la rupture brutale et de la concurrence déloyale :
- de la société JBS à la somme totale de 89.000 euros,
- de la société CETIMAT à celle totale de 89.000 euros,
Y ajoutant,
Condamne in solidum les sociétés JBS et CETIMAT à payer à la société SODICLAIR EXPANSION la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à application de ce même texte au bénéfice des sociétés JBS et CETIMAT,

Condamne ces dernières aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par la SCP LEFEVRE TARDY et HONGRE-BOYELDIEU, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Arrêt prononcé par Madame Françoise LAPORTE, président, et signé par Madame Françoise LAPORTE, président et par Madame Marie-Thérèse GENISSEL, greffier, présent lors du prononcé
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12ème chambre section 2
Numéro d'arrêt : 193
Date de la décision : 11/05/2006

Analyses

CONCURRENCE - Pratique anticoncurrentielle - Exploitation abusive de la dépendance économique

Ne peuvent soutenir avoir été tenues dans une situation de dépendance par le franchiseur deux sociétés franchisées ayant librement accepté, lors de la signature de leurs contrats, les clauses d'interdiction de concurrence directe et indirecte après résiliation, alors de plus qu'un arrêt devenu définitif, ayant constaté qu'elles étaient limitées dans leur étendue, leur objet et leur territoire d'application et apparaissaient proportionnées aux contrats, a antérieurement jugé qu'elles étaient valables et a dit que la cause même de la clause de non-concurrence post-contractuelle dans un contrat de franchise réside dans la protection du réseau en termes de droit de propriété intellectuelle du franchiseur ou d'identité commune et de réputation du réseau, dont ces mêmes sociétés franchisées ont bénéficié à titre exclusif dans le propre secteur pendant plusieurs années


Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Chartres, 07 septembre 2004


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2006-05-11;193 ?
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