COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 53I 13ème chambre ARRET No CONTRADICTOIRE DU 30 MARS 2006 R.G. No 04/05795 AFFAIRE : BPRP C/ X... ... Décision déférée à la cour :
Jugement rendu le 24 Juin 2004 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE No chambre : 2 No Section : No RG : 443F/02 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER SCP FIEVET-LAFON REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE TRENTE MARS DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : BANQUE POPULAIRE RIVES DE PARIS anciennement dénommée BPNP 4 allée de Seine 93200 SAINT DENIS représentée par la SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER, avoués - N du dossier 20041055 assistée de Maître BUISSON, avocat au barreau de Pontoise APPELANTE Monsieur Dominique X... 24 route de Salindres 30340 SAINT PRIVAT DES VIEUX Monsieur Fernand Y... 19 square belle Epine 95800 CERGY PONTOISE représentés par la SCP FIEVET-LAFON, avoués - N du dossier 241072 assistés de Maître KEITA, avocat au barreau d'Aix en Provence INTIMES Composition de la cour : L'affaire a été débattue à l'audience publique du 23 Février 2006 devant la cour composée de :
Monsieur Jean BESSE, président,
Madame Dominique ANDREASSIER, conseiller,
Monsieur Bruno DEBLOIS, conseiller, qui en ont délibéré, Greffier, lors des débats : Madame Agnès Z...
La BANQUE POPULAIRE NORD DE PARIS (BPNP), devenue la BANQUE POPULAIRE RIVES DE PARIS (BPRP) est appelante d'un jugement rendu le 24 juin 2004 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE qu'elle avait saisi par
assignation du 12 avril 2002 d'une action principale en exécution forcée des engagements de cautions des anciens dirigeants de la société IMPACT AUDIO VISUEL, dite IAV, en liquidation judiciaire au titre du solde impayé d'un prêt, et qui a condamné Messieurs X... et Y... à lui payer " chacun la somme de 45.482,28 ç avec intérêts au taux contractuel de 6,20 % à compter du 20 mars 2002, limite pour chacun d'eux ce paiement à hauteur de leur engagement de caution soit 34.682,15 ç en principal, intérêts, commissions, frais et accessoires compris ". Saisi par ailleurs d'une demande reconventionnelle fondée sur la violation par la banque des dispositions de l'article L.313-12 du Code monétaire et financier par suite du rejet sans préavis d'une traite du principal fournisseur de la société IAV, dès lors contrainte de déposer son bilan, le Tribunal de Commerce de PONTOISE a condamné la BPNP à payer respectivement à Messieurs X... et Y... la somme de 40.000 ç de dommages-intérêts chacun, outre celle de 2.000 ç au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 25 janvier 2006, la BPRP poursuit la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a fait droit à son action principale qui n'a pas été contestée par les cautions, ni dans le principe ni dans son montant, sauf à noter une erreur dans la formulation de la condamnation correspondante. Elle sollicite en revanche son infirmation pour le surplus : à cet effet, la BPRP soulève, sur le fondement de l'article L.621-39 du Code de commerce, l'irrecevabilité des demandes reconventionnelles relevant des préjudices subis par la collectivité des créanciers. Sur le fond, elle prétend qu'en l'absence d'autorisation officielle de découvert, elle n'aurait tacitement admis qu'un découvert occasionnel d'un montant moyen de 26.000 ç en 2000 ; en rejetant le 2 janvier
2001 une traite de 53.027,10 ç, elle n'aurait donc pas commis de faute au titre de l'article L.313-12 du Code monétaire et financier. La BPRP conteste par ailleurs tout lien de causalité entre cet incident de paiement et la cessation des paiements de la société IAV qu'elle attribue au contraire à un mode de gestion directement imputable à ses anciens dirigeants. Enfin elle souligne le caractère aléatoire du préjudice invoqué par les intimés pour un montant passant de 77.000 ç en première instance pour atteindre 100.000 ç, puis 520.000 ç en cause d'appel. La BPRP demande donc à la cour de confirmer le jugement en ce qui concerne sa demande principale, de le réformer pour le surplus, et, statuant à nouveau, de débouter Messieurs X... et Y... de toutes leurs demandes et de les condamner au paiement d'une indemnité de 4.000 ç au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par conclusions signifiées le 6 février 2006, Messieurs Dominique X... et Fernand Y... font d'abord savoir que n'ayant pas en première instance contesté l'action principale dirigée contre eux, ils ne la contestent pas non plus en cause d'appel, sollicitant seulement que leur condamnation soit formulée solidairement, mais dans la limite effective de leurs engagements respectifs. Ils poursuivent par ailleurs la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu le principe de la responsabilité de la banque pour rupture abusive de ses concours sans préavis en violation des dispositions de l'article L.313-12 du Code monétaire et financier, demandant cependant à la cour de le réformer sur le montant des dommages-intérêts et, statuant à nouveau de ce chef, de condamner la BPNP à leur payer la somme de 520.000 ç chacun, outre celle de 3.000 ç chacun pour frais irrépétibles. Les intimés prétendent à cet effet justifier le montant de leur préjudice par la perte des revenus que
la société IAV, dont ils étaient actionnaires à 93 %, était susceptible de leur procurer, ainsi que la perte de leur investissement et leur préjudice moral consécutif à la liquidation judiciaire de leur société. Contrairement aux allégations de la banque, ils prétendent que la société IAV bénéficiait tacitement d'un découvert moyen supérieur à 53.357,15 ç, ayant même atteint 155.918,14 ç le 6 novembre 2000. En rejetant sans préavis le 2 janvier 2001 une traite de 53.027,10 ç, la banque a donc rompu ses concours, ne laissant pas à la société IAV le moyen de retrouver un nouveau banquier et entraînant donc un état immédiat de cessation des paiements dans la mesure où le fournisseur impayé, qui monopolisait 95 % des commandes de la société IAV, devait interrompre ses relations commerciales. Or la situation de la société IAV était relativement saine : elle était à cette époque en forte croissance ; elle attendait le déblocage de 88.000 ç de la part d'IDF DEVELOPPEMENT sous la forme d'un emprunt obligataire ; elle attendait également des marges de 118.498 ç, un lease back de 96.718 ç et un déblocage de fonds de FACTOREM de 68.602 ç. Enfin les intimés énumèrent les diverses gratifications dont ils ont fait l'objet, pour contester toute faute dans la gestion de la société IAV. MOTIFS SUR L'ACTION PRINCIPALE
L'action principale de la BPNP, devenue BPRP, n'a pas été contestée par Messieurs X... et Y..., ni en première instance, ni en cause d'appel, sauf en ce qui concerne la formulation de la condamnation des cautions dans la limite de leurs engagements.
Il est en effet constant que par actes sous seings privés du 24 février 2000, les intimés, actionnaires majoritaires de la société IAV et qui ne contestent pas leurs qualités de dirigeants de fait ou
de droit, se sont portés cautions solidaires à l'égard de la BPNP au titre d'un prêt de 53.357,16 ç avec intérêts au taux de 6,20 % l'an qu'elle consentait à la société, dans la limite de 34.682,15 ç pour chacun d'eux en principal, intérêts, frais et accessoires compris. Par jugement du 28 mai 2001, le Tribunal de Commerce de PONTOISE a prononcé la liquidation judiciaire de la société IAV. La BPNP a régulièrement effectué sa déclaration de créance et a été admise au passif de la liquidation judiciaire pour un montant de 133.643,11 ç dont 45.482,28 ç en principal au titre du solde impayé du prêt. Elle est donc bien fondée à se retourner contre les cautions, solidairement tenues à son égard pour le tout, soit 45.482,28 ç plus intérêts au taux de 6,20 % l'an à compter du 20 mars 2002, mais dans la limite de 34.682,15 ç chacun.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré sur le principe de la condamnation des cautions, sauf à l'amender seulement en ce qui concerne la formulation de leur condamnation. SUR L'ACTION RECONVENTIONNELLE Sur la recevabilité
Faisant observer le caractère inflationniste du montant de la demande reconventionnelle des intimés qui est effectivement passé de 77.000 ç à 100.000 ç puis 520.000 ç chacun, la BPRP ne soulève cependant pas l'exception d'irrecevabilité de l'article 564 du nouveau Code de procédure civile. Les dispositions de l'article 566 du même code permettent en effet la modification en cause d'appel du montant des demandes initialement formées.
Mais le principe même de la recevabilité de l'action en responsabilité formée à titre reconventionnel sur le fondement de l'article 1382 du Code civil par Messieurs X... et Y... contre
la banque de leur ancienne société, est contestée au regard des dispositions de l'article L.621-39 du Code de commerce, dans la mesure où les préjudices invoqués sont en réalité ceux qui, s'ils étaient établis, seraient subis par la collectivité des créanciers.
Tel est en effet le cas du préjudice subi par les actionnaires du fait de la perte de leur investissement et la non distribution à leur profit des dividendes pour peu que la société réalise des bénéfices, s'agissant de chefs de préjudice directement liés à la perte de leur participation dans le capital social. Mais Messieurs X... et Y... invoquent également un préjudice moral lié à la disparition de la société qu'ils dirigeaient avec toutes les conséquences qu'ils ont personnellement subis dans le cadre ou par suite des opérations de liquidation. Ils invoquent également une perte de chance, susceptible également de couvrir un préjudice personnel distinct de celui de la collectivité des créanciers, tel que la perte de chance de ne pas être actionné en qualité de caution. Du moins à ces titres, leur action reconventionnelle est-elle donc bien recevable. Elle reste cependant sur le fond soumise à la preuve des fautes de la banque et d'un lien de causalité. Sur la faute
Il est constant que Messieurs X... et Y... avaient créé la société IAV en juin 1996 sous forme de S.A.R.L. au capital de 9.156,94 ç pour concevoir, réaliser et commercialiser des salles de conférences. Fin 1999, la société IAV adoptait la forme d'une S.A. Son capital était porté à 40.551,44 ç, détenu à 93 % entre ses fondateurs, et le solde aux mains de la société dite de capital risque IDF DEVELOPPEMENT. Elle employait quinze salariés. Elle réalisait un chiffre d'affaires de 1.338.000 ç à l'exercice clos de 30 juin 1999 et de 1.939.000 ç à l'exercice suivant, pour un bénéfice
moyen de l'ordre de 20 à 23.000 ç par an. Le bilan de l'exercice clos le 30 juin 2001 n'est pas produit. Pas plus que le bilan économique et social réalisé ensuite par les organes de la procédure collective, ni aucune autre pièce afférente à cette procédure, susceptible d'apporter une appréciation objective de la situation de la société IAV depuis le 1er juillet 2000.
La BPNP était visiblement la seule banque de la société IAV. Elle lui avait consenti le 24 février 2000 un prêt de 53.357,16 ç. Elle lui consentait tacitement un découvert destiné à faciliter son escompte commercial, puis les relations avec son affactureur, pour un montant moyen qui est controversé. Si en effet, le montant du découvert a pu atteindre -155.918,15 ç le 6 novembre 2000, ce chiffre reste cependant exceptionnel et a été entièrement résorbé en une semaine. Il n'est donc pas significatif. Pour le surplus, il résulte des relevés produits, que pour les six derniers mois de l'année 2000 le montant moyen du découvert autorisé tacitement s'élevait à 43.000 ç, d'après le tableau suivant :
Le 2 janvier 2001, la BPNP refusait une traite du fournisseur SONY de 53.027,10 ç. Ses concours se sont donc trouvés de fait rompus sans préavis, en violation des dispositions de l'article L.313-12 du Code monétaire et financier, alors même que la banque avait déjà récemment consenti un découvert pour un montant supérieur à celui qui fût constitué si la traite avait été honorée, qu'aucun élément ne démontre que la société IAV était à cette époque dans une situation irrémédiablement compromise et qu'elle attendait au contraire des rentrées d'argent susceptibles de combler rapidement l'excédent de son découvert bancaire.e des rentrées d'argent susceptibles de combler rapidement l'excédent de son découvert bancaire.
C'est donc à bon droit qu'au vu de ces éléments le Tribunal de Commerce a considéré que la BPNP avait commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité. Sur le lien de causalité
La société IAV a effectué une déclaration de cessation des paiements le 5 mars 2001. Par jugement du 30 mars 2001, le Tribunal de Commerce de PONTOISE a ouvert à son égard une procédure simplifiée de redressement judiciaire, convertie par jugement du 25 mai 2001 en liquidation judiciaire. Il a enfin reporté la date effective de cessation des paiements au 25 janvier 2001. Le montant et la composition du passif, ainsi que les suite de la procédure de liquidation judiciaire ne sont pas révélées.
C'est au vu de ces seuls éléments, et déduisant qu'il était par ailleurs vraisemblable que n'ayant pas été réglé, le fournisseur principal de la société IAV ait également interrompu ses relations commerciales, que le Tribunal de Commerce a considéré que la rupture des concours bancaires sans préavis constituait la cause déterminante de l'état de cessation des paiements.
Or les intimés n'apportent aucune explication sur le fait que la déclaration de cessation des paiements a été effectuée plus de deux mois après la rupture du concours bancaire. Ils ne produisent notamment pas l'état des créances qui serait susceptible de déterminer l'endettement réel de la société IAV. Ils ne précisent pas le montant du passif qui permettrait de mesurer l'importance des concours bancaires dans la gestion de la société IAV. Reprochant à la BPNP de leur avoir empêché de trouver de nouveaux banquiers, les intimés ne démontrent pas en avoir même cherché. Enfin il s'avère que
la société IAV n'avait qu'une seule banque et qu'elle se fournissait à 95 % auprès d'un seul fabriquant. Si ces éléments ne prouvent pas que la cessation des paiements de la société IAV soit principalement imputable aux fautes de gestion commises par ses dirigeants, ils sont néanmoins largement insuffisants pour établir un lien de cause à effet entre la rupture des concours bancaires sans préavis et le dépôt de bilan de la société IAV. Le jugement déféré doit donc être réformé en ce qui concerne les demandes reconventionnelles dont la cour estime devoir débouter Messieurs X... et Y... pour défaut de preuve dont la charge leur incombe en ce qui concerne le lien de causalité entre la faute de la banque et le dépôt de bilan de la société IAV dont découlerait leur préjudice moral et celui résultant d'une perte de chance. SUR LES DEMANDES ANNEXES
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties l'intégralité des frais irrépétibles qu'elles ont engagés dans le cadre de l'ensemble de cette procédure. Les demandes formées au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile sont donc rejetées. Enfin les dépens incombent à la partie succombante. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, par arrêt CONTRADICTOIRE et en dernier ressort, Donne acte à la BANQUE POPULAIRE RIVES DE PARIS (BPRP) de son intervention aux droits de la BANQUE POPULAIRE NORD DE PARIS (BPNP), Confirme le jugement rendu le 24 juin 2004 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE en ce qu'il a fait droit à l'action principale de la BPNP, L'émendant en ce qui concerne la formulation de la condamnation correspondante, Condamne solidairement Messieurs X... et Y... à payer à la BPRP la somme de 45.482,28 ç avec intérêts au taux contractuel de 6,20 % à compter du 20 mars 2002, dans la limite de 34.682,15 ç pour chacun d'eux, Réforme le jugement déféré pour le surplus et statuant à nouveau, Déboute Messieurs X... et
Y... de leurs demandes reconventionnelles en paiement de dommages-intérêts, Déboute la BPRP, Messieurs X... et Y... de leurs demandes au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne Messieurs X... et Y... aux entiers dépens, de première instance et d'appel, dont distraction au profit des avoués à la cause qui peuvent y prétendre, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de procédure civile. Arrêt prononcé par Monsieur Jean BESSE, président, et signé par Monsieur Jean BESSE, président et par Monsieur Jean-François MONASSIER, greffier, présent lors du prononcé Le GREFFIER,
Le PRESIDENT,