COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 83C 0A 6ème chambre ARRET No CONTRADICTOIRE DU 7 MARS 2006 R.G. No 05/02089 05/02341 Jonction AFFAIRE : X... Y... UNION LOCALE CGT CHATOU C/ S.A. LOBO FRANCE en la personne de son représentant légal Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 18 Mars 2005 par le Conseil de Prud'hommes de ST GERMAIN EN LAYE No Chambre : Section : Référé No RG : 05/00018 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le :
à : RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS LE SEPT MARS DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : Monsieur X... Y... 41 avenue Eglee 78600 MAISONS LAFFITTE Comparant - Assisté de M. HINOT Z... (Délégué Syndical Ouvrier) pouvoir du 17 Janvier 2006 UNION LOCALE CGT CHATOU en la personne de son représentant légal 16, square Claude Debussy 78400 CHATOU Non comparante - Représentée par M. HINOT Z... (Délégué Syndical Ouvrier) pouvoir du 17 Janvier 2006 APPELANTS S.A. LOBO FRANCE en la personne de son représentant légalRue des Petits Champs ZAC des Pierres 78500 SARTROUVILLE Comparante - Assistée de Me DEBAY Katia (Avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire ) INTIMÉE Composition de la cour : L'affaire a été débattue le 17 Janvier 2006, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur François BALLOUHEY, Président,
Madame Fabienne DOROY, Conseiller,
Monsieur Hubert LIFFRAN, Conseiller, qui en ont délibéré, Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre A... FAITS ET B...,
Monsieur X... Y... et l'union locale CGT de Chatou ont chacun régulièrement formé appel d'une ordonnance de référé du
conseil de prud'- hommes de SAINT-GERMAIN en LAYE, en date du 18 mars 2005, dans un litige les opposant à la société SA LOBO FRANCE, et qui, sur la demande en nullité du licenciement et réintégration de Monsieur Y... et dommages et intérêts pour la CGT, a :
Dit n'y avoir lieu à référé,
Débouté les parties de leurs demandes en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Il est établi par les mentions de l'ordonnance, et non contesté, que l'Union locale CGT était partie en première instance, malgré l'omission de sa mention en tête de l'ordonnance.
Il y a lieu, pour une bonne administration de la justice, de joindre les deux appels enregistrés sous les numéros 05/02089 et 05/02341.
Monsieur Y... a été engagé par la société LOBO FRANCE le 19 juin 2000 en qualité de magasinier cariste. La société relève de la convention col- lective de la quincaillerie. Le salaire moyen mensuel brut sur 12 mois est de 1.644,60 ç par mois
Par courrier du 29 avril 2002, l'union locale CGT de CHATOU désignait Monsieur Y... comme délégué syndical.
Il a été convoqué à un entretien préalable à licenciement pour le 30 no- vembre 2004, avec mise à pied conservatoire, et a été licencié pour faute grave le 3 décembre 2004.
L'effectif de l'entreprise sera discuté plus loin.
L'Union locale CGT ayant évoqué l'existence d'un autre établissement dans la région lyonnaise, une note en délibéré a été demandée par la Cour aux parties. DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :
Monsieur Y... et l'Union locale CGT de Chatou, par conclusions écrites déposées et visées à l'audience et soutenues oralement,
demande à la cour de :
Infirmer l'ordonnance,
Constater la nullité du licenciement de monsieur Y..., en conséquence,
Ordonner la réintégration de Monsieur X... C... dans le poste précédemment occupé, sous astreinte de 500 ç par jour à compter du prononcé de la décision à intervenir,
Condamner la SA LOBO France à payer à Monsieur Y... une provision de 22.000 ç à titre d'indemnisation du préjudice subi,
Condamner la SA LOBO France à payer à Monsieur Y... une provision de 20.000 ç à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur, Condamner la SA LOBO France à payer à l'Union LOCAL CGT de Chatou une provision de 5.000 ç à titre d'indemnisation du préjudice subi,
Condamner la SA LOBO France à payer à Monsieur X... Y... et à l'Union locale CGT de Chatou une somme de 1.500 ç en appli- cation de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
La condamner aux entiers dépens.
Ils exposent que Monsieur X... Y... a été d'abord élu délégué du personnel, puis que sa désignation ultérieure en qualité
de délégué syndical par l'UL CGT n'a pas été contestée, l'employeur indiquant seulement à Monsieur Y... qu'il ne pouvait bénéficier d'heures de délégations comme délégué du personnel suppléant.
Ils énoncent que Monsieur X... Y... n'a pas été réélu délégué du personnel aux élections du 5 mai 2004, et que l'employeur lui a ensuite adressé des reproches et des menaces de licenciement, avant de le convoquer à l'entretien préalable qui s'est tenu le 30 novembre 2004 puis de le licencier. Monsieur X... Y... a contesté son licenciement auprès de l'employeur, arguant de sa qualité de délégué syndical et de conseiller du salarié. L'union locale CGT a également demandé la réintégration du salarié, et soutient qu'il avait le statut de délégué syndical, devant entraîner la protection spéciale prévue par la loi.
Par note reçue le 26 janvier 2006, l'union locale CGT indiquait que la société LOBO France, selon l'extrait K bis, n'avait pas d'autre établissement, mais qu'il existait une société SOFRAVIS LOBO, située à Vaulx en Velin, ayant des dirigeants communs avec LOBO France.
La société LOBO FRANCE, par conclusions écrites déposées et visées à l'audience et soutenues oralement, demande à la cour de :
Confirmer l'ordonnance,
Dire n'y avoir lieu à référé,
et sur la demande de l'UL CGT
Constater qu'il existe une contestation sérieuse et aucun caractère d'urgence,
Dire n'y avoir lieu à référé.
Elle expose que Monsieur X... Y... ne bénéficiait plus du statut de personnel protégé à la date de son licenciement, n'ayant pas été réélu en mai 2004. Elle soutient que dans les entreprises de moins de 50 salariés, le mandat de délégué syndical ne peut exister que du fait du mandat de délégué du person- nel, et que la fin du mandat électif met un terme au mandat syndical. Elle estime donc qu'il existe une contestation sérieuse sur l'existence même d'une éventuelle protection.
Par note reçue le 13 février 2006, le conseil de la société LOBO France indique que son effectif, selon la DADS était de 21 salariés, et que même en y ajoutant l'effectif de la société SOFRAVIS, juridiquement distincte et indépen- dante, l'effectif total est inférieur à 50 salariés.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du nouveau code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ainsi qu'aux prétentions orales telles qu'elles sont rappelées ci-dessus. D... QUOI LA COUR,
Aux termes de l'article R. 516-31 du code du travail, la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Aux termes de l'article R. 516-31 alinéa 2 du code du travail, dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obli- gation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Le fait qu'une partie qualifie sa contestation de sérieuse ne suffit
pas à priver la formation de référé de ses pouvoirs. D... l'effectif de l'entreprise :
L'entreprise avait un effectif moyen sur 12 mois de 27 salariés, lors de la négociation du protocole pré-électoral relative aux élections de délégués du personnel de mai 2004, protocole négocié et signé par le représentant de l'UL CGT le 25 mars 2004.
Selon l'attestation destinée à l'ASSEDIC, délivrée à Monsieur Y... lors de son licenciement, l'effectif au 31décembre 2004 était de 29 salariés.
Les informations transmises par l'UL CGT par note en délibéré, corrobo- rées par celles transmises par la société LOBO France, ne permettent pas de consi-dérer que l'entité ayant des dirigeants communs avec la SA LOBO France serait partie de la même entreprise, ni même qu'elle constituerait avec LOBO France une unité économique et sociale.
Il y a donc lieu de considérer que l'effectif concerné par le mandat syndical objet du présent litige est inférieur à 50 salariés.
La discussion sur la désignation comme conseiller du salarié est inopérante, étant intervenue après le licenciement de Monsieur Y... D... le mandat syndical :
Il résulte des circonstances de l'espèce que l'Union locale CGT a désigné Monsieur Y... comme délégué syndical de l'entreprise LOBO France par lettre en date du 29 avril 2002, dans les termes suivantes : "Conformément au code du travail, je vous informe que je désigne Monsieur X... Y... en qualité de délégué syndical dans votre entreprise. Cette désignation et les pré- rogatives qui lui sont liées prennent effet dès la présentation de cette lettre". Cette lettre ne fait aucune référence à l'élection comme délégué du personnel suppléant de Monsieur Y... intervenue quelque temps auparavant.
La société
La société LOBO FRANCE, par lettre en date du 7 mai 2002, écrit à l' UL CGT que "les délégués syndicaux ne peuvent être désignés que dans les entreprises d'au moins 50 personnes, d'autre part Monsieur Y... est délégué du personnel suppléant, et à ce titre ne peut être nommé délégué syndical".
Puis par lettre en date du 7 août 2002, la société LOBO France écrit à Monsieur Y... : " vous avez été élu délégué du personnel suppléant lors des dernières élections. Le 29 avril 2002, la CGT vous a désigné en qualité de délégué syndical au sein de notre entreprise. Après vérifications, il apparaît que notre société était fondée à demande l'annulation par le juge d'une telle désignation dans le mesure où seul un délégué du personnel titulaire peut être désigné délégué syn- dical dans une entreprise de moins de cinquante salariés.
Le délai de contestation étant expiré, votre mandat ne peut plus être annulé. Toutefois, aucun crédit d'heures n'aurait dû vous être alloué car :
- seuls les délégués du personnel titulaires disposent d'un crédit d'heures,
- les délégués syndicaux ne disposent d'un crédit d'heures spécifique à ce mandat que dans les entreprises comptant au moins cinquante salariés.... vous ne pourrez plus prendre d'heures de délégation au titre de l'un quelconque de vos mandats, sauf si vous veniez, de par l'application des règles de suppléance, à remplacer un délégué du personnel titulaire".
Il résulte de ces documents que la désignation de Monsieur Y... comme délégué syndical n'était pas faite en relation avec le mandat électif de délégué du personnel, telle que le prévoit l'alinéa 4 de l'article L 412-11 du code du travail, puisque Monsieur X...
Y... était délégué suppléant, et que la désignation opérée par l'UL CGT n'a pas été contestée dans le délai de 15 jours inscrit à l'article L 412-15 du code du travail, de sorte qu'elle était purgée de tout vice.
En conséquence, Monsieur X... Y... était détenteur d'un mandat de délégué syndical, qui ne pouvait cesser que par la révocation du syndicat l'ayant désigné, et il ne pouvait être licencié qu'après que l'employeur ait demandé et obtenu l'autorisation de l'inspecteur du travail en application de l'article L 412-18 du code du travail, ce qu'il n'a pas fait. Le licenciement de Monsieur X... Y... est donc entaché de nullité, et son licenciement nul constitue un trouble manifestement illicite, auquel il y a lieu de mettre fin, de sorte que l'ordonnance dont appel sera infirmée. D... les conséquences de la nullité du licenciement :
La nullité du licenciement de Monsieur X... Y..., en viola- tion du statut protecteur qui devait lui être accordé en raison de son mandat de délégué syndical, justifie que la formation de référé ordonne sa réintégration dans le poste précédemment occupé dans le délai de un mois à compter de la notifica- tion du présent arrêt, sous astreinte de 100 ç par jour de retard au delà de ce dé- lai.
Il y a lieu également d'accorder à Monsieur Y... une provision de 18.000 ç nets sur l'indemnisation du préjudice lié à la perte de salaires, une provision de 2.000 ç sur l'indemnité pour violation du statut protecteur.
L'UL CGT est bien fondée à obtenir une provision de 2.000 ç au titre du préjudice subi dans son rôle de défense des intérêts collectif des salariés. D... les dépens et les frais :
La société LOBO France est partie perdante, et sera condamnée aux dépens.
L'équité commande de mettre à la charge de la société LOBO FRANCE une
somme de 1.500 ç en application de l'article 700 du nouveau Code de procé- dure civile au profit de Monsieur X... Y... et de l'Union Locale CGT de Chatou.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
STATUANT en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
ORDONNE la jonction des appels enregistrés sous les numéros 05/02089 et 05/02341,
INFIRME l'ordonnance dont appel,
DIT que le licenciement de Monsieur X... Y..., délégué syndical, est entaché de nullité et constitue un trouble manifestement illicite,
ORDONNE la réintégration de Monsieur X... Y... dans le poste précédemment occupé dans le délai de un mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 ç (CENT çUROS) par jour de retard au delà de ce délai,
DIT qu'en cas de difficulté il en sera référé à la Cour par la partie la plus diligente,
DIT que la Cour se réserve la liquidation de l'astreinte,
CONDAMNE la société LOBO France à payer à Monsieur X... Y... une provision de :
18.000 ç
(DIX HUIT MILLE çUROS)
nets sur l'indemnisation du préjudice lié à la perte de salaires,
CONDAMNE la société LOBO France à payer à Monsieur X... Y... une provision de 2.000 ç (DEUX MILLE çUROS) sur l'indemnité pour violation du statut protecteur.
CONDAMNE la société LOBO France à payer à l'Union Locale CGT de Chatou une provision de 2.000 ç (DEUX MILLE çUROS) au titre de l'indem- nisation de son préjudice,
CONDAMNE la société LOBO France à payer à Monsieur X... Y... et à l'Union Locale CGT de Chatou la somme de 1.500 ç (MILLE CINQ CENT çUROS) en application de l'article 700 du nouveau code de procé- dure civile,
CONDAMNE la société LOBO France aux entiers dépens.
Arrêt prononcé par Monsieur François BALLOUHEY, Président, et signé par Monsieur François BALLOUHEY, Président, et par Monsieur Alexandre A..., Greffier présent lors du prononcé
Le GREFFIER,
Le PRÉSIDENT,