La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/03/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006950053

France | France, Cour d'appel de Versailles, Ct0017, 02 mars 2006, JURITEXT000006950053


COUR D'APPEL DE VERSAILLES SM/KP Code nac : 55B 12ème chambre section 1 ARRÊT No CONTRADICTOIRE DU 02 MARS 2006 R.G. No 04/04690 AFFAIRE :

S.A.R.L. SOGECA C/ Cie d'assurances INGOSSTRAKH INSURANCE COMPANY LTD et autres Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Mai 2004 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE No chambre : 6 No RG :

547F/02 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à :

Me BINOCHE SCP KEIME-GUTTIN- JARRY Me TREYNETRÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS LE DEUX MARS DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES,

a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.R.L. SOGECA, dont le siège ...

COUR D'APPEL DE VERSAILLES SM/KP Code nac : 55B 12ème chambre section 1 ARRÊT No CONTRADICTOIRE DU 02 MARS 2006 R.G. No 04/04690 AFFAIRE :

S.A.R.L. SOGECA C/ Cie d'assurances INGOSSTRAKH INSURANCE COMPANY LTD et autres Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Mai 2004 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE No chambre : 6 No RG :

547F/02 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à :

Me BINOCHE SCP KEIME-GUTTIN- JARRY Me TREYNETRÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS LE DEUX MARS DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.R.L. SOGECA, dont le siège est situé : 18 rue Kléber - LA DEFENSE 5 - 92400 COURBEVOIE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. Concluant par Me Jean-Pierre BINOCHE, avoué - N du dossier 381/04 Plaidant par Me MICHALEK, avocat au barreau du HAVRE APPELANTE 1o) - Compagnie d'assurances INGOSSTRAKH INSURANCE COMPANY LTD, dont le siège est situé : 113805 gsp Moscou M 35 - Pyanitskava 12 - RUSSIE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. Concluant par la SCP KEIME-GUTTIN-JARRY, avoués - N du dossier 04000591 Plaidant par Me NICOLAS, avocat au barreau de PARIS 2o) - Société AKTIV ASSEKURANZ GMBH, société de droit allemand, dont le siège est situé : Niederrheinstrasse 108 - 40474 DUSSELDORF - ALLEMAGNE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. 3o) - Société de droit allemand IP FRIEDRICH X... INTERNATIONALE TRANSPORTE, demeurant : Hansastrasse 89 A D - 38112 BRAUNSCHWEIG 11 D ALLEMAGNE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. 4o) - Société de droit allemand AVTOVAKO, ayant son siège : Hansastrasse 88a à BRAUNSCHWEIG (38112), prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. 5o) - Monsieur Friedrich X..., entrepreneur individuel, demeurant

Hansastrasse 89 A D à BRAUNSCHWEIG (38112), 6o) - Monsieur Valerii Y..., entrepreneur individuel, demeurant Hubensweg 11 D 3855 VORDORF (3855) ALLEMAGNE. 7o) Monsieur Friedrich X..., demeurant Hansastrasse 89 AD à BRAUNSCHWEIG (38112), pris en sa qualité de représentant légal de la société IP FRIEDRICH X... INTERNATIONALE TRANSPORTE, 8o) Monsieur Valerii Y..., ... par Me Jean-Michel TREYNET, avoué - N du dossier 16849 Plaidant Me Jean-Frédéric MAURO, avocat au barreau de PARIS INTIMES Composition de la cour : L'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Janvier 2006 devant la cour composée de :

Madame Sylvie MANDEL, président,

Madame Marie-José VALANTIN, conseiller,

Monsieur André CHAPELLE, conseiller, qui en ont délibéré, Greffier, lors des débats : Catherine CLAUDE

Par contrat en date du 5 octobre 2000, la société ER EXPORT a chargé la société SOGECA de transporter des produits cosmétiques au départ de France (La Courneuve, Savigny et Reims) et à destination de Moscou. Il était spécifié au contrat qu'il devait y avoir deux chauffeurs.

La société SOGECA a confié le transport à AVTOVAKO qui a pris la marchandise en charge le 16 octobre 2000 selon lettre de voiture CMR no 283 460. En Russie, le transport a été réalisé par X... INTERNATIONALE TRANSPORTE. La marchandise a été volée le 22 octobre 2000 dans la région de Gagarine, à la suite, selon les déclarations du chauffeur qui était seul, d'un vol à mains armées. Le camion a été

retrouvé vide le 28 octobre 2000 sur la nationale Moscou/Riga.

La société INGOSSTRAKH, assureur de la marchandise selon police no 558 661 du 16 octobre 2000 a indemnisé la société ER EXPORT à hauteur de la somme de 2 467 763,10 F (376 208, 06 euros). La société INGOSSTRAKH n'ayant pu obtenir le remboursement de cette somme de la part de la société SOGECA, elle a par exploit en date du 16 novembre 2001 fait assigner la société SOGECA puis par acte du 21 novembre 2001 AVTOVAKO, X... INTERNATIONALE TRANSPORTE et AKTIV ASSEKURANZ, prise en sa qualité d' assureur responsabilité civile de AVTOVAKO. La société INGOSSTRAKH sollicitait leur condamnation conjointe et solidaire à lui payer la somme de 2 467 763,10 F, augmentée des intérêts capitalisés à compter du jour de l'assignation outre la somme de 10 000 F en application des dispositions de l'article 700 du NCPC.

SOGECA a soulevé la prescription sur le fondement de l'article L 133- 6 du code de commerce. A titre subsidiaire, elle a conclu à l'irrecevabilité de la demande de INGOSSTRAKH faute de justifier de l'intérêt de la société ER EXPORT dans les droits de laquelle INGOSSTRAKH est subrogée, à titre plus subsidiaire au mal fondé de la demande sur le fondement de l'article 17 paragraphe 2 de la CMR. En toute hypothèse, SOGECA demandait que l'indemnité n'excède pas la somme de 120 768,34 DTS et sollicitait la garantie de AVTOVAKO, X... INTERNATIONALE TRANSPORTE, AKTIV ASSEKURANZ et de Messieurs Y... et X... Elle réclamait le bénéfice de l'article 700 du NCPC.

Monsieur X... et Monsieur Y..., ce dernier exerçant sous l'enseigne AVTOVAKO, sont intervenus volontairement à la procédure aux fins de voir déclarer nulles les assignations délivrées aux sociétés allemandes X... INTERNATIONALE TRANSPORTE et AVTOVAKO qui n'existent pas, constater que l'assignation visant la société X... est nulle en application de l'article 56 alinéa 2 du NCPC, renvoyer

la société INGOSSTRAKH à mieux se pourvoir, la débouter de sa demande à l'encontre de la société de droit allemand AKTIV ASSEKURANZ qui est un courtier et non un assureur. Ils concluaient également pour les mêmes motifs au rejet des demandes formées par SOGECA et subsidiairement soulevaient la prescription. Très subsidiairement, ils demandaient qu'il soit constaté que SOGECA qui déclare être commissionnaire n'a pas indemnisé les réclamants et qu'en conséquence son appel en garantie est irrecevable.

Le tribunal de commerce de Nanterre par un jugement en date du 28 mai 2004 auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties a reçu Messieurs X... et Y... ainsi que la société AKTIV ASSEKURANZ en leur intervention volontaire aux fins de nullité des assignations mais les en a déboutés en se rapportant à l'avis d'un avocat allemand qui précisait qu'en droit allemand, les demandes pouvaient être dirigées tant contre la société que contre ses propriétaires et que s'agissant des sociétés unipersonnelles, les personnes qui agissent pour ces sociétés, sont responsables personnellement des actes de la société. En ce qui concerne la société AKTIV ASSEKURANZ, le tribunal a retenu que la preuve était rapportée qu'elle était mandatée pour représenter valablement la compagnie d'assurances DARAG, assureur CMR d'AVTOVAKO et X...

Après avoir rejeté l'exception de prescription soulevée par SOGECA, le tribunal a retenu que cette société avait agi en qualité de commissionnaire de transport et l'a condamnée à payer à la société INGOSSTRAKH la somme de 376 208,05 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 novembre 2001 avec capitalisation et exécution provisoire. Il a également condamné SOGECA à payer à INGOSSTRAKH une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

La société SOGECA qui a interjeté appel de cette décision le 22 juin

2004, demande à la Cour de confirmer le jugement en ce qu'il a dit qu'elle était intervenue en qualité de commissionnaire de transport mais de le réformer pour le surplus. Elle conclut à la prescription de la demande de INGOSSTRAKH sur le fondement de l'article L 133-6 du code de commerce, à titre subsidiaire au mal fondé de la demande sur le fondement de l'article 17 OE 2 de la CMR et à la condamnation de la société INGOSSTRAKH à lui payer la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

Dans l'hypothèse où la demande de INGOSSTRAKH serait déclarée recevable et fondée, elle demande que l'indemnisation soit limitée à la somme de 120 768,34 DTS en application de l'article 23OE3 de la CMR et que la société AKTIV ASSEKURANZ et Messieurs Y... et X... soient condamnés à la garantir et à lui payer une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

La société SOGECA expose que l'action à son encontre est prescrite au motif qu'elle est intervenue en qualité de commissionnaire de transport et non de voiturier et qu'en conséquence, en application de l'article L 133-6 du code de commerce, la prescription qui est d'un an, commençait à courir à compter du vol, soit le 22 octobre 2000 et se trouvait donc acquise à la date de l'assignation, le 16 novembre 2001. Elle estime par ailleurs qu'elle est fondée à se prévaloir des dispositions de l'article 17OE 2 de la CMR , l'agression du chauffeur par de faux policiers constituant un cas de force majeure. Dans l'hypothèse où la cause exonératoire de responsabilité ne serait pas retenue, elle oppose les limitations de responsabilité prévues par l'article 23-3 de la CMR et se prévaut de ce qu'aucune faute lourde n'a été commise. Par ailleurs, la société SOGECA stigmatisant le fait que le tribunal a omis de statuer sur les appels en garantie, s'estime fondée à solliciter la garantie de AVTOVAKO et/ou X... sur le fondement de l'article 17 OE 1 de la CMR ainsi que celle de

l'assureur de AVTOVAKO.

La société INGOSSTRAKH, dans le dernier état de ses écritures (conclusions du 10 octobre 2005), demande avant dire droit qu'il soit fait injonction à la société AKTIV ASSEKURANZ de communiquer copie de son contrat d'assurance. Sur le fond, elle poursuit la confirmation du jugement sauf en ce qu'il a omis de statuer sur la demande formée à l'encontre de la société AVTOVAKO, les sociétés X... et AKTIV ASSEKURANZ. De ce chef, elle conclut à ce qu'il soit jugé que les transporteurs ne sont pas en droit de limiter leur responsabilité compte tenu de la faute lourde commise dans l'exécution du transport et elle sollicite la condamnation solidaire de ces trois sociétés avec la société SOGECA ou l'une à défaut de l'autre, à lui payer la somme de 376 208,06 euros augmentée des intérêts capitalisés à compter de l'assignation. Elle réclame par ailleurs le versement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du NCPC. Elle fait tout d'abord observer que la validité de l'action engagée contre les sociétés AVTOVAKO et X... doit s'analyser en application du droit allemand, ces deux entités étant domiciliées en Allemagne. Se référant à deux certificats de coutume délivrés par un avocat allemand, elle expose que l'action contre AVTOVAKO vaut action contre Messieurs X... et Y... car en droit allemand, une société "privée" n'est rien d'autre qu'une personne physique qui agit sous son nom commercial. Elle prétend de même que l'action contre IP FRIEDRICH X... vaut action contre Monsieur X..., un commerçant pouvant être assigné sous son nom commercial. S'agissant de la société AKTIV ASSEKURANZ, la société INGOSSTRAKH fait valoir qu'elle est agent d'assurances, qu'elle a pris la direction du procès en rejetant la réclamation et qu'en conséquence, la demande formée à son encontre est recevable.

En ce qui concerne la société SOGECA, la société INGOSSTRAKH soutient qu'elle a agi en qualité de voiturier et qu'en conséquence, l'action à son encontre n'est pas prescrite.

Sur le fond, la société INGOSSTRAKH allègue que la société SOGECA qui ne rapporte pas la preuve des conditions dans lesquelles les marchandises ont disparu, ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 17-2 de la CMR. Elle ajoute que cette société ayant commis une faute lourde, ne peut opposer les limitations de responsabilité. Enfin, la société INGOSSTRAKH fait observer que le tribunal a omis de statuer sur sa demande contre AVTOVAKO et X..., lesquels ayant réalisé le transport doivent être condamnés tout comme l'assureur responsabilité AKTIV ASSEKURANZ.

Messieurs Y... ET X... et la société AKTIV ASSEKURANZ concluent à l'irrecevabilité de SOGECA à agir contre les sociétés de droit allemand X... et AVTOVAKO, en toute hypothèse à la prescription de la demande en garantie formée tant contre ces sociétés que contre Messieurs Y... et X... en application de l'article 32 de la CMR. Ils concluent également à l'irrecevabilité de la demande en garantie formée contre AKTIV ASSEKURANZ, courtier et non assureur et à sa prescription. Ils font également valoir que les demandes formées contre cette société sont nulles à défaut de motivation.

Messieurs X... et Y... formant appel incident, demandent à la Cour qu'il soit jugé qu'ils étaient fondés à faire valoir par leur intervention que les demandes de INGOSSTRAKH et SOGECA contre des sociétés inexistantes, AVTOVAKO et X... INTERNATIONAL, étaient nulles et irrecevables. Ils soulèvent par ailleurs la prescription des demandes formées à leur encontre ainsi que la nullité des demandes formées contre Monsieur X... comme ne contenant aucune motivation. Ils concluent également à ce que la société INGOSSTRAKH soit déboutée

de son appel provoqué dirigé contre eux en tant que représentants légaux de sociétés inexistantes et à ce que les appels provoqués notifiés le 30 mai 2005 et 20 juillet 2005 soient déclarés nuls et de nul effet puisque le texte allemand n'est pas conforme au texte français de l'assignation quant à la désignation des personnes assignées.

Par conclusions en date du 26 janvier 2005, SOGECA s'est désistée de son appel à l'encontre des sociétés AVTOVAKO et IP FRIEDRICH X... INTERNATIONALE TRANSPORTE.

SUR CE,

I. Sur la recevabilité des demandes formées à l'encontre des sociétés AVTOVAKO et X... :

Considérant que si la société SOGECA s'est désistée de son appel à l'encontre des sociétés AVTOVAKO et IP FRIEDRICH X..., et en conséquence, des demandes qu'elle avait formées à leur encontre, il demeure que la société INGOSSTRAKH a formé appel provoqué aux fins de voir les sociétés AVTOVAKO, IP FRIEDRICH X..., Mr X... pris en sa qualité de représentant légal de la société FRIEDRICH X... et Mr Y... pris en sa qualité de représentant légal de la société AVTOVAKO, tenus d'intervenir devant la Cour ; qu'aux termes de ses conclusions récapitulatives (conclusions du 10 octobre 2005), INGOSSTRAKH sollicite la condamnation solidaire des sociétés SOGECA, AVTOVAKO, IP FRIEDRICH X... et AKTIV ASSEKURANZ ou l'une à défaut de l'autre à lui payer la somme de 376 208, 06 euros augmentée des intérêts capitalisés à compter du jour de l'assignation, outre une somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du NCPC ;

Que la cour se doit donc de statuer sur la recevabilité des demandes formées à l'encontre des sociétés AVTOVAKO et IP FRIEDRICH X... ;

Considérant qu'en vertu de l'article 32 du NCPC, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir ;

Que selon l'article 117 du même code constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte : le défaut de capacité d'ester en justice ;

Considérant que l'assignation devant le tribunal de commerce de Nanterre vise la société Avtovako, société de droit allemand dont le siège est situé Hansestrasse 88a, 38112 Braunschweig Allemagne représentée par Monsieur Friedrich X..., domicilié en cette qualité audit siège ainsi que la société I.P Friedrich Internationale Transporte société de droit allemand dont le siège est situé 88a, 38112 Braunschweig Allemagne prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège en cette qualité ;

Considérant que l'assignation aux fins d'appel provoqué reprend en ce qui concerne ces deux sociétés les mêmes mentions et vise par ailleurs Monsieur Freidrich X... pris

Considérant que l'assignation aux fins d'appel provoqué reprend en ce qui concerne ces deux sociétés les mêmes mentions et vise par ailleurs Monsieur Freidrich X... pris en sa qualité de représentant légal de la société IP Friedrich X... Internationale Transport demeurant 89 A D à 38112 Braunschweig (Allemagne) et Monsieur Valerii Y... pris en sa qualité de représentant légal de la société Avtovako demeurant Hubensweg 11 D 3855 Vordorf Allemagne ;

Considérant que INGOSSTRAKH se prévalant d'une attestation délivrée par un avocat allemand, Monsieur Z..., soutient qu'en application du droit allemand, l'assignation délivrée à la société IP FRIEDRICH X... est considérée comme ayant été valablement délivrée à Monsieur

Friedrich X..., de même que l'assignation délivrée à la société AVTOVAKO vaut action contre les commerçants personnes physiques agissant sous le nom commercial AVTOVAKO, à savoir Monsieur Y... et Monsieur Friedrich X... ;

Considérant que Monsieur Z... précise dans son attestation datée du 6 mai 2005 que "selon l'article 17 du code allemand du commerce, un commerçant peut assigner et peut être assigné devant un tribunal sous son nom commercial. A cet égard "nom commercial" ne signifie que le nom du commerçant que celui-ci utilise dans la vie des affaires" ;

Qu'il indique par ailleurs "qu'il existe une information de la part des autorités biélorusses, selon laquelle la société AVTOVAKO n'est pas enregistrée en Bielorussie mais en Allemagne; que cependant en Allemagne, il résulte du registre du commerce et des sociétés que ni la société I.P Friedrich X..., ni la société Avtovako est inscrite aux registres du commerce et des sociétés allemandes; qu' il ajoute qu'il résulte du répertoire professionnel qu'un certain Monsieur Friedrich X... exploite, dans la ville de Braunschweig, entre autre une entreprise de transport sous l'adresse mentionnée et que le répertoire professionnel de Braunschweig ne fait pas apparaître d'informations relatives à la société Avtovako" ;

Considérant enfin qu'il mentionne dans une lettre datée du 14 octobre 2002 rédigée en anglais (et non traduite) qu'il apparaît que Valerii Y... et/ou Friedrich X... exercent en Allemagne sous le nom Avtovako ;

Mais considérant que l'existence des sociétés Avtovako et I.F Friedrich X... n'est pas établie et que de fait, il résulte d'une attestation délivrée par le tribunal d'instance de Brunswick (Braunschweig) qu'aucune société Avtovako sise Hansestrasse 88 n'est inscrite au registre du commerce ; qu'il n'est pas davantage justifié de l'existence d'une société I.P FRIEDRICH X... ; qu'au demeurant,

INGOSSTRAKH ne conteste pas que ces sociétés sont inexistantes ;

Considérant que INGOSSTRAKH ne peut valablement soutenir que la demande contre la société Avtovako vaut action contre Messieurs Y... et Friedrich X... dès lors qu'une demande contre une société inexistante ne peut valoir contre les personnes physiques assignées en qualité de représentant légal de ces sociétés ; qu'une société qui n'existe pas, ne peut avoir de représentants légaux;

Considérant qu'il ressort des documents communiqués par Messieurs Y... et X... que le premier est inscrit sous son nom patronymique comme entreprise privée unitaire de transport et de commerce en République de Biélorussie sous "Avtovako" et que le second est inscrit également en son nom personnel à la chambre de commerce et d'industrie de Brunswick (Allemagne) pour exercer notamment des activités de négociation de chargement avec des sociétés de transport ;

Qu'il appartenait à INGOSSTRAKH d'assigner Messieurs Friedrich X... et Y... en leur nom propre en tant qu'exploitant à titre personnel ;

Que le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a déclaré recevable les demandes formées par INGOSSTRAKH à l'encontre des sociétés AVTOVAKO et I.P FRIEDRICH X... ;

Que pour les mêmes motifs, l'appel provoqué formé devant la Cour par INGOSSTRAKH en ce qu'il est dirigé contre ces deux sociétés et contre Messieurs X... et Y... pris en leur qualité de représentant légal de ces sociétés, est irrecevable en application de l'article 32 du NCPC ;

Que de plus, le dispositif des conclusions récapitulatives signifiées par INGOSSTRAKH le 10 octobre 2005 et qui en vertu de l'article 954 du NCPC sont celles qui déterminent l'objet du litige, ne vise pas Messieurs X... et Y... ; que condamnation est requise uniquement à

l'encontre des sociétés SOGECA, AVTOVAKO, IP FRIEDRICH X... INTERNATIONALE TRANSPORTE et AKTIV ASSEKURANZ ;

II. Sur la prescription des demandes :

Considérant que Sogeca fait valoir que la demande formée à son encontre par INGOSSTRAKH est prescrite en application des dispositions de l'article L 133-6 du code de commerce dès lors qu'elle est intervenue en qualité de commissionnaire ;

Considérant que INGOSSTRAKH lui conteste cette qualité et fait valoir qu'elle n'est intervenue qu'en tant que simple transporteur; qu'elle en déduit qu'en application de l'article 32-1 de la convention CMR, l'action n'est pas prescrite ;

Considérant qu'il résulte des documents mis aux débats, que par fax en date du 5 octobre 2000, ER EXPORT a chargé SOGECA de transporter des produits cosmétiques par camion, au départ de France et à destination de Moscou ;

Que SOGECA a confié l'exécution du transport à AVTOVAKO qui a facturé SOGECA le 20 octobre 2000 ;

Que le fait que ER EXPORT ait imposé le mode de transport et donné des instructions sur les lieux de chargement de la marchandise et sur le nombre de chauffeurs, ne fait pas perdre à SOGECA sa qualité de commissionnaire dès lors qu'elle demeurait libre du choix du transporteur et qu'elle l'a rémunéré ;

Que INGOSSTRAKH ne saurait tirer argument du fait que SOGECA n'apparaît pas en qualité d "expéditeur" sur la lettre de voiture CMR pour en conclure qu'elle a agi en qualité de transporteur dès lors que la lettre indique précisément que le transporteur est AVTOVAKO ; que cela démontre que SOGECA n'était pas transporteur ;

Considérant dans ces conditions que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a reconnu à SOGECA la qualité de commissionnaire ;

Considérant toutefois que c'est à tort que le tribunal a déclaré

l'action à l'encontre de SOGECA non prescrite ;

Considérant en effet que la CMR ne régissant pas le contrat de commission de transport, la prescription annale de l'article L 133-6 du code de commerce est seule applicable à l'action intentée par l'expéditeur contre le commissionnaire ;

Qu'en l'espèce, le vol étant intervenu le 22 octobre 2000 à Gagarine (Russie), l'assignation délivrée le 16 novembre 2001 à SOGECA est donc tardive et l'action prescrite ;

Considérant que les demandes en garantie formées à titre subsidiaire par SOGECA à l'encontre de Messieurs X... et Y... ainsi qu'à l' encontre de la société Aktiv Assekuranz sont donc devenues sans objet ;

III. Sur la demande formée à l'encontre de la société Assekuranz Gmbh :

Considérant que cette société fait valoir que l'action directe introduite à son encontre par INGOSSTRAKH est irrecevable au motif qu'elle a agi en qualité de simple courtier ; qu'elle conteste avoir agi comme assureur apparent et précise que l'assureur CMR est la Compagnie DARAG ainsi que cela résulte de la police versée aux débats ;

Considérant qu'il résulte tant de la police générale de transport (SGP 98) produite aux débats que de la lettre adressée le 9 octobre 2001 par Aktiv Assekuranz à INGOSSTRAKH que celle-là a agi comme mandataire de la compagnie d'assurances DARAG, Berlin et non comme mandataire de Messieurs X... et Y... ; que c'est Aktiv Assekuranz qui d'une part, a signé le 28 décembre 1998 "sur procuration" de la compagnie, le contrat d'assurance avec IP Friedrich X..., Avtovako et AnTentrans, d'autre part répondu à INGOSSTRAKH le 9 octobre 2001 en lui précisant " nous nous permettons de nous adresser à vous en tant que mandataires, dûment mandatés, des assureurs CMR et vous informons

que notre assuré, la société Avtovako de Brunswick, nous a présenté votre déclaration de sinistre du 4 juin 2001"; que son papier commercial porte l'indication " succursale de Dusseldorf" ;

Qu'il en résulte que Aktiv Assekuranz avait la qualité d'agent d'assurances et que l'assignation qui lui a été délivrée est réputée faite à la compagnie elle-même, l'agence constituant, de ce point de vue, un établissement de la compagnie au sens de l'article 690 du NCPC ;

Considérant que Aktiv Assekuranz ne prétend pas que l'action directe engagée à son encontre par INGOSSTRAKH soit prescrite ;

Considérant cependant que dès lors que c'est la compagnie elle-même et non son agent qui peut être tenu de réparer le dommage causé à un tiers par la personne assurée, INGOSSTRAKH se devait d'appeler dans la cause la société Darag, assureur responsabilité civile du transporteur routier; qu'aucune demande en paiement d'indemnité ne peut être formée à l'encontre de Aktiv Assekuranz dès lors qu'il n'est pas démontré que celle-ci a laissé croire à INGOSSTRAKH qu'elle disposait des pouvoirs les plus larges pour remplir totalement les obligations des assureurs; que le nom de l'assureur DARAG était connu de INGOSSTRAKH au moins depuis le 3 mai 2002, date à laquelle a été communiquée la police d'assurance CMR DARAG du 20 décembre 1998 (pièce 5 du bordereau annexé aux conclusions d'intervention signifiées le 3 mai 2002) ;

IV. Sur l'article 700 du NCPC :

Considérant que l'équité commande de condamner INGOSSTRAKH à payer à la société SOGECA une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du NCPC ;

Considérant en revanche qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du NCPC aux autres parties à l'instance ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement :

- DONNE ACTE à la société SOGECA de ce qu'elle s'est désistée de son appel à l'encontre des sociétés AVTOVAKO et IP FRIEDRICH X... INTERNATIONALE TRANSPORTE.

- INFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a dit que SOGECA était intervenue en qualité de commissionnaire de transport.

- DIT la société INGOSSTRAKH INSURANCE COMPANY irrecevable en ses demandes à l'encontre des sociétés AVTOVAKO et IP FRIEDRICH X... INTERNATIONALE TRANSPORTE et de Messieurs Friedrich X... et Valerii Y...

- DÉCLARE prescrite l'action engagée par la société INGOSSTRAKH INSURANCE COMPANY à l'encontre de la société SOGECA.

- CONSTATE que les appels en garantie formés par la société SOGECA sont devenus sans objet.

- DIT que la société AKTIV ASSEKURANZ Gmbh a agi en qualité d'agent de la compagnie d'assurances DARAG.

- CONSTATE que cette compagnie n'a pas été appelée dans la cause.

- DÉCLARE irrecevable la demande en paiement formée à l'encontre de la société AKTIV ASSEKURANZ Gmbh.

- CONDAMNE la société INGOSSTRAKH INSURANCE COMPANY à payer la société SOGECA une somme de 2 000 euros (deux mille euros) en application de l'article 700 du NCPC.

- REJETTE toute autre demande.

- CONDAMNE la société INGOSSTRAKH INSURANCE COMPANY aux entiers dépens d'instance et d'appel.

- ADMET Maître Binoche et Maître Treynet, avoués, au bénéfice de

l'article 699 du NCPC.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

- signé par Sylvie MANDEL, Président et par Didier ALARY, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute. Le GREFFIER,

Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Ct0017
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006950053
Date de la décision : 02/03/2006

Analyses

1) La circonstance que le commissionnaire ait reçu de l'expéditeur des instructions sur le mode de transport, sur les lieux de chargement des marchandises et sur le nombre de chauffeurs ne lui fait pas perdre sa qualité de commissionnaire dès lors que comme en atteste la lettre de voiture il a conservé le libre choix du transporteur et l'a rémunéré. 2) L'action intentée par l'expéditeur à l'encontre du commissionnaire de transport, n'étant pas régie par la Convention CMR, elle se prescrit dans le délai d'un an en application de l'article L 133-6 du Code de commerce relatif à la prescription des actions nées du contrat de transport.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Mme Mandel, président, Mme Valantin, M.Chapelle, c

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2006-03-02;juritext000006950053 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award