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19/01/2006 | FRANCE | N°04/01827

France | France, Cour d'appel de Versailles, 5è chambre, 19 janvier 2006, 04/01827


COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 80A H. L./ J. M. 5ème chambre B ARRET No CONTRADICTOIRE DU 19 JANVIER 2006 R. G. No 04/ 01827 R. G. No 04/ 01828 R. G. No 04/ 01829 R. G. No 04/ 01830 R. G. No 04/ 01831 R. G. No 04/ 01832 R. G. No 04/ 01833 R. G. No 04/ 01836 R. G. No 04/ 01837 R. G. No 04/ 01838 R. G. No 04/ 01839 R. G. No 04/ 01840 R. G. No 04/ 01841 R. G. No 04/ 01842
AFFAIRE : S. A. MBDA FRANCE en la personne de son représentant légal C/ Jean X... et autres SYNDICAT DE LA METALLURGIE 92 CFDT en la personne de son représentant statutaire
Décision déférée à la cour : Ju

gement rendu le 01 Septembre 2003 par le Conseil de Prud'homme...

COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 80A H. L./ J. M. 5ème chambre B ARRET No CONTRADICTOIRE DU 19 JANVIER 2006 R. G. No 04/ 01827 R. G. No 04/ 01828 R. G. No 04/ 01829 R. G. No 04/ 01830 R. G. No 04/ 01831 R. G. No 04/ 01832 R. G. No 04/ 01833 R. G. No 04/ 01836 R. G. No 04/ 01837 R. G. No 04/ 01838 R. G. No 04/ 01839 R. G. No 04/ 01840 R. G. No 04/ 01841 R. G. No 04/ 01842
AFFAIRE : S. A. MBDA FRANCE en la personne de son représentant légal C/ Jean X... et autres SYNDICAT DE LA METALLURGIE 92 CFDT en la personne de son représentant statutaire
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 Septembre 2003 par le Conseil de Prud'hommes de BOULOGNE BILLANCOURT Section : Industrie No RG : 02/ 00747 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE DIX NEUF JANVIER DEUX MILLE SIX,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : S. A. MBDA FRANCE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés de droit au siège social sis : 37 Boulevard de Montmorency 75781 PARIS CEDEX 16 représentée par M. Pierre Y... (Adjoint au responsable des relations sociales) en vertu d'un pouvoir spécial en date du 21 novembre 2005 assisté de Me Renaud RIALLAND, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D607
APPELANTE
Monsieur Jean X...... 78530 BUC comparant en personne, assisté de Me Frédéric NAQUET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R 298
Monsieur Pierre Z...... 92260 FONTENAY-AUX-ROSES comparant en personne, assisté de Me Pascale LEGENDRE-GRANDPERRET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0392
Monsieur Joseph A......, 92130 ISSY-LES-MOULINEAUX comparant en personne, assisté de Me Pascale LEGENDRE-GRANDPERRET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0392
Monsieur Jean-Marie B...... 78180 MONTIGNY-LE-BRETONNEUX comparant en personne, assisté de Me Pascale LEGENDRE-GRANDPERRET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0392
l'assiette des cotisations de l'assurance vieillesse et du montant des droits acquis,
- n'avait pas prévu l'application du régime dérogatoire fixé par l'article L. 241-3-1 du Code de la Sécurité Sociale permettant le maintien de l'assiette des cotisations destinées à financer l'assurance vieillesse à la hauteur du salaire correspondant à l'activité exercée à temps plein (s'agissant d'un temps plein reconstitué),
- que les seules garanties complémentaires accordées après négociation concernaient l'acquisition de points de retraite complémentaires (CRISA et IPECA Retraite) et la couverture de prévoyance (IPECA Prévoyance) sur la base des salaires reconstitués comme si les salariés avaient continué à travailler à temps plein.
LA PROCÉDURE
Estimant avoir été victimes d'un manque volontaire d'information et même d'une véritable tromperie lors de leurs adhésions à la convention de pré-retraite progressive, Pierre Z..., Michel C..., Roland D..., Jean-Marie B..., Bernard E..., Olga F..., Andrée C..., Bernard G..., Annie H..., Joseph A..., Jean X..., Monique I..., Pierre J... et Jean-Jacques K... ont fait convoquer le 22 avril 2002 la société M. B. D. A France devant le Conseil de Prud'hommes de Boulogne-Billancourt afin d'obtenir sa condamnation au paiement de dommages et intérêts en réparation de leurs préjudices. Le Syndicat de la Métallurgie 92 CFDT est intervenu aux débats au soutien des intérêts des salariés. Après jonction des instances, le Conseil de prud'hommes, par jugement en date du 1 septembre 2003, faisant droit partiellement aux réclamations présentées, a condamné la société M. B. D. A France à payer :
-17 000 euros à Andrée C...,
-17 000 euros à Michel C...,
***
Monsieur Bernard E...... 92130 ISSY-LES-MOULINEAUX comparant en personne, assisté de Me Pascale LEGENDRE-GRANDPERRET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0392
Monsieur Pierre J...... 92260 FONTENAY-AUX-ROSES comparant en personne, assisté de Me Pascale LEGENDRE-GRANDPERRET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0392
Madame Monique I......, 78350 JOUY-EN-JOSAS comparante en personne, assistée de Me Pascale LEGENDRE-GRANDPERRET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0392
Monsieur Bernard G...... 91140 VILLEBON-SUR-YVETTE comparant en personne, assisté de Me Frédéric NAQUET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R 298
Madame Andrée C...... 92220 BAGNEUX comparante en personne, assistée de Me Frédéric NAQUET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R 298
Monsieur Michel C...... 92220 BAGNEUX comparant en personne, assisté de Me Frédéric NAQUET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R 298
Monsieur Roland D...... 92320 CHATILLON comparant en personne, assisté de Me Frédéric NAQUET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R 298
Madame Annie Renée Paulette H...... 92350 LE PLESSIS ROBINSON représentée par Me Pascale LEGENDRE-GRANDPERRET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0392
Madame Helga F...... 14167 BERLIN représentée par Me Frédéric NAQUET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R 298
Monsieur Jean-Jacques K...... 78250 TESSANCOURT-SUR-AUBETTE comparant en personne, assisté de Me Frédéric NAQUET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R 298
INTIMÉS
SYNDICAT DE LA METALLURGIE 92 CFDT agissant poursuites et diligences de son représentant statutaire domicilié de droit au siège sis : 245 Boulevard Jean Jaurès 92100 BOULOGNE BILLANCOURT représentée par Me Pascale LEGENDRE-GRANDPERRET,
-17 000 euros à Jean X...,
-17 000 euros à Bernard G...,
-17 000 euros à Roland D...,
-17 000 euros à Olga F...,
-17 000 euros à Jean-Jacques K...,
-21 247 euros à Jean-Marie B...,
-22 466 euros à Joseph A...,
-14 846 euros à Bernard E...,
-7 421 euros à Pierre J...,
-19 556 euros à Monique I...,
-29 285 euros à Annie H....
Le Conseil de prud'hommes a déclaré la demande du Syndicat irrecevable et a alloué à chacun des salariés la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile tout en condamnant la société M. B. D. A France aux entiers dépens. La société M. B. D. A France a régulièrement relevé appel de cette décision. Vu les conclusions déposées et développées oralement à l'audience du 24 novembre 2005 par lesquelles la société M. B. D. A France a demandé à la Cour d'infirmer le jugement déféré, de rejeter toutes les réclamations présentées par les salariés et le Syndicat CFDT et de condamner ceux-ci aux dépens avec distraction au profit de Maître RIALLAND, avocat.
La société M. B. D. A France a fait valoir tout d'abord que l'adhésion des salariés au régime de la pré-retraite progressive était basée sur le volontariat et présentait des avantages très importants tant sur le plan financier (versement d'une indemnité de licenciement d'un montant trois fois supérieur à l'indemnité de retraite), que sur le plan économique (validation des trimestres de Sécurité Sociale sur la période de la pré-retraite progressive malgré l'activité à temps partiel) et sur le plan personnel (temps libre offert aux adhérents). La société M. B. D. A France a fait observer qu'il n'y avait jamais eu volonté de sa part.
PARTIE INTERVENANTE
Composition de la cour : L'affaire a été débattue le 24 Novembre 2005, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme Jeanne MININI, Président,
Mme Marie-Noëlle ROBERT, Conseiller,
M. Jacques CHAUVELOT, Conseiller, qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Mme Christiane PINOT
EXPOSÉ DES FAITS ET DES RELATIONS ENTRE LES PARTIES
Pierre Z..., Michel C..., Roland D..., Jean-Marie B..., Bernard E..., Olga F..., Andrée C..., Bernard G..., Annie H..., Joseph A..., Jean X..., Monique I..., Pierre J... et Jean-Jacques K... ont été embauchés sur le site de Châtillon entre 1961et 1989 par le Groupe AEROSPATIALE (initialement NORD AVIATION, puis AEROSPATIALE à compter de 1970, puis AEROSPATIALE MATRA à compter de 1999). En 2000 AEROSPATIALE MATRA a fusionné avec les sociétés allemande DASA et espagnole CASA donnant naissance à la société E. A. D. S (European Aeronautic Defence and Space Compagny). Enfin est né en 2001 le Groupe M. B. D. A issu de la fusion des sociétés : MATRA BAE DYNAMICS et E. A. D. S-AEROSPATIALE MATRA MISSILES et de l'activité missile d'ALENIA MARCONI SYSTEMS (Groupe italien FINMECCANICA). C'est la société M. B. D. A France qui intervient à ce jour aux droits des employeurs successifs des salariés (M. B. D. A étant présente au Royaume-Uni, en France et en Italie). Confronté à d'importantes difficultés économiques à l'origine de plusieurs plans sociaux, le Groupe AEROSPATIALE a mis en place dès 1992 des mesures sociales destinées à éviter les licenciements de plusieurs salariés et notamment des conventions de dissimuler les informations puisqu'elle avait négocié avec les cinq organisations syndicales (CGT-FO-CFDT-CFTC et CGC) et les représentants des salariés les modalités d'application de la pré-retraite progressive en fonction de la réglementation applicable aux cotisations de Sécurité Sociale, en prévoyant l'acquisition de points de retraite complémentaires et en faisant bénéficier les salariés de la couverture prévoyance sur la base des salaires reconstitués à temps plein et non sur la base des salaires réels versés à temps partiel. Elle a souligné que tous les salariés avaient été informés individuellement des droits résultant pour eux d'une adhésion à la pré-retraite progressive et qu'ils avaient pu obtenir tous les renseignements auprès du service du personnel de l'entreprise dont certains membres étaient en outre spécialisés en matière de retraite (mesdames L... et M...- messieurs N..., O... et Y...). La société M. B. D. A France a rappelé également que certains salariés (madame F...- monsieur E...- monsieur A...) exerçaient des mandats syndicaux et de représentation du personnel et avaient donc disposé de toutes les informations nécessaires et préalables à la conclusion des pré-retraites progressives. Enfin la société M. B. D. A France a fait valoir que les indemnisations sollicitées par les salariés étaient manifestement excessives, celles-ci ne prenant aucunement en considération les avantages déjà perçus dans le cadre de la pré-retraite progressive et les versements qui auraient dus être acquittés (prélèvements sociaux sur l'autre moitié du salaire-IRPP sur les pensions). Andrée C..., Michel C..., Bernard G..., Roland D..., Jean X..., Jean-Jacques K... et Olga F... ont conclu à la confirmation en son principe du jugement déféré. Ils ont formé appel incident afin d'obtenir le versement de dommages et intérêts à hauteur des sommes de :-37 344, 79 euros pour Jean d'allocations spéciales du Fonds National pour l'Emploi (FNE) au profit des salariés âgés de 55 à 63 ans. Puis, à compter de 1993 des conventions de pré-retraite progressive (PRP) ont été conclues entre l'Etat et la société AEROSPATIALE afin de permettre à des salariés volontaires, âgés de 55 à 63 ans ou âgés de plus de 60 ans mais ne pouvant justifier de 160 trimestres de cotisations au régime d'assurance vieillesse, de réduire progressivement leur activité en percevant des revenus de remplacement. L'adhésion à la pré-retraite progressive avait pour effet :
- de réduire la durée du travail du salarié (réduction de 50 % sur une période allant de 2 à 5 ans),
- d'ajouter, au salaire à temps partiel, une allocation de pré-retraite progressive de 30 % du salaire journalier à temps plein de référence versé par l'ASSEDIC,
- de permettre au salarié de recevoir une indemnité de licenciement (payable par anticipation à 50 % au début de la pré-retraite progressive et 50 % au terme de la pré-retraite progressive, soit généralement après 5 ans) au lieu de recevoir une indemnité de départ en retraite (l'indemnité de licenciement étant d'un montant trois fois supérieur à celui de l'indemnité de départ en retraite). Les projets de conventions de pré-retraite progressive du Fonds National de l'Emploi ont été soumis par le Groupe AEROSPATIALE aux organisations représentatives du personnel et aux organisations syndicales qui ont émis des avis favorables. Les salariés de l'établissement de Châtillon (Pierre Z..., Michel C..., Roland D..., Jean-Marie B..., Bernard E..., Olga F..., Andrée C..., Bernard G..., Annie H..., Joseph A..., Jean X..., Monique I..., Pierre J... et Jean-Jacques K...), disposant d'anciennetés au sein du Groupe AEROSPATIALE entre 15 et 42 ans, ont adhéré à la convention de pré-retraite progressive en X...,
-37 084, 64 euros pour Jean-Jacques K...,
-36 225, 75 euros pour Andrée C...,
-36 007, 57 euros pour Olga F...,
-35 197, 78 euros pour Bernard G...,
-30 953, 63 euros pour Michel C...,
-29 891, 40 euros pour Roland D...
Ils ont sollicité en outre le versement à chacun d'une indemnité de 10 000 euros en réparation du préjudice moral subi. Enfin ils ont sollicité chacun l'indemnisation de leurs frais de procédure à hauteur de la somme de 1 500 euros. Le Syndicat SYMETAL CFDT a formé appel incident estimant son intervention justifiée sur le fondement de l'article L. 411-11 du Code du travail du fait de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession. Il a sollicité la condamnation de la société M. B. D. A France au paiement des sommes de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts et de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Annie H..., Pierre Z..., Jean-Marie B..., Monique I..., Pierre J..., Bernard E... et Joseph A... ont conclu à la confirmation du jugement en son principe mais ils ont formé appel incident afin d'obtenir la condamnation de la société M. B. D. A France au paiement des sommes de :
-62 427 euros pour Monique I...,
-34 511 euros pour Pierre Z...,
-30 744 euros pour Pierre J...,
-39 646 euros pour Joseph A...,
-26 200 euros pour Bernard E...,
-37 495 euros pour Jean-Marie B...,
-51 680 euros pour Annie H...
Enfin, ils ont sollicité chacun l'indemnisation de leurs frais de procédure à concurrence de la somme de 2 000 euros.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
I-EN LA FORME
Considérant qu'en l'état de la connexité existant entre les procédures enrôlées sous les numéros 04/ 01827, 04/ 01828, 04/ 01829, 04/ 01830, 04/ 01831, 04/ 01832, 04/ 01833, 04/ 01836, 04/ 01837, 04/ 01838, 04/ 01839, 04/ 01840, 04/ 01841, 04/ 01842 il convient d'en ordonner la jonction sous le seul numéro 04/ 01827 ; signant avec leur employeur des avenants à leurs contrats de travail au cours de la période d'avril 1996 à octobre 1999, la durée de la pré-retraite progressive s'échelonnant entre 29 mois (pour Bernard E...), 54 mois (pour Michel C... et Annie H...), 55 mois (pour Roland D...), 58 mois (pour Pierre Z...) et 60 mois (pour Jean X..., Joseph A..., Jean-Marie B..., Pierre J..., Monique I..., Bernard G..., Andrée C..., Olga F... et Jean-Jacques K...). Fin 2000 et au cours de l'année 2001 des organisations syndicales (CFDT, CFE/ CGC) et plusieurs salariés ont attiré l'attention de la société AEROSPATIALE MATRA MISSILES sur le fait que le montant des retraites de Sécurité Sociale des salariés ayant adhéré aux conventions de pré-retraite progressive allait être réduit (d'environ 500 francs nets par mois) puisque, du fait de la réduction de moitié du temps de travail pendant la durée de la pré-retraite, les cotisations à l'assurance vieillesse étaient réduites corrélativement, entraînant une baisse des droits à pension (notamment les 20 meilleures années prises en compte pour le calcul de la retraite de Sécurité Sociale n'incluaient plus les années de pré-retraite alors que, par référence à un temps plein, elles constituaient les années les plus avantageuses sur le plan financier). Les organisations syndicales ont sollicité l'ouverture de négociations permettant la régularisation avec effet rétroactif des cotisations sur un salaire reconstitué à plein temps assurant le versement de retraites à taux plein d'un montant équivalent à un temps plein.
En réponse la société E. A. D. S, après avoir rappelé la réglementation fixant l'assiette des cotisations d'assurance vieillesse du régime général, a indiqué que le dispositif de pré-retraite progressive qui avait été négocié, présenté aux salariés et choisi par eux :- entraînait obligatoirement, après passage d'un temps plein à un temps partiel, la réduction corrélative
II-SUR LE FOND DU LITIGE
Considérant qu'en raison des difficultés financières rencontrées par leur employeur depuis le début des années 1990 risquant d'entraîner la perte de leurs emplois ou des modifications importantes de leurs contrats de travail dans le cadre de la mise en oeuvre de plans sociaux et en raison de leurs grandes anciennetés au sein de l'entreprise (entre 33 et 42 ans pour tous les salariés à l'exception de Jean-Jacques K..., titulaire d'une ancienneté de 15 années), tous les salariés ayant introduit la présente instance ont manifesté leurs intérêts lors des propositions de départ en pré-retraite progressive telles que présentées par le Groupe AEROSPATIALE ;
Considérant toutefois qu'avant d'adhérer à la pré-retraite progressive, chaque salarié a longuement interrogé les représentants du personnel et les représentants des organisations syndicales afin d'obtenir les renseignements les plus précis sur l'évolution de son travail jusqu'à la rupture du contrat de travail, sur le montant de ses revenus jusqu'à cette date et enfin sur l'incidence de son départ anticipé sur le montant de sa retraite future ;
Considérant que les organisations syndicales, qui ont les premières participé avec la direction de la société AEROSPATIALE aux réunions préparatoires à la mise en place des conventions de pré-retraite progressive, ont obtenu au cours des années 1997 et 1998 toutes garanties concernant les droits futurs des salariés relativement au régime de retraite et de prévoyance ;
Considérant ainsi que lors de la réunion extraordinaire du Comité Central d'Entreprise du 5 novembre 1997, la société AEROSPATIALE a pris l'engagement de " proposer un accord retraite et prévoyance tel que les personnels placés dans cette situation (pré-retraite progressive) ne soient pas pénalisés dans leurs droits ni en retraite ni en prévoyance " ;
Que de même, renouvelant de tels engagements au cours de la réunion extraordinaire du Comité d'Etablissement (établissement de Châtillon) du 30 juin 1999, la AEROSPATIALE MATRA MISSILES, interrogée par un représentant syndical (CFE/ CGC) sur l'incidence de la pré-retraite progressive sur l'assiette des cotisations de Sécurité Sociale et plus particulièrement sur la réalité d'une cotisation sur un temps plein pendant toute la durée de la période de pré-retraite progressive, a apporté une réponse positive concernant un tel plafond de cotisations précisant à cet effet " d'ailleurs, nous proposerons aux partenaires sociaux un accord " ;
Considérant toutefois que seuls des accords ont été conclus entre les sociétés AEROSPATIALE et AEROSPATIALE MATRA MISSILES et les organisations syndicales (le 11 février 1998 puis le 30 septembre 1999) pour permettre aux membres du personnel concernés par l'adhésion à une convention de pré-retraite progressive d'acquérir des points de retraite supplémentaires en fixant les cotisations patronales et salariales aux régimes de retraite complémentaire (CRISA et IPECA Retraite) à des taux identiques à ceux adoptés pour les cotisations du personnel travaillant à temps plein ;
Considérant par contre, qu'en ce qui concerne l'assiette de l'assurance retraite de base (régime général de la Sécurité Sociale), aucun accord particulier n'ayant été conclu, la réduction de 50 % du temps de travail pendant la durée de la pré-retraite progressive a entraîné automatiquement la réduction des cotisations patronales et salariales au régime de retraite et par voie de conséquence a conduit, postérieurement à la rupture du contrat de travail, à une réduction du montant des droits à pension de chaque salarié ayant adhéré à une convention de pré-retraite progressive ;
Considérant qu'en sa qualité d'employeur, négociateur avec l'Etat des conventions de pré-retraite progressive, le Groupe AEROSPATIALE, qui a pris ultérieurement l'initiative de proposer à certains salariés le bénéfice d'une adhésion à ces conventions tout en leur présentant cette adhésion comme une chance de quitter l'entreprise dans des conditions satisfaisantes garantissant leurs droits futurs, avait l'obligation de les informer personnellement et complètement de l'incidence de la pré-retraite progressive sur le montant de leurs pensions du fait de la réduction pendant toute la durée de cette pré-retraite (5 ans en général) des cotisations tant patronales que salariales calculées désormais sur un temps partiel ; qu'une telle obligation ne pouvait être déléguée à des organismes spécialisés en matière de retraite même s'ils étaient habilités par le Groupe AEROSPATIALE à intervenir auprès des salariés dans le cadre d'activités d'informations dites " passeports pour le temps libre " pour leur exposer les mécanismes complexes des départs en retraite anticipés ;
Considérant par ailleurs qu'il était possible d'échapper à une telle réduction des droits à pension en optant, en application des dispositions prévues par l'article L. 242-3-1 du Code de la Sécurité Sociale, pour le maintien des cotisations à hauteur du salaire correspondant à une activité à temps plein ;
Considérant que cette faculté, connue du Groupe AEROSPATIALE et appliquée pour ce qui concerne les retraites complémentaires, même si elle ne pouvait être imposée à l'employeur, devait être portée à la connaissance des salariés à défaut d'avoir pu faire l'objet de nouvelles négociations avec les organisations syndicales ;
Considérant en conséquence qu'en privant les salariés de ces informations, les sociétés AEROSPATIALE et AEROSPATIALE MATRA MISSILES, concernées à l'époque par les adhésions des salariés aux conventions de pré-retraite progressive, ont manqué à leurs obligations contractuelles de renseignements de bonne foi et d'exécution loyale du contrat de travail ;
Considérant en outre qu'en n'étant avisé par l'avenant au contrat de travail conclu dans le cadre de l'adhésion à la convention de pré-retraite progressive des seules garanties complémentaires au titre de la couverture prévoyance et de l'acquisition des points de retraite supplémentaires (résultats des accords conclus les 11 février 1998 et 30 septembre 1999 avec les organisations syndicales), chaque salarié, reçu individuellement par le personnel qualifié de l'employeur et rassuré quant aux bénéfices procurés par la pré-retraite progressive, a pu penser que ses droits au titre de la pension vieillesse ne subiraient aucune restriction après achèvement de la période de pré-retraite progressive ;
Considérant qu'en n'ayant pas obtenu l'intégralité des informations, les salariés n'ont pu, lors de la proposition d'adhésion aux conventions de pré-retraite progressive, connaître précisément l'étendue de leurs droits pour l'avenir et effectuer ainsi en toute connaissance un libre choix ;
Considérant qu'en ce qui concerne les trois salariés membres d'organisations syndicales ou représentants du personnel (Olga F...- Bernard E...- Joseph A...), il n'est pas démontré qu'à leur niveau au sein de l'établissement de Châtillon leurs fonctions spécifiques ont pu leur permettre, avant l'adhésion individuelle aux conventions de pré-retraite progressive, de connaître l'étendue exacte de leurs droits futurs (aucun de ces salariés n'ayant directement participé aux négociations directes avec les sociétés AEROSPATIALE et AEROSPATIALE MATRA MISSILES) ;
Considérant que la réticence des sociétés AEROSPATIALE et AEROSPATIALE MATRA MISSILES, aux droits desquelles se trouve aujourd'hui la société M. B. D. A France, a occasionné aux salariés un préjudice qui doit faire l'objet d'une réparation ;
Considérant toutefois que l'indemnisation de ce préjudice ne peut correspondre au manque à gagner sur la retraite de chacun des salariés pendant la durée d'espérance de vie ;
Considérant en effet qu'il convient de relever dans le cas présent que l'adhésion à une convention de pré-retraite progressive était destinée à éviter toute mesure de licenciement ou de modification importante du contrat de travail des salariés en raison des difficultés économiques rencontrées par le Groupe AEROSPATIALE et s'est accompagnée du versement de revenus de remplacement et d'indemnisations très supérieures à celles qui auraient été versées aux salariés s'ils avaient quitté l'entreprise à la date de leur retraite effective, ces avantages, reconnus d'ailleurs par les salariés, conservant aux mesures de pré-retraite progressive leur caractère attractif malgré une réduction des droits à pension qu'au demeurant l'entreprise ne pouvait être contrainte d'améliorer en optant pour le régime dérogatoire légal dans le cadre de négociations avec les organisations syndicales ;
Considérant qu'après avoir pris en considération l'ensemble de ces éléments ainsi que l'obligation qui aurait été mise à la charge des salariés en cas d'option pour le régime dérogatoire d'acquitter eux-mêmes des cotisations sociales vieillesse sur la part salariale, la Cour, réformant le jugement déféré, condamne la société M. B. D. A France à payer à chaque salarié la somme de 13 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;
Considérant qu'aucun autre préjudice, tel que moral, n'ayant été démontré par les salariés, il convient de débouter ceux-ci de toute indemnisation complémentaire ;
Considérant qu'il convient de déclarer le Syndicat SYMETAL CFDT recevable en son action fondée sur les dispositions prévues par l'article L. 411-11 du Code du travail et de condamner la société M. B. D. A France à lui verser la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice occasionné par l'entreprise à l'intérêt collectif de la profession ;
Considérant enfin qu'il convient d'accorder à chacun des salariés et au Syndicat SYMETAL CFDT la somme de 250 euros au titre des frais de procédure non taxables exposés tant en première instance qu'en cause d'appel au sens des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et par décision contradictoire,
ORDONNE sous le seul numéro 04/ 01827 la jonction des instances enrôlées sous les numéros 04/ 01827, 04/ 01828, 04/ 01829, 04/ 01830, 04/ 01831, 04/ 01832, 04/ 01833, 04/ 01836, 04/ 01837, 04/ 01838, 04/ 01839, 04/ 01840, 04/ 01841, 04/ 01842, 04/ 01827, 04/ 01828, 04/ 01829, 04/ 01830, 04/ 01831, 04/ 01832, 04/ 01833, 04/ 01836, 04/ 01837, 04/ 01838, 04/ 01839, 04/ 01840, 04/ 01841, 04/ 01842,
INFIRME le jugement rendu le 1 septembre 2003 par le Conseil de Prud'hommes de Boulogne-Billancourt, CONDAMNE la société M. B. D. A France à payer à Jean X..., Pierre Z..., Joseph A..., Jean-Marie B..., Bernard E..., Pierre J..., Monique I..., Bernard G..., Andrée C..., Michel C..., Roland D..., Annie H..., Olga F... et Jean-Jacques K..., à chacun, la somme de 13 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait d'une absence d'informations loyales et complètes lors de l'adhésion aux conventions de pré-retraite progressive,
RECOIT le Syndicat SYMETAL CFDT en son action et CONDAMNE la société M. B. D. A France à lui verser la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement des dispositions prévues par l'article L. 411-11 du Code du travail,
CONDAMNE la société M. B. D. A France à payer à chaque salarié et au Syndicat SYMETAL CFDT, à chacun, la somme de 250 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
DÉBOUTE les parties de toutes autres demandes,
CONDAMNE la société M. B. D. A France aux entiers dépens et aux frais d'exécution de la présente décision.
Prononcé publiquement par madame MININI, Président,
Et ont signé le présent arrêt, madame MININI, Président et madame PINOT, Greffier.
Le Greffier, Le Président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 5è chambre
Numéro d'arrêt : 04/01827
Date de la décision : 19/01/2006

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2006-01-19;04.01827 ?
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