COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 54A 4ème chambre ARRET N° CONTRADICTOIRE DU 14 FEVRIER 2005 R. G. N° 03/ 05066 AFFAIRE : S. A. INTERPROMOTION C/ Didier X...... Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Juillet 2003 par le Tribunal de Grande Instance de CHARTRES N° Chambre : 1 N° RG : 1687/ 02 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : SCP GAS SCP BOMMART MINAULT REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE QUATORZE FEVRIER DEUX MILLE CINQ, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : SOCIETE INTERPROMOTION Route Nationale 10 les Propylées 2 allée Prométhée B. P. 53 28001 CHARTRES CEDEX prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège représentée par la SCP GAS, avoués-N° du dossier 20030640 plaidant par Maître GUERIN avocat au barreau de CHARTRES APPELANTE Monsieur Didier X... ... 28300 JOUY Madame Brigitte Y... épouse X... ... 28300 JOUY représentés par la SCP BOMMART MINAULT, avoués-N° du dossier 29392 plaidant par le Cabinet FIDAL avocats au barreau de CHARTRES INTIMES
Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 26 Novembre 2004 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Bernard BUREAU, Conseiller chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Geneviève BREGEON, Président, Monsieur Bernard BUREAU, Conseiller, Madame Catherine MASSON-DAUM, Conseiller, Greffier, lors des débats : Madame Marie-Christine Z...,
FAITS ET PROCEDURE,
Didier X... et son épouse, Brigitte Y... ont signé, le 12 mai 2001 avec la dame A... un compromis de vente sur un terrain à bâtir rue Jean Pinault à JOUY (28) ; cet acte a été passé par l'intermédiaire de l'agence A2I ; Le même jour, ils ont signé un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plan avec la société INTERPROMOTION, faisant partie du même groupe que l'agence A2I, pour la construction d'un pavillon d'habitation sur ce terrain au prix forfaitaire de 885. 000 francs TTC ; Un permis de construire leur a été accordé le 01 octobre 2001 et l'acte de vente a été régularisé devant notaire le 08 septembre 2001 ; La société INTERPROMOTION a demandé à ses clients la prise en charge d'une étude de sol qui a démontré que le sous-sol était instable et exigeait des fondations par micro-pieux ; un différend s'en est ensuivi sur la prise en charge du surcoût qui en résultait car les époux X... estimaient que cela devait être inclus dans le cadre du prix forfaitaire ; La société INTERPROMOTION a tiré argument de ce que son courtier refusait de lui délivrer une attestation d'assurance dommages-ouvrage en raison des fondations spéciales pour faire valoir que la délivrance de cette attestation constituait une condition suspensive non réalisée et elle a restitué aux époux X... leur acompte ; ces derniers l'ont assignée en réparation du préjudice subi et en nullité du contrat ;
Par jugement du 02 juillet 2003, le Tribunal de grande instance de CHARTRES a : dit que la condition suspensive de l'obtention de l'assurance dommages-ouvrage était réputée accomplie ; annulé le contrat de construction de maison individuelle du 12 mai 2001 ; ä condamné la société INTERPROMOTION à payer aux époux X... la somme totale de 19. 818, 72 de dommages-intérêts en indemnisation de leur préjudice (soit 5. 000 de préjudice moral et trouble de jouissance, 13. 000 de surcoût lié aux fondations sur pieux, 1. 818, 72 en remboursement de la facture SOLEN pour l'étude de sol) ; débouté les époux X... de leurs autres demandes ; ä condamné la société INTERPROMOTION à payer aux époux X... 1. 500 d'indemnité de procédure ; Vu les conclusions de la société INTERPROMOTION, du 21 septembre 2004, auxquelles la Cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et demandes et dans lesquelles elle demande l'infirmation du jugement, la caducité du contrat et le débouté des époux X... en toutes leurs demandes car : l'article 5-1 du contrat fait de l'obtention de l'attestation d'une assurance dommages-ouvrage une des conditions suspensives ; äl'article 2. 5 du contrat précise, par ailleurs, que les travaux ne peuvent commencer avant la fourniture, par le maître de l'ouvrage, d'une étude de sol ; au moment de la signature du contrat, les parties ne connaissaient nullement la consistance du sous-sol et le contrat a donc été rédigé sur la base d'un sol normal devant aboutir à des fondations habituelles ; quand l'étude de sol a finalement été transmise par les époux X..., la nécessité de fondations spéciales sur pieux est apparue inéluctable et l'assurance dommages-ouvrage a refusé de délivrer l'attestation demandée ; ainsi la condition suspensive n'ayant pu se réaliser, le contrat doit être considéré comme caduc sans que puissent être opposées à la société INTERPROMOTION les dispositions de l'article 1178 du code civil puisqu'elle n'a rien fait pour empêcher la condition suspensive de se réaliser ; le contrat de construction, conforme au modèle de l'U. N. C. M. I., est parfaitement valable car elle ne pouvait connaître la nécessité de procéder à des fondations spéciales devant rester à la charge du maître de l'ouvrage si leur nécessité s'en faisait sentir ; äen tout état de cause, les époux X... ne peuvent faire valoir aucun préjudice puisqu'ils ont vendu leur ancienne maison pour convenance personnelle après que la caducité du contrat leur eut été annoncée ; qu'ils ne justifient pas avoir dû habiter dans leur famille ; que cette vente était nécessaire pour financer la construction ; que le surcoût provenant des fondations spéciales doit, de toutes façons, rester à leur charge puisqu'il n'était pas prévu dans le prix forfaitaire de la construction ; la différence de coût entre la maison qu'ils ont finalement fait édifier par la société LES MAISONS LELIEVRE et celle prévue au contrat litigieux provient en large mesure des différences existant entre les deux projets ;
Vu les conclusions des époux X..., du 22 mars 2004, auxquelles la Cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et demandes et dans lesquelles ils demandent la confirmation du jugement sauf sur le montant de l'indemnisation du préjudice moral et de jouissance et le surcoût de la construction qu'ils estiment sous-évalués ou rejetés à tort par le Tribunal ; ils exposent que : le panonceau planté sur le terrain et l'annonce publiée renvoyaient au numéro de téléphone du constructeur qui les a donc obligés à construire avec lui s'ils voulaient acheter la parcelle ; ä la société INTERPROMOTION connaissait, de ce fait, pertinemment la consistance du sous-sol et elle leur a fait signer le contrat de construction de maison individuelle sans aucune réserve sur les résultats à provenir de l'étude de sol et sans chiffrer, non plus, les fondations spéciales éventuelles à réaliser ; quand il a été su qu'il fallait effectuer des fondations sur micro-pieux, la société INTERPROMOTION a refusé d'assurer la prise en charge de ces travaux dans le cadre du prix forfaitaire convenu et elle s'est emparée du défaut d'attestation d'assurance dommages-ouvrage pour prétendre à la caducité du contrat alors qu'elle n'a manifestement pas cherché à souscrire l'assurance en accord avec la nature de la construction projetée, empêchant ainsi volontairement la condition suspensive de se réaliser ; le contrat de construction de maison individuelle est manifestement nul en application des dispositions des articles L. 231-2 et R. 231-5 du code de la construction et de l'habitation ;
SUR QUOI, LA COUR : Attendu que le moyen, tiré par la société INTERPROMOTION, de la caducité du contrat de construction de maison individuelle ne présente d'intérêt que si ce contrat n'est pas jugé nul puisque la condition suspensive ne peut exister que dans le cadre d'un contrat valable et que, d'autre part, la cause de nullité préexiste à la réalisation ou non de la condition suspensive ; que le préjudice est ainsi constitué dès que la nullité est encourue et avant même que ne se pose la question de savoir si la condition est réalisée ou pas ; Or attendu que l'article L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation édicte que le contrat de construction de maison individuelle doit comporter : c) la consistance et les caractéristiques techniques du bâtiment à construire comportant tous les travaux d'adaptation au sol... indispensables à l'implantation et à l'utilisation de l'immeuble ; d) le coût du bâtiment à construire égal à la somme du prix convenu et, s'il y a lieu, du coût des travaux dont le maître de l'ouvrage se réserve l'exécution en précisant :- d'une part, le prix convenu qui est forfaitaire et définitif, sous réserve, s'il y a lieu, de sa révision... et qui comporte la rémunération de tout ce qui est à la charge du constructeur...- d'autre part, le coût des travaux dont le maître d'ouvrage se réserve l'exécution, ceux-ci étant décrits et chiffrés par le constructeur et faisant l'objet de la part du maître de l'ouvrage d'une clause manuscrite spécifique et paraphée par laquelle il en accepte le coût et la charge " ; Attendu qu'en instituant cette législation très formaliste, le législateur a voulu protéger les acquéreurs en leur permettant de connaître, avant toute signature du contrat, le coût réel total de leur construction ; Attendu que cette législation protectrice est d'ordre public (article L. 230-1 du code de la construction et de l'habitation) ; qu'il n'est pas permis d'y déroger et que son non respect entraîne la nullité du contrat ; Attendu qu'en l'espèce le contrat de construction de maison individuelle signé par les époux X... comporte, en son article 2. 2., de la notice, le nota suivant : " Les travaux de fondations spéciales adaptés à la nature particulière du terrain (portance, hétérogénéité, etc...) doivent être chiffrés en annexe, suivant une étude béton armé, après fourniture par le maître de l'ouvrage d'une étude de sol complète " ; Que la mention manuscrite prévue par la loi pour la détermination et le chiffrage des travaux réservés par le maître de l'ouvrage ne concerne que les branchements aux réseaux d'eau potable, d'électricité, de gaz, d'évacuation des E. U, et E. P. ainsi que le chemin d'accès au chantier pour une somme de 19. 500 francs ; Attendu que la consistance et le chiffrage des fondations spéciales ne figurent donc pas au contrat et que les époux X... ont signé ce dernier sans avoir été informés complètement par le constructeur du coût réel de leur projet immobilier ; qu'en vain la société INTERPROMOTION se retranche-t-elle derrière l'impossibilité de connaître la nécessité de fondations spéciales et de les chiffrer précisément en l'absence d'étude de sol fournie par les époux X... alors que la charge d'une telle étude de sol incombe au constructeur (article R. 231-5 du code de la construction et de l'habitation) et qu'il s'évince des termes mêmes de la loi qu'elle doit être préalable à la signature du contrat de construction de maison individuelle ; Attendu, de même, que l'appelante ne peut se retrancher derrière la conformité du contrat avec le modèle-type rédigé par un organisme professionnel puisque cette circonstance n'empêche pas, en l'espèce, que cet imprimé a été volontairement incomplètement rempli par le constructeur ; que le contrat est donc indiscutablement nul et le jugement ne peut qu'être confirmé sur ce point ; Attendu que la faute commise par la société INTERPROMOTION est d'autant plus préjudiciable que cette société a fourni directement le terrain aux époux X... en se présentant comme étant le mandataire du propriétaire ; qu'il est donc manifeste qu'elle n'a vendu ce terrain qu'à la condition que les époux X... contractassent avec elle pour la construction ; qu'il s'évince de ces éléments supplémentaires que les acquéreurs de la parcelle n'ont pas eu le choix du constructeur, que la société INTERPROMOTION connaissait, ou était parfaitement en mesure de connaître, les caractéristiques du terrain et qu'enfin, aujourd'hui, du fait de l'annulation du contrat de construction, les époux X... se retrouvent propriétaires d'une parcelle constructible à un coût prohibitif qu'ils n'auraient peut-être pas achetée s'ils avaient été informés du coût de l'adaptation au sol de l'immeuble à construire ; Attendu qu'il résulte de ces éléments que le préjudice des époux X... se trouve constitué non seulement des frais d'études de sol que le législateur a voulu inclure dans le prix forfaitaire de la construction mais aussi du coût des fondations sur micro-pieux que les époux X... ont dû exposer pour mener à bien leur projet sur un terrain qui leur a été imposé dans ces circonstances ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a accordé aux intimés les sommes de 1. 818, 72 et 13. 000 de ces chefs ; Attendu que l'opération de Attendu que l'opération de construction des époux X... a été différée et contrariée, ce qui a causé aux intimés un préjudice certain ; que, faute de justificatifs supplémentaires en appel, la somme de 5. 000 accordée par le Tribunal sera confirmée ; Attendu que le contrat annulé du 12 mai 2001 prévoyait un délai de construction de dix mois ; que la procédure en cours a obligé les époux X... a différer leur construction ; qu'ils ont donc, de façon certaine, subi un préjudice lié à l'augmentation du prix de la construction, à modèle égal, entre mai 2001 et le 15 avril 2002, date à laquelle ils ont conclu un nouveau contrat avec la société MAISONS LELIEVRE ; qu'à tort le Tribunal leur a refusé l'indemnisation sollicitée de ce chef alors que le jugement doit permettre une indemnisation intégrale des victimes et que ce préjudice est constitué par l'évolution des prix entre les deux dates ;
Attendu, cependant, que ce préjudice ne peut être calculé à partir de la différence de prix entre les deux maisons car les prestations sont différentes ; que l'indemnisation peut être déterminée sur la base de l'évolution des indices professionnels à partir du contrat initial ; qu'il sera donc accordé aux intimés une somme de 2. 905, 50, le jugement étant réformé de ce chef ; Attendu que le contrat étant nul depuis sa souscription, il est dépourvu d'intérêt de s'interroger sur le point de savoir si l'absence de délivrance d'une attestation d'assurance dommages-ouvrage par l'assureur habituel de la société INTERPROMOTION, l'a rendu caduc ou non ; qu'il sera simplement observé, à titre superfétatoire, que l'appelante, qui s'était engagée à procurer la dite assurance à ses clients, n'a manifestement pas cherché à obtenir une police dommages-ouvrage d'une autre compagnie et que le refus d'assurance lui a été délivré avant même que ne soient connues les conclusions de la société SOLEN ce qui démontre que la position de l'assureur n'a pas été prise au vu d'un dossier présentant une étude complète des fondations à envisager ; qu'ainsi les dispositions de l'article 1178 du code civil sont bien applicables à l'espèce ; Attendu qu'il apparaît inéquitable de laisser supporter aux intimés la charge de la totalité des frais irrépétibles qu'ils ont dû engager ; qu'il leur sera accordé une somme de 3. 500 à ce titre ;
PAR CES MOTIFS : Statuant publiquement, par arrêt contradictoire : VU les articles L. 230-1, L. 231-2 et R. 231-5 du code de la construction et de l'habitation ; VU les articles 1134, 1147 et 1178 du code civil ; CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté les époux X... de leur demande d'indemnisation du surcoût de la nouvelle construction ; STATUANT A NOUVEAU, sur le point réformé ; CONDAMNE la société INTERPROMOTION à payer aux époux X... la somme de deux mille neuf cent cinq euros et cinquante centimes d'euros (2. 905, 50) à titre d'indemnisation de ce préjudice avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ; CONDAMNE la société INTERPROMOTION à payer aux époux X... une somme de trois mille cinq cents euros (3. 500) euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; CONDAMNE la société INTERPROMOTION aux dépens d'appel ; ACCORDE à la S. C. P. BOMMART et amp ; MINAULT, avoués associés, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile ; Arrêt prononcé par Madame Geneviève BREGEON, Président, et signé par Madame Geneviève BREGEON, Président et par Madame Marie-Christine Z..., Greffier présent lors du prononcé. Le GREFFIER,
Le PRESIDENT,