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12/05/1999 | FRANCE | N°1996-2525

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre criminelle, 12 mai 1999, 1996-2525


FAITS ET PROCEDURE

Par un acte du 15 avril 1921, la VILLE DE PARIS a donné à bail à Monsieur Clément X... un appartement de sept pièces principales au deuxième étage du bâtiment B d'un immeuble situé 31, rue Bonaparte à PARIS 6ème et ses annexes.

Monsieur Clément X... est décédé en 1928, laissant à sa survivance plusieurs enfants, depuis lors tous décédés.

A la suite du décès de Monsieur Clément X..., son fils Xavier est apparu aux yeux de la VILLE DE PARIS comme le seul locataire de l'appartement.

Par acte du 30 mars 1976, la VILLE DE PARI

S a délivré un congé à Monsieur Xavier X... en application de l'article 4 de la loi du 1er se...

FAITS ET PROCEDURE

Par un acte du 15 avril 1921, la VILLE DE PARIS a donné à bail à Monsieur Clément X... un appartement de sept pièces principales au deuxième étage du bâtiment B d'un immeuble situé 31, rue Bonaparte à PARIS 6ème et ses annexes.

Monsieur Clément X... est décédé en 1928, laissant à sa survivance plusieurs enfants, depuis lors tous décédés.

A la suite du décès de Monsieur Clément X..., son fils Xavier est apparu aux yeux de la VILLE DE PARIS comme le seul locataire de l'appartement.

Par acte du 30 mars 1976, la VILLE DE PARIS a délivré un congé à Monsieur Xavier X... en application de l'article 4 de la loi du 1er septembre 1948 en lui offrant la possibilité de se maintenir dans les lieux.

Monsieur Xavier X... est décédé le 18 août 1983.

Par ordonnance du 28 mars 1989, un huissier audiencié a été commis par le juge des requêtes du tribunal de grande instance de PARIS à l'effet de constater les conditions d'occupation de l'appartement.

Il est apparu que l'appartement était divisé en trois appartements et occupé, le premier par Monsieur Jean-François X... et par Mademoiselle Y... Z..., le deuxième par Mademoiselle Bénédicte A... et le troisième par Monsieur François B... et sa soeur Nicole.

Monsieur Jean-François X... est le petit-fils de Monsieur Clément X..., Mademoiselle Y... Z..., Mademoiselle Bénédicte A..., Monsieur François B... et Mademoiselle Nicole B... sont ses arrière-petits-enfants.

C'est, dans ces conditions que, par acte du 6 mars 1990, la VILLE DE PARIS a fait citer les cinq occupants devant le tribunal d'instance de PARIS 6ème à l'effet de faire constater qu'ils étaient occupants sans droit ni titre, de voir ordonner leur expulsion et d'obtenir

paiement d'une indemnité d'occupation.

Par jugement du 19 mars 1991, le tribunal a débouté la VILLE DE PARIS de toutes ses demandes, a dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire et a mis les dépens à la charge de la VILLE DE PARIS.

Pour statuer ainsi, le tribunal a relevé que le congé du 30 mars 1976 n'avait été délivré qu'à Monsieur Xavier X... qui avait, seul, perdu la qualité de locataire pour devenir occupant maintenu dans les lieux. Il a considéré que Jean-François X..., fils d'un autre fils de Monsieur Clément X..., était titulaire du droit au bail, aucun congé n'ayant été délivré à son père, ni à lui-même, et qu'il en allait de même pour les autres héritiers de Monsieur Clément X..., faute de congé, sauf pour les enfants de Xavier dont le droit a été interrompu par le congé.

La Cour d'appel de PARIS, par arrêt du 7 avril 1993, a réformé cette décision. Elle a dit que les consorts X... n'étaient pas titulaires de droits locatifs et ne bénéficiaient pas d'un droit au maintien dans les lieux, a ordonné leur expulsion, ainsi que celle de tous occupants de leur chef, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la signification de l'arrêt dans les conditions des

articles 61 et suivants de la loi du 9 juillet 1991. Elle a condamné Jean-François X... et Y... Z... d'une part, Bénédicte A... d'autre part, et enfin, François et Nicole B..., à verser à la VILLE DE PARIS la somme de 4.000 Francs pour chacun des trois logements de fait, à titre d'indemnité d'occupation, outre les charges et taxes, à compter de la signification de l'arrêt, le montant du loyer et accessoires étant dû avant cette date. Elle a débouté les parties de leurs autres prétentions, a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et a condamné les consorts X... aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La Cour a estimé que Xavier X..., qui habitait dans les lieux, apparaissait comme titulaire du droit au bail alors que son frère Alain, médecin dans le département de l'Ain, n'avait pas revendiqué de droits locatifs pendant plus de trente ans, laissant son frère Xavier apparaître comme le seul attributaire du droit au bail recueilli dans la succession de leur père ; que Jean-François X..., fils d'Alain, décédé en 1985, n'a pas pu hériter de droits locatifs dont son père était dépourvu ; qu'Yvonne X..., grand-mère des enfants B..., n'a pas non plus revendiqué de droits locatifs pendant plus de trente ans ; que ses enfants et petits-enfants ne peuvent prétendre disposer de ses droits ; qu'après le décès de Xavier X..., ses enfants pouvaient discuter leur éventuel droit au bail mais que tel n'est pas le cas de sa petite fille Bénédicte A... qui ne revendique pas la qualité d'héritière d'un droit locatif et ne peut bénéficier du droit au maintien dans les lieux au regard de l'article 5 de la loi du 1er septembre 1948.

Sur pourvoi formé par Jean-François X..., Y... Z..., Bénédicte A..., François et Nicole B..., la troisième chambre civile de la Cour de cassation, par arrêt du 6 mars 1996, a cassé et annulé, sauf en ce qu'il ordonne l'expulsion de Madame Bénédicte A..., l'arrêt du 7 avril 1993.

La Cour de cassation a considéré que la Cour d'appel avait légalement justifié sa décision à l'égard de Madame Bénédicte A... qui n'avait pas revendiqué la qualité d'héritière d'un droit locatif et ne pouvait bénéficier du droit au maintien dans les lieux.

En revanche, elle a estimé que la Cour d'appel avait violé l'article 1742 du Code civil, le fait que Xavier X... se soit comporté comme unique titulaire du droit au bail ne privant pas les autres héritiers de leurs droits.

Au vu du même texte, elle a relevé que la Cour d'appel n'avait pas donné de base légale à sa décision en ne recherchant pas si Madame

Y... Z... était titulaire d'un droit ou titre d'occupation régulier.

En cet état, la VILLE DE PARIS a saisi la Cour d'appel de VERSAILLES désignée comme Cour de renvoi.

Monsieur Nicolas Z..., arrière petit-fils de Monsieur Clément X..., est intervenu volontairement à l'instance, par conclusions du 29 mai 1996, faisant valoir qu'il était titulaire du droit au bail litigieux.

La VILLE DE PARIS a conclu à la réformation du jugement et à l'expulsion des consorts X... et de tous occupants de leur chef. A titre subsidiaire, au cas où des droits locatifs seraient reconnus aux occupants actuels, elle a demandé le prononcé de la résiliation judiciaire du bail à leurs torts, l'expulsion des consorts X... et des occupants de leur chef. Elle s'est opposée à la demande de restitution formée par Monsieur Z... et a sollicité la condamnation des consorts X... à lui verser, à titre d'indemnité d'occupation, 6.000 Francs en deniers ou quittances, outre les intérêts légaux, pour chacun des trois appartements et 20.000 Francs HT sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Elle a fait valoir :

- qu'au décès de Clément X..., elle n'a connu comme seul attributaire du droit au bail jusqu'à son propre décès en 1983 que Xavier X...,

- que les autres cohéritiers n'ont jamais tenté de faire valoir des droits locatifs,

- qu'en application de l'article 2262 du Code civil, les consorts X... doivent être déboutés de leurs demandes, dès lors, qu'ils n'ont jamais sollicité la qualité de preneur ensuite du décès de Clément X...,

- qu'en raison du congé délivré à Xavier X..., qui, seul, avait droit au maintien dans les lieux, ses héritiers sont irrecevables en leur demande de maintien dans les lieux,

- qu'à titre subsidiaire, la résiliation du bail pour infraction à l'une de ses clauses prohibant tout changement dans la disposition des lieux doit être prononcée puisqu'il apparaît du constat dressé en 1989 que l'appartement a été divisé en trois,

- que Monsieur Z... est mal fondé en sa demande de restitution de l'indemnité d'occupation versée par les consorts X..., rien ne prouvant qu'il agit au nom des consorts X...,

- que l'indemnité d'occupation est due, les consorts X... occupant les lieux sans droit ni titre.

Par conclusions du 25 mars 1997, Madame Y... Z..., Monsieur Jean-François X..., Monsieur François B... et Madame Nicole B... (les consorts X...) ont demandé que l'intervention volontaire de Monsieur Nicolas Z... soit déclarée recevable, que le jugement soit confirmé et que la VILLE DE PARIS soit déboutée de l'ensemble de ses demandes et condamnée à leur verser 20.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Ils ont soutenu :

- que le fait que seul Xavier X... se soit comporté en qualité de preneur ne vaut pas renonciation par ses frères et soeurs, eux-mêmes héritiers de leur père Clément, au droit au bail qu'ils ont recueilli dans la succession,

- que le bail n'est pas perpétuel, la VILLE DE PARIS pouvant mettre fin à la location à charge de respecter les obligations légales,

- que les conditions d'application de l'article 2262 du Code civil ne sont pas remplies,

- que les dispositions de l'article 1742 du Code civil leur bénéficient et qu'ils doivent se voir reconnaître la qualité de locataires indivis,

- que la demande de résiliation judiciaire du bail, présentée pour la première fois devant la Cour, est irrecevable en application des articles 564 et 565 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- que la demande en paiement d'une indemnité d'occupation ne peut aboutir puisqu'ils bénéficient du bail initial.

Ajoutant à leurs écritures antérieures, les consorts X... ont demandé, le 9 octobre 1997, la condamnation de la VILLE DE PARIS à leur restituer 324.000 Francs, avec intérêts au taux légal à compter du 29 mai 1996 et capitalisation des intérêts, et à leur payer 30.000 Francs à titre de dommages-intérêts. Subsidiairement, ils ont sollicité le rejet de la demande de résiliation du bail. Ils ont demandé une somme supplémentaire de 10.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Ils ont exposé :

- que Monsieur Nicolas Z..., agissant par application de l'article 1236 du Code civil, avait acquitté pour leur compte le montant de l'indemnité d'occupation décidée par la Cour d'appel de PARIS,

- que l'arrêt ayant été cassé, les parties se retrouvent dans l'état antérieur constitué par le jugement du 19 mars 1991 en sorte que l'indemnité d'occupation a été perçue sans droit ni titre par le VILLE DE PARIS qui en doit la restitution,

- qu'un constat établi en exécution d'une ordonnance du 9 septembre 1996 établit que l'appartement n'est pas divisé.

Par conclusions du 9 décembre 1997, la VILLE DE PARIS a répliqué :

- que c'était, à bon droit, qu'elle invoquait la prescription trentenaire qui a commencé à courir le jour du décès de Monsieur Clément X..., période pendant laquelle ses héritiers pouvaient revendiquer les droits locatifs trouvés dans la succession de leur auteur,

- que sa demande de résiliation du bail est fondée au vu du constat d'huissier dressé en 1989 et de constats plus récents,

- que la demande de restitution de l'indemnité d'occupation devait être rejetée, l'indemnité devant au contraire être augmentée.

C'est pourquoi, elle a soulevé l'irrecevabilité et le mal fondé de l'intervention volontaire de Monsieur Nicolas Z... et la prescription des demandes de ce dernier et des consorts X... et a sollicité leur expulsion, ainsi que celle de tous occupants de leur chef, sous astreinte de 1.000 Francs par jour de retard jusqu'à la libération effective des lieux. Subsidiairement, elle a demandé le prononcé de la résiliation des baux, l'expulsion des consorts X...,

de Monsieur Nicolas Z... et de tous occupants de leur chef, sous astreinte de 1.000 Francs par jour de retard jusqu'à la libération effective des lieux. Elle a sollicité le rejet de la demande de restitution de l'indemnité d'occupation et la condamnation des consorts X... et de Monsieur Nicolas Z... à payer une indemnité d'occupation de 20.000 Francs par mois à compter des conclusions jusqu'à la libération des lieux et 30.000 Francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par conclusions du 26 janvier 1998, les consorts X... et Monsieur Nicolas Z... ont répliqué en portant à 40.000 Francs leur demande au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile :

- qu'aucune prescription extinctrice n'avait commencé à courir au décès de Clément X..., la qualité d'héritiers leur étant transmise sans formalité,

- que les enfants survivants de Clément X... étant décédés, ce sont ses petits-enfants dont la "quasi-totalité" est en vie qui disposent du bail,

- que c'est de façon erronée que la VILLE DE PARIS poursuit ses arrière-petits-enfants qui n'ont aucun droit direct sur les baux en cause du fait que leurs parents sont pour la plupart encore en vie en sorte que l'action est irrecevable,

- que la demande de résiliation judiciaire du bail est irrecevable

comme nouvelle,

- qu'un constat d'huissier du 15 janvier 1998 établit que l'appartement ne constitue plus qu'une habitation unique et qu'il n'est plus utilisé qu'à usage d'habitation,

- que l'intervention volontaire de Monsieur Nicolas Z... est recevable, celui-ci ayant payé l'indemnité d'occupation et habitant dans l'appartement objet du litige,

- que la demande de restitution de l'indemnité d'occupation est justifiée.

Par conclusions du 28 janvier 1998, Monsieur Nicolas Z... a demandé que le bénéfice des écritures prises par les consorts X... les 25 mars et 9 octobre 1997 lui soit accordé.

Dans d'ultimes écritures du 2 février 1998, la VILLE DE PARIS fait observer que Monsieur Nicolas Z... avait toujours son adresse professionnelle dans les lieux, que sa demande de résiliation n'était pas nouvelle, s'agissant seulement de moyens nouveaux, qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir assigné tous les héritiers de Clément X... qu'elle ne peut tous connaître.

Madame Bénédicte A..., assignée le 17 février 1997 conformément aux dispositions de l'article 659 du Nouveau Code de Procédure Civile, n'a pas constitué d'avoué. La présente décision sera, néanmoins, réputée contradictoire en application de l'article 474 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L'instruction de l'affaire a été déclarée close le 5 février 1998 et l'affaire plaidée à l'audience du 25 février 1998.

Cette Cour de renvoi statuant par arrêt du 18 mars 1998 a rendu la décision suivante :

Vu les articles 13, 31 et 442 du Nouveau Code de Procédure Civile :

- ordonne d'office la réouverture des débats,

- enjoint aux consorts X... et à Monsieur Nicolas Z... de verser aux débats un arbre généalogique complet des descendants de Monsieur Clément X...,

- leur enjoint également de justifier de la dévolution de la succession de Monsieur Clément X... à ses enfants, en produisant toute pièce propre à l'établir, telle qu'un acte de notoriété ou un acte de partage ou une déclaration de succession, ou un certificat de propriété,

- leur enjoint aussi de justifier de la dévolution successorale des enfants de Monsieur Clément X... à leurs propres enfants, et de la dévolution successorale des petits-enfants de Monsieur Clément X..., décédés à ce jour,

- leur enjoint de préciser quels sont les occupants actuels de l'appartement,

- leur enjoint de préciser s'ils remplissent les conditions du droit au maintien dans les lieux au regard de l'article 5 de la loi du 1er septembre 1948,

- renvoie à cette fin l'affaire à la mise en état,

- réserve les dépens et sursoit à statuer.

Les intimés et l'intervenant volontaire ont communiqué diverses pièces justificatives et, en dernier, ils demandent à la Cour de :

1) leur donner acte de ce qu'ils ont satisfait aux demandes formulées par l'arrêt précité,

2) constater que les dispositions de l'article 5 de la loi du 1er septembre 1948 n'ont pas lieu de s'appliquer en l'espèce,

3) leur octroyer l'entier bénéfice de leurs écritures précédentes.

La VILLE DE PARIS, appelante, demande à la Cour de :

- lui adjuger le bénéfice de ses précédentes écritures,

- constater que ni les consorts X..., ni Monsieur Nicolas Z... n'ont répondu aux injonctions de la Cour et ce faisant :

- infirmer le jugement entrepris, et statuant à nouveau :

- déclarer prescrites les demandes des consorts X... et de Monsieur Z...,

- ordonner leur expulsion et celle de tous les occupants de leur chef, sous astreinte de 1.000 Francs par jour de retard, jusqu'à la libération effective des lieux,

- ordonner leur expulsion et celle de tous les occupants de leur chef, sous astreinte de 1.000 Francs par jour de retard, jusqu'à la libération effective des lieux,

Subsidiairement, au cas où par impossible des droits locatifs seraient reconnus aux occupants actuels des lieux dont s'agit :

* prononcer la résiliation judiciaire des deux baux, à leurs torts et griefs, à raison des infractions graves constatées aux obligations contractuelles et réglementaires,

Et en conséquence, ordonner l'expulsion des consorts X... et de Monsieur Nicolas Z..., et celle de tous occupants de leur chef, sous astreinte de 1.000 Francs par jour de retard jusqu'à la

libération effective des lieux,

- débouter les consorts X... et Monsieur Nicolas Z... de leur demande de restitution des indemnités d'occupation versées en exécution de l'arrêt du 7 avril 1993,

- les condamner conjointement et solidairement à payer une indemnité d'occupation de 20.000 Francs par mois, à compter des premières conclusions, jusqu'à la libération des lieux,

- les condamner également sous la même solidarité, à payer à la VILLE DE PARIS, la somme de 30.000 Francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- les condamner en tous les dépens de première instance et d'appel, ces derniers seront recouvrés directement par la SCP BOMMART-MINAULT, avoués à la Cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été signée le 4 mars 1998 et l'affaire plaidée à l'audience du 10 mars 1998.

SUR CE, LA COUR,

I/ Considérant, en droit, qu'en application de l'article 1742 du Code civil, le contrat de louage n'est point résolu par la mort du bailleur, ni par celle du preneur ; qu'en la présente espèce, le locataire originaire Monsieur Clément X... étant décédé en 1928, la circonstance que son fils Xavier se soit comporté comme unique titulaire du droit au bail -notamment en réglant les loyers, en se faisant adresser personnellement le décompte de surface corrigée, ainsi que la correspondance concernant cette location et en se faisant délivrer, à non nom des quittances- n'a pas privé les autres héritiers de leurs droits ;

Considérant que les intimés (consorts C...) qui ont constitué avoué et l'intervenant volontaire Monsieur Nicolas Z... (dont l'intérêt à agir est certain et légitime, en vertu de l'article 554 du Nouveau Code de Procédure Civile), ont démontré qu'ils avaient bien la qualité d'héritiers de Monsieur Clément X... dont ils sont les arrière-petits-enfants comme l'établissent l'arbre généalogique et les actes d'état-civil qu'ils ont communiqués et qui ne font l'objet d'aucune critique ou contestation de la part de la VILLE DE PARIS ;

Considérant que le présent litige sera tranché par application des dispositions du droit commun des baux d'habitation, et aussi sur le

fondement de l'article 1742 du Code civil ; que les références à l'application de la loi du 1er septembre 1948, et notamment à l'article 5 de cette loi, sont donc inopérantes et que la Cour les écarte sans avoir davantage à entrer dans le détail de cette argumentation ;

Mais considérant que les consorts C... doivent ensuite démontrer qu'ils occupent tous, effectivement les lieux litigieux, qu'ils s'y comportent comme des locataires qui remplissent toutes leurs obligations attachées à cette qualité, et qu'ils y ont leur domicile, celui-ci étant défini comme représentant le lieu de leur principal établissement, au sens de l'article 102 du Code civil ; que dans leurs dernières conclusions du 22 février 1999, les intimés et l'intervenant volontaire se bornent à affirmer que "l'appartement est occupé à titre permanent" par eux, ou du moins, "de façon régulière

mais non permanente" par Monsieur François B... et par Mademoiselle Nicole B... sans cependant que ceux-ci ne précisent quel est leur domicile ; qu'il est, en effet, de l'essence même du contrat de bail, que soit conféré aux locataires un droit de jouissance des lieux qui leur ont été délivrés, ce qui suppose nécessairement une occupation effective et durable des locaux, laquelle, seule, peut leur donner un intérêt personnel et actuel à agir en cette qualité de locataires ;

Considérant que cette preuve n'est pas rapportée et que, notamment, les intéressés ne produisent pas de documents justificatifs au sujet de cette occupation effective des lieux, à usage d'habitation, dès avant mars 1990, notamment par la production de factures de téléphones, de gaz, d'électricité, ou par la réception de courriers personnels ou officiels à cette adresse du n° 31 de la rue BONAPARTE, ou par la production de leurs cartes d'identité ou de leurs cartes d'électeurs indiquant ce domicile, ou par leur avis d'imposition ou leurs déclarations fiscales de revenus ;

Considérant, en définitive, que leur seule qualité d'héritiers, en application de l'article 1742 du Code civil, ne peut être constitutive à leur profit d'un titre d'occupation, alors, qu'en réalité, leur occupation effective et durable, voire permanente des locaux litigieux n'est pas démontrée, ce qui les prive donc d'un intérêt actuel, certain et direct, à agir en tant que locataires ;

Considérant que le jugement déféré est donc infirmé et que l'expulsion des intimés et de l'intervenant volontaire et de tous occupants de leur chef est prononcée ; que cette expulsion et la séquestration du mobilier se feront conformément aux dispositions des articles 21 et 61 à 66 de la loi du 9 juillet 1991, modifiée par la loi du 29 juillet 1998 ;

Considérant que la Cour a les éléments d'appréciation qui lui permettent de fixer à 15.000 Francs par mois l'indemnité d'occupation qui est dû, in solidum, par les consorts D... ; que la Cour les condamne donc in solidum à payer cette indemnité mensuelle à la VILLE DE PARIS ; que les intimés et l'intervenant volontaire sont donc déboutés de leur demande en restitution des indemnités d'occupation qu'ils ont versées en exécution de l'arrêt du 7 avril 1993 ;

Considérant que l'indemnité d'occupation ci-dessus fixée, in solidum, à 15.000 Francs par mois est due à compter de la date du présent arrêt qui fixe cette créance à caractère indemnitaire, et jusqu'à la libération complète des lieux ;

Considérant, qu'en vertu de l'article 1728 du Code civil, les intimés et l'intervenant volontaire avaient l'obligation d'user de la chose louée en bons pères de famille et suivant la destination qui lui avait donnée par le bail, étant constant que le bail d'origine, de 1921, stipulait expressément que les "locaux loués/étaient/destinés à usage d'habitation" et que "cette destination ne pourra/it/ être modifiée sans l'autorisation préalable et par écrite de l'Administration" ;

Considérant que ce contrat faisant la loi des parties devait être

exécuté de bonne foi par les héritiers qui se réclament de la qualité de locataires, en vertu de l'article 1742 du Code civil ;

Mais considérant qu'il a été démontré par l'appelante, notamment par la production du procès-verbal de constat d'huissier établi le 10 août 1989, que les deux appartements de sept pièces qui formaient un tout indivisible, visé dans le bail d'origine de 1921, avaient été divisés en trois appartements distincts, occupés par :

* Monsieur François X... et "son amie" Mademoiselle Y...

Z...,

* Mademoiselle Bénédicte A...,

* Monsieur François B... et sa soeur Nicole,

et que, d'autre part, les autres locaux donnés à bail n'étaient pas occupés ; qu'il a été précisé devant l'huissier que "cet appartement avait été secteurisé en 1984" et qu'il avait, alors, été divisé en trois appartements, étant de plus observé que le règlement de copropriété ne fait pourtant de cet appartement qu'un seul lot qui porte le numéro 24 ;

Considérant, de plus, qu'un second constat d'huissier établi le 10 février 1997, après de multiples tentatives infructueuses courant octobre, novembre et décembre 1996 -qui démontrent l'inertie et la mauvaise volonté des intimés et de l'intervenant volontaire qui, manifestement ne voulaient pas que le vrai état des lieux soit constaté- a démontré que Monsieur Nicolas Z... qui n'était pas apparu en août 1989, occupait, lui-aussi, une partie des locaux ; qu'en outre, l'huissier a constaté qu'à gauche, dans l'entrée, existait une pièce à usage de bureau (pièce "E), et qu'il s'agissait "essentiellement d'une pièce professionnelle" où certes, existait un lit, mais sans literie et où "la totalité de l'ameublement, à l'exception du lit de bois, est à usage de bureau" (page 4 du constat) ; que l'huissier a précisé qu'une seule pièce "G" était meublée d'une manière indiscutable en tant que chambre et qu'au cours de sa visite, entre 19h 30 et 20h 30, il n'avait vu personne dans les lieux, sauf Monsieur Nicolas Z... ; que, par ailleurs, deux pièces "A et B" n'ont pas pu être visitées par l'huissier et que Monsieur Nicolas Z... s'est borné à prétendre que par "respect pour la vie privée" de Monsieur François B... et de Mademoiselle Nicole B..., in ne pouvait laisser l'huissier visiter ces deux pièces, ce qui, en définitive, ne permet pas aux intimés et à l'intervenant volontaire de faire la preuve leur incombant que la vraie destination de cet appartement loué à usage d'habitation, avait bien été respectée par eux ;

Considérant, en définitive, que ces deux procès-verbaux d'huissier démontrent que :

- d'abord, dès août 1989, les locaux avaient été transformés

sans que les héritiers ne prétendent qu'ils avaient obtenu "le

consentement préalable et par écrit de l'Administration", prévu

dans le contrat de bail ;

- l'usage d'habitation n'a pas été respecté et cette distinction

des lieux a été modifiée, là encore, sans l'autorisation préalable

et par écrit de l'Administration ;

- il n'a pas été possible de constater exactement qui habitait

effectivement dans les lieux et qui pouvait prétendre y avoir son

domicile ou, au contraire, y avoir seulement un bureau ou une

pièce à usage purement professionnel ;

Considérant que ces manquements graves et répétés justifient donc la résiliation du bail qui est prononcée aux torts exclusifs des consorts E... et B..., intimés et intervenant volontaire, en application des articles 1134, 1184 et 1741 du Code civil ; que, si besoin est, l'expulsion des intéressés et de tous occupants de leur chef, ainsi que la séquestration de leur mobilier, sont donc ordonnées de ce chef, et ce, sous astreinte provisoire de 1.000 Francs pour chacun, par jour de retard jusqu'à la libération effective et complète des lieux ;

III/ Considérant que les consorts F... et Z... succombent en tous leurs moyens et qu'ils ne démontrent ni la faute commise par l'appelante, ni le préjudice qui leur aurait été ainsi directement causé, qui pourraient justifier leur demande en paiement de 30.000 Francs de dommages et intérêts ; qu'ils sont donc déboutés de ce chef de demande infondé et injustifié ; que de plus, compte tenu de l'équité, ils sont déboutés de leur demande en paiement de sommes en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Considérant par contre que, compte tenu de l'équité, les six intimés et intervenant volontaire sont condamnés in solidum à payer à la VILLE DE PARIS la somme de 20.000 Francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoirement,

en audience solennelle, sur renvoi après cassation :

VU l'arrêt de la Cour de cassation du (3ème chambre civile) du 6 mars 1996 :

VU l'arrêt de cette Cour de renvoi du 18 mars 1998 :

I/ VU l'article 1742 du Code civil :

VU l'article 31 du Nouveau Code de Procédure Civile :

. INFIRME le jugement déféré et STATUANT A NOUVEAU :

. ORDONNE l'expulsion des lieux litigieux n° 31, rue BONAPARTE (PARIS 6ème) de Monsieur jean-François X..., Madame Y... Z..., Bénédicte A..., Monsieur François B..., Mademoiselle Nicole B... et de Monsieur Nicolas Z..., ainsi que celle de tous occupants de leur chef, et ORDONNE la séquestration de leur mobilier, qui se feront

conformément aux dispositions des articles 21 et 61 à 66 de la loi du 9 juillet 1991 (modifiée par la loi du 29 juillet 1998) ;

. FIXE à 15.000 Francs par mois l'indemnité d'occupation due par eux, in solidum ;

. LES CONDAMNE in solidum à payer cette indemnité d'occupation à la VILLE DE PARIS ;

. LES DEBOUTE de leur demande en restitution des indemnités d'occupation qu'ils ont versées en exécution de l'arrêt du 7 avril 1993, et qui se compenseront avec celles-ci fixées dessus ;

. JUGE que cette indemnité d'occupation est due à compter du présent arrêt jusqu'à la date de la libération complète des lieux ;

II/ VU les articles 1134, 1184, 1728-1° et 1741 du Code civil et 556 du Nouveau Code de Procédure Civile :

Si besoin est, en outre :

. DECLARE recevable la demande en résiliation du bail, formée par l'appelante ;

ET Y FAISANT DROIT :

. PRONONCE la résiliation du bail aux torts des intimés et de l'intervenant volontaire, et ORDONNE donc leur expulsion, de ce chef, et celle de tous occupants de leur chef, ainsi que la séquestration de leur mobilier, et ce, sous astreinte provisoire de 1.000 Francs pour chacun, par jour de retard, jusqu'à libération effective et complète des lieux ;

III/ DEBOUTE les consorts G... et B... de leurs demandes de dommages et intérêts, et de paiement des sommes en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

. LES CONDAMNE in solidum à payer à la VILLE DE PARIS la somme de

20.00 Francs (VINGT MILLE FRANCS) en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

LES CONDAMNE à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre eux par la SCP d'avoués BOMMART-MINAULT conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET :

Le Greffier,

Le Président,

Claudette DAULTIER

Alban CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 1996-2525
Date de la décision : 12/05/1999
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

BAIL (règles générales) - Preneur - Décès - Héritier - Droit au bail

Le contrat de louage n'étant point résolu par la mort du bailleur ni par celle du preneur, aux termes de l'article 1742 du Code civil, la circonstance que l'un des fils d'un locataire prédécédé se soit comporté, en qualité d'héritier, comme unique, titulaire du droit au bail des lieux loués, n'a pas pour effet de priver de leurs droits les cohéritiers qui démontrent la réalité de leur qualité dès lors qu'ils démontrent qu'ils se comportent comme tels, remplissant toutes les obligations attachées à cette qualité, notamment, en occupant, tous et effectivement, les lieux litigieux et en y ayant fixé leur domicile, au sens de lieu de principal établissement défini par l'article 102 du code civil


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1999-05-12;1996.2525 ?
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