Par acte d'huissier au 17 mars 1994, Madame Mireille X... a fait assigner devant le Tribunal d'Instance de SANNOIS Madame Y... aux fins de la voir condamner à lui payer la somme de 8.265,00 francs et celle de 10.000,00 francs de dommages-intérêts pour "préjudice moral".
Elle a exposé qu'elle avait recueilli un chien errant, le 6 août 1991, qu'après avoir fait en vain toutes les démarches pour retrouver le propriétaire, elle avait engagé divers frais vétérinaires et s'était attachée à ce chien qu'elle avait nourri ; selon elle, le 1er octobre 1991, alors qu'elle promenait le chien, celui-ci avait été enlevé brusquement, par en fait, la propriétaire du chien ; Madame X... qui prétend qu'elle l'ignorait, a déposé plainte pour le vol du chien.
Elle a donc sollicité devant le Tribunal d'Instance des dommages-intérêts car, selon elle, Madame Y... n'aurait fait aucune démarche amiable pour récupérer son chien, se manifestant plusieurs mois après sa disparition et laissant ainsi Madame X... s'attacher à l'animal.
Elle a demandé également une somme de 8.265,00 francs pour les frais d'entretien qu'elle avait exposés, se décomposant comme suit : - Frais de vétérinaire
2.585,00 Frs, - Collier
80,00 Frs, - Nourriture pendant 56 jour en raison de 100,00 francs par jour
5.600,00 Frs,
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8.265,00 Frs.
Madame Y... a sollicité le rejet des demandes indiquant que son chien s'était échappé le 26 août 1991 et non le 6, que sa disparition avait été signalée au Commissariat et au registre canin ; qu'en réalité le chien avait été reconnu par des voisins, alors que Madame X... le promenait, mais cette dernière prenait la fuite à chaque fois ; que son attitude avait donc obligé Madame Y... à recourir à la police pour récupérer son chien.
Par ailleurs, elle a précisé qu'il n'était pas possible de ne pas avoir effectué son changement d'adresse auprès de la Société CANINE depuis 1984 alors que le chien est né en 1988.
Le Tribunal d'Instance statuant publiquement et contradictoirement a, par jugement du 25 août 1994, rendu la décision suivante :
- Déboute Madame X... de ses demandes principales.
- Déboute Madame Y... de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts.
- Condamne Madame X... à lui verser la somme de 1.500,00 francs (mille cinq cents francs) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
- La condamne aux dépens qui seront recouvrés comme en matière d'Aide Juridictionnelle.
Le 6 avril 1995, Madame Mireille X... née Z... a interjeté appel.
Elle demande à la Cour de :
- Réformer le jugement entrepris,
Et statuant a nouveau :
- Condamner Madame Y..., sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil, à payer à Madame X... la somme de 8.265,00 Frs en réparation du préjudice matériel qu'elle a subi, outre celle de 10.000,00 Frs en réparation du préjudice moral,
- Débouter Madame Y... de ses plus amples demandes, fins et conclusions.
- La condamner aux entiers dépens d'instance et d'appel, ces derniers recouvrés directement par la SCP KEIME etamp; GUTTIN conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Madame Martine Y... demande à la Cour de :
- Confirmer le jugement rendu le 25 août 1994 par le Tribunal d'Instance de SANNOIS,
- Y ajoutant :
- Condamner Madame X... au paiement de la somme de 10.000,00 francs à titre de dommages-intérêts,
- La condamner au paiement d'une amende civile de 10.000,00 francs,
- La condamner au paiement de la somme de 8.000,00 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- La condamner aux dépens et autoriser la SCP LEFEVRE etamp; TARDY, Avoués à recouvrer directement ceux la concernant, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
L'ordonnance de clôture a été signée le 26 juin 1997 et les parties ont fait déposer leurs dossiers à l'audience du 14 octobre 1997.
SUR CE, LA COUR
I) - Considérant que Madame Y... n'ignorait pas que le chien qu'elle avait recueilli en août 1991, n'était pas un animal abandonné (res derelicta) et qu'il avait un maître, et que, cependant, elle l'a rapidement fait identifier à son nom, puis l'a fait castrer, marquant ainsi un droit d'appropriation qu'elle ne pouvait avoir sur cet animal ; que de plus, le 30 septembre 1991, elle refusait de restituer ce chien à la police, et que les attestations explicites et concordantes fournies par Madame Y... et qui ne sont pas discutées par l'appelante, établissent que celle-ci, reconnue par des voisins de la propriétaire, s'était enfuie avec l'animal dans ses bras ; que de plus, il est constant que Madame X... n'a pas déclaré au Commissariat de Police qu'elle avait découvert ce chien et qu'elle voulait le garder ;
Considérant que, contrairement à ce que prétend l'appelante, Madame Y... a procédé rapidement à de nombreuses diligences pour retrouver son chien (dès le 28 août 1991) et, qu'en tout état de cause, ce point de fait est inopérant, alors qu'il est constant que, dès le 30 septembre 1991 puis le 1er octobre 1991 , la propriétaire agissait et qu'il fallait l'intervention de la police pour qu'elle puisse obtenir la restitution de son animal indûment retenu par Madame X... ;
Considérant que Madame X... s'est abusivement comportée en maître de cet animal, et que c'est délibérément et dans son unique intérêt personnel, qu'elle a procédé à certains débours, entre le 6 août 1991 (selon elle) et le 1er octobre 1991 ; que notamment, elle ne peut sérieusement prétendre que les frais du nouveau tatouage et les frais de castration de cet animal auraient été faits dans l'intérêt de la propriétaire Madame Y..., par une sorte de gestion d'affaires pour autrui, et que celle-ci lui en devrait donc le remboursement ; que l'appelante est déboutée de toutes ses demandes de ces chefs et que le jugement est confirmé sur ces points ;
Considérant que cette appropriation étant illégitime et ces frais et débours n'ayant pas été faits en vue de gérer les affaires et les intérêts de la propriétaire Madame Y..., l'appelante n'est donc pas fondée à réclamer la réparation d'un "préjudice moral" qu'elle aurait subi, et ce, en se prévalant vainement des articles 1382 et 1383 du Code Civil, alors qu'il est évident qu'aucune faute ne peut être imputée à Madame Y... ; qu'elle est donc déboutée de sa demande en paiement de 10.000,00 francs de dommages-intérêts de ce chef ;
II) - Considérant qu'il résulte de la motivation ci-dessus développée, que Madame X... s'est indûment appropriée cet animal, à qui, de plus, elle a imposé, sans nécessité, la mutilation d'une castration et l'épreuve d'un nouveau tatouage ; qu'en outre, elle a refusé de restituer spontanément cet animal à sa propriétaire et que ce n'est que, face à l'intervention de la police, qu'elle l'a rendu ; que par ses agissements fautifs, elle a privé Madame Y... et ses enfants de la présence de leur chien à leur foyer (où il était arrivé en 1986) et leur a ainsi causé un préjudice certain et direct en réparation duquel elle est donc condamnée à payer 5.000,00 francs de dommages-intérêts ;
Considérant que cet appel non sérieusement soutenu est abusif et qu'en application de l'article 559 du Nouveau Code de Procédure Civile, la Cour condamne donc Madame X... à une amende civile de 5.000,00 francs ; que de plus, la Cour, en vertu de l'article 46 de la loi du 10 juillet 1991, condamne Madame X... à rembourser toutes les sommes exposées par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ; Considérant enfin que, compte tenu de l'équité, Madame X... qui succombe entièrement est condamnée à payer à Madame Y... la somme de 5.000,00 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, pour leurs frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement :
- DEBOUTE Madame Mireille X... des fins de son appel et de toutes les demandes que celui-ci comporte,
- ET AJOUTANT au jugement :
- CONDAMNE Madame X... à payer à Madame Martine Y... , 5.000,00 francs (CINQ MILLE FRANCS) de dommages-intérêts et la somme de 5.000,00 francs (CINQ MILLE FRANCS) en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- VU l'article 559 du Nouveau Code de Procédure Civile :
- CONDAMNE l'appelante à une amende civile de 5.000,00 francs (CINQ MILLE FRANCS),
- VU l'article 46 de la loi du 10 juillet 1991 :
- LA CONDAMNE à rembourser toutes les sommes exposées par l'état au titre de l'aide juridictionnelle,
- LA CONDAMNE à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre elle par la SCP d'Avoués LEFEVRE et TARDY, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile et à celles de la loi sur l'Aide Juridictionnelle.