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17/11/2022 | FRANCE | N°20/011971

France | France, Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion, 02, 17 novembre 2022, 20/011971


AFFAIRE : N RG No RG 20/01197 - No Portalis DBWB-V-B7E-FMUJ
Code Aff. : ARRÊT N L.C.
ORIGINE :JUGEMENT du Pole social du TJ de SAINT-DENIS DE LA REUNION en date du 27 Février 2020, rg no 19/00849

COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS
DE LA RÉUNION

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2022

APPELANTE :

Société REUNIONNAISE DU RADIOTELEPHONE
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Virginie GARNIER, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMÉES :

Caisse CAISSE GENERALE DE SECURITE SOCIALE DE LA REUNION
Pôle expertis

e Juridique Santé
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentant : Mme [F] en vertu d'un pouvoir

Madame [X] [R]
[Adresse 6]
[...

AFFAIRE : N RG No RG 20/01197 - No Portalis DBWB-V-B7E-FMUJ
Code Aff. : ARRÊT N L.C.
ORIGINE :JUGEMENT du Pole social du TJ de SAINT-DENIS DE LA REUNION en date du 27 Février 2020, rg no 19/00849

COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS
DE LA RÉUNION

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2022

APPELANTE :

Société REUNIONNAISE DU RADIOTELEPHONE
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Virginie GARNIER, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMÉES :

Caisse CAISSE GENERALE DE SECURITE SOCIALE DE LA REUNION
Pôle expertise Juridique Santé
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentant : Mme [F] en vertu d'un pouvoir

Madame [X] [R]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentant : Me Xavier BELLIARD de l'AARPI BELLIARD-RATRIMOARIVONY, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

DÉBATS : En application des dispositions de l'article 946 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 septembre 2022 devant la cour composée de :

Président : M. Alain LACOUR
Conseiller : M. Laurent CALBO
Conseiller : Mme Aurélie POLICE,
Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.

A l'issue des débats, le président a indiqué que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition le 17 novembre 2022.

ARRÊT : mis à disposition des parties le 17 NOVEMBRE 2022

greffier lors des débats : Mme Delphine GRONDIN
greffier du prononcé par mise à disposition au greffe : Mme Nadia HANAFI

* *
*

LA COUR :

Exposé du litige :

Mme [R] a été embauchée par la Société Réunionnaise du Radiotéléphone (la société) en qualité de vendeuse, selon contrat à durée indéterminée prenant effet au 30 septembre 2002, avec reprise d'ancienneté au 29 décembre 2000.

Suivant avenant du 27 mars 2007, Mme [R] a été promue au poste de responsable de point de vente.

Le 15 novembre 2012, Mme [R] a été victime d'un accident du travail pris en charge par la Caisse générale de sécurité sociale de La Réunion (la caisse) au titre de la législation sur les risques professionnels.

Suite à l'avis d'inaptitude sans possibilité de reclassement rendu par la médecine du travail les 28 septembre et 13 octobre 2015, Mme [R] a été licenciée le 11 décembre 2015.

Par arrêt du 23 juin 2020, la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion a jugé fondé le licenciement de Mme [R] et l'a déboutée de ses demandes indemnitaires.

Par requête du 22 février 2019, Mme [R] a saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Saint-Denis de la Réunion, devenu tribunal judiciaire à compter du 1er janvier 2020, aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur à l'origine de l'accident du travail.

Par jugement du 27 février 2020, le tribunal a notamment, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, dit que l'accident du travail dont a été victime Mme [R] est imputable à la faute inexcusable de la société, ordonné avant dire droit sur l'évaluation des préjudices de la victime une expertise judiciaire, fixé au taux maximum la majoration de l'indemnité en capital, ou, le cas échéant de la rente, dit que la majoration de capital sera toujours fixée au maximum légal quel que soit le taux d'incapacité permanente partielle, dit que la caisse pourra récupérer auprès de la société les sommes mises à sa charge, condamné la société au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens

Appel de cette décision a été interjeté par la société par acte du 22 juillet 2020 (RG 20/1197), régularisé par acte du 28 avril 2021 (RG 21/750).

Par ordonnance du 4 mai 2021, la jonction de ces procédures a été ordonnée pour se poursuivre sous l'unique numéro RG 20/1197.

L'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience du 10 mai 2022, date à laquelle le renvoi a été sollicité par les parties et ordonné à l'audience du 13 septembre 2022.

* *

Vu les dernières conclusions déposées par la société le 2 décembre 2021, auxquelles elle s'est expressément référée lors de l'audience de plaidoiries du 13 septembre 2022 ;

Vu les dernières conclusions notifiées par Mme [R] le 1er mars 2022, auxquelles elle s'est expressément référée lors de l'audience de plaidoiries ;

Vu les dernières conclusions déposées par la caisse le 7 décembre 2021, auxquelles elle s'est expressément référée lors de l'audience de plaidoiries ;

Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu'aux développements infra.

Sur ce :

Sur l'absence d'effet dévolutif de l'appel:

Vu les articles 562 et 933 du code de procédure civile, dans leur rédaction applicable au litige, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mme [R] soulève l'absence d'effet dévolutif de l'acte d'appel du 22 juillet 2020 et la caducité de l'acte d'appel du 28 avril 2021.

D'une part, s'agissant d'une procédure orale, l'appelant peut régulariser son acte d'appel initial avant la clôture des débats, ce qu'il a fait en adressant une déclaration d'appel rectificative comportant les chefs de jugement critiqués. En outre, aucune caducité de la déclaration d'appel n'est encourue dans le cadre de cette procédure.

D'autre part, compte tenu du caractère oral de la procédure sans représentation obligatoire, la déclaration d'appel qui omet d'indiquer les chefs du jugement critiqués, doit s'entendre comme déférant à la connaissance de la cour d'appel l'ensemble des chefs de ce jugement.

L'acte d'appel a donc opéré effet dévolutif de l'ensemble des chefs de jugement entrepris.

Sur la radiation de l'affaire :

Vu l'article 524 du code de procédure civile;

La caisse sollicite la radiation de l'affaire en l'absence d'exécution par la société de la décision frappée d'appel.

Cette demande relevant de la compétence du premier président et non de la cour, il n'y a pas lieu à statuer sur ce point.

Sur la faute inexcusable de l'employeur :

Vu les articles L.452-1 du code de la sécurité sociale, L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail ;

La faute inexcusable de l'employeur, visée à l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale, est constituée par le manquement de l'employeur à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé de son salarié, ayant conduit à la survenance d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, alors qu'il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Par ailleurs, si l'article L.4121-1 du code du travail énonce que l'employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'article L.4122-1 du code du travail prévoit qu'il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail.

En l'espèce, Mme [R] agit en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur dans la survenance de l'accident du travail du 15 novembre 2012.

Elle ne produit ni la déclaration d'accident du travail, ni le certificat médical initial désignant les lésions médicalement constatées. Si la société produit le certificat médical initial daté du 23 novembre 2012 et les certificats médicaux de prolongation, il s'agit des exemplaires destinés à l'employeur sur lesquels ne figure pas la constatation des lésions médicalement constatées.

Toutefois, les certificats médicaux des 14 septembre 2015 et 25 avril 2016 du docteur [K], psychiatre des hôpitaux (pièces 7 et 9 / intimée), précisent que les faits du 15 novembre 2012, survenus sur le lieu et au temps du travail, ont occasionné à Mme [R] un stress post-traumatique.

Aux termes de ses écritures, la société ne conteste pas le caractère professionnel des lésions. Elle estime uniquement que le déroulement des faits à l'origine des lésions demeure imprécis en l'absence de tout témoignage et des différentes versions présentées par Mme [R], et réfute toute prise d'otage, agression ou injures dont aurait été victime la salariée.

S'agissant des circonstances de l'accident du travail du 15 novembre 2012, Mme [R] a adressé le courriel du 21 novembre 2012 (pièce 21 / salariée) au représentant de l'employeur rédigé en ces termes : « Bonjour [M],
Je reviens vers toi, concernant Mr [U]
Rappel : D'après ce client il est passé à plusieurs reprises dans d'autres agences qui ne s'est pas occupé de lui puis il est passé par moi. Il m'a prit en otage dans mon bureau pendant 2 heures, ce client aurait eu un chèque de notre service d'un montant de 1026€ pour des problèmes d'options misent en place sans sa demande depuis 2006, mais le chèque était vraiment raturé et sa banque a refuser l'encaissement...
J'ai scanné le chèque au service concerné et à mon RZ, j'ai pu débloquer la situation du client pour laquelle il est venu le jour même avec l'aide de M. [J] (virement)...
Toute la durée de négociation dans mon bureau ce client était très en colère et menaçant envers moi je suis sortie de là très angoissée.
A la fin de journée, il me remercie toujours en menaçant qu'il reviendra car le montant de 1026€ ne lui convient pas, qu'il souhaite 30 000 euros et qu'il va falloir que je m'occupe de lui... autrement il fait appel à la radio-tv et différents journaux...
Je pense avoir fait ce qu'il fallait pour ce client, mais je n'ai pas la main sur ce qu'il demande. Le problème c'est qu'il est très menaçant c'est pour cela que je préfère que tu sois informé et que quelqu'un m'aide ou reprend ce cas client.
Merci. ».

Dans un document écrit non daté, intitulé « Mes questions, mes interrogations, mes angoisses, mon stress dans une entreprise ou je me suis donnée à fond.. Je suis perdu ce jour » (pièce 2 / société), adressé par Mme [R] à son employeur, la salariée indiquait concernant les faits : « Entretemps, j'ai eu une très mauvaise aventure à la boutique du [Localité 7] j'étais (prise à partie, retenu par un client pendant + de deux heures, le client était menaçant car il voulait une solution de suite sous peine de tout explosé et moi avec)...Heureusement le vigile était à ma porte veillant au geste du client ...j'ai enfin pu débloquer enfin le cas du client en fin de journée. Pour information le cas du client n'avait rien à voir avec la boutique...Quand je quitte enfin la boutique à 17h30 alors que je devais terminer à 15h30 j'informe immédiatement mon RZ, par texto puis par la voix pour lui faire part de mon état (gros stress, crise d'angoisse, je n'arrivais plus a m'exprimé, a respiré) et lui il rigole et me dit amuse toi bien ».

Mme [R] produit encore une note non datée (pièce 4) qu'elle a elle-même rédigée comme suit : « C'était à LTB le [Localité 7], j'étais (prise a parti, retenu par un client pendant près de 2 heures le client était très menaçant car il voulait une solution de suite sous peine de tout explosé et moi avec.)...
Voila : C'était vers 15h ce client se pointe à l'accueil en demandant à voir un responsable et que c'est urgent, je l'accueil et le conduit jusqu'à mon bureau, le client insiste et me demande « c'est bien vous la responsable on est bien d'accord ». Indirectement je me rends compte que le vigile n'est pas loin... je lui demande ce que je peux faire pour l'aider, il commence à s'énerver en me disant que SFR sont des voleurs, qu'il est déjà passé a plusieurs reprise dans l'autre point de vente et personne ne pouvait l'aider, même pas notre service client, que tous sont des incapables, qu'il ne quittera pas mon bureau et moi non plus si une solution n'est pas trouvé...
Il s'en prend à moi en me disant qu'il souhaite pour moi que je suis a la hauteur de sa réclamation autrement je vais l'entendre.. Il continu pendant un bon moment à me sortir des menaces, des insultes et moi je ne savais toujours pas pourquoi il est venu...
Il me parle de son fils qui n'a pas eu de cadeau a cause de SFR que nous sommes des irresponsables
et que la il va falloir que je lui trouve la solution...
Mon stress monte de plus en plus, le client devient menaçant ?
Il commence enfin à me parler de sa réclamation des soucis qu'il aurait eu sur sa ligne depuis 2006, que SFR lui doit beaucoup d'argent et que le problème n'est toujours pas régler et que tout le personnel chez SFR lui envoie baladé...C'était confus pour moi au départ car je ne comprenais pas bien ce qu'il voulait, a part ses menaces... il me disait qu'il avait reçu un chèque de SFR mais que c'est refusé par sa banque..que c'est une vraie honte de la part de la part de notre société. Il hausse la voix, l'angoisse est de plus en plus fort, j'essaie de placer un mot, de comprendre ce qui se passe je lui demande si je peux voir le chèque.
Il me sort enfin un chèque de sa poche, un chèque de SRR (chèque de la BNPI mais complètement raturé d'où le refus de sa banque). Je ne croyais pas mes yeux et lui annonce que j'essaie de lui trouver une solution, il s'énerve encore plus en me disant qu'il va falloir et urgemment...
J'appel notre service client pour essayer d'en savoir plus sur son dossier mais KO.
J'essaie alors la comptabilité ([I] [E] mais KO elle ne travaille pas, le client me traite d'incapable de nouveau, je rappel le service client en leur demandant de me transférer vers un responsable de la comptabilité et que c'est urgent , je suis mis en attente.., j'ai enfin une personne en ligne au bout d'un moment, je commence a expliqué le cas du client, elle me dit qu'elle n'a pas de responsable dans un premier temps, d'envoyé le chèque du client et qu'ils traiteront à la réception, non ce n'est pas possible je leur dis en insistant que c'est très urgent et qu'il me faut une solution car le chèque vient de nos services et que j'ai le client en face de moi....
Bref a force d'insisté j'ai pu avoir quelqu'un en fin de journée M. [J] [T], lui aussi a du mal a comprendre a me croire pour l'histoire du chèque raturer et me demande faire un scan afin qu'il se rende compte « oui » sauf que le client ne veut pas que je quitte mon bureau je lui dis.
Je lui passe alors le client au tel, il lui explique que c'est important le scan, il se fait gueuler dessus, j'essaie de reprendre le tel avec le client et lui demande comment faire s'il ne veut pas que je quitte mon bureau.. Il décide enfin de m'accompagner jusqu'au scan.
Je scan le chèque directement à [J] et moi et la il n'en revient pas quand il voit les ratures.
Il me rappelle de suite sur le fixe de la boutique, il me faut une solution je lui dis mais lui aussi dans un premier temps me propose que je renvoi le chèque et le traitement sera fait à la réception c'est à dire plus tard, le client entend et s'énerve encore plus et dit que c'est la faute de SFR, je demande à [J] de faire un virement immédiat....Au bout d'un moment [J] a bien (enfin) compris que le client ne me lâcherais pas tant qu'il n'y aurait pas de solution immédiate et que j'étais mal...
Il me propose alors d'essayé de faire un marché avec le client, que je récupère le chèque et le virement sera fait rapidement, « refus catégorique du client » car il voulait un virement de suite et pas de question de laisser le chèque car pour lui c'était une preuve d'incompétence de notre société et il est prêt a tous dévoilé dans toute la press, radio et autre..si le virement n'est pas fait de suite...
Le client exige alors une preuve écrite de suite de ma part et quand le virement sera fait il déposera le chèque... [J] a bien vu l'urgence m'a fait le mail stipulent que le virement est en cours à condition que le client me remet le chèque et qu'une copie lui sera remis, j'ai imprimé le mail pour le client avec ma signature (malheureusement dans l'affolement j'ai omis d'enlever mes coordonnées sur le mail), le client me précise que si je ne tiens pas ma parole, il menace de revenir et que je verrais de quel bois il se chauffe....En fin de journée le client quitte le point de vente, moi aussi j'informe immédiatement mon responsable, par texto, puis par voix, pour lui faire part de mon état ( gros stress, crise d'angoisse je n'arrivais presque plus a m'exprimé, a respiré) et lui il rigole et me dit « amuse toi bien ». J'étais complètement perturbé...j'étais mal.
Vers 18h30 c'est [J] [T] qui m'appel pour savoir comment j'allais et qu'il fera de son mieux pour ce client....
Ce n'était pas encore la fin j'étais harcelé par ce même client plusieurs fois par jour, même la nuit sur le fixe de la boutique, je décide donc de faire savoir par écrit (mail) à la DC + copie à mon chef mais KO personne n'a entendu mon désarroi aucun appel ni réponse au mail au moins pour savoir comment j'allais... ».

Enfin, si Mme [R] produit les feuillets trois et quatre de son audition le 5 août 2013 devant les services de police lors de son dépôt de plainte contre le client (pièce 31 / salariée), il est constaté qu'une partie des faits relatée par la salariée, figurant aux feuillets un et deux, n'est pas produite au débat ce qui ne permet pas à la cour d'apprécier la totalité des faits en litige.

Il résulte de ces éléments que Mme [R] a accueilli un client mécontent, l'a invité à venir dans son bureau, qu'un vigile était à sa porte, qu'elle a pu téléphoner à un collègue de travail, sortir de son bureau pour scanner le chèque accompagnée du client avant de rejoindre son bureau et que la situation a finalement été gérée avec l'aide de M. [T], le client quittant l'agence au terme des opérations.

En revanche, il n'est corroboré par aucun élément la particulière agressivité du client, la rétention de Mme [R] dans son bureau contre son gré, les actes d'intimidation ou les menaces du client par geste ou parole et son impossibilité de faire appel au vigile ou à un collègue présent.

Il est donc uniquement établi l'existence d'une altercation avec un client au temps et sur le lieu du travail, ayant causé à Mme [R] une lésion médicalement constatée résultant d'un stress post-traumatique.

L'indemnisation du préjudice de Mme [R] résultant de cet accident est assurée par le versement des indemnités journalières puis, le cas échéant après consolidation, de manière forfaitaire par le service d'une indemnité en capital calculée sur le taux d'incapacité permanente qui lui est attribué eu égard à son état séquellaire. L'indemnisation complémentaire de son préjudice est en revanche subordonnée, dans la limite des dispositions des articles L.452-1 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale, à la reconnaissance préalable de la faute inexcusable de l'employeur.

Cette faute ne se présumant pas, il lui appartient d'établir que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger à l'origine de l'accident du travail, auquel la salariée était exposée et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

S'agissant de la conscience d'un danger, il ne résulte d'aucune pièce produite au débat que Mme [R] aurait été victime d'une précédente altercation avec le même client ou avec un autre client.

Le courriel (pièce 5 / intimée) selon lequel Mme [R] se plaint des appels répétés du « client » n'est pas daté, et les autres courriels sont postérieurs au fait accidentel.

Il n'est pas davantage justifié d'un risque particulier porté à la connaissance de l'employeur avant le fait accidentel.

En conséquence, l'employeur devait ou aurait dû avoir conscience d'un risque auquel était exposé tout salarié employé dans un espace de vente ouvert au public.

S'agissant des mesures prises, Mme [R] fait valoir que l'employeur n'a pas conçu un lieu de travail sécurisé « tenant compte de ce type de situations inévitables » et a été défaillant dans son accompagnement afin de limiter les conséquences de « l'agression ».

D'une part, l'examen des mesures prises par la société face au risque auquel était exposée Mme [R], est limité à la période ayant précédé l'accident du travail, le comportement de l'employeur à l'égard de la victime après sa survenance étant sans incidence sur son manquement à l'obligation légale de sécurité à l'origine du fait accidentel litigieux.

D'autre part, la société emploie un vigile sur le lieu de travail de Mme [R]. Il n'est pas discuté qu'il était présent le jour des faits mais que pour autant la victime n'a pas eu recours à ses services alors même qu'elle a été en mesure de sortir de son bureau et de téléphoner à un collègue.

De plus, si Mme [R] a, de sa propre initiative, invité le client à la suivre dans son bureau, il n'est pas établi qu'elle ait alerté précédemment la société sur l'inadaptation des locaux au regard de l'obligation de recevoir seule les clients dans son bureau. Elle ne peut donc utilement remettre en cause la configuration des locaux alors qu'il lui appartenait, si tel était le cas, de conduire cet entretien dans l'espace commun du point de vente.

Enfin, il est constaté que Mme [R] a bénéficié à deux reprises en 2006 et 2011 de formations sur la « gestion des situations difficiles ».

Il s'évince de ces éléments que la société a pris les mesures adaptées et suffisantes au risque auquel était exposée sa salariée, responsable d'un espace de vente ouvert au public.

Le manquement de l'employeur à son obligation légale de sécurité à l'origine de l'accident du travail du 15 novembre 2012 n'étant pas établi, Mme [R] sera déboutée de sa demande tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de la société dans la survenance de cet accident du travail, et de ses demandes subséquentes, la demande de la caisse au titre de son action récursoire à l'encontre de l'employeur devenant sans objet.

Le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions.

Par ces motifs :

La cour,

Statuant publiquement par décision contradictoire,

Dit que l'acte d'appel a opéré effet dévolutif de l'ensemble des chefs de jugement ;

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de radiation de l'affaire ;

Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau sur les chefs de jugement infirmés,

Déboute Mme [R] de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, la Société Réunionnaise du Radiotéléphone, dans la survenance de l'accident du travail du 15 novembre 2012, et de ses demandes subséquentes ;

Déboute Mme [R] de ses demandes de versement d'une rente majorée au taux maximum et de désignation d'un expert judiciaire aux fins d'évaluation de ses préjudices;

Dit que l'action récursoire de la Caisse générale de sécurité sociale de La Réunion est sans objet ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [R] à payer à la Société Réunionnaise du Radiotéléphone la somme de 1 500 euros au titre des frais non répétibles d'instance ;

Laisse les frais d'expertise judiciaire à la charge de la Caisse générale de sécurité sociale de La Réunion ;

Condamne Mme [R] aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par M. Lacour, président, et par Mme Hanafi, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion
Formation : 02
Numéro d'arrêt : 20/011971
Date de la décision : 17/11/2022
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.saint-denis-de-la-reunion;arret;2022-11-17;20.011971 ?
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