La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/11/2022 | FRANCE | N°17/014821

France | France, Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion, 02, 17 novembre 2022, 17/014821


AFFAIRE : N RG No RG 17/01482 - No Portalis DBWB-V-B7B-E4TB
Code Aff. : ARRÊT N AL
ORIGINE :JUGEMENT du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de SAINT-DENIS DE LA REUNION en date du 28 Juin 2017, rg no

COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS
DE LA RÉUNION

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2022

APPELANTE :

SA ALLIANZ IARD prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentant : Me Nathalie JAY, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

INTIMÉS :

SARL COT représentée par M. [M] [J]
[A

dresse 1]
[Localité 6]
Représentant : Me Eric BODO de la SELARL ACTIO DEFENDI, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-...

AFFAIRE : N RG No RG 17/01482 - No Portalis DBWB-V-B7B-E4TB
Code Aff. : ARRÊT N AL
ORIGINE :JUGEMENT du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de SAINT-DENIS DE LA REUNION en date du 28 Juin 2017, rg no

COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS
DE LA RÉUNION

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2022

APPELANTE :

SA ALLIANZ IARD prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentant : Me Nathalie JAY, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

INTIMÉS :

SARL COT représentée par M. [M] [J]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentant : Me Eric BODO de la SELARL ACTIO DEFENDI, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

Organisme CAISSE GENERALE DE SECURITE SOCIALE DE LA REUNION
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Isabelle CLOTAGATIDE KARIM de la SCP CANALE-GAUTHIER-ANTELME-BENTOLILA, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Monsieur [B] [T]
[Adresse 3]
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représentant : Me Marion RIESS-VALERIUS, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

DÉBATS : En application des dispositions de l'article 946 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 septembre 2022 devant la cour composée de :

Président : M. Alain LACOUR
Conseiller : M. Laurent CALBO
Conseiller : Mme Aurélie POLICE
Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.

A l'issue des débats, le président a indiqué que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition le 17 novembre 2022.

ARRÊT : mis à disposition des parties le 17 NOVEMBRE 2022

greffier lors des débats : Mme Delphine GRONDIN
greffier du prononcé par mise à disposition au greffe : Mme Nadia HANAFI

* * *
LA COUR :

Exposé du litige :

M. [T], employé depuis le 1er mars 1990 en qualité de conducteur de machines par la société [M] (la société), a été victime le 30 septembre 2013 d'un accident survenu au temps et sur le lieu du travail à l'usine de [Localité 6], pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse générale de sécurité sociale de la Réunion (la caisse) le 29 octobre 2013.

Par requête du 22 septembre 2015, M. [T] a engagé une action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Réunion. Par jugement du 28 juin 2017, rendu en présence de la société Allianz, intervenant volontaire, cette juridiction a :
- rejeté la demande d'annulation de la procédure pour absence de tentative de résolution amiable du litige ;
- constaté la faute inexcusable de la société dans la survenance de l'accident du travail dont M. [T] a été victime le 30 septembre 2013 ;
- constaté l'irrecevabilité de la demande tendant à la condamnation de la société et de la société Allianz au paiement d'une provision sur l'indemnisation du préjudice fonctionnel ;
- rejeté la demande de sursis à statuer dans l'attente du dépôt d'une expertise amiable complémentaire ;
- rejeté la demande présentée par M. [T] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit que le jugement est opposable à la société Allianz ;
- dit n'y avoir lieu à condamnation aux dépens.

La société Allianz a interjeté appel du jugement par déclaration du 8 août 2017. La procédure a été enregistrée sous le numéro RG 17 1482.

M. [T] a interjeté appel du jugement excepté en ce qu'il a reconnu la faute inexcusable de l'employeur par déclaration du 9 août 2017. La procédure a été enregistrée sous le numéro RG 17 1492.

Les procédures ont été jointes.

Par arrêt rendu le 23 juin 2020, la cour a confirmé le jugement entrepris, y ajoutant, débouté la société Allianz de sa demande tendant à voir juger que M. [T] avait commis une faute inexcusable, fixé au taux maximum la rente devant être versée à M. [T], une fois la consolidation acquise, condamné la société à rembourser à la caisse le montant du capital représentatif de la rente majorée, avant-dire droit, ordonné une expertise médicale destinée à déterminer le montant des préjudices indemnisables de M. [T] à raison de la faute inexcusable de la société et commis à cet effet le docteur [O], ordonné une expertise à l'effet de déterminer les aménagements nécessaires du logement de M. [T] et commis M. [K], fixé à 30 000 euros la provision allouée à M. [T], à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices, dit que la caisse devra verser directement à M. [T] la somme de 30 000 euros qui lui est allouée à titre provisionnel, condamné la société à rembourser à la caisse la somme de 30 000 euros allouée à titre provisionnel sur l'indemnisation des préjudices, outre 6 000 euros au titre des consignations à valoir sur frais d'expertise, réservé l'application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens et dit que l'affaire serait rappelée à l'audience du 1er décembre 2020.

Le docteur [O] a déposé son rapport le 21 décembre 2020 et M. [K] a déposé le sien le 13 octobre 2021 ;

Vu les conclusions notifiées par M. [T] le 1er mai 2022, oralement soutenues lors de l'audience de plaidoiries du 13 septembre 2022 ;

Vu les conclusions notifiées par la société le 5 février 2018, oralement soutenues lors de l'audience de plaidoiries ;

Vu les conclusions notifiées par la société Allianz le 15 juin 2022, oralement soutenues lors de l'audience de plaidoiries ;

Vu les conclusions notifiées par la caisse le 1er mai 2022, oralement soutenues lors de l'audience de plaidoiries ;

Pour plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées et aux développements infra.

Sur ce :

Vu les articles L. 431-1, L. 452-1 à L. 452-5 du code de la sécurité sociale ;

Sur les souffrances endurées avant consolidation :

Attendu que l'expert [O] les a évaluées à 7/7, après avoir relevé que M. [T] a été victime d'un accident de travail par explosion d'une laveuse contenant de la soude caustique chauffée à 80 degrés, qu'il « a présenté des brûlures au 2o et 3o sur 67,50 % en deuxième degré profond et troisième degré au niveau de la tête, du cou, du tronc antérieur et postérieur, de la fesse droite et gauche, du périnée, du bras droit et gauche, des avant-bras, de la main droite, de la cuisse droite et gauche, de la jambe droite et gauche ainsi que des lésions pulmonaires et de l'arrière gorge en raison de l'inhalation du produit, d'une petite plaie de l'index gauche qui a été suturée et une cécité des deux yeux » ; qu'il a bénéficié de greffes de peau au niveau des avant-bras, du crâne, du pénis et des cuisses ; qu'il a également présenté des troubles neurocomportementaux ayant nécessité un suivi psychologique, outre des problèmes infectieux de l'oreille gauche ayant nécessité la pose d'un cathéter ;

Attendu que M. [T] réclame la somme de 80 000 euros de ce chef, cependant que la caisse, la société Allianz et la société s'en rapportent ;

Attendu qu'il convient d'évaluer le préjudice ainsi subi par M. [T] à la somme de 80 000 euros ;

Sur le préjudice esthétique avant consolidation :

Attendu que M. [T] réclame de ce chef la somme de 45 000 euros, en rappelant qu'il a subi de nombreuses opérations de greffe au niveau du crâne, des cuisses, des avant-bras et du pénis ;

Attendu que l'expert [O] a évalué ce préjudice à 6,5/7, sans autrement s'en expliquer ;

Attendu que la caisse, la société et la société Allianz s'en rapportent sur cette demande ;

Attendu qu'il convient d'évaluer le préjudice ainsi subi par M. [T] à la somme de 35 000 euros ;

Sur le déficit fonctionnel temporaire :

Attendu que M. [T] réclame de ce chef la somme de 48 846 euros, sur la base d'un demi SMIC mensuel, en exposant qu'il a été hospitalisé pendant 323 jours et que son déficit fonctionnel temporaire était total au cours de cette période alors qu'il était de 90 % pendant les 1 895 autres jours ayant précédé sa consolidation ;

Attendu que l'expert [O] a évalué à 90 % le déficit temporaire total de M. [T] hors période d'hospitalisation ;

Attendu que la caisse, la société et la société Allianz s'en rapportent sur cette demande ;

Attendu qu'il convient d'évaluer à 48 846 euros le préjudice ainsi subi par M. [T] ;

Sur la tierce personne temporaire :

Attendu que M. [T] réclame la somme de 275 125 euros de ce chef, en adoptant les conclusions de l'expert [O], selon lesquelles, avant consolidation, M. [T] a eu besoin d'une tierce personne active à raison de quatre heures par jour, d'une présence diurne pendant quatre heures par jour et de la présence d'une personne dormant sous son toit pendant huit heures par jour jusqu'au 1er décembre 2014, puis entre cette date et le 1er juillet 2016, d'une tierce personne à raison de six heures par jour lorsqu'il n'était pas hospitalisé et de cinq heures par jour lorsqu'il l'était et, enfin, à compter du 1er juillet 2016 et jusqu'à consolidation, à raison de quatre heures et demi par jour ;

Attendu que ni la caisse, ni la société, ni la société Allianz ne contestent le besoin qu'avait M. [T] de recourir à l'assistance d'une tierce personne pendant la période ayant précédé sa consolidation ; que toutefois, la société et la société Allianz soutiennent que le tarif « prestataire » revendiqué par M. [T], à hauteur de 25 euros par heure, ne peut être retenu puisqu'il a bénéficié d'une entraide familiale ;

Mais attendu que l'indemnisation de ce poste de préjudice ne peut être réduite en cas d'assistance bénévole par un membre de la famille ou de l'entourage de la victime ;

Attendu qu'en l'absence de justificatif invoqué par M. [T] pour expliquer le tarif horaire de 25 euros, il convient de retenir un coût horaire de 11 euros par heure pour la tierce personne de nuit dormant sous le même toit que M. [T] et de 18 euros par heure pour la tierce personne active, de jour ; qu'en conséquence, le préjudice ainsi subi par M. [T] doit être indemnisé comme suit :
- du 26 juillet au 1er décembre 2014 : huit heures de jour, pendant 128 jours, à raison de 18 euros de l'heure, soit 18 432 euros et huit heures de nuit, pendant 128 jours, à raison de 11 euros de l'heure, soit 11 264 euros ;

- du 2 décembre 2014 au 1er juillet 2016 : six heures par jour, pendant 577 jours, à raison de 18 euros de l'heure, soit 62 316 euros ;

- du 2 juillet 2016 au 31 octobre 2019, date de la consolidation : 4,5 heures par jour, pendant 1218 jours, à raison de 18 euros par heure, soit 98 658 euros ;

Soit un total de : 190 670 euros ;

Sur le préjudice d'agrément :

Attendu que M. [T] réclame la somme de 50 000 euros à ce titre, en exposant qu'avant son accident, il s'entraînait deux fois par semaine dans son club de football, qu'il participait régulièrement aux matchs que ce club organisait, qu'il était un grand sportif ; qu'il ajoute être en outre passionné de cuisine et avoir été régulièrement sollicité lors d'événements festifs comme la préparation des repas de [S] de son entreprise ;

Attendu que l'expert [O] relève que M. [T] ne peut plus pratiquer le football ;

Attendu que la société et la société Allianz demandent que « cette somme soit ramenée à de plus justes proportions » ;

Attendu que M. [T] justifie par ses pièces no 4 et 6 (attestations de MM. [S] [X] [T] et [E]) de ce qu'il pratiquait régulièrement le football et que la cuisine était son passe-temps, circonstances au demeurant non contestées par la société, ni par la société Allianz ;

Attendu qu'il convient d'évaluer ce préjudice à la somme de 10 000 euros ;

Sur le préjudice esthétique permanent :

Attendu que l'expert [O] a évalué ce préjudice à 6/7 ;

Attendu qu'à l'appui de sa demande, formée à hauteur de 40 000 euros, M. [T] expose avoir subi des brûlures sur une surface représentant 76,5 % de son corps, qui lui ont laissé de nombreuses traces et cicatrices puisqu'il a dû subir des greffe de peau au niveau du cuir chevelu ; que l'examen des photographies produites par M. [T] (pièce no 3) corrobore l'existence d'importantes séquelles esthétiques, avec dépigmentation, notamment sur le torse, les jambes, les bras ;

Attendu que la société et la société Allianz concluent à la minoration de l'indemnité ;

Attendu qu'il convient d'évaluer ce poste de préjudice à la somme de 40 000 euros ;

Sur l'aménagement du logement :

Attendu que M. [T] réclame la somme de 102 992 euros de ce chef, en exposant que sa cécité totale impose que son logement soit aménagé ;

Attendu que l'expert [K] a proposé la réalisation de travaux dans le logement de M. [T], destinés à lui permettre d'y vivre, qu'il a évalués à 102 992 euros ;

Que la société et la société Allianz s'en rapportent de ce chef ;

Attendu qu'il convient d'évaluer ce poste de préjudice à la somme de 102 992 euros ;

Sur le préjudice sexuel :

Attendu que M. [T] réclame de ce chef la somme de 30 000 euros en exposant que l'accident dont il a été victime a eu des conséquences importantes sur sa vie intime, aboutissant à une très grande raréfaction des relations sexuelles avec son épouse ; que son état psychologique dépressif opprime totalement sa libido ;

Attendu que l'expert [O] conclut comme suit : « Baisse de la libido mais érection possible après succès de l'intervention sur la bride de la verge (moins de rapports sexuels : 1 fois/an au lieu de 1 fois/semaine d'après ses déclarations) » ;

Attendu que la société et la société Allianz ne contestent pas l'existence de ce préjudice mais concluent à ce que l'indemnisation soit réduite à de plus justes proportions ;

Attendu qu'il convient d'évaluer ce poste de préjudice à 30 000 euros ;

Sur les autres demandes :

Attendu que la disposition des conclusions de M. [T], tendant à voir « juger [qu'il] bénéficiera de la prestation complémentaire pour recours d'assistance de tierce personne pour au moins six actes nécessitant l'assistance » s'analyse pas en une prétention au sens de l'article 4 du code de procédure civile, en sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer de ce chef ;

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement, contradictoirement,

Fixe les préjudices subis par M. [T] comme suit :
- 80 000 euros au titre des souffrances endurées avant consolidation ;
- 35 000 euros au titre du préjudice esthétique avant consolidation ;
- 48 846 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;
- 190 670 euros au titre de l'assistance par une tierce personne avant consolidation ;
- 10 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;
- 40 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;
- 102 992 euros au titre des frais d'aménagement du logement ;
- 30 000 euros au titre du préjudice sexuel ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Allianz à payer à M. [T] la somme de 5 000 euros à titre d'indemnité pour frais non répétibles d'instance ;

Dit que la caisse générale de sécurité sociale de la Réunion fera l'avance des sommes allouées à M. [T], sous déduction des provisions déjà reçues ;

Condamne la société [M] à rembourser à la caisse générale de sécurité sociale de la Réunion les sommes dont elle aura fait l'avance au profit de M. [T] ;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne la société Allianz aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par M. Alain LACOUR, président, et par Mme Nadia HANAFI, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion
Formation : 02
Numéro d'arrêt : 17/014821
Date de la décision : 17/11/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.saint-denis-de-la-reunion;arret;2022-11-17;17.014821 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award