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02/11/2022 | FRANCE | N°21/004661

France | France, Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion, 06, 02 novembre 2022, 21/004661


ARRÊT No22/
FA

R.G : No RG 21/00466 - No Portalis DBWB-V-B7F-FQSK

S.A.S. PROLOGIA
S.E.L.A.R.L. BARONNIE LANGET

C/

S.A.S. ECOCHIMIE

COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS

ARRÊT AVANT DIRE DROIT DU 02 NOVEMBRE 2022

Chambre commerciale

Appel d'une décision rendue par le TJ A COMPETENCE COMMERCIALE DE SAINT DENIS en date du 16 FEVRIER 2021 suivant déclaration d'appel en date du 16 MARS 2021 RG no 19/00024

APPELANTES :

S.A.S. PROLOGIA
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentant : Me Alexandre ALQUIER substitué par Me Apoll

ine DARRE de la SELARL ALQUIER et ASSOCIÉS, avocats au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

S.E.L.A.R.L. BARONNIE LANGET
[Adress...

ARRÊT No22/
FA

R.G : No RG 21/00466 - No Portalis DBWB-V-B7F-FQSK

S.A.S. PROLOGIA
S.E.L.A.R.L. BARONNIE LANGET

C/

S.A.S. ECOCHIMIE

COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS

ARRÊT AVANT DIRE DROIT DU 02 NOVEMBRE 2022

Chambre commerciale

Appel d'une décision rendue par le TJ A COMPETENCE COMMERCIALE DE SAINT DENIS en date du 16 FEVRIER 2021 suivant déclaration d'appel en date du 16 MARS 2021 RG no 19/00024

APPELANTES :

S.A.S. PROLOGIA
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentant : Me Alexandre ALQUIER substitué par Me Apolline DARRE de la SELARL ALQUIER et ASSOCIÉS, avocats au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

S.E.L.A.R.L. BARONNIE LANGET
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentant : Me Alexandre ALQUIER substitué par Me Apolline DARRE de la SELARL ALQUIER et ASSOCIÉS, avocats au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMÉE :

S.A.S. ECOCHIMIE
[Adresse 7]
[Localité 8]
Représentant : Me Isabelle MERCIER-BARRACO, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

DATE DE CLÔTURE : 20/06/2022

DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 septembre 2022 devant Monsieur ALZINGRE Franck, Conseiller, qui en a fait un rapport, assisté de Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, les parties ne s'y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué, à l'issue des débats, que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 02 novembre 2022.

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère
Conseiller : Monsieur Franck ALZINGRE, Conseiller
Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère

Qui en ont délibéré

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 02 Novembre 2022.
* * *

LA COUR

Suivant acte sous seing privé en date du 1er février 1995, la société SEMPRO, aux droits de laquelle vient la société PROLOGIA (représentée par la société BARONNIE-LANGET es qualité d'administrateur provisoire), a donné à bail à la SAS ECOCHIMIE - pour un montant initial de 48.600 francs, soit 7.409 € annuel (617,41 € mensuel) - un local à usage commercial sis [Adresse 7]), pour une durée de neuf ans à compter du 1er mars 1996 pour se terminer le 28 février 2005. Le bail s'est poursuivi depuis par tacite reconduction et, le loyer a fait l'objet d'une révision triennale pour atteindre aujourd'hui la somme de 1.013,86 € hors taxes et charges, soit 3,75 €/m2.

La SAS PROLOGIA est copropriétaire dudit parc qui se divise en plusieurs lots distincts, neuf au total.

Eu égard au développement économique de la zone du parc d'activités de la Mare, la société PROLOGIA a estimé que le loyer pratiqué était sous-évalué et a donc signifié au preneur un congé avec offre de renouvellement pour la date du 31 mars 2018 moyennant paiement d'un nouveau loyer de 2.970 € hors taxes par mois, correspondant à un prix de 11 €/m2.

La SAS ECOCHIMIE a accepté le principe du renouvellement mais fait valoir son désaccord sur l'augmentation du loyer. En l'absence d'accord, le bailleur, après notification du mémoire préalable en fixation, a sollicité l'autorisation d'assigner aux fins d'obtenir une ré-actualisation du loyer.

Par acte d'huissier du 10 juillet 2019, la SAS PROLOGIA a assigné la SAS ECOCHIMIE à comparaître devant le juge des loyers commerciaux du Tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion. Elle demandait de fixer à compter du 6 mars 2018 le montant du loyer renouvelé à la somme de 2970 € HT par mois et, subsidiairement, de désigner un expert aux fins de déterminer le loyer en fonction des loyers usuels pratiqués dans la zone.

Par jugement rendu en date du 16 février 2021, le juge des loyers commerciaux a rejeté les demandes de la société PROLOGIA, estimant qu'elle échouait à prouver la réalité du décalage entre le montant du loyer critiqué et les prix couramment pratiqués dans le voisinage. Il a ainsi :
« CONSTATE le renouvellement du bail conclu entre les parties à effet du 6 mars 2018,
DEBOUTE la société PROLOGIA de sa demande tendant à l'augmentation du loyer et à sa fixation à la somme de 2970 euros,
DEBOUTE la société PROLOGIA de sa demande d'expertise à raison de la carence dans la charge de la preuve,
CONDAMNE la société PROLOGIA à payer à la SAS ECOCHIMIE la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
DEBOUTE les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,
CONDAMNE la société PROLOGIA aux entiers dépens de l'instance ».

Par déclaration enregistrée au greffe en date du 16 mars 2021, la SAS PROLOGIA a interjeté appel du jugement en ce qu'il :
« CONSTATE le renouvellement du bail conclu entre les parties à effet du 6 mars 2018,

DEBOUTE la société PROLOGIA de sa demande tendant à l'augmentation du loyer et à sa fixation à la somme de 2970 euros,
DEBOUTE la société PROLOGIA de sa demande d'expertise à raison de la carence dans la charge de la preuve,
CONDAMNE la société PROLOGIA à payer à la SAS ECOCHIMIE la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
DEBOUTE les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,
CONDAMNE la société PROLOGIA aux entiers dépens de l'instance ».

La déclaration d'appel a été enregistrée le 16 mars 2021, et l'avis de cette déclaration est daté du 29 mars 2021.
Les premières conclusions de l'appelante ont été notifiées par RPVA le 19 mai 2021, et les dernières le 27 janvier 2022.
L'intimée s'est constituée le 25 mai 2021, et a conclu pour la première fois le 26 juillet 2021 puis en dernier lieu le 15 novembre 2021.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 juin 2022.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA, la SAS PROLOGIA demande à la Cour d'appel de bien vouloir infirmer la décision de première instance en ce qu'elle a :
CONSTATE le renouvellement du bail conclu entre les parties à effet du 6 mars 2018,
DEBOUTE la société PROLOGIA de sa demande tendant à l'augmentation du loyer et à sa fixation à la somme de 2970 euros,
DEBOUTE la société PROLOGIA de sa demande d'expertise à raison de la carence dans la charge de la preuve,
CONDAMNE la société PROLOGIA à payer à la SAS ECOCHIMIE la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
DEBOUTE les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,
CONDAMNE la société PROLOGIA aux entiers dépens de l'instance,
Et, statuant à nouveau,
FIXER le loyer à la somme de 2.970 € HT par mois à compter du 6 mars 2018;
A titre subsidiaire :
ORDONNER une mesure d'expertise visant à déterminer la valeur locative du bien loué dans le cadre du renouvellement conformément aux dispositions de l'article L.145-33 du code de commerce;
CONDAMNER la SAS ECOCHIMIE au paiement du loyer ainsi déterminé à compter du 6 mars 2018 ;
En tout état de cause :
CONDAMNER la SAS ECOCHIMIE à la somme de 3.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER la SAS ECOCHIMIE aux entiers dépens ».

En réplique, la SAS ECOCHIMIE sollicite, par dernières conclusions notifiées par RPVA le débouté des prétentions de l'appelant et entend voir la Juridiction d'appel :

« A titre principal :
CONFIRMER le jugement rendu le 16 février 2021 par le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de SAINT-DENIS DE LA REUNION,
DIRE ET JUGER que le bail commercial est renouvelé aux mêmes charges et conditions que celles prévues au contrat de bail commercial initial,
DEBOUTER la société PROLOGIA de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions,
CONDAMNER la société PROLOGIA à payer à la SAS ECOCHIMIE la somme de 2.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNER la société PROLOGIA aux entiers dépens de l'instance.
A titre subsidiaire :
CONFIRMER le jugement rendu le 16 février 2021 par le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de SAINT-DENIS DE LA REUNION en ce qu'il a :
Constaté le renouvellement du bail conclu entre les parties à effet du 6 mars 2018,
Débouté la société PROLOGIA de sa demande tendant à l'augmentation du loyer,
Condamné la société PROLOGIA à payer au preneur la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamné la société PROLOGIA aux entiers dépens de première instance,
ORDONNER une expertise judiciaire aux fins de déterminer la valeur locative en fonction des loyers pratiqués dans la zone et en fonction de l'état des locaux donnés à bail et de la situation du Parc d'activités de la Mare,
DIRE ET JUGER que la société PROLOGIA, demanderesse, aura la charge des frais d'expertise,
DIRE ET JUGER que le loyer sera maintenu à son montant actuel durant les opérations d'expertise,
DEBOUTER la société PROLOGIA de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions,
CONDAMNER la société PROLOGIA au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ».

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure en application de l'article 455 du code de procédure civile.

L'affaire a reçu fixation pour être plaidée à l'audience rapporteur du 7 septembre 2022. Le prononcé de l'arrêt, par mise à disposition du greffe, a été fixé au 2 novembre 2022.

SUR CE

Sur la fixation du loyer commercial

Aux termes de l'article L 145-33 alinéa 1er du code de commerce, « le montant des loyers des baux à renouveler ou à réviser doit correspondre à la valeur locative ». À défaut d'accord entre les parties, cette valeur est déterminée d'après cinq types d'éléments énumérés à l'alinéa 2 de l'article précité : les caractéristiques du local considéré ; la destination des lieux ; les obligations respectives des parties ; les facteurs locaux de commercialité ; les prix couramment pratiqués dans le voisinage ; sachant que le décret no 2007-431 du 25 mars 2007 précise la consistance de ces éléments aux articles R. 145-2 et suivants du code de commerce.

Ces règles, comme le rappelle justement le premier juge, peuvent recevoir application au cas d'espèce sans qu'il soit fait état des règles relatives au plafonnement (articles L 145-34, L 145-37 et L 145-38 du code de commerce). En effet, il est question du renouvellement d'un bail commercial dont la durée excède, par l'effet de la tacite reconduction, douze années révolues.

De surcroît, la fixation judiciaire du loyer, en considération de la valeur locative, doit conduire à préciser les critères de l'article L. 145-33 du code de commerce utilisés (Civ. 3e, 9 février 1994) sans qu'aucune méthode de calcul ne soit imposée (Civ. 3e, 29 avril 1971).

Au cas d'espèce, pour caractériser le décalage entre le loyer pratiqué et la valeur locative, l'appelante fait valoir que les caractéristiques du local (tant dans ses parties communes que privatives), les facteurs locaux de commercialité ainsi que les prix couramment pratiqués dans le voisinage justifient un déplafonnement. L'intimée estime quant à elle que l'appelante ne verse aux débats aucune pièce de nature à permettre de justifier une augmentation de loyer.

– les caractéristiques du local

L'appelante sollicite le bénéfice des dispositions de l'article L145-33 du code de commerce et expose avoir remédié aux désordres constatés dans les parties communes à la suite de sa condamnation en Justice (jugement du Tribunal de grande instance de Saint-Denis de la Réunion, en date du 16 novembre 2016) ; quant au gardiennage de nuit et à l'éclairage, elle souligne qu'il n'est pas prévu contractuellement et que le bailleur n'est pas soumis à l'obligation de gardiennage des immeubles de l'article L.271-1 du code de la sécurité intérieure ; sur les parties privatives et la suppression des aérations susceptible de créer, selon l'intimée, une humidité importante dégradant fortement les matériaux stockés, la société appelante rétorque que les éléments de preuve datent de 2014 et n'ont pas été actualisés, puis qu'une indemnisation a d'ores et déjà été versée.

L'intimée expose que la demande de réévaluation du loyer du bailleur est injustifiée dans son quantum et totalement disproportionnée au regard de l'état des locaux loués et des parties communes. Elle précise qu'aucun travaux ni même aucune démarche n'ont été entrepris de telle sorte que la situation se dégrade et que les préjudices perdurent. Pour en justifier, elle s'appuie sur plusieurs procès-verbaux de constat qui mettent en exergue, selon elle, le très mauvais état des structures et des enrobés, l'absence de tout entretien des parties communes et en conséquence leur dégradation, l'obstruction par le bailleur, sans autorisation, d'ouvertures et d'extracteurs d'airs suite à la pose d'une centrale photovoltaïque sur le toit des locaux donnés à bail. Elle dénonce aussi le fait que le bailleur n'assure pas correctement la sécurité des locaux et parties communes donnés à bail, notamment en ne solutionnant pas l'éclairage du parc d'activités qui est défaillant. Elle en conclut que ces éléments ont pour effet d'influer sur le montant du loyer renouvelé et la valeur locative réelle du local commercial.

Ceci étant exposé, il résulte des termes de l'article R 145-3 du code de commerce que les caractéristiques propres au local s'apprécient en considération : « 1o) De sa situation dans l'immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public ; 2o) De l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux ; 3o) De ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée ; 4o) De l'état d'entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail ; 5o) De la nature et de l'état des équipements et des moyens d'exploitation mis à la disposition du locataire ».

L'article R 145-4 du même code ajoute que « les caractéristiques propres au local peuvent être affectées par des éléments extrinsèques constitués par des locaux accessoires, des locaux annexes ou des dépendances, donnés en location par le même bailleur et susceptibles d'une utilisation conjointe avec les locaux principaux. Lorsque les lieux loués comportent une partie affectée à l'habitation, la valeur locative de celle-ci est déterminée par comparaison avec les prix pratiqués pour des locaux d'habitation analogues faisant l'objet d'une location nouvelle, majorés ou minorés, pour tenir compte des avantages ou des inconvénients présentés par leur intégration dans un tout commercial ».

Au cas particulier, s'agissant des détritus et de l'éclairage dans les espaces communs, le constat d'huissier, en date du 24 octobre 2021 (pièce no6 Bis de l'intimée) et dressé à la demande de la SARL MAGHO COMPAGNIE, atteste d'un problème persistant de détritus, en particulier de véhicules laissés à l'abandon, mais aussi d'éclairage. Sur ce dernier point, l'huissier de Justice, à 19 h 16, atteste que « les ateliers des ilots 1 à 9 ainsi que leurs voies d'accès et parkings sont plongés dans l'obscurité totale. Les lampadaires situés sur les parties communes autour des ateliers ne sont pas allumés ».

De l'ensemble, il en résulte qu'en dépit d'efforts réalisés sur l'entretien de la zone d'activités, celle-ci reste régulièrement sujette à des actes d'incivilités ou de dégradation. Dans ces conditions, l'amélioration des caractéristiques du local dont l'appelante entend se prévaloir est somme toute relative et ne peut donc, à elle seule, fonder la preuve d'un décalage entre le loyer pratiqué et la valeur locative.

– Les prix couramment pratiqués dans le voisinage

L'appelante explique que le loyer pratiqué est très largement en deçà des prix du marché si l'on se réfère aux différentes annonces publiées sur internet ou au rapport d'expertise synthétique en évaluation immobilière précité mentionnant une valeur moyenne locative métrique des locaux loués de 11 € ou encore à une attestation d'expert aux termes de laquelle les locaux « se louent sur le secteur dans une fourchette large entre 8 et 12€/m2 ».

L'intimée rétorque, à titre de comparaison, que des locaux commerciaux neufs, situés à proximité du parc d'activités de la Mare, se louent à 7 euros / m2.

Sur ce, il convient de souligner que l'article R 145-7 du code de commerce prescrit que « les prix couramment pratiqués dans le voisinage, par unité de surfaces, concernent des locaux équivalents eu égard à l'ensemble des éléments mentionnés aux articles R. 145-3 à R. 145-6. A défaut d'équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence. Les références proposées de part et d'autre portent sur plusieurs locaux et comportent, pour chaque local, son adresse et sa description succincte. Elles sont corrigées à raison des différences qui peuvent exister entre les dates de fixation des prix et les modalités de cette fixation ».

Pour que les prix des loyers comparés soient considérés « de référence », encore faut-il qu'ils concernent des locaux équivalents, jugés comme tels en considération de l'ensemble des éléments mentionnés aux articles R. 145-3 à R. 145-8 du code de commerce.

Au cas d'espèce, l'appelante produit pas moins de 14 exemples de baux pour des locaux commerciaux situés dans le parc d'activités de la MARE (pièce no9 de l'appelante). Si l'objet des activités commerciales exercées, la superficie et la situation des locaux ainsi que leur date de signature ou encore leur adresse et une description succincte, vont dans le sens d'une similitude par rapport aux locaux occupés par l'intimée, il n'en reste pas moins que ni les pièces sus-citées ni aucun autre élément ne se prononcent sur leur état de vétusté. Dès lors, cet élément faisant défaut, l'équivalence ne saurait être retenue en ce sens qu'il a nécessairement un impact sur la valeur réelle locative.
Il s'en déduit que les prix couramment pratiqués dans le voisinage, en l'état, ne peuvent être utilisés pour procéder à la fixation du prix du loyer commercial, tout juste peuvent-ils selon la jurisprudence être mentionnés à titre indicatif.

– les facteurs locaux de commercialité

L'appelante soutient que le secteur de l'aéroport a connu une forte hausse d'attractivité et qu'en une vingtaine d'années, la zone s'est largement développée, en particulier avec l'essor de commerces et de sièges sociaux.

A l'inverse, l'intimée fait valoir que le loyer dont il est demandé le déplafonnement a régulièrement augmenté suivant l'indice de référence du bail et qu'il est aujourd'hui sans commune mesure avec le montant initial.

Sur ce, selon l'article R 145-6 du code de commerce, « les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire ».

Cette liste établie n'est pas limitative, et la modification des facteurs locaux de commercialité doit être appréciée in concreto, étant considéré que les facteurs les plus influents sont les constructions augmentant la densité de la population, les installations de nouveaux moyens de transport, la création de zones piétonnes, et plus généralement, tout ce qui est susceptible de favoriser le développement de l'activité considérée ou ce qui peut renforcer son intérêt.

Dans le cas d'espèce, le rapport d'expertise synthétique en évaluation immobilière, rédigé par le cabinet GALTIER VALUATION, à la demande de l'appelante (pièce no5 de l'appelante), fait part d'une forte tension locative à l'oeuvre dans la zone économique de [Localité 8]. Les considérations mises en exergue sont toutes édictées de manière générale sans qu'il soit démontré en quoi l'essor de la zone ou encore la pression locative ont eu une incidence favorable sur l'activité exercée par la société intimée.
Force est de constater que la SAS PROLOGIA ne fait pas la preuve de cette démonstration, rendant ainsi impossible la fixation judiciaire du loyer commercial sur la seule base des facteurs locaux de commercialité.

Sur l'expertise

L'appelante soutient que le Juge des loyers commerciaux n'a pas appliqué la jurisprudence de la Cour de cassation aux termes de laquelle il lui appartient, même d'office, de déterminer la valeur locative des biens en cas de renouvellement de bail.

L'intimée considère, à l'inverse, que l'article 146 du code de procédure civile peut s'opposer au prononcé d'une expertise dans l'hypothèse de preuves insuffisantes, ce qui est le cas en l'espèce malgré les nouvelles pièces versées aux débats en appel.

Sur ce, l'article R 145-30 du code de commerce dispose que « lorsque le juge s'estime insuffisamment éclairé sur des points qui peuvent être élucidés par une visite des lieux ou s'il lui apparaît que les prétentions des parties divergent sur de tels points, il se rend sur les lieux aux jour et heure décidés par lui le cas échéant en présence d'un consultant. Toutefois, s'il estime que des constatations purement matérielles sont suffisantes, il peut commettre toute personne de son choix pour y procéder. Si les divergences portent sur des points de fait qui ne peuvent être tranchés sans recourir à une expertise, le juge désigne un expert dont la mission porte sur les éléments de fait permettant l'appréciation des critères définis, selon le cas, aux articles R. 145-3 à R. 145-7, L. 145-34, R. 145-9, R. 145-10 ou R. 145-11, et sur les questions complémentaires qui lui sont soumises par le juge. Toutefois, si le juge estime devoir limiter la mission de l'expert à la recherche de l'incidence de certains éléments seulement, il indique ceux sur lesquels elle porte ».

Dans le litige présentement soumis à la Cour, il résulte de ce qui précède que bon nombre de facteurs et éléments, susceptibles d'influer sur la valeur réelle locative des locaux, comportent un contour flou ou indéfini.

Il en est ainsi de l'état de vétusté du bâtiment, d'une part, des problèmes liés à la présence récurrente depuis de nombreuses années de véhicules abandonnés, aggravés par un manque d'éclairage suffisant, d'autre part, puis l'humidité et les infiltrations d'eau découlant de problèmes d'étanchéité, enfin. Sur ce dernier point en particulier, il est à noter que ni l'appelante ni l'intimée n'ont apporté d'élément éclairant, étant souligné que le rapport synthétique d'expertise, mentionne que « des travaux de réfection de bardage ou d'étanchéité de la toiture sont pour certaines constructions nécessaires ».

Par conséquent, la cour ne dispose pas d'éléments suffisants pour établir la valeur locative des lieux, ce qui rend indispensable le recours à une mesure d'instruction aux frais avancés de la SAS PROLOGIA, appelante en fixation judiciaire du loyer. L'expertise est d'autant plus nécessaire que la date de valeur retenue par le cabinet GALTIER VALUATION est celle du 20 décembre 2020 et que l'on doit se positionner à une date de renouvellement du loyer antérieure, soit le 6 mars 2018.

Il convient dès lors de surseoir aux autres demandes des parties dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise. Pendant ce temps, le loyer sera maintenu à son montant actuel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt AVANT DIRE DROIT, en matière commerciale, par mise à disposition au greffe, conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Révoque l'ordonnance de clôture,

Ordonne une expertise,

Commet pour y procéder M. [N] [P], [Adresse 1]
avec la mission de :
1/ se rendre sur les lieux situés Parc d'activités économiques de la MARE à [Localité 8] (974), [Adresse 7], locaux exploités par la SAS ECOCHIMIE, en présence des parties ou celles-ci dûment convoquées,
2/ décrire les locaux commerciaux, déterminer la surface des locaux, dire et justifier le cas échéant l'application d'un coefficient de pondération,
3/ donner son avis sur la valeur locative du bail en renouvellement à la date du 6 mars 2018, et en tenant compte :
- de tous les autres éléments mentionnés aux articles L 145-33, L145-34, R 145-2 et suivants du Code de Commerce ,
- de toutes références pertinentes de fixations amiables et judiciaires,
- éventuellement des usages observés dans la branche d'activité considérée, et / ou des loyers pratiqués dans la zone et en fonction de l'état des locaux donnés à bail et de la situation du Parc d'activité de la Mare,

Fixe à la somme de 3.000 (TROIS MILLE) euros la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, somme qui devra être consignée par la SAS PROLOGIA à la Régie de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, [Adresse 2], avant le 20 décembre 2022 ;

Dit que, faute de consignation de la provision dans ce délai, la désignation de l'expert sera caduque et privée de tout effet ;

Dit qu l'expert commencera sa mission dès qu'il sera avisé par le greffe du dépôt de ma consignation et qu'il devra déposer son rapport avant le 15 juin 2023 après avoir soumis un pré-rapport aux conseils des parties ;

Dit que le président de la chambre commerciale et à défaut, l'un des magistrats de la chambre sera délégué au contrôle de cette expertise ;

Invite les parties à conclure dans les 2 mois du dépôt du rapport ;

Fixe le loyer provisionnel pour la durée de l'instance au montant du loyer contractuel ;

Sursoit à statuer sur les autres demandes dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise ;

Réserve les dépens ;

Renvoie l'affaire à la mise en état du 18 septembre 2023 à 14 heures (audience dématérialisée).

Le présent arrêt a été signé par Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

Signé


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion
Formation : 06
Numéro d'arrêt : 21/004661
Date de la décision : 02/11/2022
Sens de l'arrêt : Révocation de l'ordonnance de clôture

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.saint-denis-de-la-reunion;arret;2022-11-02;21.004661 ?
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