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12/10/2022 | FRANCE | N°21/006981

France | France, Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion, 06, 12 octobre 2022, 21/006981


ARRÊT No22/
SP

R.G : No RG 21/00698 - No Portalis DBWB-V-B7F-FRIQ

[O]
[V]

C/

S.A. SOCIETE FINANCIERE POUR LE DEVELOPPEMENT DE LA REU NION DENOMMEE EN ABREGE SOFIDER

COUR D'APPEL DE SAINT - [S]

ARRÊT DU 12 OCTOBRE 2022

Chambre commerciale

Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL MIXTE DE COMMERCE DE SAINT-[S] en date du 03 FEVRIER 2021 suivant déclaration d'appel en date du 23 AVRIL 2021 RG no 2019J00663

APPELANTS :

Monsieur [S] [U] [K] [O]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Pierre HOARAU, avoc

at au barreau de SAINT-[S]-DE-LA-REUNION
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/2434 du 19/05/2021 accordée p...

ARRÊT No22/
SP

R.G : No RG 21/00698 - No Portalis DBWB-V-B7F-FRIQ

[O]
[V]

C/

S.A. SOCIETE FINANCIERE POUR LE DEVELOPPEMENT DE LA REU NION DENOMMEE EN ABREGE SOFIDER

COUR D'APPEL DE SAINT - [S]

ARRÊT DU 12 OCTOBRE 2022

Chambre commerciale

Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL MIXTE DE COMMERCE DE SAINT-[S] en date du 03 FEVRIER 2021 suivant déclaration d'appel en date du 23 AVRIL 2021 RG no 2019J00663

APPELANTS :

Monsieur [S] [U] [K] [O]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Pierre HOARAU, avocat au barreau de SAINT-[S]-DE-LA-REUNION
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/2434 du 19/05/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Saint-[S])

Madame [I] [Y] [X] [V] épouse [O]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Pierre HOARAU, avocat au barreau de SAINT-[S]-DE-LA-REUNION
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/2433 du 19/05/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Saint-[S])

INTIMÉE :

S.A. SOCIETE FINANCIERE POUR LE DEVELOPPEMENT DE LA REUNION DENOMMEE EN ABREGE SOFIDER
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Henri BOITARD, avocat au barreau de SAINT-[S]-DE-LA-REUNION

DATE DE CLÔTURE : 15/11/2021

DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 avril 2022 devant Madame PIEDAGNEL Sophie, Conseillère, qui en a fait un rapport, assistée de Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, les parties ne s'y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué, à l'issue des débats, que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 06 juillet 2022 prorogé par avis au 12 octobre 2022.

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère
Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère
Conseiller : Madame Magali ISSAD, Conseillère

Qui en ont délibéré

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 12 octobre 2022.

* * *

LA COUR

Par acte sous signature privée du 8 juillet 2013, la SA Société Financière pour le Développement de la Réunion (la SOFIDER) a consenti à la SARL [O] 3 BM un prêt professionnel no06166339 d'un montant de 210.000 euros au taux de 2,50% l'an, destiné à lui permettre l'acquisition d'un fonds de commerce appartenant à l'entreprise individuelle de M. [S] [U] [K] [O].

Par acte du 28 juin 2013, ce dernier et son épouse Mme [I] [Y] [X] [V] se sont portés caution solidaire, chacun, à hauteur de la somme de 252.000 euros des engagements de la société [O] 3 BM à l'égard de la SOFIDER.

Le 15 janvier 2018, la banque mettait en demeure la société d'avoir à régulariser sa situation au regard des échéances impayées d'un montant de 21.009,15 euros et indiquait qu'à défaut la déchéance de terme était prononcée.

Le même jour, la banque adressait des lettres de mise en demeure à l'égard des cautions et ce, en vain.

Le 19 octobre 2015, la SOFIDER informait la société [O] 3 BM de la déchéance du terme.

Par actes d'huissier en date du 7 février 2019, la SOFIDER a fait assigner la société [O] 3 BM ainsi que M. et Mme [O] devant le tribunal mixte de commerce de Saint [S] de la Réunion aux fins de condamnation à lui payer la somme de 139.617,98 euros.

Par acte d'huissier en date du 14 octobre 2020, la SOFIDER a assigné la SELARL Hirou es qualité de mandataire liquidateur de la société [O] 3 BM afin de constater le désistement de la SOFIDER des instances par elle introduite contre la société [O] 3 BM

M. et Mme [O] ont conclu au débouté des prétentions de la SOFIDER arguant de ce que la déchéance du terme n'a pas été prononcée conformément à la jurisprudence de la cour de cassation, la mise en demeure préalable concernant le prêt en cause n'étant pas produite et sollicitant qu'il soit fait injonction à la SOFIDER de justifier de l'information annuelle des cautions.

C'est dans ces conditions que, par jugement rendu le 3 février 2021, le tribunal mixte de commerce de Saint [S] de la Réunion a :
-constaté le désistement d'instance de la SOFIDER à l'encontre de la SARL [O] 3 BM
-condamné M. [S] [O] et Mme [I] [O] née [V] à payer à la SOFIDER la somme de 124.651,30 euros
-débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires
-dit n'y avoir lieu a application de l'article 700 du code de procédure civile
-constaté l'exécution provisoire de droit de la présente décision
-condamné M. [S] [O] et Mme [I] [O] née [V] aux dépens de l'instance. Lesdits dépens afférents aux frais de jugement taxés et liquidés à la somme de 99,22€ TTC, en ceux non compris les frais de signification du présent jugement et de ses suites s'il y a lieu.

Par déclaration au greffe en date du 23 avril 2021, M. et Mme [O] ont interjeté appel de cette décision.

Dans leurs conclusions transmises par voie électronique le 15 septembre 2021, M. et Mme [O] demandent à la cour de :
I - Recevoir les concluants régulièrement appelants du jugement du 3 février 2021
II - Vu les articles L640 et suivants du code de commerce
-constater que M. [O] a été placé en liquidation judiciaire depuis le 18 décembre 2019
-dire et juger que dans une telle hypothèse la procédure devant le tribunal mixte de commerce devait être interrompue jusqu'à mise en cause du liquidateur et qu'aucune condamnation ne pouvait être prononcée contre M. [O]
-infirmer le jugement du 3 février 2021 en ce qu'il a condamné M. [O] à payer la somme principale de 124.651,30 euros avec intérêts
III - Vu l'article L313-22 du code monétaire et financier et l'article L314-15 du code de la consommation,
-réformer le jugement du 3 février 2021 en ce qu'il a condamné Mme [O] à payer la somme de 124.651,30 euros
-juger que la SOFIDER ne peut en aucune manière se prévaloir de l'engagement de caution de Mme [O] parfaitement disproportionné à sa situation financière
-juger que la SOFIDER aurait dû déconseiller à Mme [O] de signer un tel engagement et n'aurait pas du l'imposer
En conséquence
-débouter la SOFIDER de l'ensemble de ses demandes
Très subsidiairement
-débouter la SOFIDER de ses demandes, si par impossible l'acte de caution était jugé régulier, en raison de l'absence de preuve de l'information des cautions sur la situation de la dette, la banque ne peut réclamer ni intérêt ni pénalité....pourtant compris dans la somme de 124.651,30 euros
En tout état de cause
-juger que la SOFIDER a été défaillante dans son devoir de conseil et de prévenance à l'égard de la concluante
-condamner la SOFIDER au paiement de 124.651,30 euros à titre de dommages et intérêts et aux entiers dépens.
-condamner encore la SOFIDER au paiement de 3.000 euros de frais irrépétibles
-la condamner en tout état de cause aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 3 août 2021, la SOFIDER demande à la cour de :
-statuer ce que de droit quant à la recevabilité de l'appel interjeté par M. et Mme [O] née [V] du jugement du 3 février 2021 du Tribunal mixte de commercie de Saint-[S] de La Réunion
-infirmer ledit jugement en ce qu'il a condamné M. [O] à payer à la SOFIDER la somme de 124.651,30 euros, cette somme ayant été déclarée par la SOFIDER à la procédure collective dudit [O] outre son désistement d'instance de ce chef
-confirmer par contre en toutes ses dispositions le jugement en ce qu'il a condamné Mme [O] à payer à la SOFIDER la somme de 124.651,30 euros avec exécution provisoire.
-condamner Mme [O] à payer à la SOFIDER la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de même qu'aux entiers frais d'appel en ce compris le coût du timbre fiscal obligatoire devant la cour.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l'exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 novembre 2021 et l'affaire a reçu fixation pour être plaidée à l'audience rapporteur du 6 avril 2022. Le prononcé de l'arrêt, par mise à disposition du greffe, a été fixé au 6 juillet 2022 prorogé au 12 octobre 2022.

SUR CE, LA COUR

A titre liminaire

D'une part, il y a lieu de préciser qu'il sera fait application des dispositions du code civil dans leur version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance no2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve de l'obligation dans la mesure où les engagements de caution ont été pris avant l'entrée en vigueur de la réforme.

D'autre part, il convient de rappeler qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif. Ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir "constater" ou "donner acte" ou encore "considérer que" voire "dire et juger que" et la cour n'a dès lors pas à y répondre.

Sur la condamnation de M. [O] en sa qualité de caution

En l'espèce, aucune des parties ne sollicitent plus la condamnation de M. [O] à payer la somme de 124.651,30 euros, cette somme ayant été déclarée par la SOFIDER à la procédure collective de M. [O].

Sur la condamnation de Mme [O] en sa qualité de caution

1o) sur la mise en demeure et la déchéance du terme

M. et Mme [O] soutiennent que la déchéance du terme a été prononcée de façon irrégulière par la SOFIDER, le courrier du 15 janvier 2018 ne visant aucun délai.

Selon la SOFIDER, la lecture de lettre de mise en demeure qu'elle a adressée le 15 janvier 2018 à Mme [O] permet de constater que le délai imparti pour régler la somme due a bien été précisé dans la lettre de mise en demeure avant déchéance du terme.

Sur quoi,

Aux termes de l'article 2288 (ancien) du code civil : "Celui qui se rend caution d'une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n'y satisfait pas lui-même."

En l'espèce, suivant acte sous signature privée en date du 18 juillet 2013, la SOFIDER a consenti à la SARL [O] 3 BM un prêt professionnel (prêt équipement pro no6166339) en vue de l'achat d'un fonds de commerce appartenant à l'entreprise individuelle de M. [O] d'un montant de 210.000 euros remboursable en 84 échéances mensuelles de 3.221,04 euros hors assurance au taux de 7,50% l'an hors assurance (TEG 7,81%) garanti par le nantissement du fonds de commerce ainsi que l'engagement de caution solidaire de M. [O] à concurrence de la somme de 252.000 euros et de Mme [V] épouse [O] à concurrence de la somme de 252.000 euros. En vertu de l'article 12 « Exigibilité anticipée » : « Le présent contrat pourra être résilié de plein droit par le Prêteur par lettre recommandée, avec effet immédiat, et toutes sommes dues à un titre quelconque en capital, intérêts et accessoires deviendront immédiatement exigibles » ? « en cas de non paiement au Prêteur d'une somme quelconque contractuellement prévue, en cas d'impayés sur tout prêt ou crédit consenti par le Prêteur ou par tout autre établissement bancaire ou financier. »

Aux termes de l' « acte de caution solidaire et aval », Mme [O] s'est porté caution pour une durée de 108 mois à hauteur de 252.000 euros en garanti du prêt équipement professionnel consenti par la SODIFER à la SARL [O] 3 BM. Le paragraphe 1 précise que « Le signataire déclare se porter caution solidaire et renoncer d'ores et déjà aux bénéfices de discussion et de division. En renonçant au bénéfice de discussion, la caution s'engage à payer le bénéficiaire sans pouvoir exiger de ce dernier qu'il poursuive préalablement le cautionné sur ses biens. » Selon le paragraphe 7 « La déchéance du terme, encourue pour quelque cause que ce soit par le cautionné, et notamment en cas de non-paiement à sa date d'une échéance du prêt en principal ou intérêts, sera automatiquement étendue à la caution à laquelle l'intégralité du solde en principal, intérêts, commissions, accessoires, intérêts de retard et frais, pourra être immédiatement réclamée par tout moyen, dans la limite du montant garanti. » Ledit acte a été signé par Mme [O] qui a porté les mentions manuscrites prévues par la loi.

Suivant lettre recommandée avec demande d'avis de réception datée du 15 janvier 2018 (reçu le 17 janvier 2018), la SOFIDER a mis en demeure avant déchéance du terme la société [O] 3 BM de lui payer la somme de 36.788,18 euros sous huit jours et informé celle-ci qu'à défaut de règlement dans les délais impartis et en cas de nouvel impayé, la SOFIDER serait amené à lui réclamer l'intégralité de la créance et à engager toutes mesures judiciaires nécessaires au recouvrement forcé de la créance, soit la somme de 124.651,30 euros se décomposant comme suit :
-11 échéances impayées 36.788,18 €
-capital restant dû 87.863,12 € * (sauf intérêts en mémoire)
*A majorer de l'indemnité contractuelle sur les sommes stipulées au contrat.

Suivant courrier recommandé avec accusé de réception du même jour (plis non réclamé), la SOFIDER a mis en demeure avant déchéance du terme Mme [O] de payer la somme de 36.788,18 euros sous huit jours, lui rappelant que la SARL [O] 3 BM a bénéficié d'un prêt pour lequel elle s'est portée caution et que la lettre de mise en demeure qui lui a été adressée le 24 novembre 2017 est restée sans suite.

Enfin, suivant lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 19 octobre 2018 (reçu le 25 octobre 2018) la SOFIDER a mis en demeure la société [O] 3 BM de lui régler la somme de 136.177,97 euros sous 15 jours, soit l'intégralité de sa créance, entendant se prévaloir du contrat, se décomposant comme suit :
-principal 127.214,24 €
(capital restant dû pour 66.014,48 € + 19 x 3.221,04 = 61.199,76€
correspondant aux échéances de mars 2017 à septembre 2018)
-intérêts 5.663,01 €
-indemnité forfaitaire 3.300,72 €

Et par courrier recommandé avec accusé de réception du même jour (reçu le 25 octobre 2018) Mme [O] a été mise demeure de régler les sommes dues, la copie de la lettre de mise en demeure adressée à la société [O] 3 BM étant jointe au courrier.

Le décompte de la créance établi au 21 janvier 2019 fait ressortir une créance de 139.617,98 euros (les intérêts passant de 5.663,01 à 9.103,02 €)

Il résulte de ce qui précède que contrairement à ce que prétendent M. et Mme [O], la déchéance du terme a été prononcée de façon tout à fait régulière, après une mise en demeure préalable, comme le relève les premiers juges.

2o) sur la disproportion du cautionnement

M. et Mme [O] soutiennent que l'engagement de Mme [O], séparée de biens de son époux, est manifestement disproportionné à ses revenus, ceux-ci s'élevant à 1.427 euros par an au moment de l'engagement de caution.

Selon la SOFIDER, Mme [O] ne rapporte pas la preuve de la disproportion qu'elle invoque.

Sur quoi,

Pour rappel, dans la mesure où la SOFIDER est un créancier professionnel, les dispositions du code de la consommation sont applicables à l'engagement de caution de Mme [O].

Il résulte des dispositions de l'article 2296 alinéa 1er (ancien) du même code civil que :
« La solvabilité d'une caution ne s'estime qu'eut égard à ses propriétés foncières, excepté en matière de commerce ou lorsque la dette est modique.
On n'a point égard aux immeubles litigieux ou dont la discussion deviendrait trop difficile par l'éloignement de leur situation. »

Par ailleurs, en vertu des dispositions des articles L332-1 et L343-4 du code de la consommation (aujourd'hui abrogés par l'ordonnance du 15 septembre 2021 et intégrés au code civil) « Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. »

Ces dispositions s'appliquent à toutes les cautions averties ou non à condition qu'elle soit une personne physique, au cautionnement présentant un caractère commercial et à tout créancier professionnel.

La disproportion manifeste du cautionnement s'apprécie au regard de la capacité de la caution à faire face, avec ses biens et revenus, non à l'obligation garantie, selon les modalités de paiement propres à celle-ci, c'est à dire aux mensualités des prêts, mais au montant de son propre engagement. Il est tenu compte l'endettement global de la caution y compris celui résultant d'engagements de caution, quand bien même ces engagements de caution auraient été déclarés disproportionnés, à condition qu'il s'agisse de cautionnements antérieurement souscrits mais il ne peut être tenu compte d'un cautionnement antérieur que le juge déclare nul et qui est ainsi anéanti rétroactivement.

C'est la caution qui supporte la charge de la preuve de démontrer que son engagement de caution était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, le code de la consommation n'imposant pas au créancier professionnel de vérifier la situation financière de la caution lors de son engagement.

La caution qui a rempli, à la demande de la banque, une fiche de renseignements relative à ses revenus et charges annuels et à son patrimoine, dépourvue d'anomalies apparentes sur les informations déclarées, ne peut, ensuite, soutenir que sa situation financière était en réalité moins favorable que celle qu'elle a déclarée au créancier. Ainsi, la banque n'a pas de vérification à faire sur les informations données par la caution dans une fiche que la caution certifiée exacte et signée en l'absence d'anomalie apparente et peut les opposer sauf à intégrer des charges qu'elle ne pouvait ignorer.

La sanction du caractère manifestement disproportionné de l'engagement de la caution est l'impossibilité pour le créancier professionnel de se prévaloir de cet engagement.

Il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de la conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, d'établir que, au moment où il l'appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à ses obligations.

En l'espèce, la SOFIDER verse au débats les « renseignements fournis à titre confidentiel » établi et signé par chaque caution le 28 juin 2013 dont il ressort que :
-M. [O] est chef d'entreprise
-Mme [O] est sans profession
-il est fait état dans chacune des fiches de renseignements à la rubrique « situation financière » de revenus professionnels annuels de 148.459 euros (soit 12.371,58 euros par mois) et de charges annuelles (emprunts en cours) pour 10.313 euros (859,42 euros par mois) correspondant à un prêt « consommation travaux » souscrit auprès du Crédit Agricole par M. [O] le 1er février 2008 et un prêt « immobilier construction » souscrit auprès de la SOFIDER par M. et Mme [O] le 10 mars 2012
-à la rubrique « environnement patrimonial, il est mentionné une maison à titre de résidence principale d'une valeur estimée à 80.000 euros

Dans la « note de présentation du 15/04/2013 » versée aux débats par la SOFIDER, il est indiqué, notamment, que M. [O] est marié sous le régime de la séparation de biens, tandis que dans les « renseignements fournis à titre confidentiel », s'agissant de l'environnement familial, le régime matrimonial n'est pas renseigné. En tout état de cause, M. et Mme [O] justifient de leur régime matrimonial, à savoir le régime de la séparation des biens formalisé par un acte authentique daté du 3 février 2006.

M. et Mme [O] produisent au dossier leur avis d'impôt 2013 sur les revenus 2012 dont il ressort que M. [O] a déclaré des revenus industriels et commerciaux annuels pour 162.076 euros et que Mme [O] a déclaré des salaires ou assimilés annuels pour 1.427 euros ainsi que leur avis d'impôt établi en 2021 sur les revenus 2020 faisant état de l'absence totale de revenu pour les époux.

En l'espèce, force est de constater qu'au moment de l'engagement de caution, Mme [O] étant sans profession et sans revenus, les sommes indiquées à la rubrique « situation financière » sans autre précision concernent uniquement les revenus de M. [O] et les emprunts de M. [O] et du couple.

Par ailleurs, la résidence principale du couple, dont on ignore à qui elle appartient à titre personnel compte tenu du régime de séparation des biens, est évaluée à une somme bien inférieure au montant de l'engagement pris.

Enfin, la SOFIDER n'établit pas ni même n'allègue que Mme [O] serait aujourd'hui et à tout le moins au jour de l'assignation, revenue à meilleure fortune.

Au regard de ces éléments, il sera constaté que l'engagement de caution litigieux, souscrit par Mme [O] était manifestement disproportionné à ses biens et revenus et qu'en conséquence, la SOFIDER ne peut s'en prévaloir.

Dans ses conditions et sans qu'il soit besoin de statuer sur le devoir de mise en garde et l'information annuelle de la caution et en l'absence de retour à meilleure fortune, le jugement déféré doit être infirmé en toutes ses dispositions et il convient, statuant à nouveau, de dire que la SOFIDER ne peut se prévaloir de l'engagement de caution de Mme [O] en vertu de son caractère manifestement disproportionné à ses biens et revenus.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Compte tenu de l'infirmation totale du jugement dont appel, il convient de condamner la SOFIDER aux dépens de première instance et d'appel et de la débouter de sa demande au titre des frais irrépétibles pour la procédure d'appel.

Le jugement sera néanmoins confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et l'équité commandant de faire application desdites dispositions enfaveur de M. et Mme [O], il convient de leur accorder de ce chef la somme de 3.000 euros pour la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, en matière commerciale, par mise à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile ;

INFIRME le jugement rendu le 3 février 2021 par le tribunal mixte de commerce de Saint [S] de la Réunion, mais seulement en ce qu'il a :

-condamné M. [S] [O] et Mme [I] [O] née [V] à payer à la SOFIDER la somme de 124.651,30 euros
-débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires
-condamné M. [S] [O] et Mme [I] [O] née [V] aux dépens de l'instance. Lesdits dépens afférents aux frais de jugement taxés et liquidés à la somme de 99,22€ TTC, en ceux non compris les frais de signification du présent jugement et de ses suites s'il y a lieu.

CONFIRME le jugement pour le surplus ;

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés

DIT que la SA Société Financière pour le Développement de la Réunion ne peut se prévaloir de l'engagement de caution de Mme [I] [Y] [X] [V] épouse [O] du 28 juin 2013 en vertu de son caractère manifestement disproportionné à ses biens et revenus ;

DÉBOUTE en conséquence la SA Société Financière pour le Développement de la Réunion de l'ensemble des demandes formées à l'encontre de Mme [I] [Y] [X] [V] épouse [O] ;

CONSTATE que M. [S] [U] [K] [O] a été placé en liquidation judiciaire depuis le 18 décembre 2019 et que dans une telle hypothèse la procédure devant le tribunal mixte de commerce doit être interrompue jusqu'à mise en cause du liquidateur et qu'aucune condamnation ne pouvait être prononcée contre M. [S] [U] [K] [O] ;

DÉBOUTE en conséquence la SA Société Financière pour le Développement de la Réunion de l'ensemble des demandes formées à l'encontre de M. [S] [U] [K] [O] ;

Y ajoutant

CONDAMNE la SA Société Financière pour le Développement de la Réunion à payer à M. [S] [U] [K] [O] et Mme [I] [Y] [X] [V] épouse [O] la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

LA CONDAMNE aux dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE SIGNE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion
Formation : 06
Numéro d'arrêt : 21/006981
Date de la décision : 12/10/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.saint-denis-de-la-reunion;arret;2022-10-12;21.006981 ?
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