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12/10/2022 | FRANCE | N°21/004081

France | France, Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion, 06, 12 octobre 2022, 21/004081


ARRÊT No22/
SP

R.G : No RG 21/00408 - No Portalis DBWB-V-B7F-FQNN

S.A.S. OASIS

C/

S.A.R.L. SDGE

COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS

ARRÊT DU 12 OCTOBRE 2022

Chambre commerciale

Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL MIXTE DE COMMERCE DE SAINT DENIS en date du 25 JANVIER 2021 suivant déclaration d'appel en date du 05 MARS 2021 RG no 2019J02813

APPELANTE :

S.A.S. OASIS
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentant : Me François AVRIL, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMÉE :

S.A.R.L. SD

GE
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentant : Me Iqbal AKHOUN de la SELARL IAVOCATS et PARTNERS, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNIO...

ARRÊT No22/
SP

R.G : No RG 21/00408 - No Portalis DBWB-V-B7F-FQNN

S.A.S. OASIS

C/

S.A.R.L. SDGE

COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS

ARRÊT DU 12 OCTOBRE 2022

Chambre commerciale

Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL MIXTE DE COMMERCE DE SAINT DENIS en date du 25 JANVIER 2021 suivant déclaration d'appel en date du 05 MARS 2021 RG no 2019J02813

APPELANTE :

S.A.S. OASIS
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentant : Me François AVRIL, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMÉE :

S.A.R.L. SDGE
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentant : Me Iqbal AKHOUN de la SELARL IAVOCATS et PARTNERS, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

DATE DE CLÔTURE : 15/11/2021

DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 avril 2022 devant Madame PIEDAGNEL Sophie, Conseillère, qui en a fait un rapport, assistée de Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, les parties ne s'y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué, à l'issue des débats, que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 06 juillet 2022 prorogé par avis au 12 octobre 2022.

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère
Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère
Conseiller : Madame Magali ISSAD, Conseillère

Qui en ont délibéré

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 12 octobre 2022.

* * *

LA COUR

La SAS Oasis a exploité un snack bar dans les locaux du centre Ekwalis en vertu d'un contrat de sous-location du 30 mars 2017.

Par jugement en date du 22 octobre 2014, le tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SAS Ekwalis, dont le plan de redressement a été adopté le 17 juin 2015. Suite à la résolution du plan, la société Ekwalis a été placée en liquidation judiciaire le 14 mars 2018. Enfin, le tribunal a ordonné la cession des actifs de celle-ci à la SARL (EURL) SDGE par jugement du 12 septembre 2018.

Se plaignant d'une dégradation des conditions de son activité jusqu'à son départ des lieux en janvier 2019, par acte d'huissier en date du 17 juillet 2019, la société Oasis a fait assigner la société SDGE devant le tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion aux fins de condamnation à lui payer les sommes de 150.000 euros à titre de dommages et intérêts et 4.000 euros au titre des frais irrépétibles et ce, sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

La société Oasis a conclu au débouté des prétentions de la société SDGE et sollicité une indemnité de procédure de 3.000 euros.

C'est dans ces conditions que, par jugement rendu le 25 janvier 2021, le tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion a :
-débouté la société Oasis de ses demandes
-condamné la société Oasis à payer à la société SDGE une indemnité de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
-rappelé que le présent jugement est de plein droit exécutoire à titre provisoire
-débouté les parties du surplus de leurs demandes
-condamné la société Oasis aux entiers dépens de l'instance. Lesdits dépens afférents aux frais de jugement taxés et liquides à la somme de 62.92 euros TTC, en ceux non compris les frais de signification du présent jugement et de ses suites s'il y a lieu.

Le tribunal a, sur le fondement de l'article L642-7 du code de commerce, estimé que le contrat de sous-location ne figurant pas parmi ceux que le tribunal avait inclus au plan de cession, il ne liait pas la société SDGE et n'emportait donc pour elle aucune obligation.

Par déclaration au greffe en date du 5 mars 2021, la société Oasis a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 7 octobre 2021, la société Oasis demande à la cour, au visa des articles 1101 et suivants du code civil, de :
-voir infirmer le jugement frappé d'appel en toutes ses dispositions
-voir constater que la société SDGE a mis fin de façon fautive au contrat de sous location commercial de la société Oasis qui avait continué ses effets avant et après le plan de cession
-voir en conséquence condamner la société SDGE à verser la somme de 150.000 euros à titre de dommages et intérêts
-la voir condamner en outre à verser la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens
-voir ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant appel ou toute autre voie de recours.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 24 août 2021, la société SDGE demande à la cour de :
-dire l'appel recevable mais mal fondé
-dire que le bail a été résilié en bonne et due forme par le mandataire liquidateur en exécution du jugement du 12 septembre 2018
-dire et juger que la résiliation du bail n'est pas imputable à la société SDGE, que la résiliation n'est pas fautive.
-confirmer la décision entreprise dans toutes ses dispositions.
-débouter la SARL Oasis de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions qui sont contestées dans le principe et dans le quantum.
-condamner la SARL Oasis à payer à la société SDGE la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l'exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 novembre 2021 et l'affaire a reçu fixation pour être plaidée à l'audience rapporteur du 6 avril 2022. Le prononcé de l'arrêt, par mise à disposition du greffe, a été fixé au 6 juillet 2022 prorogé au 12 octobre 2022.

SUR CE, LA COUR

A titre liminaire

Il convient de rappeler qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif. Ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir "constater" ou "donner acte" ou encore "considérer que" voire "dire et juger que" et la cour n'a dès lors pas à y répondre.

Sur la responsabilité contractuelle

La société Oasis expose qu'elle a exploité un snack bar en vertu d'un contrat de sous location en date du 30 mars 2017 établi par la société Ekwalis et précise qu'antérieurement et postérieurement au plan de cession homologué le 12 septembre 2018, et jusqu'au mois de décembre 2018 où elle a été chassée des lieux, elle payait régulièrement les loyers.
Elle soutient que le contrat de sous-location n'a fait l'objet ni d'une résiliation judiciaire, ni d'une résiliation amiable.
Elle argue que le plan de cession n'a jamais été communiqué de sorte qu'on ignore si le contrat de sous-location était ou non inclus dans le plan, pour autant, elle estime que la règle selon laquelle l'accessoire suit le principal doit s'appliquer.
Elle fait valoir que le plan de cession fait état, non pas de la cession de contrats, mais de la cession d'un fonds de commerce et des murs de nature à porter suppression du contrat de location principale, l'acquéreur ne pouvant pas être son propre locataire : à partir du moment où la société SDGE a acquis l'immeuble par le plan cession et non pas seulement le fonds de commerce et que le loyer de la sous location était régulièrement payé la suppression du bail principal par l'effet de l'acquisition du foncier était de nature à noyer le contrat de sous location en contrat de location principal.
Elle estime qu'en tout état de cause, il aurait fallu respecter la procédure de résiliation prévue au contrat pour mettre fin à la sous-location.
Elle considère enfin que la société SDGE a multiplié les entraves au bon fonctionnement de son activité (portillon donnant accès au parking de livraison fermé à clé, tables et tabourets de bar retirés, installation d'un frigo avec de la bière en libre service, interdiction d'amener des enfants, etc...) et, dans l'impossibilité de continuer à exploiter son snack bar, elle a perdu son fonds de commerce par l'attitude fautive de la société SDGE ce qui lui a causé un préjudice qu'elle chiffre à la somme de 150.000 euros.

Selon la société SDGE, la motivation du jugement est à l'abri de toute critique et la résiliation du contrat de sous-location était justifiée. Elle fait valoir que le contrat de sous-location n'a pas été repris puisqu'il a fait l'objet d'une résiliation de la part de Me [Z] [O], mandataire liquidateur, en exécution du jugement du 18 septembre 2019 et en déduit que la résiliation ne lui est donc pas imputable.
Elle dément toute entrave au bon fonctionnement de la société Oasis : des mesures ont été prises afin de sécuriser les lieux. Elle ajoute que la société Oasis a déménagé son matériel et pris des meubles ne lui appartenant pas sans prévenir personne.
Elle estime que la sous-location n'ayant pas été reprise et que la résiliation est du fait du mandataire judiciaire, la demande de dommages et intérêts est mal fondée, dans son principe et dans son quantum. Elle considère que c'est sa façon de gérer qui a conduit la société Oasis à la perte du fonds de commerce.

Sur quoi,

Pour rappel,

En application de l'article L110-3 du code de commerce, « A l'égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu'il n'en soit autrement disposé par la loi. »

D'une part,

Aux termes de l'article L642-7 du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige (modifié par la loi no 2014-626 du 18 juin 2014 et par l'ordonnance no2014-326 du 12 mars 2014) (antérieure à la loi no2019-486 du 22 mai 2019) :
« Le tribunal détermine les contrats de crédit-bail, de location ou de fourniture de biens ou services nécessaires au maintien de l'activité au vu des observations des cocontractants du débiteur transmises au liquidateur ou à l'administrateur lorsqu'il en a été désigné.
Le jugement qui arrête le plan emporte cession de ces contrats, même lorsque la cession est précédée de la location-gérance prévue à l'article L642-13.
Ces contrats doivent être exécutés aux conditions en vigueur au jour de l'ouverture de la procédure, nonobstant toute clause contraire.
Le tribunal peut, si un contrat de bail soumis au chapitre V du titre IV du livre Ier portant sur un ou plusieurs immeubles ou locaux utilisés pour l'activité de l'entreprise figure dans le plan de cession, autoriser dans le jugement arrêtant le plan le repreneur à adjoindre à l'activité prévue au contrat des activités connexes ou complémentaires. Le tribunal statue après avoir entendu ou dûment appelé le bailleur.
En cas de cession d'un contrat de crédit-bail, le crédit-preneur ne peut lever l'option d'achat qu'en cas de paiement des sommes restant dues dans la limite de la valeur du bien fixée d'un commun accord entre les parties ou, à défaut, par le tribunal à la date de la cession.
La convention en exécution de laquelle le débiteur constituant conserve l'usage ou la jouissance de biens ou droits transférés à titre de garantie dans un patrimoine fiduciaire ne peut être cédée au cessionnaire, sauf accord des bénéficiaires du contrat de fiducie.
Le cocontractant dont le contrat n'a pas fait l'objet de la cession prévue par le deuxième alinéa peut demander au juge-commissaire qu'il en prononce la résiliation si la poursuite de son exécution n'en est pas demandée par le liquidateur. »

D'autre part,

Il ressort des dispositions de l'article 1103 du code civil que « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. »

Selon l'article 1104 du même code :
« Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Cette disposition est d'ordre public »

Et aux termes de l'article 1193 : « Les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties ou pour les causes que la loi autorise."

Par ailleurs,

Aux termes de l'article 1199 du code civil :
« Le contrat ne crée d'obligation qu'entre les parties.
Les tiers ne peuvent pas demander l'exécution d'un contrat ni se voir contraints de l'exécuter, sous réserve des dispositions de la présente section et de celles du chapitre III du titre IV. »

Et selon l'article 1231-1 du même code :
« Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a étyé empêchée par la force majeure. »

Enfin,

Aux termes de l'article 1349 du code civil :
« La confusion résulte de la réunion des qualités de créancier et de débiteur d'une même obligation dans la même personne. Elle éteint la créance et ses accessoires, sous réserve des droits acquis par ou contre des tiers. »

Ainsi, la confusion des droits locatifs et de propriété sur la tête de la même personne éteint le droit au bail.

S'agissant d'une sous-location, la réunion dans la même personne des qualités de propriétaire et de locataire principal n'opère pas réunion des qualités de créancier et de débiteur des obligations nées du contrat de sous-location. Ainsi, la disparition du bail principal n'entraîne pas la résiliation de la sous-location.

En l'espèce, il ressort des éléments du dossier que par jugement en date du 22 octobre 2014, le tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SAS Ekwalis dont le plan de redressement a été adopté le 17 juin 2015.

Aux termes d'un acte sous seing privé en date du 31 mars 2009 et par avenant en date du 31 mars 2012, la SCI E974 a donné à bail commercial à la SAS Ekwalis un local commercial d'une superficie d'environ 2.910 situé [Adresse 3] pour une durée de neuf années qui ont commencé à courir le 1er janvier 2009 pour se terminer le 31 décembre 2017.

Par acte sous signature privée en date du 30 mars 2017, la SAS Ekwalis (locataire principal) a donné à bail de sous-location à M. [J] [M] agissant pour le compte de la SAS Oasis (sous-locataire) ([Adresse 1]) des locaux comprenant un kiosque couvert d'une superficie de 52,61 m² avec sa terrasse en devanture (environ 50 m²) ainsi que deux espaces jardin d'environ 80 m² et 100 m², le tout représentant une surface d'environ 232,60 m², moyennant un loyer mensuel en principal, hors charges et hors TVA de 2.000 euros, étant précisé qu'il est expressément convenu entre les parties que pour compenser les travaux d'aménagements à effectuer par le sous locataire que les trois premiers mois de loyers ne seront pas réclamés ainsi que l'eau et l'électricité et les neuf mois de loyer suivant feront l'objet d'un loyer de 1.000 euros avec eau et électricité comprise. Le bail de sous-location a été expressément autorisé par le bailleur (lettre du 20 février 2017), la SCI E974 représentée par son Gérant M. [G] [A] qui a également paraphé et signé ledit acte.

L'article 3 « Durée » est ainsi rédigé :
« La Sous-location est consentie et acceptée à compter du 01/03/2017 pour la durée restant courir du Bail principal renouvelé, soit jusqu'au 31/12/2020.
A l'expiration de la durée initiale, et à défaut de congé donné par l'une ou l'autre des parties moyennant un préavis minimum de résiliation en cours d'exécution du contrat de 6 (six) mois, notifié à l'autre partie par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, la Sous-location sera tacitement prolongée pour la durée résiduelle du Bail principal, soit jusqu'au 31/12/2026, aux mêmes charges, clauses et conditions.
A l'arrivée du terme du Bail principal, soit le 31/12/2020, en cas de prolongation du Bail principal, la Sous-location pourra être prolongée selon les mêmes charges, clauses et conditions des présentes. Le Bailleur devra être appelé à concourir à l'acte de prolongation dans les formes et conditions de l'article L145-31 du code de commerce.
En cas de non renouvellement du Bail principal, si le Locataire principal refuse l'offre de renouvellement ou ne fait pas valoir son droit au renouvellement, le Sous-locataire ne pourra prétendre à aucune indemnité du fait du non-renouvellement du Bail principal.
En cas de résiliation anticipée du Bail principal, quelle qu'en soit la cause, la Sous-location prendra fin de plein droit au plus tard à la date de résiliation du Bail principal. Le Locataire principal devra toutefois informer sans délai le Sous-Locataire de la résiliation du Bail principal et de sa date d'effet, par lettre recommandée avec avis de réception, le Sous-Locataire quittera les Locaux au plus tard le jour de la date d'effet de la résiliation, sans pouvoir prétendre à un quelconque maintien dans les lieux, ni indemnité de la part du Locataire principal. »

La société Ekwalis a été mise en liquidation judiciaire le 14 mars 2018 à la suite de la résolution du plan, puis la liquidation judiciaire a été étendue à la SCI E974 et à la SARL Iguazu par jugement du 4 juillet 2018.

Par jugement en date du 12 septembre 2018, le tribunal mixte de commerce de Saint Denis a, notamment, ordonné la cession au profit de la SARL SDGE des éléments d'actifs de la SAS Ekwalis, de la SARL Igauzu et de la SCI E974, dit que le transfert de propriété se fera dès la signature des actes de cession qui devra intervenir au plus tard dans un délai de trois mois à compter du jugement et confié à la société SDGE la gestion desdites sociétés jusqu'à l'entrée en jouissance. Il ressort des motifs de la décision que la société SDGE a présenté une offre prévoyant l'acquisition du fonds de commerce « Ekwalis » ainsi que l'immeuble pour le prix de 3.454.8710 euros réparti comme suit :
-éléments incorporels 103.144 euros
-éléments corporels 251.726 euros
-immeuble 3.100.000 euros
et financé par un prêt de 3.050.000 euros souscrit auprès du Crédit Agricole.
La société SDGE a également proposé de reprendre 8 salariés sur les 9 présents avec les mêmes conditions de rémunération et d'ancienneté ainsi que la reprise des congés payés acquis et a énuméré les contrats qu'elle entendait reprendre conformément à l'article L642-7 du code de commerce.

Suivant procès-verbal d'huissier de justice en date du 5 décembre 2018, Me [H], à la demande de la société Oasis, a constaté que le portillon donnant accès au parking était fermé à clé et que le barillet semblait être à l'état neuf, que la société Oasis n'avait pas d'autre accès livraison et était donc contrainte de passer par le centre Ekwalis pour faire livrer ses marchandises, qu'un panneau était fixé sur le mur sur la gauche du portillon indiquant que la porte était condamnée pour des raisons de sécurité et de contrôle d'accès et que le portillon en contrebas de l'escalier (parking livraison) était quant à lui ouvert.

Suivant sommation interpellative en date du 9 avril 2019, à la demande de la société Oasis, le gérant de la société Ekwalis, M. [T] [N] a répondu à la question « Quelles sont les raisons pour lesquelles vous avez exigé le départ de la SAS Oasis des locaux qu'elle occupe au sein de la SAS Ekwalis, en vertu d'un bail commercial ? » : « J'ai repris, suite à une liquidation judiciaire, l'activité d'Ekwalis, et je n'ai pas reconduit le bail de la SAS Oasis. Ceci est acté décision de justice. ». A la question « Pouvez-vous préciser quant la requérante peut se rendre sur place, dans les locaux loués au sein de la SAS Ekwalis, afin de récupérer le matériel lui appartenant ? », M. [N] a répondu : « Il n'y a aucun matériel qui lui appartient ici. Je considère même qu'elle est parti avec du matériel ne lui appartenant pas, dans la mesure où on a accepté in loyer minoré de 1.000 euros, à l'époque du bail existant pour financer le matériel qui de ce fait m'appartient et ce pendant 12 mois. Or, au bout des 12 mois, la SAS Oasis aurait du payer le loyer à 2.000 euros, mais a considéré qu'elle n'avait pas à le faire. De septembre 2018 à décembre 2018 (date de reprise de la société Ekwalis), la SAS Oasis ne m'a versé aucune loyer. ».

La société Oasis, outre le contrat de bail de sous-location, le contrat d'huissier du 5 décembre 2018 et la sommation interpellative du 9 avril 2019, verse aux débats :
-les bilans et comptes de résultat des années 2017 et 2018 (résultat net 2017 : 7.316€, résultat net 2018 : -7.427€)
-des attestations de témoin (Mmes [X], [S], [E], [Y], [I], [F] et [R] et MM. [W], [P] et [U]) dont des adhérents d'Ekwalis
-une facture du loyer de mai 2018
-des extraits de compte des mois de juin à décembre 2018 (virement : 5 mai 2018 : 1.000€, 5 juin 2018 : 1.000€, 5 juillet 2018 : 1.000€, 5 août 2018 : 1.000€, 5 septembre 2018 : 1.000€, 27 septembre 2018 : 1.000€ (barré?), 5 octobre 2018 ; 1.000€, 10 octobre 2018 : 1.000€, 5 novembre 2018 : 2.000€ et 5 décembre 2018 : 2.000€
-des photographies de matériels restés sur les lieux d'après la société Oasis (cuisine équipée, chauffe-eau électrique cumulus, chaises tables).

La société SDGE ne verse aux débats que les trois documents, précédemment produits devant la tribunal, à savoir :
-un courrier recommandé avec avis de réception de Me [O] daté du 21 octobre 2018 adressé à la société Oasis à l'adresse suivante : [Adresse 2], portant en objet : « SAS EKWALIS – HOMOLOGATION DU PLAN DE CESSION » ainsi rédigé :
« Je viens vers vous en ma qualité de liquidateur judiciaire de la société SASCEKWALIS, placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal mixte de commerce de Saint Denis en date du 14 mars 2018.
Par jugement en date du 12 septembre 2018, ce même tribunal a ordonné la cession des éléments d'actifs des sociétés SAS EKWALIS, SARL IGUAZY et SCI E974 au profit de la société EURL SDGE.
Conformément à l'article L642-7 du code de commerce, l'offre de la SDGE liste les contrats repris, parmi lesquels ne figurent pas le bail de sous-location et la convention de partenariat conclus entre la SAS EKWALIS et la SAS OASIS.
Aussi, ces contrats n'étant pas utile à la procédure, je vous demande de prendre note de la résiliation de ces contrats, et de bien vouloir quitter les lieux dès réception de la présente, celle-ci valant mise ne demeure. »
-le récépissé de ladite lettre portant la mention : « destinataire inconnu à l'adresse »
-neuf photographies.

Il résulte de ce qui précède que, d'une part, la société SDGE, par l'effet de la cession des actifs des sociétés Ekwalis et E974, notamment, concernant tant les éléments corporels et incorporels que l'immeuble, a réuni la qualité de bailleur et de locataire des lieux sous-loués à la société Oasis, et ce à compter d'une date qui n'est pas connue précisément, faute d'élément, mais qui ne peut, en tout état de cause, être postérieure au 12 décembre 2018 (3 mois à compter du jugement d'adoption du plan de cession).

Il s'en suit que les obligations liées au bail se sont trouvées éteintes, leur exercice n'étant plus possible.

Cependant, il n'existe aucun lien juridique entre le bailleur et le sous-locataire, ainsi, il importe peu que la liste des contrats repris par la société SDGE soit ou non produite, étant néanmoins remarqué que Me [O], dans son courrier recommandé avec accusé de réception du 21 octobre 2018 adressé à la

société Oasis, indique que le bail de sous-location ne figure pas dans la liste des contrats repris par la société SDGE dans le cadre de l'adoption du plan de cession.

Dans ces conditions, la disparition du bail principal n'a pas entraîné la résiliation de la sous-location.

En effet, la réunion des qualités de bailleur et de preneur principal du bail en une même personne n'a pas mis un terme au lien contractuel avec la société Oasis devenue, de fait, locataire principal.

D'autre part, il résulte des stipulations du contrat de bail de sous-location que, si en cas de résiliation anticipée du bail principal, « quelle qu'en soit la cause », la sous-location prend fin de plein droit au plus tard à la date de résiliation du bail principal (date en l'occurrence non connue précisément faute d'élément), il n'en demeure pas moins que le locataire principal doit informer sans délai le sous-locataire de la résiliation du bail principal et de sa date d'effet, par lettre recommandée avec avis de réception.

En l'espèce, c'est dans sans son courrier du 21 octobre 2018, que le liquidateur de la société Ekwalis a demandé à la société Oasis « de prendre note de la résiliation » du contrat de sous-location « et de bien vouloir quitter les lieux dès réception de la présente, celle-ci valant mise en demeure », tout en indiquant que le bail de sous-location ne figurait pas dans la liste des contrats repris par la société SDGE dans le cadre de la cession d'actif.

A ce titre, il apparaît que le courrier du liquidateur est fondé sur une analyse erronée.

Pour autant, il n'est pas contesté que la société a néanmoins quitté les lieux à une date non précisée, dans des conditions non précisées, la société Oasis se bornant à indiquer qu'elle a été dans l'impossibilité de continuer à exploiter son snack bar du fait de l'attitude fautive de la société SDGE.

Or, pour engager la responsabilité contractuelle du locataire principal, la société Oasis doit rapporter la preuve d'une défaillance contractuelle, d'un dommage prévisible et d'un lien de causalité entre les deux.

En l'état, la société Oasis n'établit pas que la société SDGE l'ait, par son comportement, obligée à quitter les lieux.

En effet, il résulte de l'article 4 « Destination de Locaux – Activités autorisées » que les locaux sont exclusivement destinés à un usage commercial de gestion et d'exploitation d'un centre de remise en forme. En vertu de l'article 5-4 « Absence de droit du Sous-Locataire vis-à-vis du Bailleur » le sous-locataire ne pourra se prévaloir d'un quelconque droit sur les locaux en dehors de ceux consentis par le contrat de bail de sous-location, ni d'aucun droit à l'égard du bailleur.

Les attestations versées aux débats, dont certaines ne peuvent retenir l'attention de la cour dans la mesure où elles ne décrivent pas de faits précis circonstanciés et datés, auxquels son auteur a assisté ou qu'il a personnellement constatés, évoquent essentiellement des confidences de la gérante du snack bar ou des ressentis (mauvaise ambiance), d'autres font état des règles relatives au centre de remise en forme (accès réservé aux adhérents, interdiction de ramener des enfants sans justification ni raison valable, horaires de fermeture raccourcis) ou encore évoquent une confiscation du mobilier par la société SDGE.

Or, le contrat de sous-location ne mentionne aucune obligation de la part du locataire principal de fournir du mobilier au sous-locataire ou d'assurer des plages horaires d'ouverture précises ou encore de permettre ou non aux non-adhérents de pénétrer dans les locaux, étant rappelé que les locaux sont « exclusivement destinés à un usage commercial de gestion et d'exploitation d'un centre de remise en forme » ce qui implique des règles concernant le fonctionnement du centre et notamment vis à vis des adhérents.

Il s'en suit qu'à défaut d'établir une faute contractuelle en lien avec le dommage subi, à savoir, selon la société Oasis la perte de son fonds de commerce qu'elle chiffre à la somme de 150.000 euros, sans plus d'explication, la demande formée par la société Oasis ne peut prospérer.

Le jugement sera par conséquent confirmé, par substitution de motifs, en ce qu'il a débouté la société Oasis de ses demandes.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société Oasis succombant, il convient de :
-la condamner aux dépens d'appel
-confirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée aux dépens de première instance
-confirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles pour la procédure de première instance.

En revanche, l'équité commande en l'espèce de dire n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur l'exécution provisoire

La demande de la SAS Oasis tendant à voir prononcer l'exécution provisoire en appel étant inopérante, elle sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, en matière commerciale, par mise à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile ;

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 25 janvier 2021 par le tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion ;

Y ajoutant

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire ;

CONDAMNE la SAS Oasis aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE SIGNE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion
Formation : 06
Numéro d'arrêt : 21/004081
Date de la décision : 12/10/2022
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.saint-denis-de-la-reunion;arret;2022-10-12;21.004081 ?
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