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22/07/2022 | FRANCE | N°20/009491

France | France, Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion, 04, 22 juillet 2022, 20/009491


ARRÊT No22/398
PF

No RG 20/00949 - No Portalis DBWB-V-B7E-FMC2

S.A.R.L. FO YAM MUSIC

C/

S.A.R.L. LEO

RG 1ERE INSTANCE : 17/03779

COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS

ARRÊT DU 22 JUILLET 2022

Chambre civile

Appel d'une décision rendue par le TJ DE SAINT-DENIS en date du 26 MAI 2020 RG no 17/03779 suivant déclaration d'appel en date du 29 JUIN 2020

APPELANTE :

S.A.R.L. FO YAM MUSIC
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Mathieu GIRARD de la SELARL HOARAU-GIRARD, avocat plaidant au barreau de SAINT-DENI

S-DE-LA-REUNION

INTIMEE :

S.A.R.L. LEO
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Guillaume jean hyppo DE GERY de la SELARL GERY-...

ARRÊT No22/398
PF

No RG 20/00949 - No Portalis DBWB-V-B7E-FMC2

S.A.R.L. FO YAM MUSIC

C/

S.A.R.L. LEO

RG 1ERE INSTANCE : 17/03779

COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS

ARRÊT DU 22 JUILLET 2022

Chambre civile

Appel d'une décision rendue par le TJ DE SAINT-DENIS en date du 26 MAI 2020 RG no 17/03779 suivant déclaration d'appel en date du 29 JUIN 2020

APPELANTE :

S.A.R.L. FO YAM MUSIC
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Mathieu GIRARD de la SELARL HOARAU-GIRARD, avocat plaidant au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMEE :

S.A.R.L. LEO
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Guillaume jean hyppo DE GERY de la SELARL GERY-SCHAEPMAN, avocat plaidant au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

CLOTURE LE : 9 décembre 2021

DÉBATS : En application des dispositions de l'article 785 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 Mars 2022 devant la cour composée de :

Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre
Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère
Conseiller : Madame Magali ISSAD, Conseillère

Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.

A l'issue des débats, le président a indiqué que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition le 10 Juin 2022 puis le délibéré a été prorogé au 22 Juillet 2022.
Greffier lors des débats Madame Alexandra BOCQUILLON, Adjointe administrative ff
Greffier lors de la mise à disposition : Mme Nathalie TORSIELLO Greffier

ARRÊT : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 22 Juillet 2022.

* * *

LA COUR

EXPOSE DU LITIGE

Par acte d'huissier du 13 novembre 2017, la SARL Fo Yam Music a fait assigner la SARL Leo devant le tribunal de grande instance de St Denis aux fins de se voir indemniser des troubles subis pendant l'exécution du bail des locaux sis [Adresse 5] et de ceux nés de l'éviction subie à raison des manquements du bailleur, outre frais irrépétibles et dépens.

Par jugement du 26 mai 2020, le tribunal a:

- constaté la résiliation de plein droit à la date du 29 juillet 2016 du contrat de bail du 11 octobre 1999 par l'effet de la clause résolutoire dudit contrat,

- débouté la SARL Fo Yam Music de sa demande aux fins de constater la résiliation du bail aux torts exclusifs du bailleur,

- débouté la SARL Fo Yam Music de ses demandes de paiement d'indemnités,

- débouté la SARL Leo de sa demande reconventionnelle en paiement pour non-respect du délai de préavis;

- condamné la SARL Fo Yam Music à payer à la SARL Leo à l'enseigne Au relais de Savannah la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- condamné la SARL Fo Yam Music aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître Guillaume De Gery, membre de la Selarl GERY-SCHWARTZ-SCHAEPMAN, avocats.

Par déclaration du 29 juin 2020 au greffe de la cour, la SARL Fo Yam Music a formé appel du jugement.

Elle sollicite de la cour de:

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, à l'exception de celle déboutant la SARL Leo de sa demande reconventionnelle tendant à la voir condamnée à lui payer une indemnité équivalant à six mois de loyer pour non-respect d'un délai congé ;

- débouter la SARL Leo de son appel incident tendant à la voir condamnée à lui payer 68.720,46€ à titre d'indemnité pour non-respect du délai congé en l'y disant mal fondée ;

Statuant à nouveau,

- débouter la SARL Leo de sa demande reconventionnelle tendant à voir juger que le bail était résilié de plein droit par l'effet de la clause résolutoire qui y était insérée ensuite du commandement de payer du 29 juin 2016 en l'y disant irrecevable et à tout le moins mal fondée ayant judiciairement déclaré que la résiliation était intervenue le 30 mars 2017 de l'initiative du preneur et demandé à juger qu'en conséquence sa demande de constat de résiliation par acquisition de la clause résolutoire visée par le commandement de payer du 29 juin 2016 était devenue sans objet ;

- juger que la restitution des locaux intervenue en date du 30 mars 2017 s'analyse en une résiliation du bail commercial aux torts exclusifs du bailleur dès lors qu'il est établi par les éléments versés aux débats qu'il a manqué gravement tant à son obligation de délivrance qu'à celle d'assurer au preneur la jouissance paisible du bien donné à bail ;

- juger que cette résiliation aux torts du bailleur doit dès lors produire les effets d'une éviction illégale;

- juger qu'en conséquence, la SARL Leo doit l'indemniser d'une part du préjudice résulté des troubles de jouissance subis pendant l'exécution du bail, et d'autre part, la perte de son fonds de St Paul s'analysant en éviction illégale

- juger qu'au regard des éléments fournis, il y a lieu de lui accorder une indemnité en réparation des troubles de jouissance importants subis pendant l'exécution du bail à la somme de 137.436,00€ ;

- condamner en conséquence la SARL Leo à lui payer à la somme de 137.436,00€ en réparation des troubles de jouissance subis ;

- juger qu'il est par ailleurs établi que la SARL Fo Yam n'ayant pu le transférer, a dû fermer l'établissement qu'elle exploitait à [Localité 6] ;

- juger que l'indemnité d'éviction principale qui lui est due doit donc correspondre à la valeur marchande du fonds qu'elle a perdu, conformément aux règles applicables en la matière posées par le code de commerce ;

- juger qu'elle est également fondée à percevoir des indemnités accessoires correspondant au coût des licenciements de son personnel, à ses frais de déménagement,

- condamner en conséquence la SARL Leo à lui payer les sommes de :

. 146.312,26€ : indemnité principale d'éviction ;
. 14.631,23€ : indemnité de remploi ;
. 51.629,94€ : trouble commercial ;
. 6.621,16€ : coût déménagement et nettoyage ;
. 7.346,54€ : coût location benne (traitement ordures) ;
. 52.874,14€ : coût des licenciements ;
. 1.225,63€ : coût constat état des lieux de sortie ;

- condamner la SARL Leo à payer la somme de 8.500,00€ en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SARL Leo aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La SARL Leo demande à la cour de:

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint Denis le 26 mai 2020 en ce qu'il a débouté la SARL Fo Yam Music de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

En conséquence,
A titre principal,
- constater que le 29 juin 2016, elle a fait délivrer à la SARL Fo Yam Music un commandement de payer les sommes dues au titre de l'arriéré locatif et d'avoir à justifier d'une assurance, en visant la clause résolutoire prévue au contrat.
- constater que suivant ordonnance du 20 octobre 2016, le Juge des référés du TGI de Saint Denis, saisi à la requête du preneur, a ordonné la suspension de la clause résolutoire et de tous ses effets et accordé à la SARL Fo Yam un délai de paiement de deux ans pour verser à la concluante le montant correspondant aux loyers impayés.

- constater que le preneur n'a pas respecté les conditions fixées à l'ordonnance de référé;

- juger que le non-respect par le preneur des conditions fixées à l'échéancier de paiement a entrainé l'acquisition de la clause résolutoire, laquelle a dès lors vocation à produire son plein effet

- juger que le preneur n'a pas justifié d'une assurance en cours de validité dans le délai d'un mois imparti par le commandement délivré le 29 juin 2016

- juger que la résiliation du contrat pour manquement du preneur à son obligation de paiement des loyers et d'assurance a produit effet un mois après le commandement de payer, soit à compter du 29 juillet 2016.

- juger que la demande de la SARL Fo Yam Music aux fins de constatation de la résiliation du bail aux toits exclusifs du bailleur du fait de la restitution des locaux en date du 30 mars 2017 est mal-fondée

En conséquence,
- débouter la SARL Fo Yam Music de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions

A titre subsidiaire,
- juger irrégulière la résiliation du contrat de bail commercial à l'initiative de la SARL Fo Yam en l'absence de tout manquements caractérisés du bailleur à la date de remise des locaux le 30.03.2017.

En conséquence,
- débouter la SARL Fo Yam de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions

A titre plus subsidiaire,
- juger que le preneur échoue à caractériser une quelconque faute du bailleur tant dans l'exécution de son obligation de délivrance que dans l'exécution de son obligation d'assurer au preneur la jouissance paisible de la chose donnée en location

- juger qu'en l'état le rapport d'expertise judiciaire sur lequel la SARL Fo Yam Music fonde l'intégralité de ses prétentions est insuffisant à caractériser les manquements allégués compte tenu des pièces que la concluante verse aux débats et qui contredisent l'analyse et les conclusions de l'expert judiciaire

S'agissant plus précisément du trouble de jouissance invoqué, juger qu'en cas de troubles de fait émanant d'un tiers qui ne revendique aucun droit sur la chose louée, le bailleur n'est tenu d'aucune obligation conformément à l'article 1725 du code civil

En conséquence,
- débouter la SARL Fo Yam de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions

A titre encore plus subsidiaire,
- juger que le chiffrage retenu par la SARL Fo Yam Music pour la réparation des préjudices qu'elle allègue n'est justifié ni dans son principe ni dans son montant
- juger que la SARL Fo Yam Music échoue pareillement à démontrer un lien de causalité direct entre les griefs reprochés au bailleur et les préjudices allégués

En conséquence,
- débouter la SARL Fo Yam Music de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions

A titre d'appel incident
-infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle de l'intimée

Statuant à nouveau,
- juger que la SARL Fo Yam Music n'a pas respecté le préavis de 6 mois devant précéder le congé donné au bailleur

En conséquence,
- condamner la SARL Fo Yam à lui verser la somme de 68.720,46 €.

- condamner la SARL Fo Yam à lui payer la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître Guillaume de Géry, avocat au barreau de Saint-Denis, membre de la SELARL GÉRY- SCHAEPMAN.

MOTIFS DE LA DECISION

Vu les dernières conclusions de la SARL Fo Yam du 20 août 2021 et celles de la SARL Leo déposées le 19 août 2021 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties;

Vu la clôture en date du 9 décembre 2021;

Sur la résiliation du bail.

Vu l'article 145-41 du code de commerce;

La SARL Fo Yam Music est sous-locataire de la SARL Leo suivant bail conclu le 11 octobre 1999 pour un local de 650 m2 [Adresse 5] pour un loyer mensuel initial de 49.275 francs.

Par acte d'huissier du 29 juin 2016, la SARL Leo a fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire prévue au bail pour un arriéré de loyer de 47.745,69 euros et commandement de justifier d'une assurance des lieux.

Par ordonnance du 20 octobre 2016, le juge des référés a suspendu les effets de la clause résolutoire et accordé des délais de paiement de deux ans en paiement de la créance actualisée de loyers de 98.627, 28 euros.

Par arrêt du 19 septembre 2017, la cour a infirmé l'ordonnance entreprise et condamné la SARL Fo Yam Music à verser à la SARL Leo la somme de 81.347,92 euros à titre de provision, outre les dépens.

Vu les articles 394 et 397 du code de procédure civile;

La SARL Fo Yam Music fait valoir que la SARL Leo a renoncé à se prévaloir de l'acquisition de la clause résolutoire par son attitude lors de l'instance en référé.

Dans ses dernières conclusions du 16 mai 2017 devant la cour, statuant en référés, la SARL Leo a exposé que du fait de la résiliation du bail à l'initiative du preneur par courrier du 23 mars 2017, il n'y avait plus lieu de statuer sur l'acquisition de la clause résolutoire du contrat de bail et qu'elle ne formulait plus de demande à ce sujet et sous réserve, devant le juge du fond de se prévaloir du comportement fautif de la SARL Fo Yam Music .

Si ce positionnement est susceptible d'être regardé comme un désistement de la demande tendant à constater la résolution du bail dans l'instance en référé, il ne constitue pas une renonciation explicite ou implicite de la SARL Leo de se prévaloir en toutes circonstances de l'acquisition de la clause résolutoire suite à la délivrance du commandement de payer du 29 juin 2016.

Il est donc sans emport sur la possibilité dont dispose la SARL Leo d'arguer de la résolution du bail du fait de l'acquisition de la clause résolutoire dans le cadre du présent litige.

Vu le principe suivant lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui;

La SARL Fo Yam Music argue de ce que la SARL Leo ayant renoncé à l'acquisition de la clause résolutoire lors de l'instance en référé, il ne peut loyalement se prévaloir de celle-ci dans le cadre du présent litige.

Cependant, ainsi qu'il a été relevé précédemment, la SARL Leo n'ayant pas exprimé de renoncement explicite ou dénué d'ambiguïté de se prévaloir de l'acquisition de la clause résolutoire suite à la délivrance du commandement de payer du 29 juin 2016, il ne peut lui être fait grief de s'en prévaloir dans le cadre de la présente instance introduite par la SARL Fo Yam Music aux fins de voir constater la résiliation du bail au 30 avril 2017 à ses torts exclusifs.

La fin de non-recevoir doit ainsi être écartée.

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa version applicable au litige;

Vu l'article 503 du code de procédure civile;

Il n'est pas contesté que la SARL Fo Yam Music ne s'est pas acquittée du montant des loyers réclamés dans le mois suivant la délivrance du commandement de payer visant la clause résolutoire du 29 juin 2016, de sorte que la clause résolutoire était acquise au 30 juillet 2016.

Suite à l'ordonnance de référé du 20 octobre 2016 ayant suspendu les effets de la clause, la SARL Fo Yam Music se devait d'acquitter mensuellement la somme de 4.109,47 euros.

S'il n'est pas contesté que la SARL Fo Yam Music a commencé d'exécuter la décision par premiers paiements desdites échéances en novembre et décembre 2016 puis janvier 2017 (décompte intimée pièce 6) en revanche, elle n'apporte pas la preuve du respect de l'échéancier pour les échéances suivantes.
En conséquence, l'effet suspensif accordé par l'ordonnance à la résolution du bail est devenu caduc et le bail du 11 octobre 1999 s'est ainsi trouvé résolu par l'acquisition de la clause résolutoire au 30 juillet 2016.

La SARL Fo Yam Music énonce toutefois que la clause résolutoire ne peut valablement être invoquée par la SARL Leo en l'absence de bonne foi de la bailleresse qui ne remplissait pas ses obligations de délivrance notamment en matière de sécurité des lieux et alors qu'une expertise judiciaire était pendante.

A ce titre, la cour relève qu'en effet, par sommation de faire, délivrée par huissier le 25 juillet 2014, la SARL Fo Yam Music a sollicité de la SARL Leo de remédier sous quinzaine à l'installation d'une cloison pare-feu entre les deux locaux exploités sur le même site. Par courrier du 25 septembre 2015, le mandataire de la SARL Leo refusait la prise en charge des travaux, laquelle adressait le 15 octobre 2015 un commandement de régler les impayés de loyers pour la somme de 25.885,78 euros. Saisi par la SARL Fo Yam Music le 12 novembre 2015, le juge des référés de Saint Denis a ordonné une expertise aux fins d'évaluer les travaux de mise aux norme nécessaires. A la lecture du rapport d'expertise, les échanges entre l'expert et les parties avant dépôt du pré-rapport ont eu lieu entre le 10 mars 2016 et le 26 juillet 2016; le rapport était daté du 10 octobre 2016. Un rapport d'expertise privée réalisé par la société Arcade conseil était également remis dans sa version finale le 1er septembre 2016.

Par courrier adressé à la SARL Leo du 4 novembre 2016, le conseil de la SARL Fo Yam Music indiquait que cette dernière était dans l'impossibilité d'exploiter le local donné à bail en l'absence de conformité de celui-ci aux règles de sécurité incendie et sollicitait un relogement le temps de l'exécution des travaux. Le 21 décembre 2016, la commission de sécurité de la ville de St Paul a émis un avis défavorable à la poursuite de l'activité de l'établissement la SARL Fo Yam Music.

Il se déduit de ce qui précède que, si la délivrance du commandement de payer visant la clause résolutoire du 29 juin 2016 est intervenue dans un contexte de revendication du locataire sur les conditions de jouissance des lieux, ni le rapport de l'expert judiciaire, ni celui d'expertise privée du 1er septembre 2016, emportant prescription de travaux, n'étaient déposés à la date de la délivrance du commandement de payer litigieux.

Par ailleurs, il est constant que la SARL Fo Yam Music était débitrice de loyers envers le bailleur à cette même date, comme la société l'avait été neuf mois avant.

Enfin, il ne ressort pas des éléments versés aux débats qu'avant le courrier de résiliation du bail adressé par la SARL Fo Yam Music à la SARL Leo le 23 mars 2017, l'appelante ait entendu se prévaloir d'une exception d'inexécution des obligations du bail pour s'affranchir de ses obligations locatives, et plus particulièrement de celle de s'acquitter des loyers.

En ce contexte, la mauvaise foi du bailleur à avoir délivré le commandement de payer visant la clause résolutoire le 29 juin 2016 pour échapper à ses obligations de mise en conformité des lieux apparait dès lors insuffisamment caractérisée.

La SARL Leo est ainsi fondée à solliciter confirmation du jugement ayant constaté la résiliation du contrat de bail du 11 octobre 1999 par l'acquisition de la clause résolutoire suite à la délivrance du commandement du 29 juin 2016.

Corollairement, il sera également confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la SARL Fo Yam Music tendant à constater la résiliation du bail aux torts de la SARL Leo.

Sur les demandes en paiement.

En conséquence de ce qui précède, ne sont fondées:
- ni les demandes de la SARL Fo Yam Music au titre d'une indemnité d'éviction à raison de la perte de la valeur marchande du fonds qu'elle impute à tort à la SARL Leo et des indemnités accessoires,

- ni la demande indemnitaire de cette dernière à raison du non-respect du préavis contractuel de rupture du contrat par la SARL Fo Yam Music alors qu'elle est elle-même à l'origine de la fin du bail par la mise en oeuvre de la clause résolutoire.

Le jugement doit ainsi être confirmé en ce qu'il a rejeté ces demandes.

Vu l'article 1719 du code civil;

La SARL Fo Yam Music fait grief à la SARL Leo de ne pas lui avoir assuré la jouissance paisible des 15 emplacements de stationnement, de l'accès nord à son local et de l'ouverture de son magasin du fait de l'installation d'un snack. Elle en déduit une dégradation des conditions d'exploitation, des restrictions d'accès provoquant le tarissement du flux de clientèle et d'une perte de visibilité de son enseigne.

La SARL Leo fait valoir qu'en application de l'article 1725 du code civil, elle n'est pas responsable de la voie de fait d'un tiers et que la SARL Fo Yam Music n'apporte pas la preuve de son allégation suivant laquelle elle est en lien avec l'exploitant du snack. Elle ajoute qu'aucune perte d'exploitation de la SARL Fo Yam Music en lien avec le trouble allégué n'est établie.

En l'espèce, par constat d'huissier du 10 janvier 2014, l'existence d'une terrasse implantée sur le parking côté accès nord du magasin est établie. Par acte d'huissier du 25 juillet 2014, la SARL Fo Yam Music a sommé la SARL Leo de mettre fin au trouble causé par l'installation de cette terrasse, sans que cette sommation n'ait été suivie d'effet.

L'exploitante du snack a été interpellée par acte d'huissier du 21 juin 2018 et a indiqué être titulaire d'un bail verbal depuis 2001, versant le loyer mensuel "à la société de M. [H], la même que pour le local Fo Yam, je suppose" (pièce 24 appelante).

L'occupation du parking ayant pour effet de restreindre la jouissance de la chose louée (6 places au lieu des 15 contractuellement prévues) et l'occupation étant revendiquée par un tiers preneur en vertu d'un titre, la SARL Leo ne peut valablement contester l'existence d'une voie de fait pour s'exonérer de son obligation de garantir une jouissance paisible des lieux donnés à bail par son locataire.

En revanche, la SARL Fo Yam Music sollicite non pas l'indemnisation du préjudice en résultant directement, à savoir l'acquittement de loyers pour un bien loué dont la jouissance est empêchée, mais un préjudice indirect, la perte du chiffre d'affaires.

Par les éléments comptables qu'elle verse aux débats, à savoir une analyse des bilans comptables entre 2014 et 2016 (pièce 15 appelante), il est en effet constaté une baisse importante et constante du chiffre d'affaires sur ces trois années, passant de 814.064 euros à 622.623 euros. Pour autant, en l'absence d'autres éléments sur la situation de la société antérieurement à 2014 ou d'éléments complémentaires sur la gêne réelle occasionnée pour la clientèle du fait de l'implantation de ce snack, - que l'exploitante disant être dans les lieux depuis 2001 (pièce 24 appelante) -, en fond de parking, le lien entre la minoration des places pouvant être occupées par la SARL Fo Yam Music et la baisse de son chiffre d'affaires n'est pas établie.

Le préjudice allégué en lien avec le trouble de jouissance est ainsi insuffisamment caractérisé.

Le jugement ayant rejeté cette demande indemnitaire doit être confirmé.

Sur les frais irrépétibles et les dépens.

Vu les articles 696, 699 et 700 du code de procédure civile;

La SARL Fo Yam Music, qui succombe, supportera les dépens avec distraction au profit du conseil de l'intimée.

L'équité commande en outre de la condamner à verser la somme de 3.000 euros à la SARL Leo au titre des frais irrépétibles de l'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement en dernier ressort, par mise à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile ;

- Écarte les fins de non-recevoir soulevées par la SARL Fo Yam Music;

- Confirme le jugement entrepris;

Y ajoutant,

- Condamne la SARL Fo Yam Music à verser à la SARL Leo la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles;

- La condamne à supporter les dépens lesquels seront distraits au profit de Me De Gery, membre de la Sarl De Gery- Schwartz- Schaepman.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Mme Nathalie TORSIELLO, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE signé LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 20/009491
Date de la décision : 22/07/2022
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.saint-denis-de-la-reunion;arret;2022-07-22;20.009491 ?
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