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22/07/2022 | FRANCE | N°20/009161

France | France, Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion, 04, 22 juillet 2022, 20/009161


ARRÊT No22/387
PC

No RG 20/00916 - No Portalis DBWB-V-B7E-FMA4

S.E.L.A.R.L. BARONNIE-LANGET

C/

S.A.S.U. ACTI'SEM

RG 1èRE INSTANCE : 19/02364

COUR D'APPEL DE SAINT- DENIS

ARRÊT DU 22 JUILLET 2022

Chambre civile TGI

Appel d'une décision rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE SAINT PIERRE en date du 24 avril 2020 RG no: 19/02364 suivant déclaration d'appel en date du 23 juin 2020

APPELANTE :

S.E.L.A.R.L. BARONNIE-LANGET
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Djalil GANGATE, avocat

au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

INTIMEE :

S.A.S.U. ACTI'SEM
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Jean claude DULER...

ARRÊT No22/387
PC

No RG 20/00916 - No Portalis DBWB-V-B7E-FMA4

S.E.L.A.R.L. BARONNIE-LANGET

C/

S.A.S.U. ACTI'SEM

RG 1èRE INSTANCE : 19/02364

COUR D'APPEL DE SAINT- DENIS

ARRÊT DU 22 JUILLET 2022

Chambre civile TGI

Appel d'une décision rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE SAINT PIERRE en date du 24 avril 2020 RG no: 19/02364 suivant déclaration d'appel en date du 23 juin 2020

APPELANTE :

S.E.L.A.R.L. BARONNIE-LANGET
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Djalil GANGATE, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

INTIMEE :

S.A.S.U. ACTI'SEM
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Jean claude DULEROY, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

CLÔTURE LE : 28 octobre 2021

DÉBATS : En application des dispositions de l'article 804 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 Mars 2022 devant la Cour composée de :

Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre
Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère
Conseiller : Madame Magali ISSAD, Conseillère

Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.

A l'issue des débats, le président a indiqué que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition le 10 juin 2022 puis prorogé au 22 Juillet 2022.

Greffier : Madame Alexandra BOCQUILLON, ff.

ARRÊT : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 22 Juillet 2022.

* * * * *

LA COUR

EXPOSE DU LITIGE

Par acte notarié des 15 juin et 22 juin 2015, la SAS ACTI'SEM a donné à bail à la SAS MODUL'REUNION un local commercial situé sur la commune du [Localité 5], moyennant un loyer mensuel de 14.549,36 euros.

Par acte d'huissier du 29 juillet 2019, la SAS ACTI'SEM a fait assigner en responsabilité la SELARL Baronnie Langet, en qualité d'administrateur judiciaire de la SAS MODUL'REUNION, devant le tribunal de grande instance de Saint-Pierre.

Par jugement réputé contradictoire du 24 avril 2020, le tribunal judiciaire de Saint-Pierre a statué en ces termes :
- Juge que la SELARL Baronnie Langet a commis une faute engageant sa responsabilité ;
- Condamne la SELARL Baronnie Langet à payer à la SAS ACTI'SEM la somme de 56.312,09 euros en réparation du préjudice subi par elle ;
- Condamne la SELARL Baronnie Langet à payer à la SAS ACTI'SEM la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile;
- Ordonne l'exécution provisoire ;
- Condamne la SELARL Baronnie Langet aux dépens de l'instance.

Par déclaration déposée au greffe de la cour par RPVA le 23 juin 2020, la SELARL Baronnie Langet a interjeté appel du jugement précité.

L'affaire a été renvoyée à la mise en état suivant ordonnance en date du 25 juin 2020.

La SELARL Baronnie Langet a déposé ses premières conclusions le 23 septembre 2020.

La société ACTI'SEM a déposé ses conclusions d'intimée le 22 décembre 2020.

Une ordonnance sur incident a été rendue le 1er juin 2021.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 28 octobre 2021.

PRETENTIONS ET MOYENS

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 6 juillet 2021, la SELARL Baronnie Langet demande à la Cour de :
- Annuler le jugement dont appel en ce qu'il a retenu la responsabilité de la SELARL Baronnie Langet et l'a condamnée alors qu'elle n'était pas personnellement partie à l'instance ;
En tant que de besoin pour le surplus,
- infirmant le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- Déclarer, dire et juger la société ACTI'SEM irrecevable en ses actions et demandes contre la SELARL Baronnie Langet, qui n'est pas personnellement partie à l'instance ;
Très subsidiairement,
- déclarer, dire et juger que la société ACTI'SEM ne fait la démonstration d'aucune faute de la SELARL Baronnie Langet ni d'aucun préjudice en lien causal avec la mission de la SELARL Baronnie Langet et la débouter de l'ensemble de ses prétentions, fins et conclusions ;
- En tout état de cause, condamner la société ACTI'SEM à payer à la concluante 7.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, avec application de l'article 699 du même code au profit de Maître Djalil GANGATE, Avocat.

La SELARL Baronnie Langet soutient que le jugement du 24 avril 2020 est nul puisqu'elle n'a pas été assignée à titre personnel mais en qualité d'administrateur judiciaire de la société MODUL'REUNION. Elle estime alors qu'elle n'est pas partie à la procédure, faute de ne pas avoir été régulièrement assignée.

L'appelante prétend que sa responsabilité ne peut pas être engagée puisqu'il n'est pas démontré en l'espèce l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité.

Elle indique qu'elle n'a pas commis de faute en maintenant le contrat de bail du 14 juin 2015, puisqu'il était indispensable à l'activité de la société MODUL'REUNION, eu égard au plan de redressement judiciaire.

Elle souligne qu'elle n'avait qu'une simple mission d'assistance et n'était pas en charge de la gestion courante (dont le règlement des loyers), laquelle relevait des dirigeants sociaux.

Elle certifie avoir rempli ses missions en sollicitant la liquidation judiciaire de la société MODUL'REUNION, après avoir constaté que la situation était irrémédiablement compromise, mais également dans sa recherche de repreneurs.

L'appelante relève que le préjudice de la société ACTI'SEM est nul puisqu'il est de jurisprudence constante de considérer qu'en matière délictuelle, le préjudice allégué n'équivaut pas à la somme arithmétique des loyers impayés mais à la simple perte de chance.

Elle ajoute que les sommes réclamées par l'intimée au titre de ses loyers impayés sont fausses.

La SELARL Baronnie Langet précise que sa mission s'est déroulée du 3 mai 2017 au 25 avril 2018, et qu'ainsi les loyers réclamés par l'intimée en dehors de cette période ne relèvent pas de ses compétences.

* * * * *

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 24 août 2021, la société ACTI'SEM demande à la Cour de :
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 24 avril 2020 par le Tribunal Judiciaire de Saint-Pierre en ce qu'il a jugé que la société BARONNIE-LANGET a commis une faute engageant sa responsabilité et l'a condamnée à payer à la société ACTI'SEM la somme de 56 312, 09 € en réparation du préjudice subi par elle, celle de 3000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens, et également en ce qu'il a ordonné l'exécution provisoire.
- Débouter la Société BARRONIE-LANGET, Société d'Exercice Libéral à Responsabilité Limitée (SELARL) de l'ensemble de ses demandes.
Et y ajoutant :
- Condamner la Société d'Exercice Libérale à Responsabilité Limitée BARONNIE-LANGET à payer à la Société par Actions Simplifiée à Associé Unique ACTI'SEM la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
- Condamner la Société d'Exercice Libérale à Responsabilité Limitée BARONNIE- LANGET aux entiers dépens de l'instance d'appel.

La société ACTI'SEM sollicite de la Cour, le rejet de la demande d'annulation du jugement déféré.

Elle soutient que la méconnaissance de l'objet du litige en raison de la condamnation à titre personnel de la société BARONNIE-LANGET, alors qu'elle avait été citée es qualité d'administrateur de la société MODUL'AIR, n'est pas de nature à caractériser un excès de pouvoir qui aurait été commis par le tribunal judiciaire de Saint-Pierre.

Elle avance qu'en matière de bail commercial, l'administrateur doit apprécier les possibilités financières de l'entreprise administrée et a l'obligation de s'assurer du financement des contrats en cours pour leur bonne exécution.

Elle précise que conformément à l'article L.622-13 du Code de commerce, l'administrateur judiciaire doit mettre fin aux obligations de l'entreprise, si celle-ci ne dispose pas de fonds nécessaires.

L'intimée estime que l'administrateur disposait d'informations suffisantes sur la situation financière de la société MODUL'REUNION pour procéder à la résiliation du bail commercial souscrit auprès de la société ACTI'SEM.

Elle certifie que l'accroissement de la dette locative en l'absence de résiliation du bail commercial par l'administrateur judiciaire constitue une faute de ce dernier.

Elle expose qu'elle est fondée à obtenir la réparation de son préjudice à hauteur de 56.312,09 €.

* * * * *

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure en application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la demande de nullité du jugement entrepris :

Aux termes de l'article 542 du code de procédure civile, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.

L'article 562 du même code prévoit que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

L'appelante invoque la nullité du jugement en soutenant qu'elle n'était pas partie à l'instance à titre personnel puisqu'elle avait été assignée ès qualité d'administrateur judiciaire de la SAS MODUL'REUNION.

La société ACTI'SEM s'y oppose en soutenant que l'appel-nullité n'est recevable qu'en cas d'excès de pouvoir consistant pour le juge à méconnaître l'étendue de son pouvoir de juger, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Or, si la première page du jugement vise la SCP BARONIE-LANGET sans précision de sa qualité, le jugement querellé expose que, par acte d'huissier du 29/07/2019, la société ACTI'SEM a fait assigner en responsabilité la SELARL BARONNIE-LANGET en qualité d'administrateur judiciaire de la SAS MODUL'REUNION.

Selon le premier juge et les parties, la SAS MODUL'REUNION a fait l'objet de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire sur déclaration de cessation des payements par jugement du 3/05/2017 du tribunal mixte de commerce de Saint-Denis. La juridiction a désigné la SELARL BARONNIE-LANGET en qualité d'administrateur judiciaire avec la mission d'assistance prévue à l'article L, 631-12 du code de commerce. Puis, cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du tribunal mixte de commerce de Saint-Denis du 21/03/2018.

L'analyse du jugement et des demandes, renouvelées en cause d'appel, de la société ACTI'SEM évoque incontestablement la recherche de la responsabilité personnelle du mandataire judiciaire et non celle de la société MODUL'REUNION dont la SCP BARONNIE-LANGET était le représentant pendant la procédure de redressement judiciaire.

En condamnant personnellement la SELARL BARONNIE-LANGET à raison de sa faute personnelle engageant sa responsabilité, le premier juge a modifié la nature du litige tel qu'il résulte de l'acte introductif d'instance et donc jugé au-delà de sa saisine.

Le jugement querellé doit être annulé.

Sur la demande initiale dirigée contre la SCP BARONNIE-LANGET, ès qualité d'administrateur judiciaire de la société MODUL'REUNION :

Aux termes des articles 1240 et 1241 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

L'assignation délivrée par la société intimée mentionne clairement qu'est attraite devant la juridiction de jugement « la Société BARONNIE-LANGET, agissant ès-qualités d'administrateur judiciaire de la SAS MODUL'REUNION, par jugement du 3 mai 2017 et de liquidateur judiciaire par jugement du 25 avril 2018.

Outre le fait que l'appelante affirme qu'elle n'a jamais été désignée comme liquidateur judiciaire de la société MODUL'REUNION, elle fait justement valoir que la société ACTI'SEM entend obtenir réparation d'un préjudice qu'elle estime être le résultat d'une faute personnelle de la SELARL BARONNIE-LANGET commise à l'occasion de son mandat judiciaire.

Ainsi, l'appelante est bien fondée à soutenir qu'elle aurait donc dû être assignée à titre personnel et non ès qualités d'administrateur judiciaire de la société MODUL'REUNION.

A cet égard, la cour observe que les dernières conclusions de la SAS ACTI'SEM visent désormais la SELARL BARONNIE-LANGET à titre personnel en ne visant plus sa qualité d'administrateur judiciaire de la société MODUL'REUNION.

Selon le même procédé, l'appelante se présentait dans la déclaration d'appel et dans ses conclusions d'incident déposées le 24 avril 2021 comme « agissant ès qualité d'administrateur judiciaire de la SAS MODUL'REUNION par jugement du 3 mai 2017 et de liquidateur judiciaire de ladite société par jugement du 25 avril 2018 »

Or, il est constant que la SAS ACTI'SEM invoque une faute personnelle de la SELARL BARONNIE-LANGET, mettant en cause le mandataire judiciaire dans l'exercice de son activité professionnelle et non une faute personnelle de la société MODUL'REUNION soumise à la procédure collective.

Pourtant, la responsabilité civile du mandataire doit être engagée en son nom personnel. Si l'action en responsabilité engagée contre le mandataire ès qualités, la juridiction saisie ne peut prononcer une condamnation de ce mandataire pour les fautes qu'il a commises dans l'exercice de sa mission, dès lors qu'il n'est pas personnellement partie à l'instance

En conséquence, il convient de débouter la SAS ACTI'SEM de ses demandes dirigées contre la SELARL BARONNIE-LANGET, « agissant ès qualité d'administrateur judiciaire de la SAS MODUL'REUNION, seule partie attraite à la cause en première instance et qui ne peut plus être recherchée en cause d'appel à raison d'une faute personnelle à titre personnel dans sa mission d'assistance puis de représentation, sur le fondement de l'article 1240 du code civil.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

La SAS ACTI'SEM supportera les dépens et les frais irrépétibles de la SELARL BARONNIE-LANGET.

PAR CES MOTIFS

La cour,statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort

ANNULE le jugement prononcé par le tribunal de grande instance de Saint-Pierre de la Réunion le 24 avril 2020 (MINUTE No 20/00113) ;

Evoquant,

DEBOUTE la SAS ACTI'SEM de ses demandes dirigées contre la SELARL BARONNIE-LANGET, « agissant ès qualité d'administrateur judiciaire de la SAS MODUL'REUNION, seule partie attraite à la cause en première instance ;

CONDAMNE la SAS ACTI'SEM à payer à la SELARL BARONNIE-LANGET une indemnité de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS ACTI'SEM aux dépens qui pourront être distraits par Maître Djalil GANGATE, Avocat.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Madame Alexandra BOCQUILLON, faisant fonction de greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE signé LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 20/009161
Date de la décision : 22/07/2022
Sens de l'arrêt : Annule la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.saint-denis-de-la-reunion;arret;2022-07-22;20.009161 ?
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