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01/07/2022 | FRANCE | N°19/031041

France | France, Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion, 04, 01 juillet 2022, 19/031041


ARRÊT No22/364
PF

No RG 19/03104 - No Portalis DBWB-V-B7D-FJNR

[P]
[B]

C/

[P]
[U]

RG 1èRE INSTANCE : 18/02889

COUR D'APPEL DE SAINT- DENIS

ARRÊT DU 01 JUILLET 2022

Chambre civile TGI

Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SAINT-PIERRE en date du 08 novembre 2019 RG no: 18/02889 suivant déclaration d'appel en date du 03 décembre 2019

APPELANTES :

Madame [W] [J] [V] [P]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentant : Me Stefan WANDREY, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-

LA-REUNION

Madame [SK] [T] [S] [M]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentant : Me Stefan WANDREY, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUN...

ARRÊT No22/364
PF

No RG 19/03104 - No Portalis DBWB-V-B7D-FJNR

[P]
[B]

C/

[P]
[U]

RG 1èRE INSTANCE : 18/02889

COUR D'APPEL DE SAINT- DENIS

ARRÊT DU 01 JUILLET 2022

Chambre civile TGI

Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SAINT-PIERRE en date du 08 novembre 2019 RG no: 18/02889 suivant déclaration d'appel en date du 03 décembre 2019

APPELANTES :

Madame [W] [J] [V] [P]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentant : Me Stefan WANDREY, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

Madame [SK] [T] [S] [M]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentant : Me Stefan WANDREY, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

INTIMES :

Monsieur [Y] [P]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentant : Me Roberto OVA, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

Madame [Z] [N] [G] épouse [P]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentant : Me Roberto OVA, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

CLÔTURE LE : 10 février 2022

DÉBATS : En application des dispositions de l'article 804 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 08 Avril 2022 devant la Cour composée de :

Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre
Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère
Conseiller : Madame Magali ISSAD, Conseillère

Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.

A l'issue des débats, le président a indiqué que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition le 01 Juillet 2022.

Greffier : Madame Alexandra BOCQUILLON, ff.

ARRÊT : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 01 Juillet 2022.

* * * * *

LA COUR

EXPOSE DU LITIGE

Par acte d'huissier en date du 26 septembre 2018, M. [Y] [P] et Mme [Z] [G], son épouse (les époux [Y] [P]), occupants de la parcelle Section BP no[Cadastre 5], sise au [Adresse 2] ont assigné Mmes [W] [P] et [SK] [M] épouse [P], respectivement nu-propriétaire et usufruitière des parcelles BP no[Cadastre 4], sise au [Adresse 3], suite au décès de M. [C] [R] [CK] [P] (les consorts [C] [P]), devant le Tribunal de Grande Instance de Saint-Pierre aux fins de juger qu'ils sont propriétaires par prescription trentenaire de ladite parcelle cadastrée BP [Cadastre 5] à [Localité 6].

Par jugement du 8 novembre 2019, le Tribunal de Grande Instance de Saint-Pierre a :
-dit que M. [Y] [P] et son épouse née [Z] [N] [G] sont propriétaires par prescription acquisitive de la parcelle cadastrée BP [Cadastre 5], sise au [Adresse 2] ;
-débouté les défenderesses de l'ensemble de leurs prétentions,
-condamné in solidum Mme [W] [P] et Mme [SK] [M] veuve [P] à payer aux demandeurs la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
-condamné les mêmes aux dépens de l'instance.

Par déclaration du 3 décembre 2019 au greffe de la cour, les consorts [C] [P] ont formé appel du jugement.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 9 février 2022, ils demandent à la Cour de :
- infirmer le jugement du 8 novembre 2019 en toutes ses dispositions ;
Et statuant à nouveau,
- Dire et juger que les époux [Y] [P] ne rapportent pas la preuve du point de départ de leur possession ;
Au surplus,
-dire et juger que la possession des époux [Y] [P] est entachée d'équivocité ;
Au surplus,
- constater que les époux [Y] [P] n'apportent pas la preuve d'un acte matériel de possession trentenaire à titre de propriétaire ;
Au surplus,
- constater que les époux [Y] [P] reconnaissaient continuellement les héritiers de M. [C] [R] [CK] [P] comme les véritables propriétaires du terrain, lors du projet de vente en 2017 et encore devant le juge des référés en juin 2018 ;
En conséquence,
- dire et juger que les époux [Y] [P] échouent à rapporter la preuve de l'accomplissement d'une prescription trentenaire à leur profit sur la parcelle située sur la Commune de [Localité 6] (Réunion), lieudit « [Adresse 2] » cadastrée BP [Cadastre 5] ;
- débouter les époux [Y] [P] de leur demande tendant à leur voir reconnaître la qualité de propriétaire de ladite parcelle ;
A titre reconventionnel,
- Dire et juger qu'elles sont nu-propriétaire et usufruitière respectivement par titre de la parcelle située sur la Commune de [Localité 6] (Réunion), lieudit « [Adresse 2] », cadastré BP [Cadastre 5] ;
- Constater que cette parcelle est occupée illégalement par les époux [Y] [P], occupants sans droit ni titre ;
En conséquence,
- ordonner l'expulsion des époux [Y] [P], ainsi que celle de tous occupants de leur chef, de ladite parcelle, avec au besoin le concours de la force publique ;
- ordonner la démolition des aménagements réalisés, ainsi que la remise en état initial de la parcelle BP [Cadastre 5], aux frais des époux [P] ;
- Ordonner l'enlèvement des biens mobiliers se trouvant sur les lieux en un lieu approprié, aux frais, risques et périls des époux [P] ;
- Assortir l'obligation de quitter les lieux d'une astreinte d'un montant de 1.000 euros par jour de retard passé le délai de deux mois à compter de la signification de la décision à intervenir et ce jusqu'à parfaite remise en état des lieux ;
- Condamner les époux [Y] [P] à leur payer la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice résultant de l'atteinte à leur droit de propriété ;
- Débouter les époux [Y] [P] de toutes leurs demandes, fins et conclusions contraires ;
En tout état de cause,
- Condamner les époux [Y] [P] à leur payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Les appelantes soutiennent que :
-Mme [W] [P] est bien nu-propriétaire du terrain cadastré BP [Cadastre 4] et BP [Cadastre 5] puisqu'elle est la seule héritière de la nue-propriété dudit bien, conformément à l'acte authentique valant attestation immobilière après décès de son père et le règlement de la succession du 23 mars 2018. Elles précisent que Mme [W] [P] a réglé seule l'intégralité des droits de succession et a fait enregistrer l'acte de succession au Service de la Publicité Foncière de [Localité 7].

-Mme [SK] [M] veuve [P] est usufruitière du même terrain en qualité de conjoint survivant et conformément à l'acte authentique de donation entre vifs souscrit par M. [C] [R] [P] le 10 août 1981.

Mmes [P] avancent qu'en l'espèce aucun matériel trentenaire n'est établi pour caractériser la possession à titre de propriétaire par les époux [Y] [P].

Elles prétendent que les attestations sur lesquelles se fondent les intimés sont irrégulières.

Les appelantes certifient que la possession des intimés est équivoque puisque la maison dans laquelle ils habitaient n'a pas d'adresse précise et se trouve sur une seule et même parcelle avec la maison construite par [C] [R] [P].

Elles indiquent que les avis d'impôts locaux apportés par les intimés ne concernent pas le terrain litigieux puisque ni l'adresse, ni l'indication cadastrale n'y sont précisés.

Mmes [P] exposent que les taxes foncières ont toujours été payées par [C] [R] [P] et ensuite par elles.

Elles soulignent qu'aucune donation n'a été conclue entre les deux frères [C] [R] [P] et M. [Y] [P].

Elles affirment que Mme [W] [P] a fait réaliser un document d'arpentage et n'a aucunement participé à un bornage amiable avec M. [Y] [P].

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 8 février 2022, les époux [Y] [P] demandent à la Cour de :
- dire et juger recevables et bien fondées leurs demandes, fins et conclusions;
Dans ces conditions,
- Débouter les consorts [C] [P] de l'ensemble de leurs demandes.
- Confirmer l'entier dispositif du jugement en date du 8 novembre 2019;
Par conséquent,
- Dire et juger qu'ils apportent indubitablement la preuve de leur possession trentenaire de la parcelle cadastrée BP [Cadastre 5]- sise au [Adresse 2];
- Dire et juger qu'ils sont propriétaires par prescription trentenaire de la parcelle cadastrée BP [Cadastre 5]- sise au [Adresse 2] (REUNION).
En tout état de cause,
- Condamner solidairement Mme [W] [P] et Mme [SK] [T] [S] [P] leur à régler la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Les époux [Y] [P] font valoir qu'ils sont propriétaires de la parcelle cadastrée BP [Cadastre 5], sise au [Adresse 2].

Ils se fondent sur le témoignage de M. [H] [P], frère de [C] et d'[Y], assurant que [C] [R] [P] a donné à M. [Y] [P] la propriété de la parcelle BP [Cadastre 5] et qu'il l'a même aidé aux travaux de construction de sa maison.

Les intimés disent apporter de nombreux témoignages confirmant qu'ils habitent dans leur maison depuis 1963 soit plus de 30 ans. Ils certifient avoir payé toutes les charges relatives à l'eau et à l'électricité ou encore les taxes foncières d'habitation.

Les intimés estiment que la volonté de Mme [W] [P] de rechercher à établir un procès-verbal de bornage est un aveu judiciaire de la reconnaissance de la possession des époux [P] à titre de propriétaire de la parcelle litigieuse. Ils affirment qu'au vue de l'analyse des courriels échangés entre eux, il apparaît clairement que c'est Mme [W] [P] qui a incité les époux [Y] [P] à réaliser un acte de prescription trentenaire.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure en application de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 10 février 2022.

MOTIFS

Sur la propriété de la parcelle BP [Cadastre 5] à [Localité 6].

Vu les articles 2261, 2262, 2266 et 2224 du code civil;
- Sur l'identification des lieux

Il n'est pas contesté que la parcelle BP [Cadastre 5] à [Localité 6], d'une surface de 00 ha 03 a 23 ca, est issue, avec la parcelle BP no[Cadastre 4] d'une surface de 00 ha 06 a 79 ca, d'une même parcelle, dont la nue-propriété a été acquise par [C] [R] [CK] [P] suivant acte authentique du 22 septembre 1954, et dont il a bénéficié en pleine propriété au décès d'[X] [L], le 27 avril 1969 (pièces 1 et 2 appelantes).

Il est en outre établi que, suite au décès de [C] [P], le 11 février 2017 et à la renonciation à succession des enfants du couple formé par [C] [P] et [SK] [M], cette dernière est devenue usufruitière des parcelles BP no[Cadastre 4] et [Cadastre 5] et Mme [W] [P], nu propriétaire des mêmes parcelles, suivant liquidation de succession du 23 mars 2018 (pièce 9 appelantes).

La date à laquelle les parcelles BP [Cadastre 4] et [Cadastre 5] ont été créées ne ressort pas des pièces du dossier. Si les appelantes font valoir que [Y] [P] a réussi à faire procéder à la division cadastrale des parcelles sur la base du document d'arpentage non signé établi suite au décès de [C] [P] (p. 16/21 des conclusions), cette affirmation n'est étayée par aucun élément et qu'il est en outre contredit par le relevé de propriété cadastrale de la parcelle no BP [Cadastre 5] produit par les intimés (pièce 26), faisant état d'une date de mise à jour du fichier en 2015: la parcelle BP [Cadastre 5] existait donc à cette date.

De même, la date à laquelle deux numéros 39 et 41 ont été attribués aux deux maisons présentes sur le terrain acquis par [C] [P] n'est pas établie. Par courrier, intitulé attestation mais ne respectant pas les formes de l'article 202 du code de procédure civile faute pour une pièce d'identité d'être jointe, d'être manuscrite et de comporter la reproduction de l'article 441-7 du code pénal, M. [K], se présentant comme l'ancien facteur du secteur entre 1974 et 1977 énonce qu'à l''époque, l'adresse n'était pas précise et qu'elle était désignée par "les Goyaves" (pièce 28 intimés). Les appelantes soutiennent (p. 3/21) que le numéro 35, ensuite devenu 41, était attribué pour l'ensemble du terrain détenu par [C] [P] en se référant aux avis de taxes foncières des années 1994 (pièce 16 pour le [Adresse 1]), 1999 et 2000 (pièces 43 et 44 pour le [Adresse 3]) mais ces seuls avis de taxes foncières, sans indication de contenance et de nature des biens taxés, sont insuffisants à établir qu'ils correspondent à l'ensemble du terrain acquis par [C] [P] en 1954. A l'inverse, le mandat de gestion immobilière signé par [C] [P] en août 1990 pour la mise en location d'une "maison mi-bois mi-béton sous tôle de type F1 avec cuisine, salle d'eau avec douche, lavabo, WC et Cour, située à [Localité 6], rue Eugène Dayot no35" (pièce 15 appelantes), est davantage de nature à présumer qu'à cette date, le [Adresse 1] correspondait alors à la seule maison édifiée sur la parcelle BP [Cadastre 4], sans inclure à la même adresse la seconde maison édifiée sur la parcelle BP [Cadastre 5].

- sur l'occupation des lieux;

Si la date exacte du début de l'occupation de la maison située sur l'actuelle parcelle BP [Cadastre 5] est contestée, les appelantes s'accordent à constater que depuis le décès d'[X] [L] en 1979, les époux [Y] [P] ont occupé la case créole construite par celle-ci qu'ils ont ensuite agrandie (p. 2/21).

Au jour de l'assignation, en 2018, les époux [Y] [P] occupaient donc la parcelle litigieuse depuis près de 40 ans.

- sur le caractère équivoque de l'occupation :

Les époux [Y] [P] font valoir que [C] [P] leur avait donné la parcelle qu'ils ont occupé comme propriétaires.

Ainsi, ils renvoient:
. aux témoignages de Mmes [F], [D] et [I], ainsi que de M. [H] [P];
. au paiement des charges de la parcelle litigieuse et taxes foncières;
. aux échanges de courriels intervenus entre leur fils et Mme [W] [P] en 2017 dont ils déduisent que cette dernière a reconnu l'existence de leur propriété, les a incités à établir un acte de prescription trentenaire et s'est engagée dans une démarche de bornage des parcelles BP [Cadastre 4] et [Cadastre 5].

Les appelantes soutiennent pour leur part que la maison occupée par les époux [Y] [P] a été mise à disposition par leur père et époux à son frère et sa belle-s?ur, ce qu'ils n'ignoraient pas. Elles estiment ainsi que la possession est équivoque.

Elles se réfèrent ainsi:
. à l'ordonnance du 6 juin 2018 ayant opposé les mêmes parties devant le juge des référés de St Pierre, retranscrivant les moyens des époux [Y] [P], lesquels soutiennent alors que "M. [P] [CK] [[C]] a donné l'autorisation à son frère, [Y] [P] d'occuper à titre gracieux la parcelle cadastrée BP [Cadastre 5] et qu'il occupe cette parcelle avec sa famille depuis près de 50 ans" (pièce 36);
. à un courriel du 4 mars 2017, d'une des autres filles des époux [C] [P] écrivant à Mme [W] [P] qu'"Après la vente de la partie Milien [[Y]]" elle souhaiterait faire donation de sa part d'héritage à sa s?ur [W], une telle expression sous-entendant que, dans l'esprit des héritiers [C] [P], la parcelle BP n'avait pas été cédée ou donnée aux époux [Y] [P] (pièce 34);
. à un courriel d'un fils des époux [Y] [P] du 14 mars 2017 (pièce 26), exposant à Mme [W] [P] qu'il pouvait être déclaré qu'une partie du terrain était occupée par un tiers et qu'ensuite une déclaration de prescription trentenaire pouvait être établir pour régularisation, cette démarche permettant de minimiser les frais de notaire de la succession;
. à une procuration établie au nom d'[Y] [P] pour l'acquisition de la parcelle BP [Cadastre 5] donnée à son fils, et signée de ce dernier, le 20 mars 2017 (pièce 11).
. au témoignage du 26 avril 2017 de M. [O], voisin des parcelles, lequel soutient que Mme [Y] [P] lui avait indiqué que l'arbre à l'origine de nuisances n'était pas chez elle et que Mme [W] [P] avait procédé à l'élagage de la partie accessible chez elle (pièce 14).

Sur ce,

Les époux [Y] [P] produisent aux débats les avis de taxe foncières des années 1976, 1978, 1979, 1980, 1981 et 2018 (pièces 19 à 23; 25) en revanche, hormis pour l'année 2018, les mentions de ces avis de taxe sont insuffisamment précises pour identifier le terrain auquel ils se rapportent, alors que les appelantes établissent que M. [Y] [P] a été propriétaire d'un terrain à [Localité 6].

Les attestations de Mmes [F], [D] et [I] (pièces 1, 2 et 31 intimés), n'apportent pas d'éléments sur le fait que les époux [Y] [P] aient occupé la parcelle comme propriétaires ou non. En revanche, M. [H] [E] [P], frère d'[Y] et de [C] [P] atteste, le 18 décembre 2022 que [C] "a donné à [Y] la parcelle de terrain sur laquelle est construite cette habitation (BP [Cadastre 5]). Cette donation a eu lieu à la fin des années 1950. [...]Pour les constructions, mes frères se sont aidés mutuellement[...]. Je peux aussi confirmer qu'à chaque occasion [C] [R] [CK] rappelé (sic) à [Y] de la nécessité de procéder à la régularisation de cette donation via un acte notarié" (pièce 30 intimés). Toutefois, comme le fait valoir les appelantes, M. [H] [P] était âgé de moins d'une dizaine d'années à la fin des années 50 pour être né en 1950, de sorte que son témoignage sur la nature du rapport juridique de l'occupation consentie par [C] [P] à [Y] [P] sur la parcelle BP no[Cadastre 5] apparait fragile. En tout état de cause, cette attestation apporte confirmation de ce que [C] [P] n'a jamais exprimé ou réitéré devant officier public une volonté de céder à son frère la parcelle BP [Cadastre 5], en l'absence de démarches accomplies par ce dernier.

En outre, le fait que M. [Y] [P] ait construit sur la parcelle BP [Cadastre 5] ne suffit pas à caractériser une possession à titre de propriétaire, lesquelles constructions ont pu être autorisées ou tolérées par son frère [C].

Enfin, s'il ressort des courriels échangés entre Mme [W] [P] et [A] [P], fils de M. [Y] [P] d'avril 2017 à juin 2017 que les parties ont tenté de rechercher une solution "afin de séparer nos deux parcelles" (pièce 7 intimés), par l'établissement d'un "plan de bornage de l'occupation" (pièce 9 intimés) dans le cadre de la diffusion d'un "avis d'enquête pour prescription trentenaire (pièce 9 intimés) par [A] [P]. Toutefois, s'il résulte des différents échanges courriels (pièces 4 à 13 intimés) que les parties souhaitaient borner les parcelles BP [Cadastre 5] et [Cadastre 4], il ne s'en déduit cependant aucune reconnaissance univoque des appelantes de ce que les époux [Y] [P] étaient propriétaires, par donation ou usucapion de la parcelle BP [Cadastre 5], une telle démarche - qui n'a d'ailleurs abouti à aucun accord- pouvant également constituer un préalable d'identification et division de la parcelle BP [Cadastre 5] avant une vente de ladite parcelle comme le revendique les appelantes.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments, et notamment de leur affirmation devant le juge des référés d'avoir été autorisés par [C] [P] à occuper une partie de son terrain, que les époux [Y] [P] n'apportent pas la preuve d'une possession non- équivoque à titre de propriétaire de la parcelle BP [Cadastre 5].

Les appelantes sont ainsi fondées à solliciter l'infirmation du jugement entrepris ayant reconnu l'usucapion des époux [Y] [P] sur la parcelle BP [Cadastre 5].

En conséquence, pourvue d'un titre constatant leurs droits réels sur cette parcelle, elles sont fondées à solliciter la fin de l'occupation de celle-ci par les époux [Y] [P].

Toutefois, il convient de relever d'une part, que les parties semblaient, en 2017, enclines à un accord pour que les époux [Y] [P] puissent conserver le terrain qu'ils ont occupé de longue date et, d'autre part, qu'elles n'ont pas débattu de l'application du 4e alinéa de l'article 555 du code civil au cas d'espèce et de l'éventuelle indemnité que les consorts [C] [P] seraient susceptibles de devoir aux époux [Y] [P].

Aussi, il y a lieu de sursoir à statuer sur les conséquences juridiques devant être tirées du rejet de la demande des époux [Y] [P] pour permettre aux parties d'envisager une conciliation sur ces points.

Le surplus des demandes sera ainsi réservé.

* * * * *

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement par décision mixte,

- Infirme le jugement entrepris;

- Rejette la demande des époux [Y] [P] tendant à les déclarer propriétaires par usucapion de la parcelle sise [Adresse 2];

- Sursoit à statuer sur le surplus des demandes;

- Renvoie l'affaire et les parties à la mise en état du 22 septembre 2022 à 9h aux fins d'envisager une médiation, et à défaut, de conclure sur l'application des dispositions de l'article 555 du code civil et l'opportunité d'une expertise;

- Réserve les dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Madame Alexandra BOCQUILLON, faisant fonction de greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE signé LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 19/031041
Date de la décision : 01/07/2022
Sens de l'arrêt : Sursis à statuer

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.saint-denis-de-la-reunion;arret;2022-07-01;19.031041 ?
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