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21/06/2022 | FRANCE | N°21/016121

France | France, Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion, 04, 21 juin 2022, 21/016121


Arrêt No
PC

R.G : No RG 21/01612 - No Portalis DBWB-V-B7F-FTSI

[L]
[L] NÉE [F]

C/

Caisse LA CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE L A REUNION "CRCAMR"
Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA R EUNION (CRCAMR)

COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS

ARRÊT DU 21 JUIN 2022

Chambre civile TGI

Appel d'une ordonnance rendue par le JUGE DE L'EXECUTION DE SAINT-DENIS en date du 26 AOUT 2021 suivant déclaration d'appel en date du 16 SEPTEMBRE 2021 rg no: 20/00052

APPELANTS :

Monsieur [Y] [D] [M] [L]
[A

dresse 1]
[Localité 2]
Représentant : Me Mathieu GIRARD de la SELARL HOARAU-GIRARD, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-RE...

Arrêt No
PC

R.G : No RG 21/01612 - No Portalis DBWB-V-B7F-FTSI

[L]
[L] NÉE [F]

C/

Caisse LA CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE L A REUNION "CRCAMR"
Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA R EUNION (CRCAMR)

COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS

ARRÊT DU 21 JUIN 2022

Chambre civile TGI

Appel d'une ordonnance rendue par le JUGE DE L'EXECUTION DE SAINT-DENIS en date du 26 AOUT 2021 suivant déclaration d'appel en date du 16 SEPTEMBRE 2021 rg no: 20/00052

APPELANTS :

Monsieur [Y] [D] [M] [L]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentant : Me Mathieu GIRARD de la SELARL HOARAU-GIRARD, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION, ayant plaidé

Madame [I] [X] [C] [L] NÉE [F]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentant : Me Florence CHANE-TUNE de la SELARL WIZE AVOCATS REUNION, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION, ayant plaidé

INTIMEES :

Caisse LA CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE L A REUNION "CRCAMR" La CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA REUNION (CRCAMR), société civile coopérative à capital variable régie par les dispositions des articles L 512-20 à L 512-24 du code monétaire et financier, immatriculée au RCS de Saint-Denis sous le no D 312 617 046, dont le siège social est [Adresse 4], représentée par Monsieur [E] [T], Directeur Général, nommé à cette fonction aux termes d'une délibération du Conseil d'Administration en date du 24 septembre 2018.
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentant : Me Amina GARNAULT de la SELAS AMINA GARNAULT, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION subsituée par Me DE RAMBURES, ayant plaidé

DÉBATS : en application des dispositions des articles 778, 779 et 917 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 Mars 2022 devant la cour composée de :
Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre
Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère
Conseiller : Madame Magali ISSAD, Conseillère

Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.

A l'issue des débats, le président a indiqué que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition le 21 Juin 2022.

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 21 Juin 2022.

Greffier : Mme Véronique FONTAINE, Greffier.

Exposé de la procédure

Agissant en vertu de la copie exécutoire d'un jugement contradictoire rendu par le tribunal de grande instance de SAINT-DENIS (Réunion) le 19 septembre 2000, des copies exécutoires de deux arrêts rendus en matière civile et en dernier ressort par la Cour d'Appel de SAINT-DENIS les 22 février 2002 et 28 juin 2002, de la copie exécutoire d'un arrêt rendu par la Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de Cassation, le 28 septembre 2004, de la copie exécutoire d'un arrêt rendu par la Cour d'Appel de Saint-Denis le 26 mars 2010, de la copie exécutoire d'un arrêt rendu par la Cour de Cassation en date du 12 avril 2012, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de la Réunion (CRCAMR) a fait délivrer le 30 décembre 2019 à Monsieur [Y] [D] [M] [L] un commandement de payer valant saisie immobilière, et à Madame [I] [X] [C] [F], son épouse, une dénonciation à conjoint du commandement de payer valant saisie, portant sur le bien suivant : Sur la Commune de SAINT-DENIS (REUNION), un terrain bâti, sis lieudit "Mont Saint-François ??, cadastré Section [Cadastre 3], d'une contenance de 1 ha 04 ares 37 centiares, pour avoir paiement de somme de 1.089.396,55 euros en principal, outre les intérêts et frais pour un total de 1.691.526,57 euros, sauf mémoire.

Le commandement de payer valant saisie a été publié au Service de la Publicité Foncière de Saint-Denis (Réunion) le 28 février 2020 Volume 2020 S No 22, et la dénonciation à conjoint publiée le 28 février 2020, en marge du commandement.
Puis, en l'absence règlement des causes du commandement, la CRCAMR a fait assigner Monsieur [Y] [D] [M] [L] et Madame [I] [X] [C] [F], épouse [L], devant le juge de l'exécution près le tribunal judiciaire de Saint-Denis à l'audience d'orientation aux fins de vente forcée du bien.

Par jugement prononcé le 26 août 2021, le juge de l'exécution a statué notamment en ces termes :
DECLARE Monsieur et Madame [L] irrecevables en leur demande de radiation de l'hypothèque,
DIÊBOUTE Monsieur et Madame [L] de leur demande de radiation du commandement de payer aux fins de saisie immobilière,
VALIDE la procédure de saisie immobilière,
MENTIONNE que la créance du Crédit agricole est de 1.555.373,48 euros (principal, frais, intérêts et autres accessoires),
ORDONNE la vente forcée des biens figurant au commandement de payer valant saisie immobilière publié le 28 février 2020 au Service de la publicité foncière de Saint-Denis sous la référence Volume 2020 S no 22,
DIT qu'il y sera procédé, dans les conditions prévues au cahier des conditions de vente, à l'audience d'adjudication du 25 novembre 2021 à 08 heures 30, à la barre du tribunal judiciaire de Saint-Denis (?) ;

Monsieur et Madame [L] ont interjeté appel de la décision par déclaration déposée par RPVA au greffe de la cour le 16 septembre 2021.

Les appelants ont fait assigner à jour fixe la CRCAMR par acte d'huissier en date du 1er octobre 2021, en qualité de créancier et de créancier inscrit, selon autorisation du premier président délivrée sur requête le 27 septembre 2021.

En cours d'instance, Madame [I], [X], [C] [F], épouse [L], a constitué avocat seule, indépendamment de la défense de Monsieur [L].

L'affaire a été examinée à l'audience du 15 mars 2022.

***

Selon les termes de l'assignation à jour fixe délivrée le 1er octobre 2021, Monsieur et Madame [L] demandaient à la cour de :
PRINCIPALEMENT :
INFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Et, statuant à nouveau,
JUGER nul et de nul effet le commandement aux fins de saisie vente du 15 juin 2018.
JUGER en tout état de cause prescrite depuis le 16 juin 2015 la créance invoquée par la CRCAMR à l'encontre des époux [L].
JUGER que la CRCAMR ne justifie d'aucun titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible à l'encontre des époux [L].
DEBOUTER la CRCAMR de l'ensemble de ses demandes.
ORDONNER la radiation de l'hypothèque et du commandement aux fins de saisie immobilière.
SUBSIDIAIREMENT :
CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que les intérêts échus antérieurement au 15 juin 2013 sont prescrits et que la créance de la banque se limite aux intérêts des seules cinq années précédant le commandement.
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
CONDAMNER la CRCAMR à payer aux époux [L] [Y] [D] [M] et [I] [X] [C] [L] née [F] une somme de 5.000,00€ au titre de l'article 700 du CPC ;
CONDAMNER la même aux entiers dépens, de première instance et d'appel.

Les appelants considèrent que l'action de la CRCAMR à leur encontre est prescrite car la créance alléguée trouve son origine dans l'arrêt rendu le 28 avril 2004 par la Cour de cassation, signifié à M. [L] le 16 juin 2005. Soutenant qu'il s'agit d'une créance commerciale et invoquant en outre les dispositions de l'article 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, ils plaident que la prescription applicable est de dix années. La prescription décennale applicable a ainsi commencé à courir le 16 juin 2005 (pièce no 6) pour expirer le 16 juin 2015.

***

Aux termes de ses conclusions déposées par RPVA le 9 février 2022, après nouvelle constitution d'avocat, Madame [F], épouse [L], demande à la cour de :
INFIRMER le jugement querellé ;
Et, statuant à nouveau,
A titre principal,
DIRE ET JUGER que l'action de la CRCAMR est prescrite depuis le 16 juin 2015 ;
DIRE ET JUGER le commandement aux fins de saisie vente délivré le 15 juin 2018 n'a pas interrompu la prescription déjà acquise depuis le 16 juin 2015 et est nul et de nul effet ;
A titre subsidiaire,
DIRE ET JUGER que la CRCAMR ne justifie d'aucun titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible à l'encontre des époux [L] ;
Très subsidiairement
PRENDRE ACTE que la CRCAMR ne verse aucun calcul permettant de comprendre le montant des intérêts ;
DEBOUTER la CRCAMR de sa demande tendant au paiement des intérêts et à défaut,
CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que les intérêts échus antérieurement au 15 juin 2013 sont prescrits et que la créance de la banque se limite aux intérêts des seules cinq années précédant le commandement avant saisie ;
Par conséquent,
ORDONNER la radiation de l'hypothèque inscrite par la CRCAMR et du commandement aux fins de saisie vente ;
En tout état de cause,
DEBOUTER la CRCAMR de toutes demandes, fins et conclusions ;
CONDAMNER la CRCAMR à payer à Madame [I] [X] [L] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER la même aux entiers dépens d'instance et d'appel.

***

Aux termes de ses dernières conclusions No 2, datées du 24 février 2022, la CRCAMR demande à la cour de :
CONSTATER que Madame [I] [X] [C] [F] épouse [L] soulève pour la première fois en cause d'appel un nouveau moyen tiré du défaut de qualité à agir de la CRCAMR à son égard ;
DECLARER irrecevable sinon infondée la fin de non-recevoir tenant du défaut de qualité à agir de la CRCAMR soulevée par Madame [I] [X] [C] [F] épouse [L] ;
DEBOUTER Monsieur [Y] [D] [M] [L] de l'ensemble de ses prétentions, fins et conclusions ;
DEBOUTER Madame [I] [X] [C] [F] épouse [L], de l'ensemble de ses prétentions, fins et conclusions ;
En conséquence,
CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement d'orientation du 26 août 2021 rendu par le Juge de l'exécution près le Tribunal judiciaire de St-Denis;
Y ajoutant, -
CONDAMNER solidairement Monsieur [Y] [D] [M] [L] et Madame [I] [X] [C] [F] épouse [L] à la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

La CRCAMR soutient que Madame [L] ne peut plus soulever de contestation nouvelle après l'audience d'orientation en application de l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution.

***

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure en application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de " constatations " ou de " dire et juger " qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.

Sur la recevabilité de la fin de non-recevoir soulevée par Madame [L] :

Selon les prescriptions de l'article 123 du code de procédure civile, les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.

Aux termes de l'article 954 du même code, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

La CRCAMR fait grief à Madame [L] de présenter en cause d'appel la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir.

Cependant, le dispositif des dernières conclusions de Madame [L] n'évoque pas une telle fin de non-recevoir.

Il n'y a dès lors pas lieu de statuer sur une fin de non-recevoir qui n'est pas soulevée par Madame [L].

Sur la prescription de l'action en exécution forcée de la CRCAMR :

Monsieur et Madame [L] demandent à la cour de juger prescrite depuis le 16 juin 2015 la créance invoquée par la CRCAMR.

Selon la CRCAMR, sa créance est née des décisions de justice évoquées dans le commandement de saisie, soit le jugement contradictoire rendu par le tribunal de grande instance de SAINT-DENIS le 19 septembre 2000, les deux arrêts rendus de la cour d'appel de céans en date des 22 février 2002 et 28 juin 2002, de l'arrêt du 28 septembre 2004 rendu par la Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, de l'arrêt de cette cour d'appel du 26 mars 2010, et de l'arrêt de la Cour de cassation en date du 12 avril 2012.

Il résulte de l'ensemble de ces décisions que Monsieur [L] a d'abord fait assigner la CRCAMR pour obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 9.625.472,88 Francs le 13 janvier 2000 en réparation d'un préjudice allégué résultant de la rupture abusive d'une ouverture de crédit et de la dénonciation simultanée des encours bancaires qui lui avaient été accordés.

Le jugement du 19 septembre 2000, rendu en présence du liquidateur de Monsieur [D] [M] [L], lui donne acte de son désistement mais déboute Maître [S] de toutes ses demandes.

L'arrêt du 22 février 2002 et l'arrêt rectificatif du 28 juin 2002 ont infirmé le jugement susvisé et condamné la CRCAMR à payer au liquidateur judiciaire de Monsieur [L] la somme de 1.087.872,06 euros (après rectification du montant).

Grâce à l'exécution de l'arrêt par la CRAMR, le passif de sa liquidation judiciaire de Monsieur [D] [L] a été apuré, ce qui a entraîné la clôture de la procédure collective et mis fin au dessaisissement du débiteur.

Sur pourvoi de la CRCAMR, par arrêt en date du 28 septembre 2004, la Cour de cassation a cassé en toutes ses dispositions l'arrêt du 22 février 2002 et l'arrêt rectificatif du 28 juin 2002. Cet arrêt a été signifié à Monsieur [D] [L] le 16 juin 2005 (pièce No 6 de l'appelant).

Monsieur [L] n'a pas saisi la cour d'appel de renvoi, ce qui a rendu définitif le jugement du tribunal de grande instance en date du 19 septembre 2000, constatant le désistement de Monsieur [L] et autorisé la CRCAMR à agir en restitution des sommes indument versées en exécution des arrêts " cassés ".

Sur action de la CRCAMR en restitution des sommes versées en exécution des deux arrêts de la cour d'appel " cassés ", la cour d'appel de céans a rendu un arrêt le 26 mars 2010, infirmant le jugement du tribunal de grande instance de Saint-Denis en date du 27 juin 2007, ordonnant la radiation d'une inscription hypothécaire sur des biens immobiliers appartenant à Monsieur [L].

La Cour de cassation, statuant par arrêt du 12 avril 2012, a rejeté le pourvoi formé par Monsieur [L] contre cet arrêt.

Ainsi, le titre sur lequel se fonde la CRCAMR pour agir en saisie immobilière est l'arrêt de la cour de cassation du 28 septembre 2004, signifié le 16 juin 2005.

En vertu de l'article 2262 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi No 2008-561 du 17 juin 2008, en vigueur à partir du 19 juin 2008, le délai de la prescription des jugements et arrêts était de trente ans.

Mais selon l'article 26-II de la loi susvisée, le délai de prescription des jugements et titres exécutoires a été ramené à dix ans à partir du 19 juin 2008, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Il en résulte que la CRCAMR pouvait agir jusqu'au 19 juin 2018 en exécution de l'arrêt de la cour de cassation et non jusqu'au 5 juin 2015 comme le prétendent à tort Monsieur et Madame [L].

En faisant délivrer le commandement de payer le 15 juin 2018 à Monsieur et Madame [L], la CRCAMR était donc encore dans le délai pour agir.

Le dispositif du jugement querellé ne mentionnant pas de décision sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de la CRCAMR, il convient de la rejeter en appel, en ajoutant au jugement querellé.

Sur l'absence de titre exécutoire à l'encontre de Madame [L] :

Sur le caractère nouveau de la prétention :

Aux termes de l'article L. 311-2 du code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut procéder à une saisie immobilière dans les conditions fixées par le présent livre et par les dispositions qui ne lui sont pas contraires du livre Ier.

La CRCAMR invoque les dispositions de l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution pour soutenir que cette contestation est irrecevable car tardive comme n'ayant pas été formulée lors de l'audience d'orientation.

Aux termes de ce texte, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l'audience d'orientation prévue à l'article R. 322-15 à moins qu'elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci. Dans ce cas, la contestation ou la demande incidente est formée dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'acte.

Toutefois, la nécessité pour le créancier de disposer d'un titre exécutoire est incontestable pour agir en exécution forcée.

Mais, à la lecture de l'exposé du litige du jugement querellé, par conclusions notifiées le 7 avril 2021, Monsieur et Madame [L] demandaient au juge de l'exécution de :
- juger nul et de nul effet le commandement aux fins de saisie vente du 15 juin 2018,
- juger prescrite la créance invoquée par le Crédit agricole à leur encontre,
- débouter le Crédit agricole de ses demandes, (?)

Or, la lecture attentive de leurs conclusions établit qu'ils ont soutenu le moyen de nullité du commandement litigieux, notamment par l'absence de titre exécutoire.

Ainsi, la contestation tirée de l'absence de titre exécutoire de la société poursuivante est-t-elle recevable car n'est pas nouvelle en appel.

Sur l'existence du titre exécutoire :

Aux termes de l'article 625 du code de procédure civile, sur les points qu'elle atteint, la cassation replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le jugement cassé.
Elle entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

Subsidiairement, Madame [L] conclut que la CRCAMR ne justifie d'aucun titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible à l'encontre des époux [L].

Monsieur [L], dans son assignation à jour fixe délivré avec Madame [L], plaide que la CRCAMR, qui vise de nombreuses décisions rendues dans les litiges l'ayant opposé aux parties, ne détermine pas précisément quel serait son titre exécutoire et ne produit encore moins de décision de justice prononçant une quelconque condamnation à paiement de M. et Mme [L] à son profit.

LA CRCAMR fait valoir au fond que l'arrêt de cassation constitue un titre exécutoire ouvrant droit à restitution de la somme qui a été versée en exécution de la décision d'appel qui a été cassée. Elle invoque une jurisprudence retenant que l'arrêt de cassation d'une décision ayant prononcé une condamnation qui a été exécutée, ouvre à celui qui a exécuté un droit à restitution, conséquence de l'article 625 du code de procédure civile (Civ. 2 17 février 2011 - Pourvoi no 09-72.964).

Il s'en déduit que la cassation d'un arrêt d'appel qui a été exécuté constitue le titre ouvrant droit à restitution.

En conséquence, Monsieur et Madame [L] sont mal fondés à soutenir que la CRCAMR ne dispose pas d'un titre exécutoire.

Ils seront déboutés de cette contestation.

Sur la nullité du commandement litigieux :

Dans l'assignation à jour fixe, Monsieur [L] et Madame [L], font valoir que le commandement du 15 juin 2018 est radicalement irrégulier en ce qu'il y est fait mention d'une obligation de paiement immédiat, en violation de l'article R 221-1 du CPCE. Selon les appelants, le visa d'avoir à payer immédiatement la somme réclamée conjointement avec le visa d'un délai de huit jours était de nature à créer une confusion, la réduction du délai légal entrainant alors la nullité du commandement délivré.

Madame [L] affirme que le commandement aux fins de saisie-vente est nul en ce que la rédaction de la mention relative au délai de règlement n'est pas compréhensible. Selon l'appelante, si la mention du délai de huit jours est indiquée en bas de la première page de l'acte, une autre formule est mentionnée quelques lignes avant, aux termes de laquelle : " Cette somme est due à ce jour pour un paiement immédiat et non- fractionné, et tout règlement doit être effectue (sic) ou adresse (sic) en l'étude avec les références précises et numériques du dossier 162612.00 "

La CRCAMR n'a pas évoqué cette exception dans ses dernières conclusions.

Recevabilité de l'exception :

L'article R. 321-3 du code des procédures civiles d'exécution est ainsi rédigé: Outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice, le commandement de payer valant saisie comporte :
1o La constitution d'avocat du créancier poursuivant, laquelle emporte élection de domicile ;
2o L'indication de la date et de la nature du titre exécutoire en vertu duquel le commandement est délivré ;
3o Le décompte des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus ainsi que l'indication du taux des intérêts moratoires ;
4o L'avertissement que le débiteur doit payer ces sommes dans un délai de huit jours, qu'à défaut de paiement, la procédure à fin de vente de l'immeuble se poursuivra et qu'à cet effet, le débiteur sera assigné à comparaître à une audience du juge de l'exécution pour voir statuer sur les modalités de la procédure ;
5o La désignation de chacun des biens ou droits sur lesquels porte la saisie immobilière, telle qu'exigée par les règles de la publicité foncière ;
6o L'indication que le commandement vaut saisie de l'immeuble et que le bien est indisponible à l'égard du débiteur à compter de la signification de l'acte et à l'égard des tiers à compter de la publication de celui-ci au fichier immobilier;
7o L'indication que le commandement vaut saisie des fruits et que le débiteur en est séquestre ;
8o L'indication que le débiteur garde la possibilité de rechercher un acquéreur de l'immeuble saisi pour procéder à sa vente amiable ou de donner mandat à cet effet et la mention que cette vente ne pourra néanmoins être conclue qu'après autorisation du juge de l'exécution ;
9o La sommation, lorsque le bien fait l'objet d'un bail, d'avoir à indiquer à l'huissier de justice les nom prénom et adresse du preneur ou, s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination et son siège social;
10o L'indication qu'un huissier de justice pourra pénétrer dans les lieux afin de dresser un procès-verbal de description de l'immeuble ;
11o L'indication du juge de l'exécution territorialement compétent pour connaître de la procédure de saisie et des contestations et demandes incidentes y afférentes ;
12o L'indication que le débiteur qui en fait préalablement la demande peut bénéficier, pour la procédure de saisie, de l'aide juridictionnelle s'il remplit les conditions de ressources prévues par la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret no 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de cette loi ;
13o L'indication, si le débiteur est une personne physique, que s'il s'estime en situation de surendettement, il a la faculté de saisir la commission de surendettement des particuliers instituée par l'article L. 712-1 du code de la consommation.
Si le créancier saisissant agit en vertu d'une transmission, à quelque titre que ce soit, de la créance contenue dans le titre exécutoire fondant les poursuites, le commandement vise l'acte de transmission à moins que le débiteur n'en ait été régulièrement avisé au préalable.
Lorsque le commandement de payer valant saisie est signifié à la personne qui a consenti une hypothèque sur l'un de ses biens pour garantir la dette d'un tiers, le délai de sommation prévu au 4o est porté à un mois.
Les mentions prévues au présent article sont prescrites à peine de nullité. Toutefois, la nullité n'est pas encourue au motif que les sommes réclamées sont supérieures à celles qui sont dues au créancier.

Selon les prescriptions de l'article R. 311-10 du code des procédures civiles d'exécution, la nullité des actes de la procédure de saisie immobilière est régie par la section IV du chapitre II du titre V du livre Ier du code de procédure civile.

La section IV du code de procédure civile est consacrée aux exceptions de nullité, pour vice de forme (sous-section I) ou pour irrégularité de fond (sous-section II).

En vertu des prescriptions de l'article 112 du code de procédure civile, la nullité des actes de procédure peut être invoquée au fur et à mesure de leur accomplissement ; mais elle est couverte si celui qui l'invoque a, postérieurement à l'acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non-recevoir sans soulever la nullité.

Selon l'article 113 du même code, tous les moyens de nullité contre des actes de procédure déjà faits doivent être invoqués simultanément à peine d'irrecevabilité de ceux qui ne l'auraient pas été.

Cependant, la contestation de la validité d'un commandement de payer valant saisie, soulevée après l'assignation par le créancier poursuivant, constitue une exception de procédure.

Il convient de relever que, dans l'assignation à jour fixe, Monsieur et Madame [L] forment leur contestation relative à la nullité du commandement de payer avant toute défense au fond dans leurs conclusions.

Selon les mentions du jugement querellé, ils l'avaient aussi fait valoir en premier lieu dans leurs conclusions notifiées le 7 avril 2021.

L'exception de nullité du commandement valant saisie doit donc être déclarée recevable.

Sur la régularité du commandement valant saisie :

Aux termes de l'article 114 du code de procédure civile, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

En l'espèce, il est constant que le commandement aux fins de saisie vente dressé le 15 juin 2018 comporte deux mentions distinctes et proches.

La première évoque un paiement immédiat et non fractionné de la somme due tandis que la seconde juste en dessous indique que " faute de vous acquitter des sommes ci-dessus mentionnées, vous pourrez y être contraint (?) à l'expiration d'un délai de huit jours (..)

Leur lecture attentive établit que, contrairement à ce que soutiennent les appelants, ces eux mentions ne sont pas contradictoires mais complémentaires.

La première indique que le règlement peut être effectuée sans délai mais en totalité tandis que la seconde précise le délai après lequel la mesure d'exécution forcée pourra être engagée.

Il ne résulte donc aucun grief de la juxtaposition de ces deux mentions, non contradictoires mais complémentaires, sur laquelle les débiteurs ne pouvaient se méprendre.

Le jugement querellé sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du commandement aux fins de saisie vente du 15 juin 2018.

Sur la prescription des intérêts échus antérieurement au 15 juin 2013 :

Il n'y a pas lieu de se prononcer sur ce chef de demande puisque les parties sont d'accord pour confirmation du jugement de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile;

Les appelants supporteront solidairement les dépens de l'instance ainsi que les frais irrépétibles de la CRCAMR.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière civile et en dernier ressort, par mise à disposition au Greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du Code de procédure civile,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y AJOUTANT,

DIT n'y avoir lieu à statuer sur une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la CRCAMR qui n'est pas soulevée par Madame [L] ;

DEBOUTE Monsieur et Madame [L] de leur fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de la CRCAMR ;

DECLARE RECEVABLE la contestation en appel tirée du défaut de titre exécutoire ;

DEBOUTE Monsieur et Madame [L] de cette contestation ;

CONDAMNE solidairement Monsieur [Y] [D] [L] et Madame [I] [X] [C] [F], épouse [L], à payer à la CRCAMR la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE solidairement Monsieur [Y] [D] [L] et Madame [I] [X] [C] [F], épouse [L], aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Mme Véronique FONTAINE greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 21/016121
Date de la décision : 21/06/2022
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.saint-denis-de-la-reunion;arret;2022-06-21;21.016121 ?
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