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17/06/2022 | FRANCE | N°19/025661

France | France, Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion, 02, 17 juin 2022, 19/025661


AFFAIRE : N RG No RG 19/02566 - No Portalis DBWB-V-B7D-FILW
Code Aff. : ARRÊT N LC
ORIGINE :JUGEMENT du Tribunal de Grande Instance de SAINT-DENIS DE LA REUNION en date du 05 Septembre 2019, rg no 1900796

COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS
DE LA RÉUNION

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 17 JUIN 2022

APPELANTE :

Société SAS SOCIETE REUNIONNAISE DE BRICOLAGE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Céline CAUCHEPIN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMÉE :

La Caisse générale de sécurité sociale de La Réunion
[Adr

esse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Isabelle CLOTAGATIDE KARIM de la SCP CANALE-GAUTHIER-ANTELME-BENTOLILA, avocat au ...

AFFAIRE : N RG No RG 19/02566 - No Portalis DBWB-V-B7D-FILW
Code Aff. : ARRÊT N LC
ORIGINE :JUGEMENT du Tribunal de Grande Instance de SAINT-DENIS DE LA REUNION en date du 05 Septembre 2019, rg no 1900796

COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS
DE LA RÉUNION

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 17 JUIN 2022

APPELANTE :

Société SAS SOCIETE REUNIONNAISE DE BRICOLAGE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Céline CAUCHEPIN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMÉE :

La Caisse générale de sécurité sociale de La Réunion
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Isabelle CLOTAGATIDE KARIM de la SCP CANALE-GAUTHIER-ANTELME-BENTOLILA, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

DÉBATS : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 avril 2022 en audience publique, devant Laurent CALBO, conseiller chargé d'instruire l'affaire, assisté de Nadia HANAFI, Greffier, les parties ne s'y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 17 JUIN 2022;

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Président : Alain LACOUR
Conseiller : Laurent CALBO
Conseiller : Aurélie POLICE

Qui en ont délibéré

ARRÊT : mis à disposition des parties le 17 JUIN 2022

* *
*

LA COUR :

Exposé du litige:

Mme [E] [C], salariée de la société réunionnaise de bricolage - SOREBRIC (ci-après la Société) en qualité de vendeuse conseil, a été victime d'un accident du travail le 27 avril 2015. Alors qu'elle partait récupérer un article pour un client en réserve, elle a chuté et a été blessée par un luminaire. Les lésions décrites dans la déclaration d'accident du travail établie le 6 mai 2015 sont les suivantes: "siège des lésions: tête; nature des lésions: mal à la tête".

Par certificat médical initial en date du 28 avril 2015, le médecin a constaté des « céphalées, rachialgies diffuses » et a prescrit un arrêt de travail jusqu'au 2 mai 2015.

L'accident du travail a été pris en charge par la Caisse générale de sécurité sociale de la Réunion (la caisse) au titre de la législation professionnelle.

Par certificat médical final du 19 juin 2018, l'état de santé de Mme [E] [C] a été déclaré consolidé avec séquelles. Il y est précisé « syndrome douloureux diffus de tout le squelette irradiant dans MS et MI ».

Par décision du 10 août 2018, notifiée à l'employeur, la caisse a fixé le taux d'incapacité permanente (Ipp) à 30% à compter du 20 juin 2018 en lien avec l'état séquellaire de la victime.

Par recours du 9 octobre 2018, l'employeur a saisi le tribunal du contentieux de l'incapacité de Saint-Denis de la Réunion aux fins de contester ce taux d'incapacité.

Par rapport médical sur pièces du 8 janvier 2019, le docteur [G], saisi d'une mission de consultation sur pièces par le tribunal, a confirmé le taux de 30%.

Par jugement du 5 septembre 2019, le tribunal a :
? confirmé la décision de la Caisse générale de sécurité sociale de La Réunion,
? dit que le taux d'incapacité fixé par la Caisse résultant de l'accident du travail de la salariée concernée est opposable à la société réunionnaise de bricolage-SOREBRIC à hauteur de 30%,
? rejeté la demande présentée par la société réunionnaise de bricolage-SOREBRIC sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
? dit n'y avoir lieu à condamnation aux dépens.

La société a interjeté appel de cette décision par acte du 4 octobre 2019.

Par arrêt avant dire droit, la cour de céans a notamment ordonné une expertise médicale confiée au docteur [Z].

L'expert a déposé son rapport le 2 novembre 2021.

* *

Vu les conclusions après expertise notifiées le 14 février 2022 par la société auxquelles elle s'est expressément référée lors de l'audience de plaidoiries du 19 avril 2022 ;

Vu les conclusions après expertise notifiées le 31 mars 2022 par la caisse auxquelles elle s'est expressément référée lors de l'audience de plaidoiries ;

Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu'aux développements infra.

Sur ce:

Sur le fond

L'article L.434-2 alinéa 1 du code de la sécurité sociale dispose que le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.

L'article R.434-32 du code de la sécurité sociale précise que la caisse primaire se prononce sur l'existence d'une incapacité permanente au vu de tous les renseignements recueillis et des barèmes indicatifs d'invalidité dont il est tenu compte pour la détermination du taux d'incapacité permanente d'une part en matière d'accidents du travail et d'autre part en matière de maladies professionnelles

L'annexe I à l'article R.434-32 précité prescrit que « Les éléments dont le médecin doit tenir compte, avant de proposer le taux médical d'incapacité permanente, sont donc :
1o La nature de l'infirmité. Cet élément doit être considéré comme la donnée de base d'où l'on partira, en y apportant les correctifs, en plus ou en moins, résultant des autres éléments. Cette première donnée représente l'atteinte physique ou mentale de la victime, la diminution de validité qui résulte de la perte ou de l'altération des organes ou des fonctions du corps humain. Le présent barème doit servir à cette évaluation.
2o L'état général. Il s'agit là d'une notion classique qui fait entrer en jeu un certain nombre de facteurs permettant d'estimer l'état de santé du sujet. Il appartient au médecin chargé de l'évaluation d'adapter en fonction de l'état général, le taux résultant de la nature de l'infirmité. Dans ce cas, il en exprimera clairement les raisons.
L'estimation de l'état général n'inclut pas les infirmités antérieures - qu'elles résultent d'accident ou de maladie - ; il en sera tenu compte lors de la fixation du taux médical.
3o L'âge. Cet élément, qui souvent peut rejoindre le précédent, doit être pris en considération sans se référer exclusivement à l'indication tirée de l'état civil, mais en fonction de l'âge organique de l'intéressé. Il convient ici de distinguer les conséquences de l'involution physiologique, de celles résultant d'un état pathologique individualisé. Ces dernières conséquences relèvent de l'état antérieur et doivent être estimées dans le cadre de celui-ci.
On peut ainsi être amené à majorer le taux théorique affecté à l'infirmité, en raison des obstacles que les conséquences de l'âge apportent à la réadaptation et au reclassement professionnel.
4o Facultés physiques et mentales. Il devra être tenu compte des possibilités de l'individu et de l'incidence que peuvent avoir sur elles les séquelles constatées. Les chiffres proposés l'étant pour un sujet normal, il y a lieu de majorer le taux moyen du barème, si l'état physique ou mental de l'intéressé paraît devoir être affecté plus fortement par les séquelles que celui d'un individu normal.
5o Aptitudes et qualification professionnelles. La notion de qualification professionnelle se rapporte aux possibilités d'exercice d'une profession déterminée. Quant aux aptitudes, il s'agit là des facultés que peut avoir une victime d'accident du travail ou de maladie professionnelle de se reclasser ou de réapprendre un métier compatible avec son état de santé. ».

Enfin, l'annexe I précitée dispose : « (...)
3.1 RACHIS CERVICAL.
La flexion en avant porte le menton sur le sternum :
hyperextension : 45o ; rotations droite et gauche : 70o ; inclinaisons droite et gauche (l'oreille touche l'épaule) : 45o.
Persistance de douleurs et gêne fonctionnelle, qu'il y ait ou non séquelles de fracture d'une pièce vertébrale :
- Discrètes 5 à 15
- Importantes 15 à 30
- Très importantes séquelles anatomiques et fonctionnelles 40 à 50
A ces taux s'ajouteront éventuellement les taux fixés pour les séquelles neurologiques pouvant coexister.
Pour le syndrome cervico-céphalique (voir chapitre 4 : "Crâne et système nerveux").
Pour les atteintes radiculaires, voir chapitre 4 : "Névrites périphériques" (4.2.5.) et "Algodystrophies" (4.2.6.).(?) ».

En l'espèce, le certificat médical initial fait mention de « céphalées rachialgies diffuses » et le certificat médical final de « syndrome douloureux diffus de tout le squelette irradiant dans MS [membre supérieur] et MI [membre inférieur] ».

Après examen de la déclaration d'accident du travail, du certificat médical initial, du certificat médical final et du rapport d'évaluation des séquelles établi par le docteur [Y], le docteur [G], médecin expert missionné par le tribunal, a conclut comme suit:
« syndrome douloureux cervical et lombaire
raideur rachis lombaire flexion
syndrome radiculaire sciatique gauche
membre supérieur:
force musculaire de préhension de la main plus faible à la main gauche
déficit moteur à gauche
déficit sensitif à gauche
limitation de certain geste de la vie quotidienne
IPP 30% justifiée ».

Le docteur [Z], expert judiciaire désigné par la cour a conclu, après examen clinique de la victime, à la seule imputabilité à l'accident de la pathologie cervicale.

L'expert judiciaire exclut notamment l'imputabilité de la pathologie rachidienne indépendante de l'accident initial.

Aucun nouvel élément médical n'est produit au débat. Les éléments médicaux antérieurs à la désignation de l'expert judiciaire n'apportent aucune explication rationnelle à l'imputabilité des pathologies rachidiennes et lombaires à l'accident du travail résultant d'un fait unique de chute d'un carton sur la tête de la salariée.

Dans ses conditions, la cour retient, dans les relations caisse/employeur, la seule pathologie cervicale comme imputable au fait accidentel.

L'expert judiciaire a évalué le taux médical à 5 %.

L'examen clinique de la mobilité du cou a révélé « flexion 40o, distance mention sternum de 20 cm avec contracture antalgique et opposante, rotation droite 50o, rotation gauche 40o, inclinaison latérale droite et gauche 30o avec résistance à la mobilisation ».

L'existence d'un syndrome douloureux de la zone cervicale avait déjà été retenue lors de l'examen clinique réalisé par le médecin conseil.

Au regard de la mobilité fonctionnelle définie comme « normale » par l'annexe I précité, cet examen clinique est en faveur de douleurs et gênes fonctionnelles discrètes entraînant un taux d'Ipp compris entre 5 et 15 %.

Pour autant, l'évaluation du taux d'Ipp retenue par l'expert judiciaire à 5 %, soit en bas de la fourchette, n'apparait ni motivée, ni justifiée.

Compte tenu de l'examen clinique établissant des douleurs et limitations fonctionnelles dans tous les mouvements du cou, il sera retenu à ce titre un taux « médical » d'Ipp de 10 % correspondant au milieu de la fourchette.

Par ailleurs, l'évaluation du taux d'Ipp par le médecin conseil a manifestement inclus une majoration professionnelle au regard de l'impossibilité d'exercer un emploi physique invoquée par la victime.

` Si l'expert judiciaire a retenu sur ce point une possible majoration de 10 %, il n'a pas motivé cette évaluation au regard de la seule imputabilité des séquelles cervicales qu'il a préalablement qualifiées de discrètes au regard de l'annexe I.

En l'absence d'éléments produits par la caisse sur ce point, il sera retenu, au regard de l'âge de la victime à la date de l'accident et de l'incidence professionnelle résultant d'une limitation des emplois physiques strictement en lien avec l'état séquellaire indemnisable, une majoration professionnelle de 5 %.

En conséquence, un taux d'Ipp de 15 % sera donc retenu dans les rapports caisse/employeur.

Le jugement sera infirmé.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, contradictoirement,

Vu l'arrêt avant dire droit du 21 juin 2021 ;

Infirme le jugement rendu le 5 septembre 2019 par le tribunal de grande instance de Saint-Denis de la Réunion ;

Statuant à nouveau,

Infirme la décision du 10 août 2018 notifiée par la Caisse générale de sécurité sociale de la Réunion à la société réunionnaise de bricolage – SOREBRIC concernant le taux d'incapacité permanente partielle de 30% résultant de l'état séquellaire de Mme [C] en suite de l'accident du travail du 27 avril 2015 ;

Fixe à 15 % l'état séquellaire de Mme [C] ;

Déclare opposable à la société réunionnaise de bricolage – SOREBRIC le taux d'incapacité permanente partielle fixé par la Caisse générale de sécurité sociale de la Réunion concernant l'état séquellaire de Mme [C] en suite de l'accident du travail du 27 avril 2015, dans la limite de 15 % ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette les demandes pour frais irrépétibles d'instance ;

Condamne la Caisse générale de sécurité sociale de la Réunion aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par M. Lacour, président, et par Mme Hanafi, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion
Formation : 02
Numéro d'arrêt : 19/025661
Date de la décision : 17/06/2022
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Saint-Denis de la Réunion, 05 septembre 2019


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.saint-denis-de-la-reunion;arret;2022-06-17;19.025661 ?
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