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27/05/2022 | FRANCE | N°19/005011

France | France, Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion, 04, 27 mai 2022, 19/005011


ARRÊT No
MD

No RG 19/00501 - No Portalis DBWB-V-B7D-FEQK

[S]

C/

[N]
[N]
[N]
[N]
[D]

COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS

ARRÊT DU 27 MAI 2022

Chambre civile TGI

Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SAINT-PIERRE en date du 15 MARS 2019 suivant déclaration d'appel en date du 22 MARS 2019 RG no 17/02402

APPELANT :

Monsieur [F] [S]
[Adresse 4]
[Localité 13]
Représentant : Me Vincent RICHARD, substitué par Me BODO avocat plaidant au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

I

NTIMÉS :

Monsieur [H] [N]
[Adresse 3]
[Localité 10]
Représentant : Me Eric HAN KWAN de la SCP MOREAU -NASSAR - HAN-KWAN, avocat au barreau de S...

ARRÊT No
MD

No RG 19/00501 - No Portalis DBWB-V-B7D-FEQK

[S]

C/

[N]
[N]
[N]
[N]
[D]

COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS

ARRÊT DU 27 MAI 2022

Chambre civile TGI

Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SAINT-PIERRE en date du 15 MARS 2019 suivant déclaration d'appel en date du 22 MARS 2019 RG no 17/02402

APPELANT :

Monsieur [F] [S]
[Adresse 4]
[Localité 13]
Représentant : Me Vincent RICHARD, substitué par Me BODO avocat plaidant au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMÉS :

Monsieur [H] [N]
[Adresse 3]
[Localité 10]
Représentant : Me Eric HAN KWAN de la SCP MOREAU -NASSAR - HAN-KWAN, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

Madame [L] [N]
[Adresse 7]
[Localité 6]
Représentant : Me Mickaël NATIVEL de la SELAS SOCIETE D'AVOCATS MICKAEL NATIVEL, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Monsieur [B] [N]
[Adresse 3]
[Localité 10]
Représentant : Me Jean claude DULEROY, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/002948 du 26/10/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Saint-Denis)

Monsieur [X] [N]
[Adresse 2]
[Localité 9]
Représentant : Me Emmanuelle CHOUKROUN-HERRMANN, avocat plaidant au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/005256 du 24/07/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Saint-Denis)

Monsieur [E] [D]
[Adresse 1]
[Localité 8]
Ni comparante ni représentée

DATE DE CLÔTURE : 8 Juillet 2021

DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 25 Mars 2022 devant Monsieur DELAGE Martin, Président de Chambre d'Appel à la Chambre d'appel de Mamoudzou, délégué à la Cour d'Appel de Saint Denis de la Réunion par ordonnance de Monsieur Le Premier Président , qui en a fait un rapport, assisté de Madame Alexandra BOCQUILLON, Adjointe administrative, les parties ne s'y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué, à l'issue des débats, que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 27 Mai 2022.

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Monsieur Martin DELAGE, Président de Chambre à la Chambre d'Appel de Mamoudzou, délégué à la Cour d'Appel de Saint Denis de la Réunion par ordonnance de Monsieur Le Premier Président
Conseiller : Monsieur Philippe BRICOGNE, Président de la Chambre d'Appel de Mamoudzou, délégué à la Cour d'Appel de Saint Denis de la Réunion par ordonnance de Monsieur Le Premier Président
Conseiller : Monsieur Cyril OZOUX, Président de Chambre à la Chambre d'Appel de Mamoudzou, délégué à la Cour d'Appel de Saint Denis de la Réunion par ordonnance de Monsieur Le Premier Président
Qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Alexandra BOCQUILLON
Greffier lors de la mise à disposition : Mme Nathalie TORSIELLO

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 27 Mai 2022.
* * *

LA COUR :

EXPOSE DU LITIGE

1. Le 7 mars 2015, Monsieur [M] [D] a remis à Monsieur [F] [S] un chèque personnel de 400.000 euros en règlement d'une reconnaissance de dette datant du 23 mars 2012.

2. Le même jour, il a établi une seconde reconnaissance de dette d'un montant de 200.000 euros correspondant aux trois chèques de garantie (2006, 2009 et non daté), non destinés à être encaissés en l'état, soit respectivement d'un montant de 50.000 euros, 80.000 euros et 70.000 euros (pour un montant total de 200.000 euros égal au montant prêté en espèces par Monsieur [W] [S] à Monsieur [M] [D]).

3. Monsieur [M] [D] est décédé le [Date décès 5] 2015.

4. Par lettre du 1er juillet 2016, le conseil des Consorts [N] (Monsieur [H] [N], Madame [L] [N], Monsieur [U] [N], et Monsieur [X] [N]) et [D] (Madame [E] [D]), héritiers de Monsieur [M] [D], a écrit à Monsieur [F] [S] pour lui demander de se justifier sur l'encaissement d'un chèque de 400.000 euros à son profit.
5. Par lettre du 28 juillet 2016, le conseil de Monsieur [F] [S] a répondu que la somme de 400.000 euros correspondait à une reconnaissance de dette du 23 mars 2012 et que la succession restait devoir la somme de 200.000 euros au titre de la reconnaissance de dette du 7 mars 2015.

6. Par lettre du 22 aout 2016, le conseil des Consorts [N] et [D], a accusé réception des deux reconnaissances de dettes mais il a contesté leur régularité et leur validité en maintenant la demande de remboursement de la somme de 400.000 euros (reconnaissance de dette du 23 mars 2012) et en opposant un refus pour le paiement de la somme de 200.000 euros (reconnaissance de dette du 7 mars 2015).

7. Le 23 juin 2017, Monsieur [F] [S] a assigné les Consorts [N] et [D] devant le tribunal de grande instance de SAINT-PIERRE aux fins d'obtenir l'exécution de la reconnaissance de dette du 7 mars 2015 d'un montant de 200.000 euros.

8. Par un jugement en date du 15 mars 2019, le tribunal de grande instance de SAINT-PIERRE a débouté Monsieur [F] [S] de sa demande en paiement de la reconnaissance de dette du 7 mars 2015 et l'a condamné à rembourser aux défendeurs la somme de 400.000 euros au titre de la reconnaissance de dette du 23 mars 2012, outre 2000 euros au titre des frais irrépétibles.

9. Le 22 mars 2019, Monsieur [F] [S] a interjeté appel de cette décision.

******

Vu les conclusions No3 prises pour Monsieur [H] [N], déposées et notifiées par RPVA le 10 septembre 2020,

Vu les conclusions récapitulatives No4 prises pour Monsieur [F] [S] déposées et notifiées par RPVA le 23 mars 2021,

Vu les conclusions d'intimé No4 prises pour Monsieur [B] [N], déposées et notifiées par RPVA le 2 juillet 2021,

Vu les conclusions d'intimé No2 prises pour Monsieur [X] [N], déposées et notifiées par RPVA le 27 février 2020,

Vu les conclusions récapitulatives No1 prises pour Madame [L] [N] déposées et notifiées par RPVA le 11 février 2021.

******

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DECISION:

Sur la reconnaissance de dette du 23 mars 2012:

10. Devant les premiers juges, les Consorts [N] et [D] ont demandé, le fondement de l'article 1302 du Code civil relatif à la répétition de l'indu, de condamner reconventionnellement Monsieur [F] [S] à rembourser la somme de 400.000 euros, que ce dernier avait perçu le 7 mars 2015 en exécution de la reconnaissance de dette du 23 mars 2012.

11. Le tribunal a fait droit à cette demande reconventionnelle sur le fondement de l'article 1303 du code civil relatif à l'enrichissement injustifié (enrichissement sans cause) et a condamné le demandeur à leur verser une somme de 400.000 euros. Cette décision sera réformée.

12. La reconnaissance de dette du 23 mars 2012 versée aux débats est en parfaite conformité avec les dispositions de de l'article 1326 ancien du code civil. Elle est rédigée de la main de Monsieur [M] [D] et paraphée de sa main. Il y est indiqué la somme en chiffres et en lettres.

13. Aucun vice du consentement n'est démontré. Le 7 mars 2015, Monsieur [M] [D] a réglé cette dette de 400.000 euros par chèque, ayant au préalable, alimenté son compte courant de la somme correspondante, comme cela est démontré par les pièces versées aux débats.

14. Les intimés soutiennent que la reconnaissance de dette de 2012 aurait été antidatée puisque la pièce d'identité de Monsieur [M] [D] jointe à cette reconnaissance de dette aurait été établie en 2014. La Cour relève que le fait qu'une copie de pièce d'identité plus contemporaine soit jointe au document original, n'établit pas la fausseté de cette reconnaissance de dette. Au demeurant les intimés n'exposent pas quel serait l'intérêt d'antidater un tel document.

15. Enfin, contrairement à ce qu'a affirmé le premier juge, Monsieur [F] [S] n'avait pas à procéder à une déclaration de créance dans la liquidation judiciaire de la supérette des Avirons. Aucun élément des débats ne vient démontrer qu'il était créancier de cette personne morale alors qu'il était créancier, en vertu de cette reconnaissance de dette, de Monsieur [M] [D], personne physique.

16. La décision sera réformée en ce qu'elle a condamné Monsieur [F] [S] à verser la somme de 400.000 euros à l'indivision successorale de Monsieur [M] [D], ouverte chez maître [J], Notaire à [Localité 13]. Monsieur [H] [N], Madame [L] [N], Madame [E] [D], Monsieur [B] [N] et Monsieur [X] [N] seront déboutés de leurs demandes.

Concernant la reconnaissance de dette du 7 mars 2015:

17. Les premiers juges ont retenu que l'erreur sur la date de naissance et donc sur l'identité de l'auteur de la reconnaissance, qui ne satisfait pas aux mentions obligatoires de l'article 1326 du Code civil, permettait d'affirmer que le consentement de l'auteur avait été vicié. Ils ont ainsi considéré que Monsieur [M] [D] n'a pu valablement consentir à la reconnaissance de dette erronée, datée du 7 mars 2015 au profit de Monsieur [F] [S], l'erreur sur la date de naissance permettant de conclure que Monsieur [D] n'avait pas écrit de sa main la reconnaissance de dette, et que s'il l'avait signée, il n'avait pas pris connaissance du texte de la reconnaissance, ni perçu l'étendue de son engagement.

18. La cour relève que l'écriture « lu et approuvé » seule mention manuscrite attribuée au signataire, est parfaitement semblable à celle de la reconnaissance de dette du 23 mars 2012 rédigée par le même Monsieur [M] [D]. Il n'est pas besoin de recourir à expertise en écriture pour s'en convaincre.

19. Aux termes des dispositions de l'article 1326 du code civil dans sa rédaction applicable au présent litige « L'acte juridique par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent ou à lui livrer un bien fongible doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l'acte sous seing privé vaut pour la somme écrite en toutes lettres ».

20. L'acte jugé incomplet au regard des dispositions de l'article 1326 ancien du code civil constitue néanmoins un commencement de preuve par écrit conformément aux dispositions de l'article 1347 ancien du code civil. Il appartient au demandeur qui a rapporté un commencement de preuve par écrit, de le parfaire par d'autres éléments tels que témoignages ou indices.

21. En l'espèce, les attestations produites aux débats confirment la réalité de l'engagement de Monsieur [M] [D] lequel a remis différents chèques en garantie de sa dette.

22. Monsieur [K] [Z], atteste avoir été présent lors de la rédaction de l'acte de reconnaissance de dette et confirme que Monsieur [M] [D] a relu la reconnaissance de dette. Il atteste que la reconnaissance de dette était parfaitement justifiée et régulière: « je soussigné [Z] [K] atteste sur l'honneur d'avoir assisté à la rédaction d'une reconnaissance de dette en faveur de M.[S] [F]. En effet ce jour-là on était à quatre personnes moi-même compris M. [D] [M] son beau-frère, M. [A] [G] et moi-même. Comme d'habitude on venait rendre visite à M. [D] amis de longue date. Avec M. [D] on parlait de tout en toute confiance de son commerce, de sa santé, de notre devenir, de sa maladie (?). Comme Monsieur [A] [G] était plus agile en écritures il a demandé à ce dernier d'établir une lettre de reconnaissance de dette de 200 000 euros en faveur de M.[S] [F]. On a tous lu et relu cette reconnaissance de dette (?). Après que M. [D] a relu, il a signé la reconnaissance de dette en écrivant lu et approuvé. Pour bien se justifier concernant les difficultés financières de M. [M] il n'y avait aucun secret pour personne après ses ennuis judiciaires. C'est grâce à sa famille [S], par l'intermédiaire de son beau-frère qu'il a pu garder son patrimoine, son commerce (?) ».

23. Les intimés soutiennent que Monsieur [K] [Z] serait en lien de subordination avec la famille [S] et aurait occupé les fonctions de concierge. Il est versé aux débats une nouvelle attestation de M. [K] [Z] lequel conteste tout lien de subordination et confirme le consentement de Monsieur [M] [D] : « Je soussigné, M. [K] [Z] atteste sur l'honneur que je n'ai jamais été le gardien de l'immeuble [D] [M], ni même son employé. J'ai mon entreprise personnelle. Ami et client depuis très longtemps on avait de bonnes relations. Depuis qu'il était atteint d'un cancer on est devenu plus solidaire car j'ai moi-même eu un cancer avant lui. On discutait à savoir comment surmonter cette maladie et que faire de nos acquis, tout mettre en ordre et avoir la conscience tranquille. La aussi il y avait M.[A] client fidèle lui aussi cancéreux, nous étions tous les trois très attachés et confiants. Aussi j'atteste que la reconnaissance de dettes de 200 000€ n'a été rédigé que dans son commerce à [Localité 13] par M. [A] lui-même et signé par [M] [D] en ma présence. [M] est mort en premier suivi quelque temps après M. [A]. Il ne reste que moi, je confirme en toute vérité ce que j'ai assisté. J'atteste aussi que M. [F] entretenait les locaux appartenant à M. [M] [Adresse 11] et [Adresse 12] ».

24. Madame [W] [D] atteste : « Je soussignée Mme [D] [C], atteste sur l'honneur que M. [M] [D] a été toujours le gérant de fait de la supérette des Avirons à [Localité 13] et aux Avirons. Je confirme aussi le travail que son beau-frère [S] [F] lui apportait autant dans le commerce à [Localité 13], que pour tous les entretiens de son immeuble au [Localité 14], ainsi que ses maisons sises au [Adresse 11] et [Adresse 12] à [Localité 13]. M. [M] avait confiance en moi et une grand estime pour son beau-frère. M. [M] m'a confié beaucoup de choses verbalement tel que son fils [H] venait souvent lui soutirer de l'agent sans jamais le rembourser. De même avant sa mort, il m'a affirmé qu'il restait 200 000 euros à devoir à son beau-frère. Pour les reconnaissances de dettes, je n'étais pas au courant puisque c'est [M] qui gérait tout, de même les stocks de fin d'année qu'on doit remettre au comptable c'était lui qui écrivait les marchandises sur la feuille de stock pour remettre à la comptabilité. »

25. Monsieur [Y] [P], retraité du secteur médical, atteste que : « Monsieur [S] [F] a toujours soutenu M. [D] [M] de son commerce à [Localité 13] et l'entretien de son immeuble même financièrement (?) Lorsqu'il était à l'hôpital il m'a toujours dit qu'il devait une dette envers [S] [F]. Une semaine avant sa mort, il m'a dit qu'il lui restait 200.000 euros à remettre à son beau-frère ».

26. Il est enfin versé aux débats un document manuscrit rédigé et signé par Monsieur [X] [N] (intimé) le 22 mars 2015, fils de Monsieur [M] [D] lequel atteste que : « je soussigné M. [N] [X] reconnait avoir récupérer les chèques C.A.M. SUPERETTE des Avirons [Localité 13] et C.A.M [D] [M] à la demande de mon père [D] [M] le 22 mars 2015. Celui-ci était en pleine possession de ses capacités intellectuelles. Il a rédigé et signé 1 chèque pour déposer à la Banque du Crédit Agricole, 1 chèque à remettre à Ma tante [I] et 1 chèque signé pour [N] [X]. Je le confirme que c'est moi qui était le porteur de ces chèques avec les intéressés. A la demande de mon père Mr [D] [M] et en présence de ma demi s?ur [D] [E]. Lu et approuvé ».

27. La nouvelle attestation établie par Monsieur [X] intimé à la procédure, le 4 janvier 2019, selon laquelle son père était affaibli et ne disposait pas de ses facultés intellectuelles, est totalement en contradiction avec la précédente attestation. Elle apparaît peu crédible et constituée pour les besoins de la cause. Elle ne peut qu'être écartée.

28. Ces attestations viennent compléter le commencement de preuve par écrit constitué par l'acte de reconnaissance de dette, conformément aux dispositions du code civil précitées. Elles permettent d'établir que Monsieur [M] [D] avait pleine connaissance de son engagement et de l'étendue de cet engagement. Il avait parfaitement conscience de ses actes. L'erreur sur la date de naissance que le tribunal a relevée, apparaît comme une simple erreur matérielle. En effet, la mention « 1957 » au lieu de « 1937 » ne saurait convaincre la cour d'un défaut de consentement alors qu'il ne s'agit que d'une erreur matérielle sans aucun conséquence, l'attestation ayant été rédigée par un tiers qui a pu commettre cette erreur lors de la rédaction.

29. Les intimés considèrent ensuite que cette reconnaissance de dette serait dénuée de toute cause. La cour relève que les intimés ne démontrent pas l'absence de cause de cette reconnaissance de dette alors que l'existence de celle-ci est présumée et que la charge de la preuve leur incombe. Aux termes de l'ancien article 1132 du code civil applicable en l'espèce, la convention n'en est pas moins valable bien que la cause ne soit pas exprimée. La preuve du défaut, total ou partiel de la cause, pèse donc sur celui qui l'invoque.

30. En l'espèce, les intimés n'apportent aucunement la preuve de leurs allégations s'agissant d'un prétendu défaut de cause alors qu'il est versé aux débats la copie de trois chèques signés par Monsieur [M] [D] lui-même de montants respectifs de 50.000 euros, 80.000 euros, 70.000 euros soit un total de 200.000 euros. Leur montant total de 200.000 euros correspond exactement au montant de la reconnaissance de dette contestée du 7 mars 2015.Si Monsieur M. [D] a remis ces chèques à Monsieur [W] [S], à titre de garantie, c'est bien qu'il se savait débiteur d'une telle somme et si ce dernier n'a pas encaissé les chèques en question, c'est bien la preuve que la dette n'avait pas été payée avant l'établissement de la reconnaissance de dette du 7 mars 2015.

31. La décision sera réformée et Monsieur [H] [N], Madame [L] [N], Madame [E] [D], Monsieur [B] [N] et Monsieur [X] [N], venant aux droits de Monsieur [M] [D], seront condamnés à payer à Monsieur [F] [S] la somme de 200.000 euros au titre de la reconnaissance de dette que leur auteur défunt Monsieur [M] [D] a signée le 7 mars 2015, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 28 juillet 2016 avec capitalisation annuelle des intérêts échus.

Sur la prescription de l'action en exécution de la reconnaissance de dette:

32. Les intimés soutiennent que la dette daterait de plusieurs années de sorte que l'action en exécution de la reconnaissance de dette serait prescrite à la date de l'assignation.

33. La cour relève que l'acte de reconnaissance de dette est daté du 7 mars 2015 et c'est sur le fondement de cet acte que le requérant a donné assignation aux consorts [N] en exécution de cette reconnaissance de dette. La prescription a commencé à courir à compter du jour où l'acte a été passé de sorte que l'assignation a été délivrée dans le délai quinquennal.

34. La décision sera réformée et les intimés seront condamnés à payer à Monsieur [F] [S] la somme de 200.000 euros outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure de payer en date du 28 juillet 2016.

Sur les demandes annexes et les dépens:

35. Il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [F] [S] l'intégralité des frais engagés dans la présente instance et non compris dans les dépens. Les intimés seront condamnés à lui verser la somme de 5000 euros en au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

36. Monsieur [H] [N], Madame [L] [N], Madame [E] [D], Monsieur [B] [N] et Monsieur [X] [N] qui succombent supporteront les dépens.

PAR CES MOTIFS:

La Cour d'appel de Saint Denis, statuant par défaut et en dernier ressort,

INFIRME le jugement du tribunal de grande instance de SAINT-PIERRE en date du 15 mars 2019 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

CONDAMNE Monsieur [H] [N], Madame [L] [N], Madame [E] [D], Monsieur [B] [N] et Monsieur [X] [N], venant aux droits de Monsieur [M] [D], à payer à Monsieur [F] [S] la somme de 200.000 euros (deux cent mille euros) au titre de la reconnaissance de dette que leur auteur défunt Monsieur [M] [D] a signée le 7 mars 2015, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 28 juillet 2016 avec capitalisation annuelle des intérêts échus,

ORDONNE en conséquence au notaire en charge de la liquidation de la succession de Monsieur [M] [D], Maître [O] [T], de libérer la somme de 200.000 euros au profit de Monsieur [F] [S],

DEBOUTE Monsieur [H] [N], Madame [L] [N], Madame [E] [D], Monsieur [B] [N] et Monsieur [X] [N] de leurs demandes,

CONDAMNE Monsieur [H] [N], Madame [L] [N], Madame [E] [D], Monsieur [B] [N] et Monsieur [X] [N], in solidum, à payer à Monsieur [F] [S] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur [H] [N], Madame [L] [N], Madame [E] [D], Monsieur [B] [N] et Monsieur [X] [N] aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Martin DELAGE, Président de chambre, et par Madame Nathalie TORSIELLO, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 19/005011
Date de la décision : 27/05/2022
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.saint-denis-de-la-reunion;arret;2022-05-27;19.005011 ?
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