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13/05/2022 | FRANCE | N°21/001151

France | France, Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion, 04, 13 mai 2022, 21/001151


ARRÊT No22/
PC

No RG 21/00115 - No Portalis DBWB-V-B7F-FPX7

[T]
[T]

C/

[N]
[Y]

S.A. S.A. SOGECAP

RG 1èRE INSTANCE : 18/02585

COUR D'APPEL DE SAINT- DENIS

ARRÊT DU 13 MAI 2022

Chambre civile TGI

Appel d'une décision rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE ST DENIS DE LA REUNION en date du 24 novembre 2020 RG no: 18/02585 suivant déclaration d'appel en date du 28 janvier 2021

APPELANTES :

Madame [W] [T]
[Adresse 6]
[Localité 9]
Représentant : Me Jérôme BACHOU de la SEL

ARL BACHOU AVOCAT, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Madame [E] [T]
[Adresse 4]
[Localité 12]
Représentant : Me Jérôme BACHOU de la ...

ARRÊT No22/
PC

No RG 21/00115 - No Portalis DBWB-V-B7F-FPX7

[T]
[T]

C/

[N]
[Y]

S.A. S.A. SOGECAP

RG 1èRE INSTANCE : 18/02585

COUR D'APPEL DE SAINT- DENIS

ARRÊT DU 13 MAI 2022

Chambre civile TGI

Appel d'une décision rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE ST DENIS DE LA REUNION en date du 24 novembre 2020 RG no: 18/02585 suivant déclaration d'appel en date du 28 janvier 2021

APPELANTES :

Madame [W] [T]
[Adresse 6]
[Localité 9]
Représentant : Me Jérôme BACHOU de la SELARL BACHOU AVOCAT, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Madame [E] [T]
[Adresse 4]
[Localité 12]
Représentant : Me Jérôme BACHOU de la SELARL BACHOU AVOCAT, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMES :

Madame [J] [U] [N]
[Adresse 5]
[Localité 8]
Représentant : Me Elisa WAN-HOI, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Monsieur [A] [G] [V] [Y]
[Adresse 7]
[Localité 1]
Représentant : Me Elisa WAN-HOI, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

CLÔTURE LE : 09 septembre 2021

DÉBATS : En application des dispositions de l'article 804 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 Février 2022 devant la Cour composée de :

Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre
Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère
Conseiller : Madame Magali ISSAD, Conseillère

Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.

A l'issue des débats, le président a indiqué que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition le 08 avril 2022 puis prorogé au 13 Mai 2022.

Greffier : Madame Alexandra BOCQUILLON, ff.

ARRÊT : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 13 Mai 2022.

LA COUR

EXPOSE DU LITIGE

Feu [H] [Y] est décédé le [Date décès 11] 2017 à [Localité 13], laissant pour lui succéder :
- sa veuve Madame [J] [Y], née [N], avec qui il était marié sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts, à défaut de contrat de mariage préalable à leur union célébrée au Consulat Général d'Abidjan (Côte d'Ivoire), le 26 novembre 1977 (régime matrimonial déterminé par Maître [C], notaire au [Localité 15]),
- et son fils majeur, Monsieur [A] [Y], issu d'une première union dissoute par jugement de divorce en date du 28 janvier 1976.

Lors de l'inventaire des biens mobiliers, un contrat d'assurance-vie a été découvert, souscrit le 28 avril 2017 par Feu [H] [Y] auprès de la SA SOGECAP au profit de Mesdemoiselles [W] et [E] [T], nées respectivement les [Date naissance 2] 1990 et [Date naissance 3] 1995 à [Localité 14]. Le capital de l'assurance-vie s'est élevé, au décès de Monsieur [Y], à la somme nette de 99.800 €.

Le 14 septembre 2017, Maître [C], notaire en charge du règlement de la succession, est intervenu auprès de la SA SOGECAP pour que les fonds soient bloqués.

Par acte d'huissier du 16 octobre 2017, Madame [J] [Y] et Monsieur [A] [Y], ont fait délivrer assignation à la SA SOGECAP, par devant le Président du Tribunal de Grande Instance de Nanterre, afin que les fonds détenus par elle soient séquestrés et qu'il lui soit ordonné de communiquer les adresses de Mesdemoiselles [T].

La SA SOGACAP a communiqué les adresses spontanément.

Saisi par Madame [J] [Y] et Monsieur [A] [Y], le juge des référés du Tribunal de grande instance de Nanterre a, par ordonnance du 14 juin 2018, mis en cause Mesdemoiselles [T] et ordonné le séquestre du capital d'assurance vie entre les mains de la SA SOGECAP pour une durée d'un an à compter de la décision.

Puis, par actes des 3 et 20 juillet 2018, Madame [J] [Y] et Monsieur [A] [Y] ont fait délivrer assignation devant le tribunal de grande instance de Saint-Denis de la Réunion à l'encontre de Mesdemoiselles [W] et [E] [T] afin de voir réintégrer dans la succession la somme de 99.800 € pour déterminer les droits des héritiers et afin que la quotité disponible du de cujus soit déterminée.

Le séquestre préalablement ordonné est venu à expiration le 15 juin 2019, Madame [J] [Y] et Monsieur [A] [Y] ont demandé au juge de la mise en état, le maintien du séquestre jusqu'au prononcé du jugement à venir; Mesdemoiselles [T] ne s'y sont pas opposées. Par ordonnance du juge de la mise en état du 11 février 2020, le séquestre du capital de l'assurance-vie SEQUOIA souscrit le 28 avril 2017 par [H] [Y] entre les mains de la SA SOGECAP a été prononcé jusqu'au prononcé du jugement du 24 novembre 2020.

Par jugement du 24 novembre 2020, le Tribunal judiciaire de Saint-Denis a statué en ces termes :
-Déclare recevables les demandes de Monsieur [A] [Y] et de Madame [J] [N] veuve [Y];
-Dit que la date d'appréciation de l'excès, relatif aux primes manifestement exagérées, est celle du moment du versement de la prime unique ;
-Dit que la prime unique versée lors de la souscription du contrat d'assurance-vie SEQUOIA référencée 00216/73527947 à SOGECAP est une prime manifestement exagérée, laquelle, déduction faite des frais de dossiers, soit 97.795,40 € sera intégrée à l'actif de la succession de Feu [H] [Y] ;
-Dit que la succession de Monsieur [Y] doit une récompense d'un montant de 2.008,23 € à la communauté [Y]/[N] ;
-Déclare le présent jugement commun et opposable à la SA SOGECAP auprès de laquelle le contrat d'assurance-vie référencé 00216/73527947 a été souscrit ;
-Dit que l'affaire est renvoyée entre les mains de Maître [R] [C], notaire associé de la SCP [C]-ROSSOLIN, titulaire d'un office notarial au [Localité 15] ;
-Ordonne à la SA SOGECAP de virer le capital de l'assurance-vie ainsi que les intérêts, dépendant du contrat SEQUOIA référencé No 00216/73527947 souscrit par Feu [H] [Y] entre les mains de Maître [R] [C], notaire associé de la SCP [C]-ROSSELIN, titulaire d'un office notarial au [Localité 15] ;
-Ordonne le séquestre du capital d'assurance-vie SEQUOIA référencé No 00216/73527947 souscrit par [H] [Y] entre les mains de Maître [R] [C], notaire associé de la SCP [C]-ROSSELIN au [Localité 15] jusqu'à ce qu'une décision définitive passée en force de chose jugée soit rendue ;
-Ordonne à Maître [R] [C] de consigner les sommes reçues de SOGECAP au titre du contrat d'assurance-vie SEQUOIA référencé No 00216/73527947 auprès de la Caisse des Dépôts et Consignation ;
-Dit qu'il incombe à la partie la plus diligente de justifier audit notaire du caractère définitif de la décision, par un certificat de non-appel ou un certificat de non-pourvoi;
-Dit qu'il sera ordonné le partage judiciaire des bien dépendant de la succession de Feu [H] [Y], le suivi de cette affaire est assuré par le juge commissaire de ce tribunal ;
-Dit que les opérations de comptes, liquidation et partage des biens dépendant de la succession de Feu [H] [Y] s'ouvriront à réception du justificatif de non-recours ;
-Dit qu'à défaut de versement du capital par la SA SOGECAP entre les mains de la SCP [C]-ROSSELIN, les parties pourront saisir le juge de la difficulté ou de toute autre difficulté ;
-Rejette les demandes formulées par les parties au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;
-Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement ;
-Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires ;
-Condamne in solidum Mesdemoiselles [T] aux dépens.

Par déclaration du 28 janvier 2021, Mesdames [T] [W] et [E] ont interjeté appel du jugement précité.

L'affaire a été renvoyée à la mise en état suivant ordonnance en date du 28 janvier 2021.

Mesdames [T] [W] et [E] ont déposé leurs premières conclusions d'appelantes le 15 avril 2021.

Madame [J] [U] [N], veuve [Y], et Monsieur [A] [G] [Y] ont déposé leurs conclusions d'intimés le 17 mai 2021.

La SA SOGECAP n'a pas constitué avocat bien que régulièrement assignée.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 septembre 2021.

* * * * *

PRETENTIONS ET MOYENS

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 3 août 2021, Mesdames [T] [W] et [E] demandent à la Cour de :
- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de St Denis de la Réunion en date du 24 novembre 2020.
- Débouter Mme [J] [N]-[Y] et M. [A] [Y] de toutes ses demandes, fins et conclusions.
- Prononcer que le bénéficiaire du contrat d'assurance-vie a un droit direct et immédiat contre l'assureur, conséquence de la stipulation pour autrui réalisé par le contrat. Les prestations de celui-ci sont réputées ne jamais avoir fait partie du patrimoine du souscripteur.
- Prononcer que les dispositions de l'article L. 132-12 du Code des assurances prévoit que le capital payable lors du décès de l'assuré à un bénéficiaire déterminé ou a ses héritiers ne font pas partie de la succession de l'assuré.
- Prononcer que la prime versée d'un montant de 97.795,40 € ne pourra être qualifiée raisonnablement de manifestement exagérée compte tenu du critère d'utilité du contrat d'assurance-vie, notamment des sommes non placées, pour assurer à M. [Y] un train de vie normal, de sorte qu'il ne lui était pas nécessaire de mobiliser immédiatement et de façon continue cette épargne pour couvrir les dépenses courantes.
- Ordonner que le capital du contrat d'assurance vie SEQUOIA référencé 00216/73527947 auprès de la SOGECAP et actuellement placé sous séquestre et entre les mains de l'Étude notariale de Me [R] [C], notaire associe de la SCP [C]-ROSSOLIN, d'un montant de 97.795,40 € déduction faite des frais de dossier sera totalement libéré par virement bancaire au profit de Mme [E] [T] et à Mme [W] [T], chacune par moitié.
- Condamner Mme [J] [N]-[Y] et M. [A] [Y] à payer chacun la somme de 3000 € respectivement à Mme [E] [T] et à Mme [W] [T] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Mesdames [T] [E] et [W] font valoir que le régime applicable au contrat d'assurance vie « SEQUOIA » est régi par les articles L 132-12 et 132-13 du Code des assurances qui disposent que la prestation du contrat ne constitue pas un actif de la succession du stipulant et ne saurait être prise en compte pour le calcul de la réserve des héritiers.

Elles soutiennent que ces dispositions dérogent au droit commun et permettent au souscripteur de modifier les règles de la dévolution successorale pour avantager un héritier au-delà de la quotité disponible ou un tiers étranger à sa succession.

Elles avancent que conformément à la clause bénéficiaire et à l'article L 132-13 du Code des assurances, elles sont bénéficiaires du capital de Monsieur [Y] et non de primes, précisant que la prime a été réglée par feu [H] [Y] de son vivant.

Elles estiment qu'aucune récompense d'un montant de 2.008,23 € ne devra être due à la communauté [Y]/[N].

Elles indiquent qu'il y a une absence de caractère manifestement exagéré de la prime versée d'un montant de 97 795,40 € en rappelant les critères dégagés par la jurisprudence pour déterminer ce caractère excessif :
-l'âge et situation familiale du souscripteur dans les cas de versement d'une prime
-la situation patrimoniale du souscripteur dans les cas de versement d'une prime
-le critère d'utilité du contrat d'assurance vie : les appelantes exposent que la jurisprudence de la Cour de Cassation a reconnu que dès lors que l'utilité de l'assurance vie permettait au souscripteur de garantir son train de vie de normal, il n'y a pas de caractère excessif.

Les appelantes certifient qu'en l'espèce, ces trois critères ne sont pas démontrés et qu'il n'y a pas de caractère excessif de la prime versée.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 13 août 2021, Madame [J] [U] [N], veuve [Y] et Monsieur [A] [G] [Y] demandent à la Cour de :
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Saint-Denis de la Réunion en date du 24 novembre 2020,
En conséquence,
- Débouter Madame [W] [T] et Madame [E] [T] de toutes leurs demandes,
- Condamner Mademoiselle [E] [T] et Mademoiselle [W] [T] solidairement à payer et porter à Madame [J] [N] la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et à Monsieur [A] [Y] la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les intimés font valoir que dans le contrat d'assurance vie, la clause désignation des bénéficiaires, ne semble pas avoir été rédigée des mains de feu [H] [Y]. Ils précisent que cette clause a été rédigée par un conseiller bancaire sous la dictée du souscripteur.

Ils réfutent l'idée des appelantes qui considèrent que le capital ne fait pas partie de la succession de l'assuré et qu'il est loisible à ce dernier de modifier les règles de dévolution successorale puisqu'ils avancent qu'elles passent sous silence l'alinéa 2 de l'article L. 132-13 du code des assurances. Ils soulignent que cet alinéa prévoit une dérogation aux dispositions de l'article L. 132-12 du code des assurances en disposant que les primes versées par le souscripteur d'un contrat d'assurance vie sont rapportables à la succession si elles présentent un caractère manifestement exagéré eu égard aux facultés du souscripteur, ce qui est le cas en l'espèce.

Les intimés relèvent qu'une seule prime a été versée garantissant un capital de 99 800 €. Ils indiquent que du fait du caractère unique de son versement et de son montant largement supérieur aux pensions de retraites mensuelles de Monsieur [Y], ou encore au double de l'actif brut de communauté, la prime a un caractère excessif.

Les intimés soutiennent que le contrat SEQUOIA a été conclu afin de contourner les dispositions successorales.

* * * * *

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure en application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

La cour rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire et juger » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.

En application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n'examine que les moyens développés dans la partie discussion des conclusions présentés au soutien de ces prétentions.

Ainsi, les appelants concluent dans le dispositif de leurs conclusions à l'infirmation « en toutes ses dispositions » du jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de St Denis de la Réunion en date du 24 novembre 2020.

Cependant, elles ne remettent pas en cause l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession, se limitant à contester le jugement en ce qu'il a ordonner le rapport de la prime d'assurance et la prétention des intimés relatives à une récompense d'un montant de 2.008,23 euros en faveur de la communauté [Y]/[N].

Sur le caractère manifestement excessif de la prime unique versée par l'assuré :

Aux termes de l'article L. 132-11 du code des assurances, lorsque l'assurance en cas de décès a été conclue sans désignation d'un bénéficiaire, le capital ou la rente garantis font partie du patrimoine ou de la succession du contractant.

Selon les dispositions de l'article L. 132-13 du même code, le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant.

Ces règles ne s'appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés.

Les critères d'appréciation du caractère manifestement excessif des primes payées résultent de l'âge du souscripteur, de sa situation familiale et patrimoniale.

Le caractère exagéré à prendre en compte est celui des primes au moment où elles sont versées sur le patrimoine du souscripteur puisque l'exagération est à prendre en compte afin de déterminer la nature du contrat, jusqu'au moment de l'engagement en capital.

La référence à l'âge du souscripteur renvoie implicitement à l'utilité et la finalité de l'opération car ce qui importe c'est l'espérance de vie puisque l'âge du souscripteur est de nature à priver l'opération de tout intérêt pour sa personne.

L'importance des primes payées doit être appréciée au regard de l'ensemble des actifs du souscripteur, et non uniquement de ses revenus. L'exagération manifeste s'apprécie au moment de la souscription du contrat et du paiement des primes.

Mais la charge de la preuve du caractère manifestement exagéré des primes versées incombe à celui qui demande la réintégration des primes versées dans l'actif successoral.

En l'espèce, le souscripteur a souscrit le contrat d'assurance vie SEQUOIA pour un effet à partir du 28 avril 2017 alors qu'il était né le [Date naissance 10] 1947. Agé de 70 ans, il a décidé de verser une prime unique de 99.800 euros hors les frais de 200 euros (pièce No 3 des intimés). Il est décédé le [Date décès 11] 2017, moins de quatre mois plus tard.

Les appelantes considèrent que la prime versée par Feu [Y] lors de la conclusion du contrat, d'un montant de 97.795,40 euros, ne peut être qualifiée raisonnablement de manifestement exagérée compte tenu du critère d'utilité du contrat d'assurance-vie dont les stipulations lui permettaient de disposer d'un train de vie normal, de sorte qu'il ne lui était pas nécessaire de mobiliser immédiatement et de façon continue cette épargne pour couvrir les dépenses courantes.

Ils font valoir que l'inventaire successoral du domicile du de cujus précise un solde créditeur bancaire BFCOI d'un montant de 46.973,17 € au surplus d'une retraite de 2.147,66 euros, prétendant que cela caractérise une situation financière confortable alors que le couple marital vivait en réalité séparé depuis quinze ans même si la requête en divorce a été présentée le 22 juillet 2015.

Les intimés versent la déclaration de succession qui présente un actif brut de succession de 29.021,59 euros et un actif net de 27.521,59 euros alors que l'analyse de ce patrimoine correspond à la date du décès moin
s de quatre mois après la souscription du contrat litigieux SEQUOIA.

Le fait que le couple vivait séparément depuis de nombreuses années n'a jamais fait disparaître le devoir de secours entre époux et aucun élément versé aux débats ne vient confirmer la volonté irrévocable de Feu [H] [Y] d'exclure son premier fils d'une grande part de la succession compte tenu de la faiblesse du patrimoine de la communauté.

Il est dès lors incontestable que la prime d'assurance de près de 100.000 euros versée quelques mois avant son décès excédait manifestement les moyens économiques de Feu [H] [Y].

Compte tenu de cette disproportion avec le patrimoine du souscripteur âgé alors de 70 ans, il convient de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a ordonné la réintégration de la somme de 97.795,40 € sera intégrée à l'actif de la succession de Feu [H] [Y].

Sur la récompense due à la communauté de la somme de 2.008,23 euros :

Le premier juge a dit que la succession de Feu [H] [Y] devait récompense à la communauté [Y]/[N].

Les appelants le contestent tandis que les intimés sollicitent la confirmation du jugement sans évoquer ce litige dans la discussion de leurs conclusions.

Or, la somme réclamée correspond à la différence entre la prime d'assurance effectivement payée par le souscripteur (à hauteur de 100.000 euros) et la somme réellement remise aux bénéficiaires, comme l'a justement retenu le premier juge.

Cependant, alors que le rapport à la succession de la prime nette d'assurance doit être ordonné, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de récompense de la différence qui reste un bien propre de Monsieur [H] [Y] tant que les intimés ne démontrent pas que ces fonds auraient été communs malgré le fait qu'ils proviennent nécessairement de sa pension de retraite, revenus propres par nature. Au surplus, compte tenu du rapport à la succession, cette dépense était utile et réalisée dans l'intérêt de la succession.

En conséquence, il convient d'infirmer le jugement querellé de ce chef et de débouter Madame [J] [Y] et Monsieur [A] [Y] de leur demande.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Les appelants, succombant pour l'essentiel, supporteront les dépens et les frais irrépétibles des intimés.

PAR CES MOTIFS

La cour,statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf celle relative à la récompense due à la communauté ;

Statuant à nouveau de ce chef,

DEBOUTE Madame [J] [Y] et Monsieur [A] [Y] de leur demande de récompense en faveur de la communauté de la somme de 2.008,23 euros ;

CONDAMNE Madame [W] [T] et Madame [E] [T] à payer à Madame [J] [Y] et Monsieur [A] [Y] une indemnité de 1.500 euros à chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Madame [W] [T] et Madame [E] [T] aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Madame Alexandra BOCQUILLON, faisant fonction de greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
SIGNE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 21/001151
Date de la décision : 13/05/2022
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.saint-denis-de-la-reunion;arret;2022-05-13;21.001151 ?
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