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13/05/2022 | FRANCE | N°15/017351

France | France, Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion, 04, 13 mai 2022, 15/017351


ARRÊT No22/
MI

No RG 15/01735 - No Portalis DBWB-V-B67-ETTO

[W]

C/

[K]
[H]

RG 1èRE INSTANCE : 14/01460

COUR D'APPEL DE SAINT- DENIS

ARRÊT DU 13 MAI 2022

Chambre civile TGI

Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SAINT-PIERRE DE LA REUNION en date du 28 août 2015 RG no: 14/01460 suivant déclaration d'appel en date du 25 septembre 2015

APPELANT :

Monsieur [S] [P] [W]
[Adresse 7]
[Localité 6]
Représentant : Me Stéphane BIGOT, plaidant, avocat au barreau de SAINT-PIERRE

-DE-LA-REUNION

INTIMES :

Madame [Y] [R] [K] épouse [H]
[Adresse 1]
[Localité 8] (Réunion)
Représentant : Me Laurent BENOITON, plaidant,...

ARRÊT No22/
MI

No RG 15/01735 - No Portalis DBWB-V-B67-ETTO

[W]

C/

[K]
[H]

RG 1èRE INSTANCE : 14/01460

COUR D'APPEL DE SAINT- DENIS

ARRÊT DU 13 MAI 2022

Chambre civile TGI

Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SAINT-PIERRE DE LA REUNION en date du 28 août 2015 RG no: 14/01460 suivant déclaration d'appel en date du 25 septembre 2015

APPELANT :

Monsieur [S] [P] [W]
[Adresse 7]
[Localité 6]
Représentant : Me Stéphane BIGOT, plaidant, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

INTIMES :

Madame [Y] [R] [K] épouse [H]
[Adresse 1]
[Localité 8] (Réunion)
Représentant : Me Laurent BENOITON, plaidant,avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Monsieur [F] [U] [H]
[Adresse 1]
[Localité 8] (RÉUNION)
Représentant : Me Laurent BENOITON, plaidant,avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

CLÔTURE LE : 11 février 2022

DÉBATS : En application des dispositions de l'article 804 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 Février 2022 devant la Cour composée de :

Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre
Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère
Conseiller : Madame Magali ISSAD, Conseillère

Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.

A l'issue des débats, le président a indiqué que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition le 08 avril 2022 puis prorogé au 13 Mai 2022.

Greffier : Madame Alexandra BOCQUILLON, ff.

ARRÊT : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 13 Mai 2022.

* * *

LA COUR

Le 24 avril 2014, Monsieur [S] [P] [W], se prévalant d'un titre de propriété portant sur la parcelle AH [Cadastre 2] située sur la Commune de [Localité 8], au lieudit « [Localité 9] », a assigné à comparaître devant le tribunal de grande instance de Saint-Pierre Madame [R] [H] et son époux Monsieur [U] [H] sur le fondement de l'article 555 du Code civil.

Par jugement en date du 28 août 2015, le tribunal de grande instance de Saint-Pierre a :
- Débouté Monsieur [S] [P] [W] de ses demandes ;
- Rejeté les demandes reconventionnelles des époux [H] ;
- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Partagé les dépens par moitié entre les parties.

Monsieur [S] [P] [W] a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe de la cour le 25 septembre 2015.

Par arrêt avant dire droit aux termes duquel il conviendra de se reporter pour plus ample exposé, la cour a statué en ces termes :
- INFIRME le jugement entrepris ;
Et statuant à nouveau :
- DIT et JUGE que Monsieur [S] [P] [W] est propriétaire de la parcelle cadastrée AH [Cadastre 2], sise [Localité 9] à [Localité 8], pour une contenance de 5 hectares 7 ares et 60 centiares ;
- DIT ET JUGE que le gîte [H] a été implanté sans droit sur cette parcelle AH [Cadastre 2] par les époux [H] ;
Vu l'article 555 du code civil,
- ORDONNE la réouverture des débats ;
- REVOQUE l'ordonnance de clôture ;
- RENVOIE l'affaire à la mise en état ;
- INVITE les parties à présenter leurs observations sur les points suivants :
- La bonne foi ou la mauvaise foi des époux [H] et de leur auteur ;
- L'option du propriétaire à l'égard des tiers évincés.
- RESERVE les demandes relatives à la démolition du gîte, aux dommages et intérêts, aux frais irrépétibles.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 février 2022 après plusieurs reports.

* * * * *

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 25 février 2021, Monsieur [S] [P] [W] demande à la Cour de :
- Dire et Juger que les époux [H] ne sont pas des constructeurs de bonne foi au sens des articles 550 et 555 du Code civil,
En conséquence,
- Ordonner, avec le concours de la force publique, l'expulsion de Madame [R] [H] et de Monsieur [H] [F] [U], ainsi que celle de tous occupants de leur chef, de la parcelle AH [Cadastre 2] à [Localité 8], ainsi que la démolition de leur gîte et de tous ouvrages accessoires à ce gîte qui ont été implantés sur cette parcelle AH [Cadastre 2], le tout sous astreinte de 1.000€ par jour de retard passé le délai de 3 mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
- Dire et Juger que, passé ce délai de 3 mois, Monsieur [S] [P] [W] aura également la faculté de faire procéder lui-même à cette démolition, aux frais des époux [H], sans préjudice du droit de voir l'astreinte continuer à courir au-delà de cette date,
- Condamner solidairement Madame [R] [H] et Monsieur [U] [H] à payer à Monsieur [S] [P] [W] la somme de 10.000€ de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,
En tout état de cause,
- Débouter les époux [H] de toutes leurs demandes, contraires ou reconventionnelles,
- Condamner solidairement Madame [R] [H] et Monsieur [U] [H] à payer à Monsieur [W] la somme de 8000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner solidairement Madame [R] [H] et Monsieur [U] [H] aux entiers dépens, sous le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Monsieur [W] fait valoir que la notion de bonne foi, appliquée aux constructions sur le terrain d'autrui, s'interprète strictement. Il souligne que seul le tiers constructeur qui possède un titre translatif de propriété dont il ignorait les vices, peut être reconnu de bonne foi.

Il prétend que les époux [H] ne pouvaient pas confondre les parcelles AH [Cadastre 2] et AH [Cadastre 3], d'autant plus que Monsieur [H] étant délégué du maire en charge du secteur de Dimitile, est parfaitement informé des questions foncières et dispose d'un accès privilégié aux services municipaux en charge de l'urbanisme.

L'appelant expose que les époux [H] savaient qu'ils empiétaient la parcelle AH [Cadastre 2], puisqu'ils ont reçu la mise en garde de Monsieur [D] [O] [E] dès 1994 sur le fait que la construction envisagée concernait le terrain de Monsieur [W].

Monsieur [W] estime ainsi que les époux [H] ne pouvant revendiquer la bonne foi au sens des articles 550 et 555 du Code civil, il opte pour la démolition de tout ce qui a été implanté sur sa parcelle, aux frais des constructeurs de mauvaise foi.

* * * * *

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 25 mai 2021, Monsieur et Madame [H] demandent à la Cour de :
- Dire et juger qu'ils ont été possesseurs de bonne foi de cette construction implantée sur la parcelle AH [Cadastre 2] selon arrêt d'appel de décembre 2020;
- Dire et juger que M. [W] devra leur rembourser en tout état de cause une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur ;
- Juger en tout état de cause que les époux [H] sont propriétaires par voie de prescription au titre des articles 2261 et 2272 du code civil ;
- Rejeter toutes les demandes et prétentions contraires de M. [W] ;
- Dire n'y avoir lieu à article 700 du code de procédure civile et rejeter toutes les demandes de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'équité ne commandant pas de quelconque condamnation au regard de la situation respective des parties;
- Condamner M. [W] aux dépens.

Les époux [H] font valoir qu'aucun bornage amiable n'avait été réalisé, afin de déterminer de manière irréfutable la limite séparative sur les terrains de sorte que la remise en cause de leur bonne foi ne saurait être remise en question.

Ils soutiennent que les constructions ont toujours été identifiées comme édifiées sur la parcelle AH [Cadastre 3]. Ils indiquent que la bonne foi des époux étant acquise, Monsieur [W] devra leur rembourser la démolition du gîte à une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur.

Ils affirment que conformément à l'article 2272 du code civil, les époux [H] bénéficient d'une présomption abrégée de 10 ans, étant de bonne foi. Ils prétendent pouvoir bénéficier de l'usucapion de 30 ans.

* * * * *

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure en application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

La cour rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire et juger » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.

Sur la bonne foi de Monsieur [S] [W] :

Vu les articles 6 et 9 du code de procédure civile ;

Aux termes de l'article 550 du code civil, le possesseur est de bonne foi quand il possède comme propriétaire, en vertu d'un titre translatif de propriété dont il ignore les vices.

Il cesse d'être de bonne foi du moment où ces vices lui sont connus.

Aux termes de l'article 555 du code civil, lorsque les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers et avec des matériaux appartenant à ce dernier, le propriétaire du fonds a le droit, sous réserve des dispositions de l'alinéa 4, soit d'en conserver la propriété, soit d'obliger le tiers à les enlever.
Si le propriétaire du fonds exige la suppression des constructions, plantations et ouvrages, elle est exécutée aux frais du tiers, sans aucune indemnité pour lui ; le tiers peut, en outre, être condamné à des dommages-intérêts pour le préjudice éventuellement subi par le propriétaire du fonds.

Si le propriétaire du fonds préfère conserver la propriété des constructions, plantations et ouvrages, il doit, à son choix, rembourser au tiers, soit une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur, soit le coût des matériaux et le prix de la main d'oeuvre estimés à la date du remboursement, compte tenu de l'état dans lequel se trouvent lesdites constructions, plantations et ouvrages.

Si les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers évincé qui n'aurait pas été condamné, en raison de sa bonne foi, à la restitution des fruits, le propriétaire ne pourra exiger la suppression desdits ouvrages, constructions et plantations, mais il aura le choix de rembourser au tiers l'une ou l'autre des sommes visées à l'alinéa précédent.

Est de mauvaise foi au sens de ces dispositions celui qui construit sciemment sur un terrain qui ne lui appartient pas.

Monsieur [W] affirme que les Consorts [H] sont de mauvaise foi car ils n'ont jamais invoqué le vice qui aurait affecté leur acte de propriété au point de croire qu'ils avaient construit sur leur propriété.

A cet égard, leur acte du 21 juillet 1999 fait référence à une parcelle d'origine cadastrée AH [Cadastre 3] de 11 hectares 61 ares et 85 centiares, divisée en deux parcelles AH [Cadastre 4] et [Cadastre 5]. En 1999, Monsieur [J] [H], père d'[U] [H], le confirme de nouveau en validant chez son notaire les limites indiquées par son géomètre et portées sur le plan cadastral inséré dans l'acte de propriété établi au profit de son fils, [F] [U] [H] En signant de la sorte, ils confirment bien que la cession porte sur cette parcelle AH [Cadastre 3] divisée en deux, et non sur la parcelle voisine AH [Cadastre 2]. Compte tenu de leurs démarches administratives réitérées, Il est tout simplement impossible pour les époux [H] de prétendre qu'ils aient confondu les parcelles AH [Cadastre 2] et AH [Cadastre 3], d'autant que Monsieur [U] [H] est parfaitement au faîte de ces questions foncières, étant le délégué du Maire en charge du secteur du Dimitile, ce qui lui permet un accès privilégié aux services municipaux en charge de l'Urbanisme. Ils savaient qu'ils empiétaient la parcelle AH [Cadastre 2] de Monsieur [W] puisqu'ils ont reçu la mise en garde de Monsieur [D] [O] [E] dès 1994 sur le fait que sa construction envisagée concernait le terrain [W]. (Pièce no 18) Selon l'appelant, les époux [H] n'ignoraient donc rien du fait qu'ils ont construit chez leur voisin, et ce depuis plusieurs décennies et ne se sont jamais présentés comme propriétaire de la parcelle AH [Cadastre 2] avant que Monsieur [W] ne se manifeste par sa lettre du 15 novembre 2013. Le fait d'avoir d'abord mentionné la référence AH [Cadastre 4] sur la déclaration relative aux impôts locaux, pour ensuite la barrer pour y rajouter « [Cadastre 2] » après avoir reçu la lettre de Mr [W], prouve qu'ils n'ont jamais cru être propriétaire de la parcelle AH [Cadastre 2] avant que Monsieur [W] ne se manifeste, et qu'ils savaient parfaitement avoir construit chez Monsieur [W], ce qui exclut toute notion de bonne foi à leur profit. (Pièce no 9) Si les époux [H] avaient été de bonne foi, ils auraient répondu à la lettre recommandée du 15 novembre 2013 de Monsieur [W] (Pièce no6) Ainsi, Monsieur [U] [H] ne pouvait ignorer la localisation de sa parcelle AH [Cadastre 4] issue de la AH [Cadastre 3] par sa signature du plan cadastral annexé à l'acte de 1999, et co-signé par son père [J].

En réplique, Monsieur et Madame [H] font valoir que les constructions ont toujours été identifiées comme édifiées sur la parcelle AH[Cadastre 3], pour les époux [H], comme pour le père [J] [H] (propriétaire de la AH [Cadastre 3] lors de l'édification des constructions), et par les organismes publics reconnaissant cette construction comme étant réalisée sur la parcelle AH [Cadastre 3]. Ils ont d'ailleurs toujours affirmé que les constructions litigieuses se trouvaient sur la parcelle AH [Cadastre 3].

Ils soulignent que :
M. [H] n'a jamais été élu à l'urbanisme ou au cadastre.

Monsieur [U] [H] a acquis de son père cette parcelle (du moins la parcelle AH [Cadastre 4], issue de la division avant-vente en 1999 de la parcelle AH [Cadastre 3] devenant AH [Cadastre 4] et AH [Cadastre 5]) sur laquelle un gîte était déjà identifié et construit par l'acquéreur lui-même avant achat. Ce faisant, le gîte est édifié sur la parcelle AH [Cadastre 3] pour l'ensemble des protagonistes (pour le père, pour le notaire officiant et pour le fils [U] [H]). M. [U] [H] acquiert cette propriété bâtie (parcelle AH [Cadastre 3]) en 1999 alors que le gîte est déjà édifié.

Monsieur [H] avait auparavant déjà obtenu une autorisation de son père (propriétaire de la AH [Cadastre 3]) afin d'y édifier dès 1987 un " boucan" (pièce 2), puis un "abri agricole" en 1988 par décision d'urbanisme définitive car non remise en cause (pièce 3).

Madame [R] [H] a obtenu un permis de construire une extension de bâtiment en 1993 (pièce 7). Le gîte figurait bien sur la parcelle AH [Cadastre 3] pour la collectivité municipale de [Localité 8], ainsi que pour tous les organismes consultés, et la Commune a dûment vérifié après contrôle la conformité des travaux en 1994 et 1995.

Les relevés de propriété du Centre des impôts fonciers de [Localité 10] de l'époque ont tous énoncé que c'était la parcelle AH [Cadastre 3] qui était la parcelle bâtie occupée par le gîte au 9001 Plateau du Dimitile, comme le démontrent le relevé de propriété du 4 mars 1998 évoquant la AH [Cadastre 3] comme propriété bâtie (pièce 36), puis la AH [Cadastre 4] comme propriété bâtie encore en 2013 (pièce 13).

M. [H] s'est acquitté des impôts fonciers sur ce bâti depuis 1999.

Enfin, madame [R] [H] a exploité ce "gîte [H]" pendant 21 ans.

Ceci étant exposé, il est établi que l'occupation de la parcelle appartenant à Monsieur [W] résulte des incertitudes contenues dans les actes de propriété comme l'a relevé l'Expert judiciaire. Selon l'expert, les conditions d'établissement du plan cadastral sur le secteur du [Localité 9], à une période en 1978, où quasiment aucun terrain n'étant plus cultivé, et où aucune limite de parcelle n'est plus matérialisée, fait présumer que ce plan cadastral ne correspond que très partiellement à la réalité des parcelles telles qu'elles existaient lorsqu'elles étaient en culture avant le cyclone de 1948.

En aucun cas, on ne pouvait déduire du plan cadastral l'existence d'un empiétement de la part des consorts [H] sur la propriété de Monsieur [W], cette parcelle AH [Cadastre 2] ayant été définie sans aucune garantie sérieuse de dimension et de positionnement sur le plan cadastral.

Il a d'ailleurs fallu plusieurs expertises amiables ou judiciaires et de longs débats pour parvenir à la solution dégagée par la cour de céans dans l'arrêt avant dire droit.

C'est donc seulement à partir de l'arrêt de cette cour, en date du 18 décembre 2020 qu'a été posée la certitude de l'empiètement des Consorts [H] sur la parcelle appartenant à Monsieur [W].

Ces éléments permettent de retenir la bonne foi des intimés.

Sur la valorisation du fonds :

En application du quatrième alinéa de l'article 555 du code civil, s'agissant de tiers de bonne foi, Monsieur [W] reste tenu de rembourser aux Consorts [H] une indemnité correspondant à la valorisation du fonds grâce aux travaux réalisés.

Sur la demande d'expulsion de de démolition :

Selon le troisième et le quatrième alinéa de l'article 555 du code civil, si le propriétaire du fonds préfère conserver la propriété des constructions, plantations et ouvrages, il doit, à son choix, rembourser au tiers, soit une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur, soit le coût des matériaux et le prix de la main d'oeuvre estimés à la date du remboursement, compte tenu de l'état dans lequel se trouvent lesdites constructions, plantations et ouvrages.

Cependant, si les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers évincé qui n'aurait pas été condamné, en raison de sa bonne foi, à la restitution des fruits, le propriétaire ne pourra exiger la suppression desdits ouvrages, constructions et plantations, mais il aura le choix de rembourser au tiers l'une ou l'autre des sommes visées à l'alinéa précédent.

En l'espèce, Monsieur [W] exige la démolition de tout ce qui a été implanté sur sa parcelle AH [Cadastre 2] en considérant, à tort, que les intimés sont de mauvaise foi.

Il n'a présenté aucune demande subsidiaire permettant de préciser l'option qu'il souhaite appliquer pour indemniser les tiers évincés.

Face à cette abstention, Monsieur et Madame [H] ne formulent aucune proposition chiffrée en se limitant à demander à Monsieur [W] le remboursement d'une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur sans préciser de montant.

Ainsi, il n'y a pas lieu de statuer sur l'application de l'article 555 du code civil pour un tiers évincé de bonne foi, la cour n'étant pas saisi d'une telle demande malgré la réouverture des débats et la durée de l'instance.

Sur la demande d'expulsion :

Occupants sans droits ni titre, les intimés devront libérer les lieux. Leur expulsion sera ordonnée conformément aux prétentions de Monsieur [W] de ce chef.

Mais le concours de la force publique n'apparaît pas nécessaire eu égard à la situation des lieux tandis qu'une astreinte sera prononcée afin de garantir l'exécution de la décision.

Sur la demande de dommages et intérêts :

En application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n'examine que les moyens développés dans la partie discussion des conclusions présentés au soutien de ces prétentions.

Monsieur [W] sollicite la condamnation solidaire des intimés à lui payer la somme de 10.000€ de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

Toutefois, s'il forme cette demande dans le dispositif de ses conclusions, il n'évoque pas cette prétention dans la discussion de ses conclusions.

La cour ne peut que rejeter cette demande.

Sur les dépens :

Monsieur et Madame [H] sont les parties succombantes. A ce titre, ils supporteront les dépens comprenant les frais d'expertises judiciaires et les frais irrépétibles de Monsieur [S] [W].

* * * * *

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort

Vu l'arrêt mixte en date du 18 décembre 2020 ;

DECLARE de bonne foi Madame [R] [H] et Monsieur [H] [F] [U], ainsi que leur auteur ;

CONSTATE que Monsieur [W] n'a pas formulé d'option d'indemnisation à l'égard des tiers évincés ;

ORDONNE l'expulsion de Madame [R] [H] et de Monsieur [H] [F] [U], ainsi que celle de tous occupants de leur chef, de la parcelle cadastrée AH [Cadastre 2] à [Localité 8], sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai de deux mois suivant la signification de l'arrêt ;

DIT n'y avoir lieu à prévoir le concours de la force publique ;

DEBOUTE Monsieur [W] de sa demande de dommages et intérêts au titre d'un préjudice moral ;

CONDAMNE solidairement Madame [R] [H] et Monsieur [H] [F] [U] à payer à Monsieur [S] [W] une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE solidairement Madame [R] [H] et Monsieur [H] [F] [U] aux dépens comprenant les frais d'expertises judiciaires.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Madame Alexandra BOCQUILLON, faisant fonction de greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
SIGNE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 15/017351
Date de la décision : 13/05/2022
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Saint-Pierre de La Réunion, 28 août 2015


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.saint-denis-de-la-reunion;arret;2022-05-13;15.017351 ?
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