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14/12/2021 | FRANCE | N°20/020791

France | France, Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion, 04, 14 décembre 2021, 20/020791


ARRÊT No
IO

No RG 20/02079 - No Portalis DBWB-V-B7E-FOMZ

S.A. LA BANQUE POSTALE FINANCEMENT

C/

[O]

COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS

ARRÊT DU 14 DECEMBRE 2021

Chambre civile

Appel d'une décision rendue par le JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE SAINT PIERRE en date du 26 OCTOBRE 2020 suivant déclaration d'appel en date du 24 NOVEMBRE 2020 RG no 19/000568

APPELANTE :

S.A. LA BANQUE POSTALE FINANCEMENT
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Pierre HOARAU, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNIONr>
INTIMÉ :

Monsieur [I] [O]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Claire BRIAUD, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-...

ARRÊT No
IO

No RG 20/02079 - No Portalis DBWB-V-B7E-FOMZ

S.A. LA BANQUE POSTALE FINANCEMENT

C/

[O]

COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS

ARRÊT DU 14 DECEMBRE 2021

Chambre civile

Appel d'une décision rendue par le JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE SAINT PIERRE en date du 26 OCTOBRE 2020 suivant déclaration d'appel en date du 24 NOVEMBRE 2020 RG no 19/000568

APPELANTE :

S.A. LA BANQUE POSTALE FINANCEMENT
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Pierre HOARAU, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMÉ :

Monsieur [I] [O]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Claire BRIAUD, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2020/8502 du 10/02/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Saint-Denis)

DATE DE CLÔTURE : 10 Juin 2021

DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 Août 2021 devant Madame OPSAHL Isabelle, Vice-présidente placée, qui en a fait un rapport, assistée de Mme Nathalie TORSIELLO, Greffière, les parties ne s'y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué, à l'issue des débats, que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 14 Décembre 2021.

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre
Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère
Conseiller : Madame Isabelle OPSAHL, Vice-présidente placée

Qui en ont délibéré

Greffier : Mme Nathalie TORSIELLO
Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 14 Décembre 2021.

* * *

LA COUR :

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 28 septembre 2013, M. [I] [O] a conclu avec la SA Banque Postale, devenue La Banque Postale Consumer Finance, LBPCF (la banque) un contrat de prêt visant à regrouper plusieurs crédits pour un montant de 36.000 euros (53.931,60 euros avec les intérêts), sur 120 mensualités de 449,43 euros chacune.

Par acte du 3 juillet 2019, la banque a fait assigner M. [I] [O] devant le tribunal judiciaire de Saint-Pierre aux fins d'obtenir sa condamnation, avec exécution provisoire, à lui payer la somme de 33.238,79 euros avec intérêts de droit au titre du solde d'un prêt personnel consenti le 28 septembre 2013, outre une somme au titre des frais irrépétibles.

Par jugement du 26 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Saint-Pierre a dit la SA Banque Postale forclose en son action et l'a condamnée aux dépens.

Par déclaration au greffe en date du 24 novembre 2020, la Banque Postale a interjeté appel de ce jugement.

Selon dernières conclusions, déposées au RPVA le 27 Mai 2021, la banque demande à la cour de :

-La déclarer recevable en son appel formé contre le jugement du 26 octobre 2020 ;

Vu l'article R.312-35 du Code de la consommation,

-Dire et juger que tant en ce qui concerne les échéances échues et impayées que le capital restant dû lors de la déchéance du terme, aucune forclusion ne saurait lui être opposée sachant que la première échéance impayée date de mars 2018, que la déchéance du terme est de fin septembre 2018 et que la citation ayant saisi le tribunal a été délivrée le 3 juillet 2019 ;

-Infirmer en conséquence le jugement du 26 octobre 2020 en toutes ses dispositions ;

Statuant de nouveau,
-Dire et juger que toutes les dispositions du Code de la consommation quant à la formation du contrat de crédit ont été scrupuleusement respectées ;

-Dire et juger qu'aucune sanction de déchéance de droit aux intérêts du prêteur ne peut trouver à s'appliquer en l'espèce ;

En conséquence,
-Condamner M. [I] [O] au paiement de la somme en principal de 33.238,79 euros, augmentée des intérêts de droit ;

-Condamner le même au paiement de la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La banque soutient qu'il n'existe aucune forclusion ni pour les échéances impayées de mars 2018 ni pour le capital restant dû et les pénalités compte tenu de la déchéance du terme intervenue fin septembre 2018, l'assignation ayant été délivrée à M. [O] le 3 juillet 2019.

Au fond, elle fait valoir avoir parfaitement respecté les dispositions légales dans la mesure où elle a étudié la situation financière de l'emprunteur avant de lui accorder le crédit et avoir eu entre ses mains tous les justificatifs permettant d'y procéder.

Elle indique que le formulaire détachable, distinct de l'offre, était bien joint à celle-ci, et que celui-ci n'a pas à être doublé pour le prêteur. Elle dit verser au dossier un exemplaire vierge d'un contrat de prêt contenant ledit formulaire pour démontrer que M. [O] a reçu la même chose.

Elle ajoute avoir également fourni la fiche d'information précontractuelle tel que le précise d'ailleurs le contrat. Elle fait valoir que M. [O] n'a pas non plus initié de démarche amiable si bien qu'il ne peut le lui reprocher en retour. Enfin, si l'emprunteur indique que le taux conventionnel n'était pas écrit dans le contrat, elle précise qu'il y est bien mentionné.

Par dernières conclusions aux fins d'appel incident, déposées au RPVA le 12 mars 2021, M. [O] demande à la cour de :

-Confirmer le jugement rendu par le Juge des contentieux de la protection près le Tribunal judiciaire de Saint-Pierre le 26 octobre 2020 en ce qu'il a dit que la SA Banque Postale Financement était forclose en son action;

-Dire que la SA Banque Postale Financement est forclose en son action ;

En cas d'infirmation du jugement susvisé :
-Déclarer la SA Banque Postale Financement irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes, et l'en débouter ;

-Le déclarer recevable et bien fondé en son appel incident

-Constatant que la SA Banque Postale Financement n'a, à aucun moment, fait une analyse précise de la solvabilité des emprunteurs puisque la fiche précontractuelle n'a jamais été communiquée aux emprunteurs (la pièce 4 versée aux débats par l'appelante n'est nullement signée) et que les documents précisant les revenus sont inexistants (aucune fiche de paie, avis d'impôt sur les revenus, ?) ;

-Prononcer la nullité du prêt souscrit par lui-même le 28 septembre 2013 (contrat no 50261056662) ;

-Constatant qu'avec un taux d'endettement de 59,10 %, la SA Banque Postale Financement n'a pas effectué les diligences requises par la loi avant de lui octroyer le prêt ;

-Constatant l'absence de toute reconnaissance écrite de sa part, qu'il n'a jamais eu connaissance du formulaire de rétractation ;

-Constatant que rien n'est précisé au contrat quant à la fiche pré contractuelle et qu'elle ne lui a jamais été remise (et encore moins en page 7 puisqu'aucune page 7 ne figure au contrat de prêt versé aux débats) ;

-Constatant que la Banque Postale n'est pas en mesure de justifier qu'une solution amiable ait été initiée et que sa situation financière, familiale, personnelle et professionnelle l'aurait permis ;
-Prononcer la déchéance du droit aux intérêts ;

-Constatant que le TEG doit nécessairement être calculé sur l'année civile et non sur l'année Lombarde et que la SA Banque Postale Financement s'est basée sur 30 jours pour ledit calcul ;

-Prononcer la substitution des intérêts au taux conventionnel au taux légal à compter de la conclusion du contrat de prêt ;

-Dire que la clause pénale est injustifiée et prononcer la déchéance du droit aux intérêts du contrat de prêt octroyé par la Banque Postale ;

-Lui octroyer le bénéfice de l'article 1343-5 du code civil et reporter de 24 mois du paiement des sommes dues ;

-Débouter la SA Banque Postale Financement de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

-Débouter la SA Banque Postale Financement de toutes demandes plus amples ou contraires ;

-Condamner la SA Banque Postale Financement à lui payer la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

-Condamner la SA Banque Postale Financement aux entiers dépens.

En réplique, l'intimé soutient qu'il a honoré ses échéances mais qu'ayant subi un AVC le 4 octobre 2018, il a été licencié pour inaptitude le 4 octobre 2018 et n'a pu continuer à honorer sa dette.

Il soutient que l'action de la banque est forclose, en application des dispositions de l'article R.312-35 du Code de la consommation, le premier incident non régularisé ayant eu lieu en février 2017 et l'assignation étant datée du 3 juillet 2019.

Il fait valoir, au cas où la cour infirmerait le jugement, que le prêt est nul, faute pour la banque d'avoir vérifié de manière précise sa solvabilité en application des dispositions de l'article L.311-11 du même code.

Il indique que la banque doit être déchue du droit aux intérêts dans la mesure où :
Elle ne justifie pas que :

La fiche de dialogue soit corroborée par des justificatifs avant de lui accorder le prêt ;
Le bordereau de rétractation lui a été remis, en l'absence de toute reconnaissance écrite de sa main ;
La fiche d'information précontractuelle lui a été fournie ;
Une solution amiable ait été initiée, ce qu'aurait pourtant permis sa situation financière, familiale, personnelle et professionnelle ;

Elle a appliqué la « méthode Lombarde » pour le calcul des intérêts conventionnels, soit un TEG calculé sur une durée de 360 jours au lieu de 365 ou 366 jours.

A défaut, il demande à bénéficier de délais de paiement sur deux années.

La clôture de la procédure a été prononcée le 10 juin 2021.
A l'audience du 20 août 2021, la décision a été mise en délibéré au 12 novembre 2021 par mise à disposition au greffe, délibéré qui a été prorogé au 14 décembre 2021.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il convient de rappeler que les demandes de constatations ou de dire et juger ne saisissent pas la Cour de prétentions au sens des articles 4 et 954 du Code de procédure civile, de sorte qu'il n'y a pas lieu de se prononcer sur ces points.

Sur la forclusion

Vu l'article L.311-52 du code de la consommation en vigueur au moment du prêt,

L'emprunteur indique qu'en application de l'article R.312-35 du Code de la consommation, la forclusion est acquise dans la mesure où le premier incident non régularisé date de février 2017 et que l'assignation de la banque a été faite le 3 juillet 2019, comme retenu par les premiers juges.

Il ressort des pièces du dossier que M. [O] a été mis en demeure, le 5 juillet 2018, de régler 5,10 mensualités impayés faute pour ce dernier de les avoir régularisées. Par ce courrier, la banque le prévenait que faute pour lui de s'exécuter dans les 15 jours soit, au 20 septembre 2018, la déchéance du terme serait acquise (pièce no 10 appelante).

La situation n'ayant pas été régularisée, la déchéance du terme était acquise, au 20 septembre 2018, et il est à relever que pour le capital restant dû, c'est la déchéance du terme qui fait courir le délai biennal.

Il convient de relever que l'article R.312-35 du Code de la consommation dont fait était M. [O] ne s'appliquait pas à l'époque du litige.

L'historique bancaire des échéances du prêt ne montre aucun incident de paiement au mois de février 2017 mais une première échéance impayée et non régularisée datant de mars 2018. L'assignation ayant été délivrée le 3 juillet 2019, il n'existe de forclusion ni pour les échéances impayées ni pour le capital restant dû et les pénalités compte tenu de la déchéance du terme intervenue fin septembre 2018 (pièces no 8 et 9 appelante)

L'action de la banque n'est donc pas forclose. Le jugement déféré sera en conséquence infirmé.

Sur la demande tendant à prononcer la nullité du prêt

L'emprunteur fait valoir que le prêt est nul, faute pour la banque d'avoir vérifié de manière précise sa solvabilité. Il fait état des dispositions de l'article L.311-11 du Code de la consommation, applicables aujourd'hui.

Il convient de relever que M. [O] demande, de manière contradictoire, à la fois la nullité du contrat et la déchéance du droit aux intérêts pour la banque.

Il doit cependant être rappelé qu'en application de l'article L.311-48 du Code de la consommation, applicable au litige, la seule sanction de la banque est la déchéance du droit aux intérêts.
Monsieur [O] sera donc débouté de sa demande visant à dire le contrat nul.

Sur l'absence de solution amiable

Monsieur [O] fait également valoir que la banque ne justifie pas qu'une solution amiable ait été initiée par elle, ce qu'aurait pourtant permis sa situation financière, familiale, personnelle et professionnelle.

Il doit être relevé que si sa situation le réclamait, comme il le souligne, il aurait pu lui-même solliciter une solution amiable, ce qu'il ne démontre pas avoir fait.

En outre, le courrier de mise en demeure du 5 septembre 2018 adressé à M. [O] indique que les échéances n'ont toujours pas été régularisées, ce qui signifie que la banque avait au préalable, et conformément aux obligations légales, demandé amiablement à l'emprunteur de régulariser sa situation financière.

Monsieur [O] ne pourra voir sa demande prospérer à cet égard.

Sur les obligations de la banque envers l'emprunteur

Sur la fiche d'information précontractuelle

Monsieur [O] souligne que le prêteur ne justifie pas avoir fourni la fiche d'information précontractuelle et que la page no 7 du contrat qui en atteste, selon l'intimée, n'a pas été versée au dossier.
Il ressort du contrat de prêt signé par M. [O] le 29 septembre 2013, à la page 7 qui existe bien, que juste au-dessus de sa signature apparaît clairement la mention selon laquelle il reconnaît notamment « avoir pris connaissance de la fiche d'information précontractuelle et de son annexe » (pièce no 1 appelante).

Vu les articles L. 311-6 et L. 311-19 du code de la consommation, alors en vigueur,

Il résulte du premier de ces textes que, préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur donne à l'emprunteur, par écrit ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres lui permettant d'appréhender clairement l'étendue de son engagement et du second que lorsque l'offre de contrat de crédit est assortie d'une proposition d'assurance, une notice doit être remise à l'emprunteur.

Ces dispositions sont issues de la transposition par la France de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE.

Par arrêt du 18 décembre 2014 (CA Consumer Finance, C-449/13), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les dispositions de la directive précitée doivent être interprétées en ce sens qu'elles s'opposent à ce qu'en raison d'une clause type, le juge doive considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, cette clause entraînant ainsi un renversement de la charge de la preuve de l'exécution desdites obligations de nature à compromettre l'effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 (point 32).

L'arrêt de la Cour précise qu'une clause type figurant dans un contrat de crédit ne compromet pas l'effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 si, en vertu du droit national, elle implique seulement que le consommateur atteste de la remise qui lui a été faite de la fiche d'information européenne normalisée (point 29). Il ajoute qu'une telle clause constitue un indice qu'il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments de preuve pertinents et que le consommateur doit toujours être en mesure de faire valoir qu'il n'a pas été destinataire de cette fiche ou que celle-ci ne permettait pas au prêteur de satisfaire aux obligations d'informations précontractuelles lui incombant (point 30). Selon le même arrêt, si une telle clause type emportait, en vertu du droit national, la reconnaissance par le consommateur de la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, elle entraînerait un renversement de la charge de la preuve de l'exécution desdites obligations de nature à compromettre l'effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 (point 31).

Il s'ensuit qu'il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations précontractuelles et que la signature par l'emprunteur d'une fiche explicative et de l'offre préalable de crédit comportant chacune une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis la fiche précontractuelle d'information normalisée européenne et la notice d'assurance constitue seulement un indice qu'il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.

En l'espèce, la banque n'apporte aucun élément utile permettant de rapporter la preuve que l'emprunteur a bien reçu la fiche d'information précontractuelle.

Sur le bordereau de rétractation détachable

Aux termes de l'article L.311-12 du Code de la consommation, l'emprunteur peut se rétracter sans motifs dans un délai de quatorze jours calendaires révolus à compter du jour de l'acceptation de l'offre de contrat de crédit comprenant les informations prévues à l'article L.311-18. Afin de permettre l'exercice de ce droit de rétractation, un formulaire détachable est joint à son exemplaire du contrat de crédit. L'exercice par l'emprunteur de son droit de rétractation ne peut donner lieu à enregistrement sur un fichier.

Ces dispositions sont issues de la transposition par la France de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE.

Monsieur [O] fait valoir que la banque ne lui a pas remis le bordereau de rétractation et qu'en l'absence de toute reconnaissance écrite de sa main, elle ne peut qu'être déchue de son droit à intérêts.

La banque souligne que le formulaire détachable est joint à l'offre, ce qui signifie qu'il ne fait pas partie de l'offre préalable de crédit de l'emprunteur mais qu'il y est annexé. Pour l'emprunteur, il appartient à M. [O] de justifier du caractère erroné ou mensonger de sa reconnaissance écrite en produisant l'exemplaire original de l'offre gardé en sa possession, ce que ce dernier s'est abstenu de faire.

Il ressort du contrat de prêt signé par M. [O] le 29 septembre 2013, à la page 7, que juste au-dessus de sa signature apparaît clairement la mention selon laquelle il reconnaît « avoir pris connaissance de la fiche d'information précontractuelle et de son annexe, des caractéristiques essentielles et des autres dispositions de l'offre, de la fiche conseil assurance, de la notice d'information d'assurance, des conditions et tarifs des prestations financières, le tout formant une convention unique et indivisible », et qu'il reconnaît « rester en possession d'un exemplaire de cette offre doté d'un formulaire détachable de rétractation » (pièce no 1 appelante).

Toutefois, une telle clause ne constitue qu'un indice et il incombe au prêteur de le corroborer par un ou plusieurs éléments de preuve pertinents. Il s'ensuit un renversement de la charge de la preuve et il revient au prêteur de rapporter cette preuve en corroborant par un ou plusieurs éléments complémentaires de ce qu'il a satisfait à ses obligations précontractuelles au-delà du simple indice que constitue la signature par l'emprunteur de la clause selon laquelle il reconnaît que la banque lui a remis le bordereau de rétractation figurant dans l'offre de prêt.

Or, en l'espèce, la banque n'apporte aucun élément utile permettant de rapporter la preuve que l'emprunteur a bien reçu le bordereau rétractable de rétractation en dehors de la signature de ce dernier sur l'offre de prêt stipulant une clause générale insuffisante à le démontrer.

Sur la déchéance du droit aux intérêts

Vu les articles L.312-8 et L.312-33 du code de la consommation dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance no 2016-301 du 14 mars 2016,

Sans qu'il soit besoin d'évoquer les autres moyens de l'intimé, il convient, au vu des deux manquements commis par la banque, de prononcer à son encontre, à titre de sanction, la déchéance totale du droit à intérêts, de dire qu'en conséquence, elle devra rétrocéder à M. [O] les montants versés à cet égard et produire à son endroit un nouvel échéancier tenant compte de cette déchéance.

Sur la demande d'un délai de paiement de deux années

Vu l'article 1343-5 du Code civil,

La banque souligne que M. [O] réclame deux ans de délais de paiement pour solder sa dette alors qu'il ne produit aucun élément actualisé de ses moyens financiers et qu'il n'a fait aucun effort pour commencer à rembourser sa dette ni même respecté le Plan de surendettement qu'il avait lui-même demandé.

Monsieur [O] indique que sa situation financière est difficile et qu'elle s'est encore aggravée suite à l'absence de versement de ses indemnités de chômage à la fin du premier semestre 2021, ce dont il ne justifie nullement.

Il verse au dossier la notification par son employeur, le 4 octobre 2018, de la rupture de son contrat de travail, le courrier par lequel la commission de surendettement des particuliers de la Réunion lui a indiqué que son plan définitif a été approuvé le 31 janvier 2019 et les démarches qu'il devait accomplir auprès de ses différents créanciers pour mettre en place ce plan, son avis de non-imposition de 2020 mentionnant un revenu de 12.699 euros pour 2019 (pièces no 1, 2 et 3 intimé).

Il convient de noter que si M. [O] indique qu'il devait déposer un dossier de surendettement suite au plan définitif adopté par la commission de surendettement le 31 janvier 2019, force est de constater qu'il n'en a rien fait.

Il ressort de la décision du 19 janvier 2021 accordant l'aide juridictionnelle partielle à M. [O] que ce dernier a produit devant le bureau d'aide juridictionnelle des pièces justifiant d'un revenu de 1.451 euros mensuels, ce qu'il n'a pas jugé utile à la cour d'indiquer.

Il en résulte que la demande de l'appelant à cet égard devra être rejetée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant, la SA Banque Postale Financement sera condamnée à payer à M. [O] la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement en dernier ressort,

Infirme le jugement du 26 octobre 2020 rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Pierre en toutes ses dispositions ;

Statuant de nouveau,

Prononce la déchéance totale du droit aux intérêts de la SA Banque Postale, devenue la Banque Postale Consumer Finance (LBPCF) ;

Dit que la Banque Postale Consumer Finance (LBPCF) devra rétrocéder en conséquence à M. [O] les montants versés au regard des intérêts et produire à son endroit un nouvel échéancier tenant compte de cette déchéance;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Condamne la Banque Postale Consumer Finance (LBPCF) à payer à M. [I] [O] la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Mme Nathalie TORSIELLO, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 20/020791
Date de la décision : 14/12/2021
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.saint-denis-de-la-reunion;arret;2021-12-14;20.020791 ?
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