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03/12/2021 | FRANCE | N°20/008341

France | France, Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion, 04, 03 décembre 2021, 20/008341


ARRÊT No
PC

No RG 20/00834 - No Portalis DBWB-V-B7E-FL3V

[N]

C/

Société SCCV LIMA
S.A.S. SAS CREDIT AGRICOLE IMMOBILIER SERVICES

COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS

ARRÊT DU 03 DECEMBRE 2021

Chambre civile TGI

Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SAINT DENIS en date du 30 OCTOBRE 2019 suivant déclaration d'appel en date du 18 JUIN 2020 RG no 18/00947

APPELANT :

Monsieur [E] [N]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Alexandre ALQUIER de la SELARL ALQUIER et ASSOCIÉS, avocat

au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMÉES :

Société SCCV LIMA
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représentant : Me Didier ANTELME de...

ARRÊT No
PC

No RG 20/00834 - No Portalis DBWB-V-B7E-FL3V

[N]

C/

Société SCCV LIMA
S.A.S. SAS CREDIT AGRICOLE IMMOBILIER SERVICES

COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS

ARRÊT DU 03 DECEMBRE 2021

Chambre civile TGI

Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SAINT DENIS en date du 30 OCTOBRE 2019 suivant déclaration d'appel en date du 18 JUIN 2020 RG no 18/00947

APPELANT :

Monsieur [E] [N]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Alexandre ALQUIER de la SELARL ALQUIER et ASSOCIÉS, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMÉES :

Société SCCV LIMA
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représentant : Me Didier ANTELME de la SCP CANALE-GAUTHIER-ANTELME-BENTOLILA, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

SAS CREDIT AGRICOLE IMMOBILIER SERVICES
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Sébastien NAVARRO, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

DATE DE CLÔTURE : 8 Juillet 2021

DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 01 Octobre 2021 devant Monsieur CHEVRIER Patrick, Président de chambre, qui en a fait un rapport, assisté de Mme Nathalie TORSIELLO, Greffière, les parties ne s'y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué, à l'issue des débats, que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 03 Décembre 2021.

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre
Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère
Conseiller : Mme Magali ISSAD, Conseillère
Qui en ont délibéré

Greffier : Mme Nathalie TORSIELLO

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 03 Décembre 2021.
* * *

LA COUR :

EXPOSE DU LITIGE

Par acte notarié signé le 29 décembre 2008, Monsieur [E] [N] a acquis, dans le cadre d'une opération de défiscalisation éligible à la loi Girardin, de la SCCV LIMA, un appartement commercialisé par la société SELEXIA, filiale du CREDIT AGRICOLE, situé à [Localité 7], appartement No 63 et emplacement de stationnement No 327, dans la [Adresse 8], pour le prix de 306.565,00 euros.

L'opération a été entièrement financée au moyen d'un prêt consenti par la société BNP PARIBAS, selon offre de prêt en date du 11 décembre 2008.

Estimant que les objectifs de l'opération n'étaient pas atteints et qu'il subissait un préjudice financier important en raison du manquement à leur devoir d'information et de mise en garde, M. [E] [N] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Saint-Denis par acte d'huissier des 12 octobre, 15 octobre et 19 octobre 2017 la SCCV LIMA, la société SELEXIA devenue société Crédit Agricole Immobilier Services et la société BNP PARIBAS, aux fins de les voir condamner in solidum, au visa des articles 1134, 1147, 1382 et suivants du code civil, à leur verser les sommes de 2.163,69 euros au titre des frais de remise en état, franchises et frais d'expertise, 153.160,69 euros au titre de la surévaluation du prix de vente, 3.360 euros pour non-paiement au titre de la présence de panneaux photovoltaïques et 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre leur condamnation in solidum aux entiers dépens de l'instance.

Par jugement du 30 octobre 2019, le tribunal de grande instance de Saint-Denis a statué en ces termes :

DECLARE l'action de Monsieur [E] [N] irrecevable pour cause de prescription ;

CONDAMNE, Monsieur [E] [N] à verser à la SCCV LIMA, à la BNP PARIBAS et à la SOCIETE CREDIT AGRICOLE IMMOBILIER SERVICES venant aux droits de la société SELEXIA, à chacune la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur [E] [N] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Annabel FEGEAT, de la SCP CANALE-GAUTHIER-ANTELME-BENTOLILA- CLOTAGATIDE et de Maître Catherine DELRIEU.

Suivant déclaration déposée par RPVA au greffe de la cour le 18 juin 2020, Monsieur [E] [N] a interjeté appel de ce jugement, sans intimer la société BNP PARIBAS ;

L'affaire a été renvoyée à la mise en état par ordonnance en date du 18 juin 2020.

Monsieur [N] a déposé ses conclusions d'appelant par RPVA le 17 septembre 2020.

La SCCV LIMA a déposé ses premières conclusions d'intimée par RPVA le 2 décembre 2020.

La SAS CREDIT AGRICOLE IMMOBILIER SERVICE, venant aux droits de la société SELEXIA, a déposé ses premières conclusions d'intimée par RPVA le 16 décembre 2020.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 juillet 2021.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives, déposées au greffe de la cour par voie électronique le 22 décembre 2020, M. [E] [N] demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles 1134 et 1147 du Code Civil,
Vu les dispositions des articles 1382 et suivants à l'égard de la société SELEXIA, aux droits de qui vient désormais la société CREDIT AGRICOLE IMMOBILIER SERVICES,

- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Saint Denis le 30 octobre 2019,

STATUANT A NOUVEAU,

- Dire et juger non prescrits Mr [E] [N] en leurs demandes,

- Dire et juger que les sociétés SCCV LIMA, SELEXIA, aux droits de qui vient désormais la société CREDIT AGRICOLE IMMOBILIER SERVICE et la société BNP Paribas sont responsables des préjudices subis au titre de la perte de chance par Mr [E] [N],

-Débouter les sociétés SCCV LIMA, SELEXIA, aux droits de qui vient désormais la société CREDIT AGRICOLE IMMOBILIER SERVICE et la société BNP Paribas de toutes leurs demandes, fins et conclusions.

En conséquence,
- Les Condamner in solidum les intimés à payer à Mr [E] [N] une somme de 214.595,50 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la perte de chance,

Ainsi que les sommes suivantes :

*Frais de remise en état, franchises et frais d'expertise : 2163,69 euros

*Mr [N] devait bénéficier d'une somme de 40 euros/mois depuis la livraison du lot (juin 2009) en raison de la présence de panneaux photovoltaïques, somme qui n'a jamais été versée,
soit : 40 euros X 84 mois : 4.880 euros,

Avec intérêt au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,

- Condamner in solidum les sociétés SCCV LIMA, SELEXIA, aux droits de qui vient désormais la société CREDIT AGRICOLE IMMOBILIER SERVICES et la société BNP Paribas à payer à Mr [E] [N] une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- Les Condamner in solidum aux entiers dépens d'instance.

M. [E] [N] fait valoir en substance que son action n'est pas prescrite car le point de départ du délai de prescription ne court qu'à compter de la manifestation du dommage. Or, il est manifeste qu'il n'avait pas connaissance au jour de l'achat du bien litigieux que celui-ci ne constituait pas un placement sécurisé de qualité, alors qu'il s'agissait d'un critère essentiel de l'investissement. Ce n'est qu'une fois la construction réalisée que celle-ci s'est avérée de qualité médiocre et c'est lorsqu'il s'est intéressé, courant 2015, au prix de revente de son bien que Mr [E] [N] a pris connaissance de la situation irrémédiablement compromise de son investissement.

Sur le fond, il affirme qu'il n'a été à aucun moment averti d'un risque d'un aléa locatif résultant, en l'espèce, de la qualité de la construction et notamment, de la situation du marché local. Il soutient en conséquence que les différents professionnels, manquant à leur devoir de conseil et de mise en garde, engagent leur responsabilité à son égard. Il fait valoir que le préjudice subi constitue une perte de chance de ne pas avoir réalisé l'investissement et les gains escomptés.

Monsieur [N] reproche à la société SELEXIA de ne pas lui avoir délivré d'information, en qualité de « commercialisateur», sur les caractéristiques précises du bien vendu, mais celle-ci n'a surtout pas renseigné, ou alerté le concluant sur les risques inhérents à ce type d'investissement, tels que la possibilité de baisse de la valeur du bien acquis, la perte éventuelle de rentabilité de leur investissement ou encore le risque de perte des avantages fiscaux consentis par l'administration fiscale en cas d'arrêt de la location. L'intérêt principal de cette opération proposé à Mr [E] [N] était à la fois de se constituer un patrimoine immobilier valorisé, de récupérer plus de la moitié de l'investissement réalisé par une économie d'impôt qui permet d'amortir près de 20 % du capital emprunté pendant 9 ans si le bien est loué et de rembourser les échéances du prêt par le loyer perçu, ce qui manifestement n'est pas le cas. Aucun document d'information préalable remis à Mr [E] [N] sur l'opération immobilière en cause n'indique qu'elle comporte des risques, qu'il existe un aléa locatif et que le marché local est saturé.

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées au greffe de la cour par voie électronique le 2 décembre 2020, la SCCV LIMA demande à la cour de:

-Confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

Subsidiairement,
-Débouter M. [E] [N] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause,
-Condamner M. [E] [N] à lui verser la somme de 3.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel ;

-Condamner le même aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP Canale Gauthier Antelme Bentolila, Avocats aux offres de droit.

La SCCV LIMA soutient principalement qu'en matière d'obligation de mise en garde ou d'information préalable à la conclusion du contrat, l'action de M. [E] [N] est prescrite par le délai quinquennal applicable, en vertu de l'article 2224 du code civil, courant à compter de la date de la vente pour solliciter l'indemnisation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait du manquement allégué à l'encontre du vendeur.
Selon l'intimée, tout acquéreur normalement prudent et avisé, a fortiori lorsqu'il dispose d'un certain niveau intellectuel (ce qui est le cas au vu de la profession de l'appelant) ne peut ignorer le risque lié à tout investissement et le fait que les désordres de construction ne dépendent pas de l'information précontractuelle, en droit de la vente, mais sont régis par les garanties légales des constructeurs.

Subsidiairement, elle fait valoir que, n'ayant pas été en contact avec l'appelant au moment de la commercialisation du bien, M. [E] [N] ne peut se prévaloir à son encontre d'un manquement contractuel en conséquence de quoi sa responsabilité serait engagée.

Elle affirme, en outre, qu'il échoue dans l'administration de la preuve de l'évaluation de son préjudice.

Aux termes de ses dernières conclusions No 2, déposées au greffe de la cour par voie électronique le 24 mars 2021, la société CREDIT AGRICOLE IMMOBILIER SERVICES venant aux droits de la société SELEXIA demande à la cour de :

-Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a accueilli la fin de non-recevoir tirée de la prescription,

En conséquence
-Déclarer irrecevable l'ensemble des demandes formées par M. [E] [N] à son encontre,

A titre subsidiaire :
-Débouter M. [E] [N] de l'intégralité de ses demandes,

En tout état de cause :
-Condamner M. [E] [N] au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens dont distraction au profit de Maître Sébastien Navarro, Avocat.

En application de l'article 2224 du code civil, l'intimée se prévaut de la prescription quinquennale de l'action en responsabilité délictuelle initiée par M. [E] [N], dont le délai à commencer à courir à compter de la signature de l'acte authentique de vente en matière de perte de chance et de contestation du prix de vente. En effet, l'estimation réalisée plusieurs années après la signature du contrat de réservation pour les seuls besoins de la cause ne saurait constituer le point de départ du délai de prescription, ce d'autant plus qu'un tel document ne permet aucunement d'établir que le prix de vente ne correspondait pas aux prix du marché au jour de la commercialisation.

La société CREDIT AGRICOLE IMMOBILIER SERVICE souligne que Monsieur [N] se prévaut de réparations qu'il a dû effectuer au sein de son appartement en 2013 et 2014. Toutefois ces griefs sont insusceptibles de reporter le point de départ de la prescription dans la mesure où ils sont insusceptibles d'engager la responsabilité civile délictuelle de la concluante, s'agissant d'une action fondée sur un prétendu manquement à l'obligation d'information et de conseil.

Le lien avec des travaux effectués par un propriétaire dans son appartement cinq ans après la livraison est inexistant.

A titre subsidiaire, elle conteste le bien-fondé des demandes formulées par M. [E] [N] en l'absence de preuve d'une quelconque faute qui lui serait imputable, du préjudice allégué ainsi que du lien de causalité.

Elle soutient que Monsieur [N] sollicite la condamnation de la Société SELEXIA au titre de prétendus préjudices liés à une surévaluation du prix, à des pertes locatives et à des frais d'expertise, et ce alors même :

-qu'aucun document versé au débat n'est émis par la Société SELEXIA;

-ni l'acte de vente ni le contrat de réservation ne sont versés aux débats;

-aucun document n'est produit concernant l'historique locatif de l'appartement.

Le seul document où apparaît la société SELEXIA est une plaquette d'information contenant un exemple de simulation ne correspondant aucunement à l'acquisition réalisée par Monsieur [N] ; ceci est d'autant plus vrai que ladite simulation indique :

- Monsieur et Madame [Z] TEST » à la place de la désignation des acquéreurs ;

- la simulation porte sur une acquisition certes dans la résidence le ZEPHYR mais pour un T 2 DUPLEX d'un prix de 242.000 euros là où Monsieur [N] a acquis un T 4 au prix de 306.565 euros.

Enfin, Monsieur [N] se fonde également sur une expertise amiable non contradictoire qui concerne d'autres acquéreurs, les époux [D].

* *

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure en application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

Sur les demandes :

L'appelant formule des demandes à l'encontre de la SCCV LIMA, promoteur immobilier, du CREDIT AGRICOLE IMMOBILIER SERVICES, agissant comme opérateur de l'opération de défiscalisation.

Monsieur [N] affirme que les intimés sont responsables des préjudices financiers subis et que son action n'est pas prescrite.

Monsieur [N] plaide qu'il a découvert que le produit vendu était de qualité médiocre au regard des nombreux désordres survenus mais qu'il constituait en outre un investissement dont le prix a été manifestement surévalué compte tenu de la baisse de sa valeur vénale cinq ans après la vente.

Il convient donc d'analyser pour chacun des intimés si la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de l'appelant est bien fondée, puis, dans l'éventualité de la recevabilité de l'action, si les manquements allégués sont établis et s'ils ont causé un préjudice direct et certain à l'acquéreur de l'immeuble.

Monsieur [N] plaide qu'il a découvert que le produit vendu était de qualité médiocre au regard des nombreux désordres survenus mais qu'il constituait en outre un investissement dont le prix a été manifestement surévalué compte tenu de la baisse de sa valeur vénale cinq ans après la vente.

Au soutien de son action, il produit :

-Un article intitulé « LA MINUTE FISCALE », daté du 27 novembre 2007, émanant de « MONNE-DECROIX, Epargne et investissement », contenant des études personnalisées d'investissement pour un [Z] TEST ;

-Une attestation notariale d'acquisition en vente en l'état futur d'achèvement en date du 29 décembre 2008 d'un appartement No 63 dans la résidence [Adresse 8] ;

-L'offre de prêt présentée par la société BNP PARIBAS en date du 11 décembre 2008, non signée par l'emprunteur ;

-Un mandat de gérance conclu avec la société GTI le 19 décembre 2008 ;

-Une note expertale de Monsieur [F] pour un logement appartenant à Monsieur et Madame [D], en date du 26 novembre 2013, évoquant des désordres dans l'appartement No 54 ;

-Un courrier en date du 27 février 2011, émanant des locataires de l'appartement de Monsieur [N], se plaignant des désordres affectant la résidence et considérant que le loyer mensuel de 890 euros était surévalué ;

-Une lettre circulaire, sans destinataire précis, de la société GTI en date du 23 mai 2013, évoquant les difficultés pour trouver un locataire dans la résidence [Adresse 8] ;

-Une étude personnalisée réalisée sous forme de simulation par une dame [O] [I], réalisée avec TOPINVEST NG, édité le 22 novembre 2008, document non contractuel ;

-Une facture de réfection de joint de bac à douche en date du 22 mars 2013 d'un montant de 80 euros ;

-Un rappel de facturation adressé à la société GTI en vertu d'une facture du 5 septembre 2014 pour la réfection de joints silicone d'un montant de 100,00 euros ;

-Une facture du 14 novembre 2014 concernant des interventions sur les volets roulants de l'appartement No 63 d'un montant de 1.543,75 euros TTC ;

-Une facture au nom du Syndicat de copropriétaires de la résidence [Adresse 8] en date du 24 mai 2016 d'un montant de 150 euros ;

-Une facture de nettoyage de l'appartement de Monsieur [N] en date du 14 août 2015 d'un montant de 239,94 euros TTC ;

-Un avis de valeur de l'appartement de Monsieur [N] réalisé par la société GTI le 1er février 2016, estimant la revente du bien à une somme comprise entre 145.000 et 155.000 euros.

Sur les demandes dirigées contre la SCCV LIMA :

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription :

Il résulte des articles 2224 du code civil que les actions personnelles ou mobilières entre commerçants et non commerçants se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

La prescription d'une action en responsabilité contractuelle court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime, si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance.

En l'espèce, Monsieur [N] plaide en substance qu'il a découvert que le produit vendu était de qualité médiocre au regard des nombreux désordres survenus mais qu'il constituait en outre un investissement dont le prix a été manifestement surévalué compte tenu de la baisse de sa valeur vénale cinq ans après la vente. L'appelant soutient qu'il n'a eu connaissance de ses préjudices financiers qu'une fois la construction réalisée, celle-ci s'avérant de qualité médiocre et lorsqu'il s'est intéressé, courant 2015, au prix de revente de son bien qu'il a pris connaissance de la situation irrémédiablement compromise de son investissement.

La SCCV LIMA prétend que tout acquéreur normalement prudent et avisé ne peut ignorer le risque lié à tout investissement et le fait que les désordres de construction ne dépendent pas de l'information précontractuelle, en droit de la vente, mais sont régis par les garanties légales des constructeurs.

Cependant, la SCCV LIMA ne produit aucun élément établissant que Monsieur [N] aurait pu avoir connaissance du dommage allégué plus de cinq ans avant l'introduction de l'instance le 12 octobre 2017, soit avant le 12 octobre 2012.

En conséquence, il convient de déclarer recevable l'action de Monsieur [N], celle-ci n'apparaissant pas prescrite.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Au fond à l'égard de la SCCV LIMA :

La SCCV LIMA était le promoteur de l'opération immobilière. A ce titre, elle a la qualité de vendeur du bien immobilier acquis par Monsieur [N].

Monsieur [N] plaide en substance que, le promoteur immobilier qui a réalisé et vendu le bien acquis dans le cadre d'une opération de promotion immobilière d'investissement locatif bénéficiant du dispositif fiscal de la loi GIRARDIN, devait s'assurer à la fois de la qualité du bien vendu, mais également de la pérennité de l'investissement proposé, dès lors qu'il s'agit d'un placement immobilier défiscalisé. Selon ce dernier, la SCCV LIMA ne pouvait ignorer que la réglementation fiscale en matière de défiscalisation impose aux investisseurs de louer leur bien durant au moins vingt années, sous peine de voir remis en cause une grande partie des avantages fiscaux consentis.

Aucune des pièces produites, énumérées ci-dessus, n'établissent pourtant que le promoteur immobilier a pu prendre un engagement sur la rentabilité de l'investissement réalisé par l'appelant.

En outre, les désordres de construction ne dépendent pas de l'information précontractuelle, en droit de la vente, mais sont régis par les garanties légales des constructeurs et l'obligation de délivrance du vendeur, dont les délais sont aussi fixés par le code civil.

L'appelant ne rapporte pas non plus la preuve que la SCCV LIMA, chargée de la construction et de la livraison du bien immobilier, aurait été tenue d'une obligation d'information ou de conseil relativement à l'opération globale de défiscalisation réalisée dans le but de réduire la charge de l'impôt des acquéreurs.

Plus généralement, dans le cadre d'un investissement défiscalisant, la charge de la preuve de l'inadaptation de l'investissement à la situation des acquéreurs pèse sur les acquéreurs, tandis que la rentabilité de l'opération ne peut être appréciée sans tenir compte des avantages fiscaux qu'elle procure.

Or, Monsieur [N] ne verse aux débats aucune pièce permettant de procéder à une estimation globale de l'investissement litigieux, contenant par nature un certain aléa.

Ainsi, en l'absence de preuve que la SCCV LIMA aurait été chargée, en plus de la construction, de la commercialisation des immeubles et de leur livraison, de garantir la rentabilité d'un investissement global intégrant une opération de défiscalisation, Monsieur [N] échoue à établir que le vendeur aurait pu être responsable à ce titre des conséquences néfastes de cet investissement.

Enfin, l'appelant ne produit aucune attestation de valeur ni aucune analyse critique de la valeur du bien au moment de son acquisition.

La responsabilité de la SCCV LIMA ne peut donc pas être recherchée en raison d'un manquement à une obligation de conseil ou d'information portant sur les bénéfices attendus de l'opération globale d'investissement intégrant une opération de défiscalisation.

En conséquence, les demandes de Monsieur [N] tendant à retenir la responsabilité de la SCCV LIMA doivent être rejetées.

Sur les demandes à l'encontre de la société CREDIT AGRICOLE IMMOBILIER SERVICES, venant aux droits de la société SELEXIA :

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription :

Monsieur [N] reproche à la société SELEXIA, dont vient aux droits la société CREDIT AGRICOLE IMMOBILIER SERVICES, d'avoir engagé sa responsabilité délictuelle tout en affirmant qu'aucune information précise ne lui a été donnée par la société SELEXIA, ès qualité de « commercial » sur les caractéristiques précises du bien vendu. Celle-ci n'a surtout pas renseigné, ou alerté la concluante sur les risques inhérents à ce type d'investissement, tels que la possibilité de baisse de la valeur du bien acquis, la perte éventuelle de rentabilité de l'investissement ou encore le risque de perte des avantages fiscaux consentis par l'administration fiscale en cas d'arrêt de la location.

Ainsi, même si elle invoque la responsabilité délictuelle de l'intimée, Monsieur [N] plaide que la société SELEXIA aurait été tenue à son égard d'une obligation d'information ou de conseil.

L'appelant soutient qu'il n'a pas eu connaissance de ses préjudices financiers, consécutifs à l'acquisition de l'immeuble en défiscalisation avant le mois de juin 2015. Il considère que le tribunal a retenu à tort que ses préjudices sont constitués par une perte de chance de ne pas contracter, de sorte que ceux-ci se sont nécessairement manifestés à la date de souscription du contrat de vente, date à laquelle cette perte de chance de ne pas contracter s'est manifestée, alors que les dommages se sont révélés bien postérieurement à la souscription du contrat de vente.

Selon la société CREDIT AGRICOLE IMMOBILIER SERVICES, le jugement entrepris a justement fixé le point de départ du délai de la prescription au jour de la signature de l'acte authentique de vente, soit en l'espèce le 29 décembre 2008. En conséquence, l'acquéreur disposait d'un délai pour agir en réparation d'une perte de chance de ne pas contracter allant jusqu'au 29 décembre 2013.

Rejetant l'existence d'un préjudice relevant de la perte de chance de ne pas contracter mais de percevoir des bénéfices de son investissement, Monsieur [N] reproche cependant d'autres manquements fautifs à la société SELEXIA.

La société CREDIT AGRICOLE IMMOBILIER SERVICES, venant aux droits de la société SELEXIA, ne produit aucun élément contraire établissant que Monsieur [N] aurait pu avoir connaissance du dommage allégué plus de cinq ans avant l'introduction de l'instance le 12 octobre 2017, soit avant le 12 octobre 2012.

En conséquence, il convient de déclarer recevable l'action de Monsieur [N], celle-ci n'apparaissant pas prescrite.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Au fond à l'égard de la société CREDIT AGRICOLE IMMOBILIER SERVICES, venant aux droits de la société SELEXIA :

L'appelant prétend que la société SELEXIA aurait manqué à ses obligations de conseil et d'information, alors qu'elle était chargée de la commercialisation du programme de défiscalisation. Celle-ci n'aurait pas attiré son attention sur les risques inhérents à ce type d'investissement défiscalisé.

Cependant, comme l'ont relevé justement les premiers juges, Monsieur [N] recherche la responsabilité de la société CREDIT AGRICOLE IMMOBILIER SERVICES, venant aux droits de la société SELEXIA, pour manquement à ses obligations précontractuelles d'information et de conseil, laquelle s'analyse en une responsabilité délictuelle.

Monsieur [N] verse aux débats une étude personnalisée de l'investissement envisagé, précise et détaillée, réalisée en novembre 2008, le document étant édité le 22 novembre 2008 (pièce No 8).

Cependant, ce document n'est ni daté, ni signé, de telle sorte que la cour n'est pas en mesure de vérifier qu'il s'agit d'une étude réalisée par la société SELEXIA.

Cette synthèse du projet constitue une simulation sur huit ans pour un financement d'une durée de vingt ans. Il y est mentionné que l'économie d'impôts s'élèverait à la somme de 119.759 euros, libérant un capital disponible de 92.205 euros après déduction de la différence entre les recettes et les dépenses mensuelles pour le logement.

Bien que très détaillée et basée sur des documents remis par Monsieur [N], cette simulation ne contient aucune recommandation ni incitation.

Ce document ne peut donc pas être considéré comme créateur d'engagements ni d'obligations de la part de la société SELEXIA, pas plus comme suffisant à établir une garantie de rentabilité de l'investissement que réaliseraient l'appelant, engageant alors la responsabilité de la société SELEXIA, tandis que le plan porte sur une durée de huit ans mais sur un financement de vingt ans, expirant donc en 2028.

En l'absence de preuve d'un plan de défiscalisation comprenant une couverture des échéances par les loyers ou autres prévisions, la réalité du préjudice allégué à l'encontre de la société SELEXIA, consistant en ne pas avoir contracté, faute d'information sur les incertitudes des perspectives de l'opération de défiscalisation n'est pas démontrée.

Il convient dès lors de rejeter les demandes de l'appelant à l'encontre de la société CREDIT AGRICOLE IMMOBILIER SERVICES, venant aux droits de la société SELEXIA, celles-ci étant mal fondées.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Monsieur [N] qui succombe sera condamné aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP CANALE GAUTHIER ANTELME BENTOLILA et de Maître Sébastien NAVARRO.

L'appelant sera condamné à verser à chacun des intimés la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement par décision contradictoire en matière civile et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile ;

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

DECLARE RECEVABLE car non prescrite l'action de Monsieur [E] [N] ;

Au fond,

LE DEBOUTE de son action en responsabilité à l'encontre de la SCCV LIMA et de la société CREDIT AGRICOLE IMMOBILIER SERVICES, venant aux droits de la société SELEXIA ;

CONDAMNE Monsieur [E] [N], à payer à la SCCV LIMA et à la société CREDIT AGRICOLE IMMOBILIER SERVICES, venant aux droits de la société SELEXIA, la somme de 3.000 euros chacune au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur [E] [N], aux dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP Canale, Gauthier, Antelme, Bentolila et de Maître Navarro Sébastien.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Mme Nathalie TORSIELLO, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 20/008341
Date de la décision : 03/12/2021
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.saint-denis-de-la-reunion;arret;2021-12-03;20.008341 ?
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