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03/12/2021 | FRANCE | N°20/002651

France | France, Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion, 04, 03 décembre 2021, 20/002651


Arrêt No
PC

R.G : No RG 20/00265 - No Portalis DBWB-V-B7E-FKQA

[R]

C/

[L]

[L]

COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS

ARRÊT DU 03 DECEMBRE 2021

Chambre civile TGI

Appel d'une ordonnance rendue par le TRIBUNAL D'INSTANCE DE SAINT-PIERRE en date du 31 DECEMBRE 2019 suivant déclaration d'appel en date du 13 FEVRIER 2020 rg no:

APPELANT :

Monsieur [Y] [R]
[Adresse 1]
SAINT-PIERRE
Représentant : Me Vanessa SEROC, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle nu

méro 2020/001030 du 12/03/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Saint-Denis)

INTIME :

Monsieur [D] [L]
[Adresse 2]
...

Arrêt No
PC

R.G : No RG 20/00265 - No Portalis DBWB-V-B7E-FKQA

[R]

C/

[L]

[L]

COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS

ARRÊT DU 03 DECEMBRE 2021

Chambre civile TGI

Appel d'une ordonnance rendue par le TRIBUNAL D'INSTANCE DE SAINT-PIERRE en date du 31 DECEMBRE 2019 suivant déclaration d'appel en date du 13 FEVRIER 2020 rg no:

APPELANT :

Monsieur [Y] [R]
[Adresse 1]
SAINT-PIERRE
Représentant : Me Vanessa SEROC, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2020/001030 du 12/03/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Saint-Denis)

INTIME :

Monsieur [D] [L]
[Adresse 2]
[Localité 5])
Représentant : Me Stéphane BIGOT, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

PARTIE INTERVENANTE :

Madame [M] [V] [E] [X] [L] épouse [L]
[Adresse 2]
[Localité 4], représentant : Me Stéphane BIGOT, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

Clôture: 17 août 2021

DÉBATS : en application des dispositions des articles 778, 779 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 Septembre 2021 devant la cour composée de :
Président :Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre
Conseiller :Madame Pauline FLAUSS, Conseillère
Conseiller :Mme Sophie PIEDAGNEL, Conseillère

Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.

A l'issue des débats, le président a indiqué que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition le 03 Décembre 2021.

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 03 Décembre 2021.

Greffier : Mme Véronique FONTAINE, Greffier.

La Cour:

Le 29 Mars 2010, Monsieur [D] [L] a consenti un bail d'habitation à Monsieur [Y] [R] et Mme [E] [R] des locaux d'habitation sis [Adresse 6].
Par jugement en date du 5 décembre 2016 le tribunal d'instance de SAINT-PIERRE a jugé que l'appartement donné à bail ne répondait pas aux critères de décence.
Mme [E] [R] est décédée le [Date décès 3] 2017.

Saisi par Monsieur [L], le juge des référés du tribunal d'instance de Saint-Pierre a, par ordonnance en date du 31 décembre 2019 :
Constaté la validité du congé aux fins de reprise délivré le 28 août 2018 à Monsieur [Y] [R] avec effet au 30 avril 2019 et portant sur les lieux sis [Adresse 7];
Condamné Monsieur [Y] [R] à payer à Monsieur [D] [L] :
-Une provision de 4.606 euros au titre de son arriéré de loyers et des charges au 30 avril 2019 avec intérêts au taux légal à compter du 25 octobre 2019 ;
-Une indemnité d'occupation provisionnelle de 658 euros ;
Rejeté les autres demandes tant reconventionnelles qu'additionnelles ;
Condamné Monsieur [Y] [R] à payer à Monsieur [L] une indemnité de 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné Monsieur [Y] [R] aux dépens dont seront exclus le coût de plusieurs actes précisés dans le dispositif.

Monsieur [Y] [R] a interjeté appel de la décision par déclaration au greffe de la cour déposée par RPVA le 13 février 2020.

Il a déposé ses premières conclusions d'appelant le 12 juin 2020.

L'affaire a été fixée à bref délai par ordonnance du 17 août 2020.

Monsieur [D] [L] a déposé ses conclusions d'intimé avec intervention volontaire le 20 avril 2020.

Par ordonnance en date du 16 février 2021, le président de la chambre a dit n'y avoir lieu à caducité de la déclaration d'appel et invité les parties à exposer les motifs de l'intervention volontaire de Madame [V] [P], épouse [L].

L'affaire a été cloturée le 17 août 2021 et examinée au fond à l'audience du 21 septembre 2021.
***

Par ses conclusions d'appelant, Monsieur [R] demande à la cour de :
REFORMER l'ordonnance rendue le 31 décembre 2019 ;
Et en conséquence :
JUGER que le congé pour reprise délivré par le bailleur est non valide pour les raisons suivantes:
- Plusieurs appartements du bailleur au sein du même immeuble se sont libérés dans le préavis du congé ;
- Le réel motif du congé réside en l'absence de délivrance d'un logement décent et l'absence de réalisation de travaux malgré l'insistance du preneur afin de mettre l'immeuble en normes.
JUGER qu'en raison de la non-décence établie par le jugement du Tribunal d'Instance de SAINT-PIERRE en date du 5 décembre 2016 ainsi que par le rapport du Consuel, Monsieur [R] est exonéré du loyer à compter du 5 décembre 2016 jusqu'à parfaite réalisation des travaux pour rendre le bien loué décent ;
CONDAMNER Monsieur [L] à rembourser à Monsieur [R] les loyers perçus entre le 5 décembre 2016 et septembre 2018 en raison de la non-décence du bien loué.
Et en tout état de cause :
CONDAMNER Monsieur [L] à verser à Monsieur [R] la somme provisionnelle de 5.000 € en réparation de son préjudice moral ;
CONDAMNER Monsieur [L] à payer la somme de 1800 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Selon l'appelant, plusieurs appartements du bailleur au sein du même immeuble se sont libérés dans le préavis du congé, le bénéficiaire de la reprise est un étudiant inscrit à l'Université de [Localité 11] et n'a aucune attache professionnelle ou de formation dans le Sud de l'île de [Localité 8], le réel motif du congé réside en l'absence de délivrance d'un logement décent et l'absence de réalisation de travaux malgré l'insistance du preneur.
Monsieur [R] s'estime bien fondé à solliciter le remboursement des loyers perçus entre le 5 décembre 2016 et le mois de septembre 2018 en vertu de la décision ayant déclaré indécent le logement donné à bail, l'ayant exonéré du paiement des loyers jusqu'à parfaite réalisation des travaux pour rendre le bien loué décent.

Pour justifier sa demande de dommages et intérêts, Monsieur [R] expose que le logement est toujours dans un état d'indécence malgré les relances du locataire au bailleur et à son mandataire. En outre, le bailleur ne craint pas de laisser son preneur âgé de 71 ans, porteur d'un handicap avec un taux d'incapacité égal ou supérieur à 80% dans des conditions de logement jugées indécentes, de ne pas remédier à la non-décence du bien loué trois années après la constatation de la non-décence, de lui réclamer de payer le loyer et de lui donner un congé frauduleux pour reprise.

A titre subsidiaire et à tout le moins, le congé pour reprise se heurte à des contestations sérieuses quant à sa validité faisant obstacle à l'expulsion du preneur.

Par dernières conclusions avec interventions volontaires déposées le 16 novembre 2020, Monsieur [L] et Madame [V] [P], épouse [L], demandent à la cour de :
" DONNER ACTE à Madame [V] [P], épouse [L], de son intervention volontaire à titre principal ;
Sur ce,
CONFIRMER en toutes ses dispositions le décision entreprise ;
Y ajoutant,
CONDAMNER Monsieur [Y] [R] à porter et à payer aux époux [L] la somme de 5000 € chacun en réparation de leur préjudice moral respectif ;
CONDAMNER le même à payer aux époux [L] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

L'intimé et l'intervenante volontaire soutiennent que Madame [L] intervient volontairement à l'instance car elle est aussi l'auteur du congé pour reprise contesté.
Les concluants font valoir que le congé avec reprise, délivré à Monsieur [R], par acte d'huissier du 28 août 2018 :
- A bien été délivré en respect du délai minimum de 6 mois par rapport à la date du 30 avril 2019 marquant le terme du bail,
- Satisfait aux conditions exigeant la nature du lien existant, l'identité et l'adresse du bénéficiaire, puisqu'il précise que " les requérants entendent reprendre les lieux loués afin de les faire occuper par leur petit-fils [H] [T] qui remplit donc le critère de descendant au sens de cette loi,
- Était bien accompagné de la notice d'information exigée par l'article 15, alinéa 8 de cette même loi, et visé dans l'acte d'huissier, avant-dernier paragraphe,
- Est justifié par un motif réel et sérieux puisqu'il vise à loger leur petit-fils devenu étudiant, alors même que cette exigence de motif ne s'applique qu'aux baux conclus à compter du 27 mars 2014, date d'entrée en vigueur de la loi dite Alur du 24 mars 2014, ce qui n'est pas le cas du présent bail.
Enfin, les bailleurs précisent que leur petit-fils est inscrit à l'Université de la [Localité 10], en médecine et que les cours sont dispensés à [Localité 12].

S'agissant de la dette locative et de l'indemnité d'occupation, l'intimé et son épouse plaident que le refus de payer le loyer n'est autorisé que lorsque le locataire est dans l'impossibilité totale d'utiliser les lieux conformément à leur destination. Même dans une telle hypothèse, le locataire n'en reste pas moins obligé de solliciter l'autorisation préalable du juge. Or, Monsieur [R] reconnait ne plus payer ses loyers depuis le mois suivant la délivrance du congé, soit septembre 2018. Il s'agit là d'une mesure illégale dans la mesure où, comme cela était indiqué dans la motivation de l'ordonnance querellée, le locataire n'est pas en droit de suspendre unilatéralement le versement de loyers pour un local d'habitation dont il a toujours la pleine jouissance. Au 1er mars 2021, la dette locative de Mr [R] s'élevait à la somme de 19.381,96 euros. Sa demande en réduction de loyers avait été rejetée par le jugement rendu le 5 décembre 2016, décision ayant autorité et force de chose jugée, ce qui rend également sa demande irrecevable.

Selon les époux [L], la demande d'exonération de loyers pour logement indécent et de remboursement de loyers versés entre le 5 décembre 2016 et septembre 2018 est :
- Sans lien avec le présent litige, fondé sur la validité et les effets du congé pour reprise ;
- Irrecevable, pour ne pas avoir été formée au cours des débats ayant conduit au jugement du 5 décembre 2016,
- irrecevable car excédant les limites du débat en matière de référé, exigeant un débat au fond,
- Infondée, dans la mesure où ce jugement a déjà prévu une indemnisation pour ce manque de lumière naturelle au profit de Monsieur [R].
S'agissant des préjudices subis, les époux [L] font valoir que l'attitude de Monsieur [R] est source d'un préjudice moral évident pour eux. L'appelant n'est pas la personne dans le besoin qu'il se plait à évoquer et répéter puisqu'il dispose d'un patrimoine immobilier à [Localité 9]. Enfin, à leur âge avancé de 86 et 87 ans, les époux [L] subissent un état d'anxiété permanent qui fragilise leur état de santé.

***
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure en application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l'intervention volontaire de Madame [M] [V] [P], épouse [L] :

Aux termes de l'article 554 du code de procédure civile, peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.

En l'espèce, Madame [L] soutient qu'elle est signataire de l'acte donnant congé pour reprise du logement donné à bail à l'appelant.

Bien qu'elle n'est pas partie à la conclusion du bail, ni à l'instance ayant donné lieu au jugement du 5 décembre 2016, Madame [L] est bien visée comme la personne ayant fait délivrer le congé avec reprise du bail à Monsieur [R] en compagnie de son époux, Monsieur [D] [L], le 28 août 2018.

Son intervention est dès lors recevable.

Sur la demande d'expulsion de Monsieur [Y] [R] :

Aux termes de l'article 834 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable aux instances en cours à compter du 1er janvier 2021, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

A titre principal, le bailleur a saisi le juge des référés aux fins d'expulsion de Monsieur [R], celui-ci étant occupant sans titre depuis l'expiration du délai suivant la délivrance du congé pour reprise en date du 28 août 2018.

Le défendeur, locataire en vertu du bail, a fait valoir devant le juge des référés que le congé pour reprise lui a été délivré en fraude. Il soutient que le bénéficiaire de la reprise est un étudiant inscrit à l'Université de [Localité 11] et n'a aucune attache professionnelle ou de formation dans le Sud de l'île de [Localité 8], le réel motif du congé réside en l'absence de délivrance d'un logement décent et l'absence de réalisation de travaux malgré l'insistance du preneur.

Cependant, les termes de l'acte d'huissier reprennent les dispositions de l'article 15.1 de la loi du 6 juillet 1989 et No 90-449 du 31 mai 1990. Selon ces dispositions dans leur rédaction en vigueur du 14 juin 2006 au 19 mai 2011, lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé doit être justifié soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux, notamment l'inexécution par le locataire de l'une des obligations lui incombant. A peine de nullité, le congé donné par le bailleur doit indiquer le motif allégué et, en cas de reprise, les nom et adresse du bénéficiaire de la reprise qui ne peut être que le bailleur, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé, son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire.

Le délai de préavis applicable au congé est de trois mois lorsqu'il émane du locataire et de six mois lorsqu'il émane du bailleur. Toutefois, en cas d'obtention d'un premier emploi, de mutation, de perte d'emploi ou de nouvel emploi consécutif à une perte d'emploi, le locataire peut donner congé au bailleur avec un délai de préavis d'un mois. Le délai est également réduit à un mois en faveur des locataires âgés de plus de soixante ans dont l'état de santé justifie un changement de domicile ainsi que des bénéficiaires du revenu minimum d'insertion. Le congé doit être notifié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou signifié par acte d'huissier. Ce délai court à compter du jour de la réception de la lettre recommandée ou de la signification de l'acte d'huissier.

Pendant le délai de préavis, le locataire n'est redevable du loyer et des charges que pour le temps où il a occupé réellement les lieux si le congé a été notifié par le bailleur. Il est redevable du loyer et des charges concernant tout le délai de préavis si c'est lui qui a notifié le congé, sauf si le logement se trouve occupé avant la fin du préavis par un autre locataire en accord avec le bailleur.

A l'expiration du délai de préavis, le locataire est déchu de tout titre d'occupation des locaux loués.

En l'espèce, l'acte de congé pour reprise mentionne clairement que le logement sera occupé par le petit fils du bailleur, son identité et son adresse étant précisée.

Monsieur [R] fait valoir que ce congé est délivré dans une intention malveillante pour le contraindre à libérer les lieux. Toutefois, il n'apporte aucun élément de nature à étayer son affirmation alors que le bailleur et son épouse produisent les pièces attestant que leur petit-fils est bien inscrit à l'Université de [Localité 11] de la Réunion en médecine pour les années 2018-2019 et 2019-2020. Ils justifient aussi de la localisation de la formation universitaire à [Localité 12] (pièce No 21). Enfin, le fait que d'autres logements appartenant au bailleurs deviennent disponibles ne constitue pas une exception ni une dérogation aux dispositions précitées.

A cet égard, le courrier de l'avocat de Monsieur [R], daté du 19 février 2019, intervient près de six mois après la délivrance du congé pour reprise alors que le locataire n'a saisi aucune juridiction aux fins de contester ce congé.

En conséquence, les contestations soulevées par l'appelant en référé ne constituent pas de contestations sérieuses au regard de l'obligation de l'occupant de quitter les lieux à la suite de la délivrance régulière du congé pour reprise en date du 28 août 2018 par suite de l'expiration du bail à la date du 30 avril 2019.

Ainsi, même si le juge des référés ne dispose pas du pouvoir de constater ni d'apprécier la validité ou la régularité du congé, il est aussi certain que le locataire ne fait valoir aucune contestation sérieuse à cet égard.

L'ordonnance querellée doit être confirmée sur l'expulsion de l'appelant mais pas sur le constat de la validité du congé litigieux.

Sur la demande d'exonération du loyer à compter du 5 décembre 2016 :

Aux termes de l'article 480 du code de procédure civile, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche.

Monsieur [R] demande à la cour de l'exonérer de son obligation de paiement des loyers " en raison de la non-décence établie par le jugement du tribunal d'instance de SAINT-PIERRE en date du 5 décembre 2016, jusqu'à parfaite réalisation des travaux pour rendre le bien loué décent.

Toutefois, il invoque lui-même l'existence du jugement en date du 5 décembre 2016 devant le juge des référés.

Une telle demande ne peut prospérer alors que Monsieur [R] demande au juge des référés, soit de tirer les conséquences d'une décision rendue par le juge du fond, soit de l'interpréter pour en déduire l'absence de contestation sérieuse sur l'état actuel du logement occupé par lui.

Enfin, Monsieur [R] verse aux débats un avis du Consuel en date du 14 mai 2020, consécutif à une visite des lieux de la veille, constatant la présence de non-conformités de l'installation électrique présentant un risque pour la sécurité des occupants et conseillant d'aviser le maître d'ouvrage et les occupants pour qu'ils puissent prendre les mesures réparatrices nécessaires.

Néanmoins, Monsieur [R] ne produit aucune pièce ultérieure établissant qu'il a mise en demeure le bailleur de procéder à la reprise de ces désordres.

Ainsi, la demande d'exonération des loyers présentée par l'intimé ne peut être accueillie en référé, sa demande se heurtant à de sérieuses contestations.

L'ordonnance querellée sera confirmée de ce chef.

Sur la demande en paiement des loyers et indemnités d'occupation :

Selon les prescriptions du second alinéa de l'article 835 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

En concluant à la confirmation de l'ordonnance entreprise, Monsieur et Madame [L] réclament le paiement de la somme provisionnelle de 4.618,20 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 30 avril 2019.

Monsieur [Y] [R] reconnaît qu'il ne paie plus son loyer depuis le mois d'octobre 2018 en raison de l'état d'indécence du logement alors que le bailleur n'a pas procédé à sa remise en état.

Pourtant, le jugement contradictoire du tribunal d'instance de Saint-Pierre en date du 5 décembre 2016, statuant sur une demande de réduction du montant du loyer par le locataire, a débouté Monsieur [R] de cette prétention tout en considérant que le logement donné bail ne répondait pas aux exigences de décence posées par la loi No 89-462 du 6 juillet 1989 et du décret No 2002-120 du 30 janvier 2002.

Cette décision ne semble pas avoir fait l'objet d'un recours tandis qu'aucune des parties n'établit que ce jugement a été signifié à l'autre partie.

Cependant, en vertu des prescriptions de l'article 480 du code de procédure civile, ce jugement a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche.

En outre, Monsieur [R] ne démontre pas avoir saisi une juridiction aux fins de faire valoir une exception d'inexécution pour obtenir la suspension du paiement des loyers.

Ainsi, en l'état actuel du litige, le bailleur est bien fondé à réclamer le paiement de l'arriéré locatif à titre de provision, la somme réclamée étant incontestable.

L'ordonnance de référé querellée doit être confirmée de ce chef.

Sur la demande d'expulsion et d'indemnité d'occupation :

Monsieur [R] se trouve occupant sans titre du logement appartenant à Monsieur [L] depuis le 30 avril 2019.

Ainsi, la demande d'expulsion est bien fondée. Elle sera accueillie.

La demande d'indemnité d'occupation due par l'occupant jusqu'à la libération effective des lieux sera aussi confirmée en son principe à son quantum puisqu'elle correspond à l'indemnisation provisionnelle du préjudice subi par l'occupation irrégulière de l'appartement par Monsieur [R].

L'ordonnance sera confirmée de ce chef.

Sur les demandes de dommages et intérêts :

Compte tenu de l'instance en référé, les époux [L] sont mal fondés à faire valoir l'existence d'un préjudice indemnisable consécutif au maintien dans les lieux du locataire, la faute de ce dernier ne ressortissant que de l'appréciation du juge du fond.

Madame [L] doit cependant être spécialement déboutée de cette demande compte tenu de son intervention volontaire en cause d'appel.

Sous le même raisonnement, Monsieur [R] est mal fondé à invoquer en référé un préjudice indemnisable causé par la faute du bailleur alors qu'une telle faute ne peut être appréciée que par le juge du fond.

L'ordonnance querellée doit être confirmée de ce chef.

Sur les autres demandes :

Monsieur [R] supportera les dépens et les frais irrépétibles de Monsieur [L], tandis que ceux de l'intervenante volontaire resteront à sa charge.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,

DECLARE RECEVABLE l'intervention volontaire en cause d'appel de Madame [M] [V] [E] [P], épouse [L] ;

CONFIRME l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions sauf en ce que le juge des référés a constaté la validité du congé aux fins de reprise ;

Statuant à nouveau,

DIT N'Y AVOIR LIEU à constater la validité du congé aux fins de reprise délivré le 28 août 2018 à Monsieur [Y] [R] avec effet au 30 avril 2019 et portant sur les lieux sis [Adresse 7] ;

DEBOUTE Madame [M] [V] [E] [P], épouse [L], de sa demande de dommages et intérêts ;

CONDAMNE Monsieur [Y] [R] à payer à Madame [M] [V] [E] [P], épouse [L], et à Monsieur [D] [L] la somme de 1.800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur [Y] [R] aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Mme Véronique FONTAINE greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 20/002651
Date de la décision : 03/12/2021
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.saint-denis-de-la-reunion;arret;2021-12-03;20.002651 ?
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