La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/11/2021 | FRANCE | N°20/017011

France | France, Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion, 04, 26 novembre 2021, 20/017011


ARRÊT No
PF

No RG 20/01701 - No Portalis DBWB-V-B7E-FNTL

[E]
[S]

C/

S.A. BRED BANQUE POPULAIRE

S.E.L.A.R.L. [K] [X]

COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS

ARRÊT DU 26 NOVEMBRE 2021

Chambre civile

Appel d'une décision rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE SAINT-DENIS en date du 10 SEPTEMBRE 2020 suivant déclaration d'appel en date du 01 OCTOBRE 2020 RG no 19/00097

APPELANTS :

Monsieur [T] [E]
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représentant : Me Jean pierre GRONDIN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-

LA-REUNION

Madame [F] [J] [S] épouse [E]
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représentant : Me Jean pierre GRONDIN, avocat au barreau de SAINT-D...

ARRÊT No
PF

No RG 20/01701 - No Portalis DBWB-V-B7E-FNTL

[E]
[S]

C/

S.A. BRED BANQUE POPULAIRE

S.E.L.A.R.L. [K] [X]

COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS

ARRÊT DU 26 NOVEMBRE 2021

Chambre civile

Appel d'une décision rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE SAINT-DENIS en date du 10 SEPTEMBRE 2020 suivant déclaration d'appel en date du 01 OCTOBRE 2020 RG no 19/00097

APPELANTS :

Monsieur [T] [E]
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représentant : Me Jean pierre GRONDIN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Madame [F] [J] [S] épouse [E]
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représentant : Me Jean pierre GRONDIN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMÉE :

S.A. BRED BANQUE POPULAIRE
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentant : Me Henri BOITARD, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

PARTIE INTERVENANTE :

S.E.L.A.R.L. [K] [X]
Intervenant volontaire es qualité de liquidateur de M. [T] [E]
[Adresse 4]
[Localité 6],
représentant : Me Jean pierre GRONDIN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

DATE DE CLÔTURE : 10 Juin 2021

DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Septembre 2021 devant Madame FLAUSS Pauline, Conseillère, qui en a fait un rapport, assistée de Mme Nathalie TORSIELLO, Greffière, les parties ne s'y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué, à l'issue des débats, que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 26 Novembre 2021.

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre
Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère
Conseiller : Mme Magali ISSAD, Conseillère

Qui en ont délibéré

Greffier: Mme Nathalie TORSIELLO

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 26 Novembre 2021.

* * *

LA COUR :

EXPOSE DU LITIGE :

Par acte d'huissier délivré le 9 août 2018, les époux [E] ont saisi le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de St Denis aux fins de voir condamner la SA BRED à leur restituer la somme de 114.522,84 euros prélevée sur leur compte joint au titre d'un prêt immobilier souscrit le 15 mars 2007, alors que M. [E] avait successivement fait l'objet d'une procédure de sauvegarde ouverte en 2010 puis d'un plan d'apurement du passif en 2011 et enfin d'une procédure de liquidation judiciaire après résolution du plan, le 14 février 2018.

Par jugement du 25 octobre 2018, le juge de l'exécution s'est déclaré incompétent et a ordonné le renvoi de l'affaire devant le tribunal de grande instance de St Denis.

Par jugement du 10 septembre 2020, le tribunal a :

- déclaré les demandes formées par M. [E] irrecevables, M. [E] ayant fait l'objet d'une liquidation judiciaire par jugement du 14 février 2018 ;

- débouté Mme [E] de toutes ses demandes,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné in solidum M. [E] et Mme [E] aux dépens de la présente procédure,

- débouté toutes les parties de leurs autres demandes différentes, plus amples ou contraires au présent dispositif,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration du 1er octobre 2020 au greffe de la cour d'appel de St Denis, les époux [E] ont formé appel du jugement.

La SELARL [K] [X] est intervenue volontairement à l'instance es-qualités de liquidateur de M. [E].

Ils sollicitent de la cour de:

-recevoir l'intervention volontaire de la SELARL [K] [X] prise en la personne de [K] [X] en sa qualité de liquidateur judiciaire aux fins de régularisation de l'action de M. [E] en son appel et l'y dire bien fondée,

- recevoir Mme [E] en son appel et l'y dire bien fondée,

-infirmer le jugement entrepris .

Statuant à nouveau :
- Constater les prélèvements indus d'échéances de prêt immobilier no09032608 effectués sur le compte bancaire commun no[XXXXXXXXXX01] des époux [E] suite au placement de M. [E] en procédure de sauvegarde par jugement exécutoire du 28 avril 2010 prononcé par le Tribunal Mixte de commerce de Saint-Denis, puis en liquidation judiciaire le 14 février 2018, au regard des dispositions de l'article L.622-7-III et L.641-3 du code de commerce, les articles 1401 et 1414 du code civil,

- Constater le non-respect des dispositions combinées des articles 1401, 1414 du code civil et L.622-7-III du code de commerce par la SA BRED à l'encontre de la SELARL [K] [X] représentant M. et de Mme [E], compte tenu des prélèvements indus effectués sur les gains et salaires communs aux deux époux,

Par conséquent :
– prononcer en vertu des dispositions combinées des articles 1401, 1414 du code civil et L.622-7-III et L.641-3 du code de commerce l'annulation des sommes indûment prélevées par la SA BRED depuis le mois d'août 2015 jusqu'à la date de l'acte introductif d'instance et ordonner la restitution desdites sommes à la SELARL [K] [X] prise en la Personne de M. [K] [X] en sa qualité de liquidateur judiciaire de M. [E] et à Mme [E] par la SA BRED à hauteur de 114.522,84 euros, avec application des intérêts aux taux légaux depuis le mois d'août 2015,

- condamner la SA BRED à devoir la somme de 6000,00 euros à SELARL [K] [X] prise en la personne de [K] [X] en sa qualité de liquidateur judiciaire de M. [E] et Mme [E] au titre de l'article 700 CPC et aux entiers dépens.

– débouter la SA BRED de l'ensemble de ses demandes

Ils soutiennent que l'intervention volontaire du liquidateur permet de régulariser les demandes faites par M. [E].

Au fond, ils font valoir que l'interdiction du paiement des créances antérieures vaut également pour le conjoint in bonis s'acquittant de celles-ci auxquelles il est solidairement tenu par des sommes relevant de biens en communauté, tels les salaires. Au cas d'espèce, ils relèvent qu'après que M. [E] ait été placé en sauvegarde, la banque a continué à prélever les échéances du prêt contracté solidairement par les époux [E] sur le compte de Mme [E], alimenté par des arrérages de pension de retraite, constituant des biens communs; ils en déduisent que ces paiements ont été accomplis en méconnaissance de l'interdiction de paiement des dettes antérieures.

La SA BRED sollicite de la cour de :

- Statuer ce que de droit quant à la recevabilité de l'appel interjeté et à l'éventuelle régularisation de la procédure, en ce qui concerne M. [E], par l'intervention volontaire en cause d'appel du mandataire liquidateur,

- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 10 septembre 2020 du Tribunal judiciaire de Saint-Denis,

- Condamner Mme [E] à lui payer la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du CPC de même qu'aux entiers frais et dépens tant de première instance que d'appel en ce compris le coût du timbre fiscal obligatoire devant la Cour.

Il fait observer que si l'intervention du liquidateur rend recevables les demandes formées au nom de M. [E], il semble qu'il ne lui ait pas adressé l'avertissement d'avoir à déclarer sa créance, remettant en cause la possibilité pour le mandataire de solliciter le remboursement des échéances. Elle explique ne pas avoir déclaré sa créance dès lors qu'elle a prélevé les échéances sur le compte du codébiteur solidaire, lequel n'est pas visé par l'interdiction des paiements des dettes antérieures. Elle ajoute que les biens communs figurant à l'actif de la procédure collective, ils sont soumis au dessaisissement au profit du liquidateur de sorte que Mme [E] est irrecevable à réclamer le remboursement des échéances.

MOTIFS DE LA DECISION

Vu les dernières conclusions de la SELARL [K] [X] représentant M. [E] et de Mme [E] déposées le 19 avril 2021 et celles de la SA BRED du 19 mars 2021, auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties;

Vu l'ordonnance de clôture du 10 juin 2021;

Sur la recevabilité de l'appel et des demandes.

La SA BRED, qui n'a soulevé aucun incident devant le conseiller de la mise en état pour contester la recevabilité de l'appel, ne développe aucun moyen ou soutien d'une critique de la recevabilité de l'appel de M. et Mme [E]. Celui-ci doit ainsi être déclaré recevable.

Vu l'article L. 641-9 du code de commerce;

Vu les articles 126 et 554 du code de procédure civile;

La SELARL [K] [X] justifie d'un intérêt à intervenir en appel ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [E] pour régulariser le défaut de qualité à agir de M. [E], ce dernier ayant été dessaisi des droits et actions sur son patrimoine par l'effet de la procédure collective.

Le fait que la SA BRED n'ait pas déclaré sa créance à la procédure collective de M. [E], pour quelque motif que ce soit, est sans incidence sur l'intérêt dont dispose le liquidateur, en sa qualité de représentant légal aux actions patrimoniales du débiteur, tout comme d'ailleurs en sa qualité de représentant de la masse des créanciers, à solliciter l'annulation de versement de sommes qui l'auraient été en méconnaissance du principe d'interdiction des paiements du fait de l'ouverture de la procédure collective.

L'intervention volontaire sera ainsi déclarée recevable et le jugement sera infirmé en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes formées par M. [E].

Sur le bienfondé des demandes.

Vu le III de l'article L.622-7 du code de commerce, prévoyant la possibilité pour tout intéressé de solliciter l'annulation des créances payées en méconnaissance de l'interdiction de payement des créances nées antérieurement au jugement d'ouverture, dans un délai de trois ans à compter du paiement;

Vu l'article L.622-21 du code de commerce interdisant toute action en justice des créanciers tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent;

Vu l'article 1413 du code de procédure civile, lequel dispose que le paiement des dettes dont chaque époux est tenu pour quelque cause que ce soit, pendant la communauté, peut toujours être poursuivi sur les biens communs;

Il se déduit de la lecture combinée de ces deux derniers articles que les salaires d'un époux marié sous un régime de communauté sont des biens communs frappés par la saisie collective au profit des créanciers de l'époux mis en procédure collective qui ne peuvent être saisis, pendant la durée de celle-ci, au profit d'un créancier de l'époux, maître de ses biens.

En l'espèce, les appelants sollicitent la restitution des sommes prélevées par la SA BRED sur le compte de Mme [E] au titre du prêt contracté solidairement par les époux [E] le 15 mars 2007 pour la période d'août 2015 à août 2018, soit les trois années précédant l'introduction de la demande en restitution.

Si la banque fait valoir que les sommes ont été prélevées sur un compte ouvert dans ses livres au seul nom de Mme [E], ces sommes sont néanmoins présumées communes dès lors que M. et Mme [E] sont mariés sous le régime légal et la Bred n'apporte pas la preuve contraire de ce que les sommes déposées sur ce compte sont des biens propres de l'épouse.

Par suite, ces sommes ne pouvaient être prélevées pour le paiement d'une dette antérieure à l'ouverture de la procédure collective de sauvegarde de M. [E], le 28 avril 2010, telles les échéances du prêt souscrit le 15 mars 2007, sans méconnaitre le principe d'interdiction de paiement des créances antérieures à l'ouverture de la procédure collective.

La SELARL [K] [X], en sa qualité de liquidateur judiciaire de M. [E], est donc fondée à solliciter la restitution du montant des échéances versées sur la période, soit la somme de 114.522,84 euros, afin qu'elle réintègre l'actif de la liquidation.

En revanche, comme le relève la SA BRED dans le corps de ses conclusions, les biens communs, au même titre que les biens propres de M. [E], figurent à l'actif de la procédure collective; il s'ensuit que Mme [E] n'est pas fondée à solliciter le reversement du montant des échéances du prêt à sa personne.

En conséquence de ce qui précède, il convient de condamner la SA BRED à reverser à la SELARL [K] [X], en sa qualité de liquidateur judiciaire de M. [E] la somme de 114.522,84 euros au titre des échéances du prêt immobilier no09032608 prélevées entre août 2015 et août 2018 avec intérêts au taux légal sur chacune des échéances successives à compter de leur prélèvement.
Le rejet du surplus des demandes doit en revanche être confirmé.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile;

Eu égard aux spécificités du litige, à savoir que l'infirmation de la décision entreprise est liée à une régularisation intervenue à hauteur d'appel, il convient de confirmer celle-ci en ce qu'elle s'est prononcée sur les frais irrépétibles et les dépens.

Au titre de l'instance d'appel, la SA BRED, qui succombe pour l'essentiel, sera condamnée aux dépens.

L'équité commande en outre de la condamner à verser à la SELARL [K] [X], en sa qualité de liquidateur judiciaire de M. [E] la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement et contradictoirement en dernier ressort,

- Déclare l'appel recevable;

-Déclare recevable l'intervention volontaire de la SELARL [K] [X] ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [E];

- Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré les demandes formées par M. [E] irrecevables;

- Le confirme pour le surplus;

Statuant à nouveau,

- Déclare recevables les demandes formées pour M. [E] représenté par son liquidateur;

- Condamne la SA BRED à reverser à la SELARL [K] [X], en sa qualité de liquidateur judiciaire de M. [E] la somme de 114.522,84 euros au titre des échéances du prêt immobilier no09032608 prélevées entre août 2015 et août 2018, avec intérêts au taux légal à hauteur du montant de chaque échéance successive à compter de son prélèvement;

- Condamne la SA BRED à reverser à la SELARL [K] [X], en sa qualité de liquidateur judiciaire de M. [E] la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles de l'appel;

- Condamne la SA BRED aux dépens de l'appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Mme Nathalie TORSIELLO, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT
SIGNE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 20/017011
Date de la décision : 26/11/2021
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.saint-denis-de-la-reunion;arret;2021-11-26;20.017011 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award