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26/11/2021 | FRANCE | N°19/031261

France | France, Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion, 04, 26 novembre 2021, 19/031261


ARRÊT No21/562
PC

No RG 19/03126 - No Portalis DBWB-V-B7D-FJO5

[K] [T]

C/

S.A.R.L. BRAS PANON RENOVATION CONSTRUCTION (BPRCo
Société ELITE INSURANCE COMPANY LIMITED

RG 1èRE INSTANCE : 19/02091

COUR D'APPEL DE SAINT- DENIS

ARRÊT DU 26 NOVEMBRE 2021

Chambre civile TGI

Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SAINT DENIS en date du 26 novembre 2019 RG no: 19/02091 suivant déclaration d'appel en date du 12 décembre 2019

APPELANTE :

Madame [U] [R] [K] [T]
[Adresse 1]
[Localit

é 5]
Représentant : Me Alain ANTOINE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMEES :

S.A.R.L. BRAS PANON RENOVATION CONS...

ARRÊT No21/562
PC

No RG 19/03126 - No Portalis DBWB-V-B7D-FJO5

[K] [T]

C/

S.A.R.L. BRAS PANON RENOVATION CONSTRUCTION (BPRCo
Société ELITE INSURANCE COMPANY LIMITED

RG 1èRE INSTANCE : 19/02091

COUR D'APPEL DE SAINT- DENIS

ARRÊT DU 26 NOVEMBRE 2021

Chambre civile TGI

Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SAINT DENIS en date du 26 novembre 2019 RG no: 19/02091 suivant déclaration d'appel en date du 12 décembre 2019

APPELANTE :

Madame [U] [R] [K] [T]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentant : Me Alain ANTOINE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMEES :

S.A.R.L. BRAS PANON RENOVATION CONSTRUCTION (BPRC)
[Adresse 2]
97412 BRAS PANON (REUNION)
Représentant : Me Léopoldine SETTAMA de l'AARPI VSH AVOCATS, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Société ELITE INSURANCE COMPANY LIMITED
[Adresse 3]
[Localité 4]
non comparante non représentée

CLÔTURE LE : 11 mars 2021

DÉBATS : En application des dispositions de l'article 804 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Septembre 2021 devant la Cour composée de :

Président :Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre
Conseiller :Madame Pauline FLAUSS, Conseillère
Conseiller :Mme Magali ISSAD, Conseillère

Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.

A l'issue des débats, le président a indiqué que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition le 26 Novembre 2021.

Greffier: Madame [H] [B], ff.

ARRÊT : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 26 Novembre 2021.

* * * * *

LA COUR

EXPOSE DU LITIGE

Madame [U] [R] [K] [T] a confié à la société BRAS PANON RENOVATION CONSTRUCTION (BPRC) la réalisation de travaux sur la maison dont elle est propriétaire, située à [Localité 7], suivant deux devis acceptés le 21 novembre 2016, l'un portant sur des travaux de rénovation pour un montant de 47.457,20 euros TTC, le second portant sur des travaux de surélévation de l'immeuble pour un montant de 107. 990,30 euros TTC. La déclaration d'ouverture de chantier a été effectuée le 16 janvier 2017. Les travaux ont été réceptionnés sans réserve le 8 décembre 2017 en ce qui concerne les travaux de rénovation et le 21 décembre 2017 en ce qui concerne les travaux de surélévation.

Par exploits en date du 17 avril et 9 mai 2018, Madame [U] [R] [K] [T] a fait assigner en référé la société BPRC ainsi que la société ELITE INSURANCE COMPANY LIMITED, assureur de la société BPRC, aux fins de désignation d'un expert judiciaire pour examiner la réalité et l'ampleur de désordres allégués. Suivant ordonnance de référé en date du 21 juin 2018, une expertise a été confiée à Monsieur [N] [F]. L'expert a rédigé son rapport définitif le 19 février 2019.

Puis, par actes d'huissier délivrés les 23 et 28 mai 2019, Madame [U] [R] [K] [T] a fait citer la SARL BPRC et la société ELITE INSURANCE devant le tribunal de grande instance de Saint-Denis aux fins de condamnation solidaire à lui payer diverses sommes en réparation de ses préjudices.

Par jugement réputé contradictoire en date du 26 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Saint-Denis a statué en ces termes :
- Rejette toutes les demandes de Madame [U] [R] [K] [T] ;
- Condamne Madame [U] [R] EGATA-PATCHE aux dépens.

Par déclaration déposée par RPVA au greffe de la cour le 12 décembre 2019 Madame [U] [R] [K] [T] a interjeté appel du jugement précité.

L'appelante a déposé ses conclusions d'appel le 3 décembre 2020 par RPVA.

La SARL BPRC a déposé ses conclusions d'intimés le 23 février 2021 par RPVA.

Les actes de la procédure d'appel ont été signifiés à la société ELITE INSURANCE par acte délivré le 17 mars 2020.

Celle-ci n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 mars 2021.

PRETENTIONS ET MOYENS

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 3 décembre 2020, Madame [U] [R] [K] [T] demande à la cour de :
-Infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau:
-Homologuer le rapport d'expertise judiciaire de Monsieur [N] [F] en date du 19 février 2019 ;
-Condamner solidairement la SARL BPRC -BRAS PANON RENOVATION CONSTRUCTION et la société ELITE INSURANCE COMPANY LIMITED à verser à Madame [U] [R] [K] [T] la somme de 27.928,45 € au titre de l'indemnisation de son préjudice matériel ;
-Condamner solidairement la SARL BPRC -BRAS PANON RENOVATION CONSTRUCTION et la société ELITE INSURANCE COMPANY LIMITED à verser à Madame [U] [R] [K] [T] la somme de 13.794 euros au titre du manque à gagner pour absence de location de l'appartement ;
-Condamner solidairement la SARL BPRC -BRAS PANON RENOVATION CONSTRUCTION et la société ELITE INSURANCE COMPANY LIMITED à verser à Madame [U] [R] [K] [T] la somme de 5.000 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice moral ;
En tout état de cause,
-Débouter la SARL BPRC -BRAS PANON RENOVATION CONSTRUCTION et la société ELITE INSURANCE COMPANY LIMITED de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
-Condamner solidairement la SARL BPRC -BRAS PANON RENOVATION CONSTRUCTION et la société ELITE INSURANCE COMPANY LIMITED à régler à Madame [U] [R] [K] [T] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, y compris le coût des procès-verbaux de constat d'huissier des 6 mars 2018 et 27 février 2018.

L'appelante fait valoir qu'elle produit le rapport d'expertise qui appuie ses dires. Elle souligne que l'expert rappelle que les désordres constatés lors de la visite ont fait l'objet des constats d'huissier de Me [C] du 27 février et du 6 mars 2018 et sont apparus dès les premiers épisodes pluvieux faisant suite à la réception de l'ouvrage fin 2017. Elle soutient que certains désordres subis rendent manifestement impropre l'immeuble à sa destination, ce qui relève de la responsabilité de la SARL BPRC en application des articles 1792 et suivants du Code civil sur la mise en jeu de la garantie décennale du constructeur. Elle précise que la remise en cause de l'habitabilité de l'ouvrage par les désordres tels que le défaut d'étanchéité, les infiltrations et l'insuffisance du revêtement d'imperméabilisation est de nature à rendre impropre l'ouvrage à sa destination. Elle indique également que les désordres de la toiture terrasse affectent la solidité de l'ouvrage. Elle ajoute que pour les autres désordres, la responsabilité de la société BPRC est mise en cause sur les fondements des articles 1792-3 du Code civil - pour ceux relevant de la garantie de bon fonctionnement - ou encore de la responsabilité contractuelle -pour ceux relevant d'un défaut d'exécution ne remettant pas en cause l'habitabilité de l'ouvrage.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 23 février 2021, la société BPRC demande à la cour de :
-Dire l'appel de Madame [U] [R] [K] [T] recevable mais mal fondé ;
A titre principal,
-Confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
A titre subsidiaire,
-Dire et juger recevable et fondée la société BPRC en son appel en garantie à l'encontre de la société ELITE INSURANCE COMPANY LIMITED ;
En conséquence,
-Condamner celle-ci à relever et garantir la société BPRC de toutes condamnations prononcées à son encontre tant en principal, qu'intérêts, frais et accessoires au bénéfice de Madame [U] [R] [K] [T] ;
En tout état de cause,
-Condamner in solidum Madame [U] [R] [K] [T] et la société ELITE INSURANCE COMPANY LIMITED à verser à la société BPRC la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
-Condamner Madame [U] [R] [K] [T] au entiers dépens.

La société BPRC affirme que sa responsabilité n'est pas engagée dans la survenance des dégâts. Elle réfute le fait que l'appelante fonde ses demandes en réparation sur la garantie décennale prévue par l'article 1792 du code civil car les dégâts ne sont pas de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage.

Elle indique que le rapport d'expertise précise que les différents désordres ont des causes différentes. Elle estime qu'il appartient à l'appelante de démontrer que chacun de ces désordres pris individuellement est de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage et à le rendre impropre à sa destination.

Elle ajoute que la responsabilité contractuelle du constructeur n'est pas retenue car elle ne s'applique que jusqu'à la réception de l'ouvrage et pendant cinq ans après la réception lorsque l'ouvrage a été réceptionné avec réserves, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Subsidiairement, elle fait valoir que les prétentions de l'appelante sur le manque à gagner pour absence de location de l'appartement ne sont pas prouvées. Elle prétend que le montant de ce préjudice doit être ramené à 11.616 euros car les désordres ayant été constatés en mars 2018, il convient de prendre cette date comme point de départ du manque à gagner. Elle affirme que l'appelante ne démontre pas avoir subi un préjudice moral, lequel n'est pas fondé dans son principe, ni dans son montant. L'intimée avance que la société ELITE INSURANCE COMPAGNY LIMITED doit la garantir en cas de condamnation.

* * * * *

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure en application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Selon l'appelante, l'Expert a constaté des désordres relevant de la garantie décennale, des désordres relevant de la responsabilité exclusive de la société BPRC, résultant d'un défaut d'exécution. Elle soutient que ces désordres rendent impropre l'ouvrage impropre à sa destination, invoquant les dispositions des articles 1792 et suivants du code civil. Puis, Madame [U] [R] [K] [T] invoque des désordres relevant de la garantie de bon fonctionnement puis de désordres relevant de la responsabilité contractuelle de la société BPRC.

La société BPRC réplique que les désordres allégués par l'appelante ne relèvent pas de la garantie décennale dans la mesure où ils ne sont pas de nature à compromette la solidité de l'ouvrage. Il souligne aussi que certains désordres ne lui sont pas imputables selon l'expert.

Le premier juge avait retenu, pour la débouter, que la demanderesse n'avait pas produit le rapport d'expertise judiciaire réalisé par Monsieur [F]. En cause d'appel Madame [U] [R] [K] [T] a versé aux débats ce rapport en date du 15 février 2019.

Selon les conclusions de l'Expert judiciaire, la visite du 26 septembre 2018 a permis de constater les désordres suivants, exclusivement dus à un défaut d'exécution de l'entreprise BPRC :
- Peinture craquelée de part et d'autre des briques de verre ;
- Traces d'infiltration entre poutre et voile de façade arrière ;
-Défaut de finition bardage ;
- Infiltrations dans séjour ;
-Non-conformité de l'étanchéité du palier d'escalier extérieur ;
-Traces brunâtres d'infiltration sur les 3 murs de façade du séjour ;
- Infiltrations au niveau de la poutre entre séjour et cuisine ;
- Fuite dans la douche ;
- Infiltrations par fenêtre sur la mezzanine ;
-Non-conformités de la toiture terrasse au-dessus du séjour ;
-Défauts dans l'angle de l'acrotère de la toiture terrasse ;
-[Localité 6] apparente insuffisante du revêtement d'imperméabilisation en façade.

L'expert a estimé que les travaux nécessaires à la reprise de ces désordres sont les suivants :
-Reprise de la peinture d'imperméabilisation de la façade ;
-Reprise de la finition du bardage de façade ;
-Reprise de l'étanchéité du palier d'escalier ;
-Reprise de l'étanchéité de la toiture terrasse non accessible ;
-Reprise de l'alimentation douche ;
-Travaux d'embellissement intérieur.

Il convient dès lors d'examiner l'étendue de ces désordres et leur nature.

Sur les désordres relevant de la garantie décennale :

Aux termes de l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.

La société BPRC ne conteste pas sa qualité de constructeur en vertu des deux conventions conclues avec Madame [U] [R] [K] [T] le 21 novembre 2016 (pièces No 6 et 7 de l'appelante).

Le procès-verbal de réception a été adressé à l'Expert, (Pièce B5) mais ce document n'est pas annexé au rapport. Toutefois, deux procès-verbaux de réception sans réserve, à effet du 8 décembre 2017, ont été produits par l'intimée (pièces No 3 et 4).

Enfin, il n'est pas allégué que Madame [U] [R] [K] [T] dispose de compétences techniques en matière de construction immobilière.

Le rapport d'expertise relève l'existence d'infiltrations en plusieurs endroits de l'immeuble concernant les travaux confiés à la société BPRC :
-Désordre No 1 : Au rez-de-chaussée, en pied de mur de la pièce située à gauche en façade (page 16 du rapport), en raison d'une remontée d'humidité malgré la reprise effectuée par le Maître d'Ouvrage après constat d'huissier ;
-Désordre No 3 : Peinture craquelée de part et d'autre des briques de verre, humidité mesurée à 30 % au droit des traces ;
-Désordre No 4 : Traces d'infiltration entre la poutre et le voile de façade arrière, s'étendant jusqu'au plafond ; mais pas de trace d'humidité au testeur ;
-Désordre No 5 : Finition du bardage : Présence d'un tasseau horizontal en pied de bardage au lieu d'une grille ; pénétrations des fluides y compris chauffe-eau non traitées ;
-Désordre No 6 : Infiltrations dans le séjour ; traces d'infiltrations sur le mur contre l'escalier ; Pas d'humidité mesurée au testeur ; Traces d'infiltration sur le côté extérieur entre l'escalier et le mur de façade ; la finition du mur n'est pas assurée ; L'escalier a été coulé en place sans joint avec le mur de façade.
-Au niveau R + 1, l'Expert a constaté :
-Désordre No 7 : Absence de solin sur le palier de l'escalier extérieur ; Soulèvement important du carrelage par endroit sous le poids des pas ; Une pente est réalisée vers l'unique évacuation de diamètre inférieur à 80 millimètres ;
-Désordre No 8 : Traces d'infiltrations sur les trois murs de façade du séjour ; Humidité mesurée en partie couvrante entre 15 et 20 %, voire 30 % ponctuellement ;
-Désordre No 9 : Infiltrations au niveau de la poutre entre le séjour et la cuisine ;
-Désordre No 11 : En mezzanine, le sol est recouvert d'un revêtement stratifié ; Le décollement et le soulèvement de certaines lames révèle une stagnation d'eau ; Des traces d'infiltrations sont présentes sous la fenêtre avec une humidité mesurée jusqu'à 30 % ponctuellement ;
-Désordre No 12 : Toiture – Terrasse au-dessus du séjour : Décollement du relevé contre la façade ; Hauteur du relevé insuffisante ; Pas de protection par solin ; Floches sur la surface d'étanchéité ; Contre-pente constatée lors de la mise en eau ; Pente insuffisante ; Déchirure et plis en surface de l'étanchéité ; L'étanchéité est entièrement à refaire ;
-Désordre No 13 : Angle de l'acrotère en toiture – terrasse : Défaut de pare-pluie en partie haute ;
-Désordre No 14 : Mur de façade : Réserves de l'expert sur la réalisation de la peinture d'imperméabilisation ; L'expert a réclamé l'attestation de conformité de la peinture utilisée pour l'imperméabilisation.

Il résulte des devis et des deux contrats de travaux que la société BPRC a eu la charge de tous les lots de la construction, notamment du gros-oeuvre, de l'enduit intérieur et extérieur, de la charpente et de la couverture, du revêtement de carrelage et de faïence, de la peinture extérieure pour le premier devis ; des mêmes lots pour le second marché portant sur le second oeuvre de la surélévation de la maison de Madame [U] [R] [K] [T].

L'Expert a conclu que les désordres 1 et 2 ne sont pas imputables à la société BPRC.

Les désordres No 3, 4 et 6, ne remettent pas en cause l'habitabilité de l'ouvrage, compte tenu de leur moindre amplitude.

En revanche, les désordres No 5, 7, 8, 9, 11, 12, 13 et 14 remettent en cause l'habitabilité de l'ouvrage compte tenu de leur amplitude.

En conséquence, il convient de valider les constatations de l'expert et de juger que ces désordres rendent impropre l'ouvrage à sa destination dans la mesure où ils sont constitués par des défauts d'étanchéité qui se sont révélés lors de pluies importantes et que le Maître de l'ouvrage ne pouvait pas déceler lors de la réception.

Le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a débouté Madame [S] [D] de l'ensemble de ses prétentions.

Celle-ci est en droit d'obtenir l'indemnisation totale de ses préjudices de la part de la société BPRC et de son assureur puisque l'intimée ne démontre pas que ces désordres proviennent d'une cause étrangère.

Sur les autres désordres :

Aux termes de l'article 1792-3 du code civil, les autres éléments d'équipement de l'ouvrage font l'objet d'une garantie de bon fonctionnement d'une durée minimale de deux ans à compter de sa réception.

L'expert a constaté l'existence de désordres No 3, 4 et 6 imputables aussi à la société BPRC mais ne relevant pas de la garantie décennale.

Ceux-ci sont apparus moins de deux ans après la réception de l'ouvrage.

S'agissant de la peinture craquelée, d'infiltration entre la poutre et le voile de façade arrière, de traces d'infiltrations sur le mur contre l'escalier et de traces d'infiltration sur le côté extérieur entre l'escalier et le mur de façade, ces éléments sont indissociables de l'ouvrage puisqu'ils révèlent des malfaçons dans la réalisation de l'étanchéité de l'immeuble.

Ainsi, l'appelante est-elle bien fondée à obtenir la mise en jeu de la garantie due par le constructeur.

Sa demande sera accueillie de ce chef.

Sur la demande relative au désordre No 10 : L'Expert a constaté l'existence d'une fuite dans la douche au niveau des raccords de la robinetterie. Il considère que ce désordre relève de la garantie de bon fonctionnement.

Cependant, la robinetterie ne constitue pas un élément indissociable de l'ouvrage. La reprise de ce désordre ne peut relever que de la responsabilité contractuelle de la société BPRC qui était en charge du LOT No 5 – PLOMBERIE – SANITAIRE – prévoyant l'installation de la salle de bains, en raison d'une mauvaise exécution.

La demande de ce chef doit être rejetée.

Sur le calcul des préjudices de Madame [U] [R] [K] [T] :

Relatif au manque à gagner pour absence de location de l'appartement no 2 :

Selon les dispositions des articles 6 et 9 du Code de procédure civile, il incombe aux parties de prouver les faits qu'ils allèguent.

Madame [U] [R] [K] [T] affirme que les désordres ont nui à toute mise en location du bien, évaluant la perte locative à la somme de 726 euros par mois entre le mois de décembre 2017 et pendant dix-neuf mois à partir de cette période.

Elle produit un contrat de location conclu à partir du 15 février 2018. Mais Madame [S] [D] ne verse aux débats aucune pièce établissant que ce bail n'a pas été exécuté alors que les premiers constats des infiltrations datent du 6 mars 2018 (pièces No 2 et 3 de l'appelante), soit moins d'un mois après la prise de possession du logement par les locataires à la lecture des pièces versées aux débats par l'appelante elle-même.

En conséquence, Madame [U] [R] [K] [T] doit être déboutée de cette prétention.

Relatif à son préjudice moral : L'appelante ne justifie d'aucun préjudice moral susceptible d'indemnisation. Sa demande sera rejetée.

Préjudices matériels : L'Expert a justement calculé le montant de la reprise des désordres à partir du devis fourni par l'appelante. Il a rectifié le montant de ce devis après avoir déduit une partie du prix de la fourniture du carrelage.

Madame [U] [R] [K] [T] sollicite l'allocation de la somme ainsi déterminée par l'expert.

Sa demande sera accueillie à hauteur de la somme de 27.928,45 euros TTC.

Sur les demandes formées à l'encontre de l'assureur de la société BPRC :

La société ELITE INSURANCE COMPANY LIMITED a attesté que la société BPRC était assurée par ses soins au titre de la responsabilité décennale obligatoire et de sa responsabilité civile professionnelle pour la période du 1er janvier 2017 au 30 juin 2017, couvrant ainsi la date de la déclaration d'ouverture de chantier.

En conséquence l'assureur sera condamné in solidum avec la société BPRC à payer les sommes dues à Madame [U] [R] [K] [T].

Sur les autres demandes :

La société ELITE INSURANCE COMPANY LIMITED, assureur de la société BPRC sera condamnée à garantir son assurée des sommes dues à Madame [U] [R] [K] [T] , dans la limite de son contrat d'assurance.

La société BPRC et son assureur supporteront les dépens et les frais irrépétibles de Madame [U] [R] [K] [T] de la première instance et de l'appel.

Cependant, les procès-verbaux de constat, ne relevant pas des dépens, ne seront pas compris dans ceux-ci, contrairement à ce que demande l'appelante.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, et en dernier ressort

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

DIT que les désordres No 5, 7, 8, 9, 11, 12, 13 et 14, décrits par l'Expert judiciaire, remettent en cause l'habitabilité de l'ouvrage compte tenu de leur amplitude ;

CONDAMNE la société BPRC à réparer les préjudices de Madame [U] [R] [K] [T] au titre de sa garantie de constructeur ;

DEBOUTE Madame [U] [R] [K] [T] de ses demandes d'indemnisation au titre d'un préjudice locatif et d'un préjudice moral et du désordre No 10 ;

CONDAMNE in solidum la société BPRC - BRAS PANON – RENOVATION - CONSTRUCTION et la société ELITE INSURANCE COMPANY LIMITED à verser à Madame [U] [R] EGATA-PATCHE - RAMAYE [T] la somme de 27.928,45 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice matériel ;

CONDAMNE in solidum la société BPRC - BRAS PANON – RENOVATION - CONSTRUCTION et la société ELITE INSURANCE COMPANY LIMITED à verser à Madame [U] [R] EGATA-PATCHE - RAMAYE [T] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel et en première instance ;

CONDAMNE in solidum la société BPRC - BRAS PANON – RENOVATION - CONSTRUCTION et la société ELITE INSURANCE COMPANY LIMITED aux dépens de l'appel et de la première instance, ne comprenant pas les frais des procès-verbaux de constat.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Madame Alexandra BOCQUILLON, faisant fonction e greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈREsignéLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 19/031261
Date de la décision : 26/11/2021
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.saint-denis-de-la-reunion;arret;2021-11-26;19.031261 ?
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