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26/11/2021 | FRANCE | N°19/031081

France | France, Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion, 05, 26 novembre 2021, 19/031081


ARRÊT No
MI

No RG 19/03108 - No Portalis DBWB-V-B7D-FJN2

S.N.C. BANQUE EDEL

C/

[G] EPOUSE [T]
[T]

COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS

ARRET DU 26 NOVEMBRE 2021

Chambre civile TI

Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL D'INSTANCE DE SAINT PIERRE en date du 28 OCTOBRE 2019 suivant déclaration d'appel en date du 12 DECEMBRE 2019 rg no 17/000704

APPELANTE :

SNC BANQUE EDEL
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentant : Me Georges-andré HOARAU de la SELARL GEORGES-ANDRE HOARAU ET ASSOCIES, avocat au barreau de SAINT-

PIERRE-DE-LA-REUNION

INTIMÉS :

Madame [Y] [G] épouse [T]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Ni comparante ni représentée

Monsieur [D] [...

ARRÊT No
MI

No RG 19/03108 - No Portalis DBWB-V-B7D-FJN2

S.N.C. BANQUE EDEL

C/

[G] EPOUSE [T]
[T]

COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS

ARRET DU 26 NOVEMBRE 2021

Chambre civile TI

Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL D'INSTANCE DE SAINT PIERRE en date du 28 OCTOBRE 2019 suivant déclaration d'appel en date du 12 DECEMBRE 2019 rg no 17/000704

APPELANTE :

SNC BANQUE EDEL
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentant : Me Georges-andré HOARAU de la SELARL GEORGES-ANDRE HOARAU ET ASSOCIES, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

INTIMÉS :

Madame [Y] [G] épouse [T]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Ni comparante ni représentée

Monsieur [D] [T]
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentant : Me Amel KHLIFI ETHEVE de la SELARL AMEL KHLIFI-ETHEVE ET ASSOCIES, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

CLOTURE : 11 Mars 2021

DÉBATS : en application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Septembre 2021 devant Mme Magali ISSAD, conseillère qui en a fait un rapport, assistée de Mme Nathalie TORSIELLO, Greffière, les parties ne s'y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué, à l'issue des débats, que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 26 Novembre 2021.

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Président :Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre
Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère
Conseiller : Mme Magali ISSAD, Conseillère
Qui en ont délibéré

Greffier : Mme Nathalie TORSIELLO

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 26 Novembre 2021.

* * *
LA COUR

Exposé du litige

Suivant acte sous seing privé en date du 24 juin 2011, la Banque EDEL a consenti à Monsieur [D] [T] en qualité d'emprunteur et à Madame [Y] [T] en qualité de co-emprunteur un crédit de rachat de prêts d'un montant de 64.500 € remboursable au taux de 7.39 %, selon 144 échéances, assurance comprise.

Par courriers en date des 1er mars et 19 mai 2017 la Banque EDEL a mis en demeure Monsieur et Madame [T] de procéder au règlement des échéances impayées.
Le 8 juin 2017, la Banque EDEL a adressé une lettre en recommandée aux consorts [T].

Par lettre recommandée en date du 22 juin 2017, la Banque EDEL a prononcé la déchéance du terme pour un montant total exigible de 45.593,91 € en principal, outre intérêts de retard, frais et accessoires.

Le 22 septembre 2017, la Banque EDEL a saisi le Tribunal d'Instance de SAINT PIERRE aux fins d'entendre condamner Monsieur et Madame [T], au paiement de la somme de 45.190,06 € augmentée des intérêts au taux 7.39 % à compter du 22 juin 2017 et ce jusqu'au parfait paiement sous déduction des éventuels versements intervenus, outre 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile .

Par jugement du 28 octobre 2019, le Tribunal d'instance de Saint-Pierre a :

- dit la SNC Banque EDEL non forclose en son action ;

- dit la SNC Banque EDEL déchue du droit aux intérêts ;

- condamné solidairement Monsieur [D] [T] et Madame [Y] [T], née [G], à payer à la SNC Banque EDEL la somme de 3.076,80 € arrêtée au 2 octobre 2018, en deniers ou quittance avec intérêts au taux légal non majoré à compter du prononcé de la présente décision ;

- autorisé les consorts [T] à se libérer de leur dette en 24 mensualités, la première mensualité devant être payée le 5 du mois suivant celui de la signification de la présente décision, ce qui commandera la date des suivantes ;

- dit qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité, l'intégralité de la somme redeviendra immédiatement exigible;

- débouté les parties de plus amples demandes ;

- condamné solidairement Monsieur [D] [T] et Madame [Y] [T], née [G], aux dépens arrêtés en l'état à la somme de 163,84 €.

Par déclaration au greffe du 12 décembre 2019, la SNC Banque EDEL a interjeté appel du jugement.

Le 10 janvier 2020, la Banque EDEL a fait signifier par acte d'huissier sa déclaration d'appel et ses conclusions en appel à Madame [T], à personnne, qui n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 mars 2021.

Dans ses conclusions notifiées par RPVA le 10 mars 2020, la Banque EDEL demande à la cour de :

-Rejeter toutes conclusions contraires comme injustes et en tous cas mal-fondées ;

-Réformer la décision en ce qu'elle a déchu la Banque EDEL du droit aux intérêts ;

-Débouter les consorts [T] de l'ensemble de leurs demandes ;

-Condamner solidairement Madame [Y] [T], née [G], et Monsieur [D] [T] à payer à la Banque EDEL la somme de 23.425,16 €, selon relevé de compte arrêté au 9 mars 2020, augmentée des intérêts au taux 7.39 % à compter du 22 juin 2017 et ce €jusqu'au parfait paiement ;

-Condamner solidairement Madame [Y] [T], née [G], et Monsieur [D] [T] à payer à la Banque EDEL la somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

-Condamner solidairement Madame [Y] [T], née [G], et Monsieur [D] [T] aux entiers dépens dont distraction.

Dans ses conclusions d'appel incident notifiées par RPVA le 04 février 2020, Monsieur [T] demande à la cour au visa des articles 1134 ancien alinéa 3 (1104) et 1147, 1343-5, 1152 ancien et 1343-1 du Code civil, des articles L. 132-1, L. 312-12, L. 312-16, L312.17, L. 313-1, L. 341-1, L. 341-2, R. 314-2, D. 312-7, D. 312-8 et L.311-11 et suivants du Code de la consommation et de l'article 700 du Code de procédure civile de :

A titre principal,
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal d'instance de Saint-Pierre le 28 octobre 2019 ;

- Débouter la Snc Banque EDEL de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire :
- Constatant l'absence de vérification de la solvabilité des emprunteurs ainsi que le taux d'endettement ;

- Prononcer la nullité du contrat de prêt ;

- Constatant que le contrat de prêt a été calculé sur l'année lombarde c'est-à-dire 360 jours (ou 30 jours par mois) alors que les dispositions légales imposent un calcul sur une année civile de 365 jours ;
- Constatant que le TAEG stipulé au contrat de prêt est erroné ;
- Dire que l'offre préalable de crédit est complètement erronée et en conséquence ;

- Dire que le taux légal sera appliqué dès la conclusion du contrat (et substitué au taux conventionnel) ,

- Constatant la bonne foi de l'emprunteur et que les seuls impayés ne sont que partiels et n'ont duré que quelques mois et qu'ils ne sont pas du propre fait de Monsieur [D] [T] mais d'un concours de circonstances tenant à la saisine directe d'une pension alimentaire et du manque d'information entre l'employeur de Monsieur [D] [T] et la Société en nom collectif Banque EDEL ;

- Constatant que Monsieur [D] [T] durant plusieurs mois s'est acquitté du montant de l'assurance pour lui et Madame [Y] [G] et même du montant du remboursement de sa part dans le contrat de prêt à hauteur de 360 € ;

- Constatant que les échéances de Monsieur [T] ont repris depuis le mois de février 2018 et encaissées par la Banque EDEL ;

- Dire que la clause de déchéance du terme ne peut trouver application et que les quelques impayés partiels auraient pu se solutionner par une procédure amiable auprès du service recouvrement de la Banque EDEL ;

- Débouter la SNC Banque EDEL de sa demande de condamnation aux intérêts contractuels liés à la déchéance du terme ;

- Constater les difficultés financières de Monsieur [D] [T] et sa bonne foi ;
- Ordonner le report de 24 mois du paiement de la somme de 37.959,76€ réclamée par la SNC Banque EDEL ;

- A défaut,
- Ordonner l'échelonnement du paiement de la somme de 37.959,76 € réclamée par la SNC Banque EDEL sur 24 mois ;

En tout état de cause ;
- Débouter la Société en nom collectif Banque EDEL de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ainsi que de toutes demandes plus amples ou contraires ;

- Condamner la Société en nom collectif Banque EDEL à payer à Monsieur [D] [T] la somme de 3.500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner la Société en nom collectif Banque EDEL aux entiers dépens.
***
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci dessus visées figurant au dossier de la procédure en application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la forclusion :

Selon les dispositions de l'article L.311-52 du Code de la consommation du code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi no 2010-737 du 1er juillet 2010 applicable à ce contrat souscrit en juin 2011, les actions en paiement à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur dans le cadre d'un crédit à la consommation, doivent être engagées devant le Tribunal d'instance dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est caractérisé premier incident de paiement non régularisé.

Il résulte des pièces produites aux débats que le premier incident de paiement non régularisé remonte au mois de juin 2017 et que l'action a été engagée le 22 septembre 2017.
Dés lors, il y a lieu de constater que le délai de forclusion a été valablement interrompu.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur la déchéance du terme :

L'article L311-24 du code de la consommation dispose : « En cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur pourra demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l'application des articles 1152 et 1231 du code civil, sera fixée suivant un barème déterminé par décret. ».

Il est admis qu'en application des articles 1134 et 1147 du code civil dans leur rédaction applicable au litige, avant de prononcer la déchéance du terme d'un contrat, le créancier doit permettre au débiteur de régulariser sa situation en lui adressant une mise en demeure de ce faire.

L'article 6-2 « Défaillance de l'emprunteur » de l'offre de contrat de crédit dispose : « En cas de défaillance de votre part dans les remboursements, ou de fausse déclaration sur votre situation financière déclarée lors de l'octroi du crédit, ou du non respect d'une clause quelconque des présentes ou du contrat de prêt , ou dans tous les cas où votre situation financière apparaîtrait compromise, le préteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant du majoré des intérêts échus mais non payés.
Jusqu'à la la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent des intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le préteur pourra vous demander une indemnité égale au plus à 8% du capital. Si le préteur n'exige pas le remboursement immédiat du capital restant dû, il pourra exiger, outre le paiement des échéances échues impayées, une indemnité égale à 8% desdites échéances. Cependant dans le cas, où il accepterait le report des échéances à venir, le taux de l'indemnité serait ramené 4% des échéances reportées.».

L'article XI a) "Solidarité et indivisibilité" stipule que « toutes les obligations du présent prêt à la charge de l'emprunteur ou du co-emprunteur engageront solidairement toutes les personnes désignées sous ce vocable , la créance de la banque EDEL étant indivisible pourra être réclamée à chacun des héritiers de tout débiteur (débiteur principal ou co-emprunteur) conformément au no3 de l'article 1221 du code civil. ».

La Banque EDEL soutient que son action trouve sa cause dans la défaillance des emprunteurs qui s'est manifestée par le premier impayé non régularisé le 1er juin 2017 qui l'a contrainte à prononcer la déchéance du terme dudit contrat le 22 juin 2017 avec exigibilité immédiate des sommes dues.

Monsieur [T] fait valoir qu'un l'établissement bancaire qui prononce la déchéance du terme doit être de bonne foi, et qu'en l'espèce, les incidents de paiement qui lui sont reprochés ne lui sont pas imputables mais ont pour origine une demande de saisie sur rémunération de pension alimentaire sur son salaire émanant de son ex-compagne et dont il n'a pas été tenu informé par son employeur qu'il n'avait pu procéder qu'à un paiement partiel du prêt dans la mesure où le montant de la pension alimentaire dépassait le maximum saisissable.

Il dit avoir tout ignoré de cette situation jusqu'à la mise en demeure de la Banque EDEL du 1er mars 2017.

En l'espèce, il est établi que les emprunteurs ont été défaillants dans le remboursement des échéances du prêt et que préalablement à la déchéance du terme dudit contrat le 22 juin 2017 , la Banque EDEL a vainement mis en demeure les emprunteurs de procéder à la régularisation des échéances impayées par courriers en date du 1er mars 2017 et du 19 mai 2017 .

En conséquence, le préteur est en fondé à exiger le remboursement immédiat du capital restant dû.
Sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels :

Le prêteur peut, en cas de défaillance de l'emprunteur dans le remboursement d'un crédit à la consommation exiger sur le fondement des articles L. 311-24 et D. 311-6 du code de la consommation le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés ; jusqu'à la date du règlement effectif et en outre une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance, sans préjudice de l'application des articles 1152 et 1231 du code civil.
Néanmoins l'article L. 311-48 €du code de la consommation prévoit que le prêteur qui n'a pas respecté les obligations fixées aux articles L. 311-6 ou L. 311-43, L. 311-10, L. 311-11, L. 311-12, L. 311-16, L. 311-18, L. 311-19, L. 311-29, L. 311-17 en son dernier alinéa , L. 311-43 et L. 311-46, encourt la déchéance du droit à intérêts.

Sur la remise d'un bordereau de rétractation :

Les époux [T] demandent à la cour de sanctionner le défaut de remise du bordereau de rétractation conformément aux dispositions de l'article 311-12 et suivants du code de la consommation et de la jurisprudence de la CJUE.

La Banque EDEL soutient que le bordereau de rétraction est parfaitement régulier et qu'il a été remis aux emprunteurs , ce qui a été reconnu par ces derniers .
Il expose que le prêteur n'est pas dans l'obligation de détenir un exemplaire et l'emprunteur qui a reconnu avoir reçu le sien se doit de rapporter la preuve contraire.

Il est rappelé qu'il est fait application des dispositions du code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi no 2010-737 du 1er juillet 2010 applicable à ce contrat souscrit en juin 2011.
L'article de l'article L.311-12 du code de la consommation dispose que pour permettre à l'emprunteur d'exercer sa faculté de rétractation après avoir accepté l'offre de crédit, un formulaire détachable est joint à son exemplaire du crédit.

Et selon l'article L.311-48 alinéa 1 du même code dans sa rédaction issue de la loi précitée, le prêteur qui accorde un crédit sans remettre à l'emprunteur un contrat satisfaisant aux conditions de l'article L.311-12 est déchu du droit aux intérêts.

Le formulaire de rétractation doit être conforme au modèle type de bordereau prévu par l'annexe de l'article R. 311-4 du même code.

Une clause standardisée ne peut permettre au détriment du consommateur d'inverser la charge de la preuve de la régularité de l'offre de contrat qui pèse sur le prêteur .

En effet, il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations pré-contractuelles, étant précisé que la signature par l'emprunteur de l'offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation constitue seulement un indice qu'il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.

En l'espèce, la Banque EDEL se contente de verser aux débats l'offre de prêt signée par les parties dans laquelle figure, en page 4, la clause pré imprimée suivante : « je reconnais rester en possession de la fiche d'information pré contractuelle et d'un exemplaire de cette offre doté d'un formulaire détachable de rétractation ».

Cet élément, non corroboré par d'autres, ne suffit pas à prouver que la Banque EDEL a satisfait à son obligation.
La déchéance du droit du prêteur aux intérêts est bien encourue.

En conséquence,la Banque EDEL sera déchue de son droit aux intérêts.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts.

Sur la vérification de la solvabilité des emprunteurs :

La Banque EDEL qui soutient ne pas avoir failli dans son obligation de vérifier la solvabilité des emprunteurs, rappelle que Monsieur [T] était propriétaire en donation d'un terrain qu'elle était en possession de l'avis d'imposition du couple et du bordereau de situation fiscale de Monsieur [T]. Enfin, elle soutient qu'il est faux d'affirmer que le taux d'endettement du couple était de l'ordre de 59%.

Le prêteur ou l'intermédiaire de crédit fournit à l'emprunteur les explications lui permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière, notamment à partir des informations contenues dans la fiche d'informations visée à l'article L. 311-6.
Il résulte des dispositions de l'article L311-9 du code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi no 2010-737 du 1er juillet 2010 applicable à ce contrat souscrit en juin 2011,que « Avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte le fichier prévu à l'article L. 333-4, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné à l'article L. 333-5. ».

L'article L311-10 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige, dispose qu' une fiche d'informations distincte de la fiche mentionnée à l'article L. 311-6 du même code est remise par le prêteur ou par l'intermédiaire de crédit à l'emprunteur. Cette fiche, établie par écrit ou sur un autre support durable, comporte notamment les éléments relatifs aux ressources et charges de l'emprunteur ainsi que, le cas échéant, aux prêts en cours contractés par ce dernier.

Il est rappelé que la fiche contribue à l'évaluation de sa solvabilité par le prêteur. Les informations figurant dans la fiche doivent faire l'objet d'une déclaration certifiant sur l'honneur leur exactitude. Si le montant du crédit accordé est supérieur à un seuil défini par décret, la fiche doit être corroborée par des pièces justificatives dont la liste est définie par décret. ».

Il s'évince des articles D 311-10-2 et D 311-10-3 du code de la consommation que le seuil du montant de crédit est de 3 000 € et que les justificatifs à fournir sont relatifs au domicile, à l'identité et aux revenus de l'emprunteur.

En l'espèce, il convient de faire observer que le 21 juin 2011 les consorts [T] ont contracté un crédit régi par les dispositions de l'article L 313-15 du code de la consommation dans sa version applicable à l'espèce d'un montant de 64 500 € et qui était destiné à regrouper des crédits antérieurs contractés par le couple dont le taux d'endettement était alors important.
Ce taux est de l'ordre de 43%. ou de 38,1% selon que l'on se réfère à la fiche de dialogue ou à la fiche de renseignements et que le préteur n'a pas manqué de prendre des garanties au travers de cessions de salaires consenties par chacun des époux à son profit le 21 juillet 2011.

L'évaluation de la solvabilité se fonde sur des informations relatives aux revenus de l'emprunteur, à son épargne et à ses actifs ainsi qu'aux dépenses régulières de l'emprunteur, à ses dettes et autres engagements financiers.

Il y a lieu de relever que la Banque EDEL mentionne dans ses écritures que Monsieur [T] est propriétaire en donation d'un terrain immobilier sans pour autant en justifier et qu'il existe distorsions entre les revenus mentionnés sur la fiche de dialogue du 06 juin 2011 et les informations manuscrites mentionnées sur la fiche de renseignements du 14 avril 2011.

En effet, le 14 avril 2011, les époux déclaraient un revenu mensuel net imposable de 1530 € pour Monsieur et de 1730 € pour Madame, des charges d'emprunt à hauteur de 1409, 83 € soit un taux d'endettement de 43,24 % tandis que la fiche de dialogue du 06 juin 2011 mentionnait un revenu mensuel net imposable de 1611 € pour Monsieur et de 2017,05 € pour Madame, des charges d'emprunt à hauteur de 1389,83 € soit un taux d'endettement de 38,31 %.

Il y a lieu de faire observer qu'il n'est mentionné aucune charge sur la fiche de dialogue alors même que si l'on se réfère à l'avis d'imposition le couple supportait un impôt sur le revenu de 932 € et déduisait comme charge déductible du revenu global une pension alimentaire de 1200 € .

En l'espèce, une liste des pièces à fournir dans le cadre d'une demande de regroupement de crédits figure en page 2 de la fiche de dialogue du 06 juin 2011.

Il y a lieu de relever que toutes les pièces censées avoir été fournies n'ont pas toutes étaient produites.

Si la Banque EDEL a été en mesure de communiquer les justificatifs des revenus ( bulletins de salaires du couple pour les mois de janvier, février et mars 2011-avis d'imposition de 2010 sur les revenus 2009- les relevés bancaires des deux comptes bancaires du couple ; interrogations FCC et FICP du 11 mai 2011- bordereau de situation fiscale pour Monsieur du 19 mai 2011), elle ne produit à l'exception des éléments relatifs aux crédits devant être rachetés, aucun élément se rapportant aux charges incompressibles supportées par le couple s'agissant de l'hébergement, des taxes y afférentes et autres charges.
Il sera fait observer que la saisie du montant de la pension alimentaire sur le salaire de Monsieur [T] est à l'origine du non paiement des échéances du prêt.

En l'espèce, il y a lieu de considérer que le prêteur n'a pas respecté les obligations fixées à l' article L. 311-9 du code de la consommation applicable en l'espèce.

L'article L311-48 du code de la consommation sanctionne le non respect des obligations fixées aux articles L. 311-8 et L. 311-9 par la déchéance du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

La déchéance totale ou partielle des intérêts, relève du pouvoir discrétionnaire du juge.

Or, en l'espèce, tenant les irrégularités invoquées et au vu des éléments produits aux débats, cette défaillance sera sanctionnée par une déchéance totale des intérêts conventionnels

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a prononcé la déchéance de la Banque EDEL du droit aux intérêts dans sa totalité .

Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur la portée de la déchéance du droit aux intérêts

L'article L.311-48 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, sanctionne par la déchéance du droit aux intérêts le prêteur qui n'a pas satisfait aux obligations des articles L.311-8 , L311-9, L311-12 précités.
En principe, la déchéance du droit aux intérêts ne prive pas le prêteur de son droit à percevoir les intérêts légaux à compter de la première mise en demeure en application de l'article 1153 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.

Néanmoins, il est jugé que l'application du taux légal, majoré de cinq points dans les deux mois suivant la signification de la décision par application de l'article L.313-3 du code monétaire et financier, peut être écartée s'il en résulte pour le prêteur la perception de montants équivalents ou proches de ceux qu'il aurait perçus si la déchéance du droit aux intérêts n'avait pas été prononcée.

Le montant des intérêts courus non échus du 31/05/ 2017 au 20/06/2017 figurant aux décompte du 09 mars 2020 s'élève à la somme de 164,74 euros aprés application d'un taux de 7,39 euros.

En l'espèce, le taux d'intérêt légal applicable à la date de mise en demeure du 1er mars 2017 est de 4,16% . La majoration de 5 points du taux à compter de la signification du présent arrêt porterait le taux appliqué à 9,16 %. Le taux fixe du prêt en litige étant de 7,39%, il convient de juger que la majoration prévue à l'article L.313-3 précité ne s'appliquera pas aux intérêts légaux sur le capital restant dû suite à la déchéance du terme du prêt.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur la créance

La Banque EDEL établit la réalité de sa créance par le contrat de prêt qu'elle verse aux débats, le tableau d'amortissement du prêt et la notification de la déchéance du terme du prêt à Monsieur et Madame [T] du 22 juin 2017.
Il résulte du tableau d'amortissement qu'à la date de la déchéance du prêt, Monsieur et Madame [T] s'étaient acquittés dans leur intégralité de 70 mensualités de 676,79 €, soit une somme de 59083,37 €, partiellement de 05 échéances pour un montant de 1690,13 € .

Ces derniers se sont en outre acquittés depuis le prononcé de la déchéance de la somme de 22 168,75 €.
En l'état des pièces communiquées, les consorts [T] se sont acquittés de la somme de 82942,25 €

En cas de déchéance totale du droit aux intérêts, l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital restant dû éventuellement diminué des versements déjà effectués.

Les intérêts perçus seront imputés sur le capital restant dû.

Le montant total du prêt, hors intérêts et hors assurance s'élève à : 64500 €.

Le coût de l'assurance s'élève pour Madame à 0,72% l'an à hauteur de 100% du montant total du crédit pour Madame et pour Monsieur 0,72% l'an à hauteur de 100% du montant total du crédit ;

Au jour où la cour statue, les consorts [T] se sont acquittés du capital, des assurances afférentes ainsi que des frais de gestion et des intérêts sur le capital restant dûs selon décompte du 09 mars 2020 suite à la déchéance du terme du prêt.

Il convient en conséquence de débouter la Banque EDEL de sa demande de condamnation solidaire des époux [T] ;

Sur l'indemnité de recouvrement des 8% :

Il convient de faire observer que la demande formulée par la Banque EDEL dans le corps de ses conclusions n'est pas reprise dans le dispositif des conclusions.
La cour n'a pas à statuer sur ce point puisqu'elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions, en application de l'article 954 du code de procédure civile.

Sur les autres demandes :

Il y a lieu de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

En appel, l'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de l'une ou l'autre des parties.
En outre, chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par décision réputée contradictoire en matière civile et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile ;

INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a condamné solidairement Monsieur [D] [T] et Madame [Y] [T], née [G], à payer à la Banque EDEL la somme de de 3.076,80 € arrêtée au 2 octobre 2018, en deniers ou quittance avec intérêts au taux légal non majoré à compter du prononcé de la décision et autorisé les consorts [T] à se libérer de leur dette en 24 mensualités ;

CONFIRME POUR LE SURPLUS ,

STATUANT A NOUVEAU ;

CONSTATE que la cour n'est pas saisie de la demande de la Banque EDEL d'indemnité de recouvrement de 8% ;

DIT que, eu égard à la déchéance du droit aux intérêts du prêt, Monsieur [D] [T] et Madame [Y] [T], née [G], se sont acquittés du capital, des assurances afférentes ainsi que des frais de gestion et des intérêts sur le capital restant dus selon décompte du 09 mars 2020, suite à la déchéance du terme du prêt ;

DÉBOUTE la SNC Banque EDEL de sa demande de condamnation solidaire de Monsieur [D] [T] et Madame [Y] [T], née [G], au paiement de la somme de 23.425,16 € et des intérêts au taux 7.39 % à compter du 22 juin 2017 jusqu'au parfait paiement ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de l'une ou l'autre des parties.

DIT que chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel ;

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Mme Nathalie TORSIELLO, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT

SIGNE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion
Formation : 05
Numéro d'arrêt : 19/031081
Date de la décision : 26/11/2021
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.saint-denis-de-la-reunion;arret;2021-11-26;19.031081 ?
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