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19/11/2021 | FRANCE | N°19/031151

France | France, Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion, 05, 19 novembre 2021, 19/031151


ARRÊT No
PB

No RG 19/03115 - No Portalis DBWB-V-B7D-FJOH

[J]

C/

[P]
[P]

COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS

ARRET DU 19 NOVEMBRE 2021

Chambre civile TI

Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL D'INSTANCE DE SAINT-PIERRE en date du 21 OCTOBRE 2019 suivant déclaration d'appel en date du 13 DECEMBRE 2019 rg no 11-18-955

APPELANTE :

Madame [C] [J]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentant : Me Amel KHLIFI ETHEVE de la SELARL AMEL KHLIFI-ETHEVE ET ASSOCIES, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

INTIM

ÉS :

Monsieur [N] [P]
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentant : Me Aurélie BIJOUX, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

Ma...

ARRÊT No
PB

No RG 19/03115 - No Portalis DBWB-V-B7D-FJOH

[J]

C/

[P]
[P]

COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS

ARRET DU 19 NOVEMBRE 2021

Chambre civile TI

Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL D'INSTANCE DE SAINT-PIERRE en date du 21 OCTOBRE 2019 suivant déclaration d'appel en date du 13 DECEMBRE 2019 rg no 11-18-955

APPELANTE :

Madame [C] [J]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentant : Me Amel KHLIFI ETHEVE de la SELARL AMEL KHLIFI-ETHEVE ET ASSOCIES, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

INTIMÉS :

Monsieur [N] [P]
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentant : Me Aurélie BIJOUX, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

Madame [B] [P] épouse [P]
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentant : Me Aurélie BIJOUX, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

CLOTURE : 11 Mars 2021

DÉBATS : en application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Septembre 2021 devant Monsieur Philippe BRICOGNE, Président de la Chambre d'Appel de Mamoudzou, délégué à la Cour d'Appel de Saint Denis de la Réunion par ordonnance de Monsieur Le Premier Président qui en a fait un rapport, assisté de Mme Nathalie TORSIELLO, Greffière, les parties ne s'y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué, à l'issue des débats, que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 19 Novembre 2021.

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Président :Monsieur Philippe BRICOGNE, Président de la Chambre d'Appel de Mamoudzou, délégué à la Cour d'Appel de Saint Denis de la Réunion par ordonnance de Monsieur Le Premier Président
ConseillerMonsieur Martin DELAGE, Président de chambre à la Chambre d'Appel de Mamoudzou, délégué à la Cour d'Appel de Saint Denis de la Réunion par ordonnance de Monsieur Le Premier Président
ConseillerMonsieur Cyril OZOUX, Président de chambre à la Chambre d'Appel de Mamoudzou, délégué à la Cour d'Appel de Saint Denis de la Réunion par ordonnance de Monsieur Le Premier Président

Qui en ont délibéré

Greffier Mme Nathalie TORSIELLO

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 19 Novembre 2021.

* * *
LA COUR

EXPOSÉ DU LITIGE

1. Par acte d'huissier du 20 novembre 2019, Madame [C] [J], propriétaire d'un immeuble sis [Adresse 2], a fait assigner ses voisins Monsieur [N] [P] et Madame [B] [P], ci-après désignés ensemble sous le vocable "les époux [N] [P]", demeurant au [Adresse 3], afin d'obtenir la réduction de la hauteur et l'élagage des bananiers situés sur la parcelle contiguë, sous astreinte de 100,00 € par jour de retard, outre 5.000,00 € de dommages et intérêts pour trouble de jouissance et 2.000,00 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

2. Par jugement du 21 octobre 2019, le tribunal a :

- rejeté les demandes présentées par Madame [C] [J],

- rejeté la demande de dommages et intérêts des époux [N] [P],

- condamné Madame [C] [J] à payer aux époux [N] [P] la somme de 600,00 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Madame [C] [J] aux dépens de l'instance,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

3. Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion du 13 décembre 2019, Madame [C] [J] a interjeté appel de cette décision.

* * * * *

4. Dans ses dernières conclusions régulièrement notifiées déposées au greffe via RPVA le 24 juin 2020, Madame [C] [J] demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté ses demandes, l'a condamnée à payer aux époux [N] [P] la somme de 600,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'a condamnée aux dépens de l'instance et a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- en conséquence, statuant à nouveau,

- condamner les époux [N] [P] à réduire la hauteur des bananiers situés sur la parcelle jouxtant la sienne selon les prévisions légales, à compter de la signification du jugement à intervenir, sous peine d'une astreinte de 100,00 € par jour passé ce délai,

- condamner les époux [N] [P] à procéder à l'élagage des bananiers situés sur la parcelle jouxtant la sienne à compter de la signification de l'arrêt, sous peine d'une astreinte de 100,00 € par jour passé ce délai,

- condamner les époux [N] [P] à déplacer les bananiers en fonction des distances légales, à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, sous peine d'une astreinte de 100,00 € par jour passé ce délai,

- condamner les époux [N] [P] à lui payer la somme de 5.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour trouble de jouissance,

- condamner les époux [N] [P] aux entiers dépens, en ce compris les frais d'huissier de justice à hauteur de 921,08 €,

- condamner les époux [N] [P] à lui payer une somme de 4.000,00 € au titre des frais de défense.

5. À l'appui de ses prétentions, Madame [C] [J] fait en effet valoir :

- que les bananiers entrent dans le champ d'application des dispositions de l'article 671 du code civil,

- que les bananiers des époux [N] [P] ont une hauteur de plus de deux mètres et sont plantés à moins de deux mètres de la clôture, gênant au bon fonctionnement du chauffe-eau solaire,

- que les époux [N] [P] ne rapportent pas la preuve d'un entretien régulier et effectif de leurs bananiers,

- que le trouble anormal du voisinage est constitué d'une perte d'ensoleillement anormale et d'une diminution voire d'une absence quasi-totale de productivité de son chauffe-eau,

- que les bananiers font menacer un risque d'effondrement, surtout en période cyclonique.

* * * * *

6. Dans leurs dernières conclusions régulièrement notifiées déposées au greffe via RPVA le 25 novembre 2020, les époux [N] [P] demandent à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- en conséquence,

- débouter Madame [C] [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner Madame [C] [J] à leur verser la somme de 4.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et de première instance, comprenant le procès verbal de constat du 21 août 2019 dressé par Maître [V] [Y],

- y ajoutant,

- condamner Madame [C] [J] à leur verser la somme de 2.000,00 € à titre de dommages et intérêts.

7. À l'appui de leurs prétentions, les époux [N] [P] font en effet valoir :

- que le bananier n'est pas un arbre, mais une plante herbacée,

- que leur parcelle se trouve surélevée par rapport à celle de Madame [C] [J] qui ne prouve pas la hauteur de 3 mètres qu'elle allègue,

- que, malgré leurs déplacements fréquents, les bananiers sont entretenus,

- que Madame [C] [J] ne rapporte pas la preuve du trouble anormal du voisinage allégué.

* * * * *

8. L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 mars 2021.

9. Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de taille et d'élagage des bananiers

10. L'article 671 du code civil dispose en son 1er alinéa qu' "il n'est permis d'avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine qu'à la distance prescrite par les règlements particuliers actuellement existants, ou par des usages constants et reconnus et, à défaut de règlements et usages, qu'à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d'un demi-mètre pour les autres plantations".

11. L'article 672 prévoit en son 1er alinéa que "le voisin peut exiger que les arbres, arbrisseaux et arbustes, plantés à une distance moindre que la distance légale, soient arrachés ou réduits à la hauteur déterminée dans l'article précédent, à moins qu'il n'y ait titre, destination du père de famille ou prescription trentenaire".

12. Ces dispositions trouvent également à s'appliquer pour les bananiers ou encore les bambous, qui ne constituent pourtant pas des arbres au sens scientifique du terme mais sont des plantes herbacées, compte tenu des nuisances équivalentes qu'elles peuvent induire en termes d'arborescence, d'ombrage et de prolifération.

13. En l'espèce, indépendamment du surplomb qu'offre le fonds des époux [N] [P] sur celui de Madame [C] [J], les photographies versées aux débats (pièce no 3 de l'appelante), dont l'authenticité n'a pas été contestée, sont suffisamment éloquentes pour faire la démonstration de la présence de bananiers d'une hauteur de plus de deux mètres et à une distance de moins de deux mètres de la clôture séparant les fonds.

14. Les photographies prises par les intimés eux-mêmes (pièces no 13 et 15) confirment cet état de fait. Il en est de même du procès-verbal de constat d'huissier établi le 21 août 2019 à la demande des époux [N] [P] qui indique un retrait des bananiers inférieur à deux mètres tout en se dispensant d'en mesurer la hauteur, les considérations sur la différence de dénivelé entre les deux fonds étant parfaitement inopérantes en la matière.

15. Par ailleurs, Madame [C] [J] a fait dresser un procès-verbal de constat d'huissier le 14 février 2020 évoquant la plantation des bananiers "au plus près du mur de clôture", dont les photographies ne laissent aucun doute sur leur hauteur largement supérieure aux deux mètres légaux. Ces plantations posent un problème de conformité auquel Madame [C] [J] est habile à remédier sans avoir même à se prévaloir d'un préjudice.

16. Faute de produire des pièces postérieures montrant une mise en conformité des plantations, il conviendra d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de faire droit à la demande de Madame [C] [J] en condamnant les époux [N] [P] à procéder à la taille et à l'élagage des bananiers de plus de deux mètres situés à une distance de moins de deux mètres de la clôture.

17. En revanche, il ne sera pas fait droit à la demande de Madame [C] [J] tendant au déplacement des bananiers en fonction des distances légales faute de rapporter la preuve d'un non-respect de la distance du demi-mètre (0,82 à 0,90 mètre dans le procès-verbal de constat d'huissier du 21 août 2019, aucune mesure dans le procès-verbal de constat d'huissier du 14 février 2020).

Sur les dommages et intérêts

18. Si le procès-verbal de constat d'huissier du 14 février 2020 mentionne que "l'ombre des feuilles des bananiers sur les panneaux solaires recouvre ceux-ci à environ 95%", il convient de relever qu'il a été établi tôt en matinée (8 heures 30) et qu'il n'est pas significatif d'une perte constante d'ensoleillement toute la journée.

19. Il est manifeste que l'action diligentée par Madame [C] [J] s'inscrit dans un contexte de mauvais voisinage. Faute de justifier d'un trouble anormal, c'est à bon droit que le premier juge l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts, ce chef du jugement étant confirmé.

Sur la demande reconventionnelle

20. Bien que la cour n'ignore pas le contexte de mauvais voisinage ayant pu conduire à la présente action, ainsi qu'il vient d'être dit, le sort donné au litige ne permet pas de considérer la procédure diligentée comme étant abusive, non plus que l'appel interjeté.

21. Il conviendra donc de débouter les époux [N] [P] de leur demande de dommages et intérêts.

Sur les dépens

22. Les époux [N] [P], partie perdante, seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d'appel.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

23. En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la partie condamnée aux dépens prend en charge les frais irrépétibles exposés par la partie adverse dans les proportions que le juge détermine.

24. En l'espèce, l'équité commande de ne pas faire application de ces dispositions.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté tant Madame [C] [J] que les époux [N] [P] de leurs demandes de dommages et intérêts,

Statuant à nouveau,

Condamne les époux [N] [P] à procéder à la taille et à l'élagage des bananiers de plus de deux mètres situés à une distance de moins de deux mètres de la clôture, dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt et, passé ce délai, sous astreinte de 50,00 € (cinquante euros) par jour de retard pendant une période de six mois, après quoi il pourra être de nouveau statué,

Déboute Madame [C] [J] de sa demande de déplacement des bananiers,

Y ajoutant,

Déboute les époux [N] [P] de leur demande reconventionnelle en dommages et intérêts,

Condamne in solidum les époux [N] [P] aux dépens de première instance et d'appel,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Philippe BRICOGNE, Président de chambre, et par Mme Nathalie TORSIELLO, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion
Formation : 05
Numéro d'arrêt : 19/031151
Date de la décision : 19/11/2021
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.saint-denis-de-la-reunion;arret;2021-11-19;19.031151 ?
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