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05/11/2021 | FRANCE | N°20/000091

France | France, Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion, 05, 05 novembre 2021, 20/000091


ARRÊT No
PC

R.G : No RG 20/00009 - No Portalis DBWB-V-B7E-FJ25

[W]

C/

[S]

[W]
[W]

COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS

ARRÊT DU 05 NOVEMBRE 2021

Chambre civile TI

Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL D'INSTANCE DE SAINT BENOIT en date du 23 DECEMBRE 2020 suivant déclaration d'appel en date du 04 JANVIER 2020 RG no 11-19-284

APPELANTE :

Madame [J] [W]
[Adresse 1]
[Localité 8]
Représentant : Me Georges-andré HOARAU de la SELARL GEORGES-ANDRE HOARAU ET ASSOCIES, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-

LA-REUNION

INTIMÉE :

Madame [V] [S] épouse [P]
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représentant : Me Sylvie MOUTOUCOMORAPOULE, avocat au barreau...

ARRÊT No
PC

R.G : No RG 20/00009 - No Portalis DBWB-V-B7E-FJ25

[W]

C/

[S]

[W]
[W]

COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS

ARRÊT DU 05 NOVEMBRE 2021

Chambre civile TI

Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL D'INSTANCE DE SAINT BENOIT en date du 23 DECEMBRE 2020 suivant déclaration d'appel en date du 04 JANVIER 2020 RG no 11-19-284

APPELANTE :

Madame [J] [W]
[Adresse 1]
[Localité 8]
Représentant : Me Georges-andré HOARAU de la SELARL GEORGES-ANDRE HOARAU ET ASSOCIES, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

INTIMÉE :

Madame [V] [S] épouse [P]
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représentant : Me Sylvie MOUTOUCOMORAPOULE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/000630 du 24/02/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 7])

PARTIES INTERVENANTES :

Monsieur [B] [W]
[Adresse 1]
[Localité 8]
intervenant forcé
Monsieur [M] [Y] [W]
[Adresse 3]
[Localité 8]
intervenant forcé

Madame [U] [S]
[Adresse 2]
[Localité 8],
Intervenant volontaire représentant : Me Sylvie MOUTOUCOMORAPOULE,avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
Madame [H] [S]
[Adresse 2]
[Localité 8],
Intervenant volontaire représentant : Me Sylvie MOUTOUCOMORAPOULE,avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
Monsieur [T] [S]
[Adresse 2]
[Localité 8],
Intervenant volontaire représentant : Me Sylvie MOUTOUCOMORAPOULE,avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

DATE DE CLÔTURE : 25 mars 2021

DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 Septembre 2021 devant Monsieur CHEVRIER Patrick, Président de chambre, qui en a fait un rapport, assisté de Mme Véronique FONTAINE, Greffier, les parties ne s'y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué, à l'issue des débats, que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 05 Novembre 2021.

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre
Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère
Conseiller : Mme Magali ISSAD, Conseillère

Qui en ont délibéré

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 05 Novembre 2021.

* * *

LA COUR :

Monsieur [A] [W] était propriétaire sur la commune de [Localité 8], lieudit [Adresse 6] d'un terrain cadastré [Cadastre 5]. Il a laissé pour recueillir sa succession trois enfants dont Madame [W] [J].

Madame [P] [V], née [S], se disant propriétaire de la parcelle voisine cadastrée [Cadastre 4], a saisi le tribunal d'instance aux fins d'obtenir la condamnation de Madame [J] [W] à abattre un arbre jacquier situé sur sa propriété qui gêne et retarde la construction d'un mur en limite de son terrain.

Par jugement réputé contradictoire en date du 23 décembre 2019, le tribunal d'instance de SAINT-BENOÎT a statué en ces termes :
Ordonne à Mme [W] [J] de faire abattre l'arbre (jacquier) situé sur sa parcelle [Cadastre 5] à proximité du mur de moellon séparant sa propriété de la parcelle [Cadastre 4], ceci dans un délai maximum d'un mois à partir de la signification du présent jugement,
Condamne Mme [W] [J] en cas de non-exécution de son obligation d'abattage de l'arbre (jacquier) dans un délai maximum d'un mois à compter de la signification du présent jugement, à payer à Mme [P] [V] née [S] une astreinte fixée provisoirement au montant de 50 euros par jour de retard pendant une durée de 30 jours,
Réserve la liquidation de l'astreinte au tribunal de proximité de Saint Benoît,
Condamne Mme [W] [J] à payer à Mme [P] [V], née [S], une indemnité de 347,20 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne Mme [W] [J] aux dépens de l'instance.

Madame [J] [W] a interjeté appel de cette décision par déclaration déposée par RPVA au greffe de la cour le 4 janvier 2020.

L'affaire a été renvoyé à la mise en état par ordonnance en date du 6 janvier 2020.

Madame [J] [W] a déposé ses premières conclusions d'appel par RPVA le 23 mars 2020.

Madame [V] [S], épouse [P], a déposé ses conclusions d'intimée par RPVA le 23 juin 2020.

Madame [P] a assigné en intervention forcée Monsieur [W] [M] [Y] et Monsieur [W] [B] par acte d'huissier délivré les 17 et 18 août 2020 en indiquant qu'elle ne savait pas que la parcelle occupée par l'intimée était encore la propriété de la succession de Monsieur [A] [W].

Puis, par conclusions déposées le 9 décembre 2020 par RPVA, Madame [U] [S], Madame [H] [S], Monsieur [T] [S] sont intervenus volontairement aux côtés de leur s?ur, en leur qualité d'héritiers de leur père, Feu [L] [S].

L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 mars 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions responsives et récapitulatives déposées le 9 septembre 2020, l'appelante demande à la cour de :
INFIRMER en toutes ses dispositions le jugement entrepris.
Y STATUANT A NOUVEAU,
En principal,
Constater le défaut de qualité et d'intérêt à agir de Mme [S] [V], épouse [P],
Constater l'absence des héritiers de M. [W] [A] dans la cause en première instance.
Déclarer irrecevable la mise en cause de ces derniers en cause d'appel
Débouter par conséquent Mme [S] [V] de l'ensemble de ses prétentions.
Subsidiairement
Dire n'y avoir lieu à la suppression totale du jacquier.
Donner acte à la concluante de ce qu'elle opte pour l'élagage du jacquier.
Dire qu'il n'y a point lieu d'assortir cette mesure d'une astreinte.
Débouter Mme [S] [V] de sa demande de dommages intérêts.
En tous les cas,
Condamner Mme [P] [V] au paiement de la somme de 5000 euros pour procédure abusive et vexatoire,
Condamner la même au paiement de la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Selon l'appelante, l'intimée n'a jamais justifié de sa qualité de propriétaire exclusive de la parcelle voisine qu'elle occupe et dont elle prétend qu'il s'agirait du numéro de voirie [Adresse 2]. Il résulte du plan de division de la propriété [S] (pièce 3 adverse) que le terrain de l'appelante cadastré [Cadastre 5] est en limite avec la portion devant revenir à [U] [S] et l'huissier Me [N] [M] [R] (cf. pièce 7 adverse) d'indiquer que " " je constate la présence du jacquier planté sur la parcelle [Cadastre 5]. Au vu du plan, le jacquier se situe sur la partie de la propriété attribuée à Mme [S] [U].?? Ainsi donc, Mme [P] Macie née [S] n'a aucune qualité ni aucun intérêt à agir, puisque sa propriété et par conséquent sa maison n'est nullement concernée par l'arbre, et elle ne peut agir pour le compte de sa s?ur [U]. Il est indiqué également que le terrain d'origine de [S] a fait l'objet à deux reprises d'une expropriation, de sorte qu'il existe un doute sur la propriété même de l'emplacement du terrain [S] concerné par l'arbre.
L'appelante fait aussi valoir que depuis le jugement de première instance, il n'y a aucune évolution du litige, et par conséquent une absence totale de révélation d'une circonstance de fait ou de droit née du jugement ou postérieure à celui-ci. Il appartenait donc à l'appelante d'appeler en la cause les héritiers de M. [W] [A] en première instance et bien avant le prononcé du jugement. Dès lors elle est mal fondée à faire cette régularisation en cause d'appel et pour la première fois. L'assignation en intervention forcée délivrée le 17/08/2020 sera donc déclarée irrecevable.

Au fond, l'appelante affirme que, celle-ci n'étant pas propriétaire exclusif de la parcelle qu'elle occupe au [Adresse 1], les autres indivisaires n'étant pas dans la cause en première instance, c'est donc à tort qu'il a été fait droit à la demande de l'intimée par les premiers juges.
Contrairement à ce qui est soutenu, il appartenait à l'intimée de rechercher le véritable propriétaire des lieux avant d'engager son action pour sa recevabilité et elle ne peut ignorer que le terrain appartenait à M. [W] [A] puisque le plan de division et le bornage fait état de sa signature (pièce 3 adverse).

Enfin, invoquant les dispositions de l'article 672 du code civil, Madame [W] plaide que le titulaire de l'option entre arrachage et élagage revient uniquement au propriétaire du fonds sur lequel est planté l'arbre litigieux (civ.3, 16 mai 2000). Il n'appartenait donc pas au premier juge de se substituer aux héritiers de M. [W] pour ordonner à l'appelante d'abattre l'arbre, en l'absence de l'ensemble des indivisaires dans la cause, y compris les indivisaires de la parcelle [Cadastre 4]. Enfin l'arbre datant de plus de 30 ans, il ne peut être abattu. La concluante opte donc subsidiairement pour son élagage et cette mesure ne sera assortie d'aucune astreinte, en l'absence de péril immédiat et en raison du fait que cette situation existe depuis plusieurs années sans contestation de la part de l'intimée.

Enfin, Mme [S] [V] ne peut prétendre à des dommages intérêts pour elle seule alors que d'une part elle n'est pas concernée par cet arbre, et d'autre part son terrain est en indivision.

L'appelante considère que Mme [S] a engagé cette action avec légèreté, en omettant d'une part d'adresser sa demande aux véritables propriétaires de la parcelle [Cadastre 5], et d'autre part d'agir pour son compte personnel alors qu'elle justifie ne pas être concernée par l'arbre. Ceci justifie la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire.

Par conclusions déposées par RPVA le 9 décembre 2020, Madame [P] et les intervenants volontaires demandent à la cour de :
DONNER ACTE à Mesdames [S] [U], [H], et Monsieur [T] [S] en leur qualité d'héritiers de [L] [S], leur père de ce qu'ils interviennent volontairement aux cotés de leur s?ur [V] [S] dans le cadre de cette procédure d'appel et font siennes des arguments et demandes développés par celles-ci.
JUGER Madame [J] [W] irrecevable et mal fondée en son appel,
En conséquence,
CONSTATER que Madame [V] [S], épouse [P], a bien la qualité et intérêt pour agir,
CONFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
DEBOUTER l'appelante de l'ensemble de ses demandes,
CONDAMNER Madame [J] [W] aux entiers dépens.

Selon les concluants, Madame [S], épouse [P], a justifié de sa qualité de cohéritière de Monsieur [L] [S] et propriétaire de la parcelle [Cadastre 4] à la suite de la donation par son père en date du 3 août 1977. Une division de parcelle [Cadastre 4] a été entreprise entre les cohéritiers [S]. Ce plan de division a été réalisé en 2001 entre les héritiers, mais l'acte de partage n'a pas encore été établi par le notaire, en sorte que la parcelle [Cadastre 4] est toujours en indivision entre les héritiers [S]. Dès lors, Madame [V] [S], en sa qualité de co-indivisaire peut agir seule en justice pour le compte de l'indivision et ainsi effectuer seule les actes conservatoires et d'administration relatifs aux biens indivis, au su des autres et sans opposition de leur part, en vertu de l'article 815-2 du code civil. Pour enlever toute ambiguïté, les autres indivisaires de la parcelle [Cadastre 4] ont entendu intervenir aux cotés de l'intimée en cause d'appel.

L'intimée plaide que le tribunal a justement retenu que le [E], sur la parcelle [Cadastre 5], est situé à moins de 2 mètres de la limite de propriété avec la parcelle [Cadastre 4] et il s'élève à plus de 2 mètres de hauteur. Il a été constaté que cet arbre risque de compromettre par sa présence la solidité d'un mur de séparation que Madame [S] épouse [P] veut reconstruire sur la parcelle et que les branches de cet arbre surplombent sa propriété.

Dès lors, il ne peut être contesté que le [E] implanté à moins de 2 mètres de la limite séparative empiète et gène les propriétaires de la parcelle [Cadastre 4] dans la construction de leur mur. Si Madame [J] [W] était présente en première instance, elle aurait pu se prononcer sur l'abattage de cet arbre litigieux. Madame [W] [J] soutient à tort que l'arbre litigieux ne peut être abattu puisqu'il date de plus de trente ans. Ce qui est faux, puisque depuis, les consorts [S] ont construit sur cette parcelle et que l'arbre constitue un risque pour la sécurité et la solidité des constructions réalisées, tant la maison et le mur.

Il convient de rappeler que le jacquier peut à tout moment, se briser sous la force du vent, d'un cyclone et que les fruits peuvent aussi tomber sur un enfant, en particulier, puisque les héritiers [W] ne font pas l'élagage régulier de l'arbre qui a atteint plusieurs mètres depuis. Aucune pièce versée aux débats par l'appelante ne démontre une quelconque volonté d'élaguer ledit jacquier. La condamnation assortie d'une astreinte s'impose au vu du comportement de Madame [W].
***

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure en application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la qualité à agir de l'intimée, demanderesse en première instance :

Aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

L'article 32 du même code prescrit qu'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.

En l'espèce, le litige porte sur l'implantation régulière ou non d'un arbre [E] situé sur la parcelle [Cadastre 5], de plus de quatre mètres de haut dont les branches s'étendent sur la parcelle [Cadastre 4] alors que le tronc est situé en partie sur le muret en moellons séparant les deux parcelles (PV de constat d'huissier dressé le 16 septembre 2019 - Pièce No 7 de l'intimée).

La fin de non-recevoir soulevée par l'appelante fait grief à Madame [V] [S], épouse [P], de ne pas être la seule propriétaire de la parcelle [Cadastre 4] subissant les désagréments causés par l'implantation de ce jacquier.

Or, Madame [V] [S], épouse [P], puis ses cohéritiers, soutiennent que le partage de la parcelle n'a pas encore été réalisé, si bien qu'ils sont encore propriétaires indivis de la parcelle en vertu de la donation régularisée par acte authentique dressé le 3 août 1977 (pièce No 1 de l'intimée) aux termes de laquelle Monsieur [L] [S] a donné à ses quatre enfants ladite parcelle.

La jurisprudence considère que tout indivisaire peut passer seul les actes matériels et juridiques ayant pour objet de soustraire le bien indivis à un péril quelconque dès lors qu'il ne compromet pas sérieusement les droits des autres indivisaires (civ 1ère 04 juillet 2012 no 10-21.967).

En l'espèce, l'action engagée vise l'arrachage ou l'élagage d'un arbre dont l'implantation est litigieuse. Elle entre dans la catégorie des actes conservatoires que tout indivisaire peut accomplir seul, sans avoir à justifier d'un péril imminent.

Ainsi, Madame [V] [S], épouse [P], pouvait agir en qualité de propriétaire indivise de la parcelle [Cadastre 4], en vertu du premier alinéa de l'article 815-2 du code civil prévoyant que tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis même si elles ne présentent pas un caractère d'urgence.

Sur l'intervention volontaire des autres indivisaires de la parcelles [Cadastre 4] :

Aux termes de l'article 554 du code de procédure civile, peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.

Même si leur intervention n'est pas indispensable pour la régularité de la procédure, il est certain que les co indivisaires de la parcelle [Cadastre 4] ont un intérêt à intervenir au soutien de l'action de Madame [V] [S], épouse [P], pour confirmer qu'elle agit dans l'intérêt commun.

Sur l'intervention forcée de Messieurs [W] [M] [Y] et [B] :

Selon les prescriptions de l'article 555 du code de procédure civile, peuvent être appelées devant la cour, même aux fins de condamnation, certaines personnes, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause.

Une telle évolution du litige, impliquant la mise en cause d'un tiers devant la cour d'appel, n'est caractérisée que par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit née du jugement ou postérieurement à celui-ci et modifiant les données juridiques du litige (Cass. ch. Mixte 9 novembre 2007, pourvoi no 06-19.508).

Aux termes d'un acte du 17 août 2020, Mme [S] a appelé pour la première fois Messieurs [W] [M] [Y] et [B] en intervention forcée devant la cour d'appel.

Elle explique qu'elle ignorait que la parcelle [Cadastre 5] était toujours la propriété de la succession de Monsieur [A] [W].

Madame [W] affirme qu'en l'absence d'évolution du litige depuis le jugement de première instance, il appartenait à Madame [P] d'appeler en la cause les héritiers de M. [W] [A] en première instance et ce bien avant le prononcé du jugement.

Il est incontestable que les co indivisaires de la parcelle [Cadastre 5] n'ont pas été appelés à la cause devant le premier juge alors que leur qualité de propriétaires indivis n'est pas contestée.

Ainsi, en l'absence d'évolution du litige depuis le jugement entrepris, l'intervention forcée en cause d'appel de Messieurs [W] [M] [Y] et [B] doit être déclarée irrecevable.

Sur la recevabilité de l'action :

Madame [W] plaide que l'action fondée sur l'article 671 du code civil ne peut pas prospérer contre une personne occupante, qui n'est pas le propriétaire exclusif du fonds sur lequel serait planté l'arbre litigieux.

Mais en l'espèce, l'action a bien été dirigée contre l'appelante, propriétaire indivise de la parcelle [Cadastre 5] et non occupante à un autre titre, la jurisprudence invoquée par l'appelante ne concernant que l'occupation d'un fonds par un locataire (civ.3o, 5 févr. 2014 no12-28701 P ).

Ainsi, même si tous les indivisaires n'ont pas été appelés dans la cause en première instance, il convient de relever que l'action prévue par l'article 671 du code civil compte parmi les actions relevant des servitudes ou services fonciers, s'agissant d'une action réelle attachée aux fonds et non aux indivisaires.

L'action dirigée contre un seul des indivisaires reste donc recevable, même si celle-ci est inopposable aux autres indivisaires en application de l'article 815-2 du code civil.

Au fond :

Aux termes des dispositions de l'article 671 du code civil, il n'est permis d'avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine qu'à la distance prescrite par les règlements particuliers actuellement existants, ou par des usages constants et reconnus, et à défaut de règlements et usages, qu'à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d'un demi-mètre pour les autres plantations.

Le voisin peut, conformément aux dispositions de l'article 672 du code civil, exiger que ces arbres plantés à une distance moindre que la distance légale, soient arrachés ou réduits à la hauteur déterminée dans l'article précédent, à moins qu'il n'y ait titre, destination du père de famille ou prescription trentenaire.

Enfin, celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin, peut contraindre celui-ci à les couper en vertu de l'article 673 du code civil.

Mme [P] verse aux débats un procès-verbal de constat d'huissier de justice dressé le 16 septembre 2019 (pièce No 7 de l'intimée). Il y est clairement aperçu la présence d'un jacquier dont le tronc est situé en partie sur le muret en moellon séparant les deux parcelles [Cadastre 4] appartenant désormais aux enfants de Monsieur [L] [S] et implanté sur la parcelle [Cadastre 5] appartenant à l'indivision [W].

Ce constat précise que l'arbre mesure plus de 4 mètre de haut, que les branches s'étendent sur la parcelle [Cadastre 4] et empiètent sur cette dernière.

Les photographies qui y sont annexées confirment le fait qu'il existe bien un jacquier, planté sur la parcelle [Cadastre 5], situé à moins de deux mètres de la limite de propriété avec la parcelle [Cadastre 4] et qui s'élève à plus de deux mètres de hauteur.

L'action de Madame [P] est dès lors bien fondée.

Sur la demande d'abattage de l'arbre :

Madame [W] affirme qu'elle dispose de l'option entre abattage et élagage du jacquier en vertu des dispositions de l'article 672 du code civil.

Cependant, le propriétaire d'un héritage peut avoir des arbres à la distance de moins de deux mètres de l'héritage voisin à la double condition qu'ils soient plantés à un demi-mètre au moins de cet héritage et qu'ils soient tenus à la hauteur de deux mètres au plus. En cas de contravention, le propriétaire voisin peut exiger que les arbres ainsi plantés soient arrachés ou réduits à la hauteur de deux mètres et l'option appartient en ce cas au propriétaire des arbres.
Or, en l'espèce, l'arbre litigieux est planté à moins de 50 centimètres de la ligne divisoire des parcelles [Cadastre 4] et [Cadastre 5].
Il résulte de ce fait que Madame [W] ne dispose pas de l'option qu'elle invoque.

Madame [P] est donc bien fondée à réclamer l'arrachage de cet arbre alors que l'appelante allègue la prescription trentenaire sans rapporter la preuve que le jacquier est implanté depuis plus de trente ans tandis que le propriétaire du fonds subissant l'implantation irrégulière d'un arbre n'a pas à démontrer l'existence d'un grief pour obtenir gain de cause.

Le jugement doit être confirmé.

Sur les autres demandes :

Madame [W] doit être déboutée de ses demandes accessoires en dommages et intérêts

Partie succombant, elle supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,

DECLARE IRRECEVABLE l'intervention forcée de Monsieur [W] [M] [Y] et de Monsieur [W] [B] ;

DECLARE RECEVABLE l'action de Madame [V] [S], épouse [P],

DECLARE RECEVABLE l'intervention volontaire de Madame [U] [S], Madame [H] [S] et Monsieur [T] [S] ;

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

CONDAMNE Madame [J] [W] aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Mme Véronique FONTAINE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion
Formation : 05
Numéro d'arrêt : 20/000091
Date de la décision : 05/11/2021
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.saint-denis-de-la-reunion;arret;2021-11-05;20.000091 ?
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