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05/11/2021 | FRANCE | N°19/017661

France | France, Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion, 04, 05 novembre 2021, 19/017661


ARRÊT No
PC

R.G : No RG 19/01766 - No Portalis DBWB-V-B7D-FGUN

S.A. D HANTSCH
E.U.R.L. VOCATOUR

C/

S.A. PRUDENCE CREOLE
S.A.R.L. LES REMORQUES [D]
S.A.R.L. RMS
[X]
E.U.R.L. TRANS'M
S.A.R.L. REUNION MATERIELS SERVICES - RMS

COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS

ARRÊT DU 05 NOVEMBRE 2021

Chambre civile TGI

Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SAINT-DENIS (LA REUNION) en date du 01 FEVRIER 2017 suivant déclaration d'appel en date du 26 AVRIL 2019 RG no 14/03420

APPELANTES :

S.A. D H

ANTSCH
[Adresse 15]
[Localité 8]
Représentant : Me Mathieu GIRARD de la SELARL HOARAU-GIRARD, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA...

ARRÊT No
PC

R.G : No RG 19/01766 - No Portalis DBWB-V-B7D-FGUN

S.A. D HANTSCH
E.U.R.L. VOCATOUR

C/

S.A. PRUDENCE CREOLE
S.A.R.L. LES REMORQUES [D]
S.A.R.L. RMS
[X]
E.U.R.L. TRANS'M
S.A.R.L. REUNION MATERIELS SERVICES - RMS

COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS

ARRÊT DU 05 NOVEMBRE 2021

Chambre civile TGI

Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SAINT-DENIS (LA REUNION) en date du 01 FEVRIER 2017 suivant déclaration d'appel en date du 26 AVRIL 2019 RG no 14/03420

APPELANTES :

S.A. D HANTSCH
[Adresse 15]
[Localité 8]
Représentant : Me Mathieu GIRARD de la SELARL HOARAU-GIRARD, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

E.U.R.L. VOCATOUR
[Adresse 1]
[Localité 13])
Représentant : Me Gautier THIERRY, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMÉS :

S.A. PRUDENCE CREOLE
[Adresse 6]
[Localité 10]
Représentant : Me François AVRIL, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

S.A.R.L. LES REMORQUES [D]
[Adresse 3]
[Localité 9]
Représentant : Me Philippe BARRE de la SELARL PHILIPPE BARRE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

S.A.R.L. RMS
[Adresse 4]
97410 LE PORT
Représentant : Me Philippe BARRE de la SELARL PHILIPPE BARRE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Monsieur [I] [X]
[Adresse 7]
[Localité 11])

E.U.R.L. TRANS'M
[Adresse 5]
[Localité 12])

S.A.R.L. REUNION MATERIELS SERVICES - RMS
[Adresse 2]
[Localité 13])
Représentant : Me Philippe BARRE de la SELARL PHILIPPE BARRE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

DATE DE CLÔTURE : 11 mars 2021

DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 Septembre 2021 devant Monsieur CHEVRIER Patrick, Président de chambre, qui en a fait un rapport, assisté de Mme Véronique FONTAINE, Greffier, les parties ne s'y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué, à l'issue des débats, que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 05 Novembre 2021.

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre
Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère
Conseiller : Mme Magali ISSAD, Conseillère

Qui en ont délibéré

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 05 Novembre 2021.

* * *

LA COUR :

La société VOCATOUR a acheté le 19 décembre 2006 auprès de la société HANTSCH un broyeur de déchets végétaux de marque KOMPTECH de type Crambo 6000 moyennant le prix de 391 000,00 euros. En 2010 la société VOCATOUR a également acheté à la société HANTSCH une remorque routière de marque [D] destinée exclusivement au transport du broyeur moyennant le prix de 34 000,00 euros suivant facture du 8 juillet 2010.

Le 22 février 2011 au cours d'un transport du broyeur effectué avec la remorque de marque [D], confié à la société TRANS'M, le chauffeur étant M. [X], la remorque s'est renversée causant d'importants dommages au broyeur. Une réparation provisoire du broyeur a été effectuée par la société RMS. Plusieurs pannes mécaniques étant postérieurement apparues sur le broyeur aux mois de juin 2011, janvier 2012 et juin 2013, le juge des référés du tribunal de grande instance de Saint Denis saisi par la société VOCATOUR a ordonné une expertise au contradictoire de la société TRANS M, M. [I] [X] et la société RMS, les opérations d'expertise étant par la suite étendues aux sociétés HANTSCH et Remorques [D].
L'expert judiciaire a clôturé son rapport le 26 juillet 2013.

Puis, par acte des 25, 28 août et 19 septembre 2014 la société VOCATOUR a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Saint Denis, la société TRANS'M, et son assureur la société prudence créole M. [X], les sociétés RMS, remarques [D], D. HANTSCH afin d'obtenir la réparation des préjudices subis et la résolution de la vente de la remorque pour défaut de conformité.

Par jugement du 1er février 2017 le tribunal a :
- déclaré prescrite l'action engagée à l'encontre de M. [X] et la société TRAS'M et l'action indemnitaire résultant du vice caché affectant les cloches des rotors du broyeur ;
- prononcé la résolution de la vente de la remorque pour défaut de conformité ;
- donné acte à la société VOCATOUR de ce qu'elle tient à la disposition de la société D. HANTSCH ladite remorque pour restitution ;
- condamné la société D. HANTSCH à payer à la société VOCATOUR la somme de 43 700,66 € avec intérêt légal à compter de l'assignation ;
- condamné la société D. HANTSCH à payer à la société VOCATOUR la somme de 5000,00 € à titre de dommages et intérêts ;
- débouté du surplus des demandes ;
- ordonné l'exécution provisoire ;
- condamné la société D. HANTSCH à payer à la société VOCATOUR la somme de 3000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion du 27 mars 2017 la société VOCATOUR a relevé appel de ce jugement la procédure étant enrôlée sous le no 17/516.
Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion du 10 avril 2017, la société D HANTSCH a relevé appel de ce jugement la procédure étant enrôlée sous le no 17/626.
Le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la jonction des deux procédures suivant ordonnance du 12 octobre 2017.

Par arrêt en date du 26 avril 2019, la cour de céans a statué en ces termes:
ORDONNE la disjonction de l'instance enrôlée sous le no 17/516 en deux instances distinctes;
DIT que la demande opposant la société VOCATOUR à la société D'HANTSCH, la société TRANS'M, M. [X], la société RMS, la société Remorques [D] et la compagnie Prudence créole relative à l'accident et à ses conséquences ainsi qu'au défaut de conformité de la remorque sera continuée sous le no 17/516 ;
CONSTATE que l'ensemble des pièces et le jugement entrepris n'ont pas été officiellement communiqués au conseil de la Compagnie Prudence créole qui n'a pas conclu au fond ;
ORDONNE la communication par chaque partie des pièces produites devant la cour au conseil de la compagnie Prudence créole ;
RENVOIE l'affaire à l'audience de mise en état du 13 juin 2019 à 14 heures 00;
Sur la demande indemnitaire formée par la société VOCATOUR à l'encontre de la société D'HANTSCH à hauteur de 97 523,78 € ayant pour fondement le vice de conception des deux cloches du rotor du broyeur CRAMBO 6000 :
INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré prescrite l'action indemnitaire résultant du vice caché affectant les cloches des rotors du broyeur et condamné la société D'HANTSCH à verser à la société VOCATOUR une somme de 3000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
DECLARE recevable l'action indemnitaire entreprise par la société VOCATOUR;
DIT que la preuve de l'existence d'un défaut de conception n'est pas établie ;
DEBOUTE la société VOCATOUR de sa demande en paiement d'une somme de 97 523,78 € ;
CONDAMNE la société VOCATOUR aux dépens de première instance et d'appel à l'égard de la société D HANTSCH ;
CONDAMNE la société VOCATOUR à verser à la société D'HANTSCH une somme de 2000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

Par arrêt du 27 septembre 2019, la cour, se saisissant d'office, a rectifié les références du dossier devant être poursuivi sous le numéro RG 19/1766 au lieu de RG 17/516.

L'affaire portant exclusivement sur l'accident et ses conséquences, ainsi qu'au défaut de conformité de la remorque, s'est poursuivie à la mise en état sous le no 19/1766.

La clôture est intervenue le 11 mars 2021.

Par conclusions récapitulatives No 2, déposées par RPVA le 22 septembre 2020, la société D. HANTSCH SA demande à la cour de :
Sur appel principal de l'EURLVOCATOUR ;
CONFIRMER le Jugement entrepris en ce qu'il a déclaré prescrite l'action indemnitaire au titre de la prescription de droit commun et rejeté les demandes d'indemnités.
CONFIRMER le Jugement entrepris en ce qu'il a déclaré prescrite l'action indemnitaire au titre de la prescription de droit commun et rejeté les demandes d'indemnités.
A toutes fins,
INFIRMER le Jugement en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente de la remorque pour défaut de conformité, condamné la société HANTSCH à rembourser le prix, à verser des dommages et intérêts, l'indemnité de l'article 700 du CPC et les dépens, et l'a débouté de son appel en garantie.
DEBOUTER VOCATOUR de ses fins et conclusions tendant à la résolution de la vente de la remorque pour défaut de conformité.
Sur Appel Incident et Provoqué, _ (RG 17/626), et Appel Principal de HANTSCH,
INFIRMER le Jugement pour le surplus en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente de la remorque pour défaut de conformité, condamné la société HANTSCH à rembourser le prix, à verser des dommages et intérêts, l'indemnité de l'article 700 du CPC et les dépens, et l'a débouté de son appel en garantie.
DEBOUTER VOCATOUR de ses fins et conclusions tendant à la résolution de la vente de la remorque pour défaut de conformité.
Vu l'article 564 du CPC,
Vu la demande nouvelle dirigée contre HANTSCH au titre des conséquences de l'accident,
DECLARER VOCATOUR IRRECEVABLE en ses fins et conclusions tendant à la condamnation in solidum de la société HANTSCH à l'indemnisation découlant de l'accident de la circulation.
SUBSIDIAIREMENT,
DECLARER l'action en responsabilité au titre de l'accident de la circulation prescrite.
A toutes fins,
DIRE ET JUGER que HANTSCH n'a aucune responsabilité dans l'accident de la circulation.
DEBOUTER VOCATOUR de ses fins et conclusions tendant à sa condamnation in solidum au titre de l'accident de la circulation.
Statuant à nouveau,
DEBOUTER la société VOCATOUR de ses fins et conclusions tendant à la résolution judiciaire de la vente de la remorque.
Subsidiairement,
CONDAMNER la société [D] à garantir HANTSCH de toute condamnation tant en principal, frais et intérêts, indemnités pouvant être mis à sa charge au titre de la résolution de la vente de la remorque.
CONDAMNER la société VOCATOUR au paiement d'une indemnité de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC.
LA CONDAMNER aux entiers frais et dépens des deux instances.

Pour contester la demande de résolution de la vente de la remorque, la société D. HANTSCH plaide qu'elle n'est intervenue à aucun stade des opérations ayant abouti à l'accident. Elle se déclare étrangère à la question de l'homologation de la remorque car c'est la société REMORQUES [D], fabricant-concepteur, qui a procédé à son homologation, laquelle est responsable aussi de la conception et de la fabrication de la remorque. Par ailleurs, la société RMS a monté le broyeur sur le châssis de la remorque, ce qui, d'après l'Expert judiciaire, ne permettait pas dans cette configuration au véhicule de circuler. Selon l'appelante incident, l'Expert judiciaire, que le tribunal a suivi pour convenir de la non-conformité de la remorque, a relevé que le poids total en charge prévu était de 26 tonnes, alors qu'elle présentait plus de 27 tonnes, de sorte que l'Expert estime que l'homologation n'était pas conforme, et notamment que le véhicule aurait dû faire l'objet d'une réception spécifique. La société D. HANTSCH conteste les conclusions de l'expert en ce qu'il a retenu que la remorque de 26 tonnes bénéficie d'un dispositif barré rouge conforme sur la carte grise alors qu'aucune homologation spécifique n'est rendue nécessaire par cette mention. Elle conclut qu'elle ne saurait être tenue d'un grief afférent à une éventuelle non-conformité relative à l'homologation de la remorque dont elle n'était pas en charge.

La société HANTSCH soutient qu'elle ne peut se voir reprocher un manquement à son obligation de délivrance d'un véhicule conforme aux spécifications contractuelles dont il est acquis qu'elles ont été dûment respectées. Il est aussi important de noter contrairement à ses affirmations, VOCATOUR est un professionnel disposant d'une compétence propre à l'utilisation de ce type d'ensemble dans le cadre de son activité. Dans ce contexte, la demande de résolution pour non-conformité est sans emport.
Appelant en garantie le fabricant, la société D. HANTSCH prétend que l'homologation, la remise du certificat de pesée et la partie administrative ont été entièrement assurées par le fabricant qui n'ignorait pas la destination de la remorque. Si par impossible une non-conformité devait être retenue, la société HANTSCH, qui ne prête nullement le flanc à une responsabilité est fondée à être garantie par le fabricant pour le cas où la cour confirmerait la résolution de la vente.

Par conclusions récapitulatives No 2, déposées par RPVA le 18 septembre 2020, l'EURL VOCATOUR demande à la cour de :
- CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de SAINT DENIS le 1er février 2017 en ce qu'il a :
o Prononcé la résolution de la vente par la société D. HANTSCH de la remorque construite par la société REMORQUES [D] le 8 juillet 2010;
o Condamné la société D. HANTSCH à verser à la société VOCATOUR une somme d'un montant de 43.700,66 € avec intérêt au taux légal à compter de l'assignation ;
- INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de SAINT DENIS le 1er février 2017 en ce qu'il a condamné la société D. HANTSCH à verser à la société VOCATOUR une somme d'un montant de 5.000 € à titre de dommages et intérêts ;
- INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de SAINT DENIS le 1er février 2017 en ce qu'il a débouté l'EURL VOCATOUR de ses demandes indemnitaires à l'encontre des sociétés RMS et REMORQUES [D] ;
Et statuant à nouveau :
- JUGER que la société D. HANTSCH est responsable de l'intégralité du préjudice causé à la société VOCATOUR du fait du vice caché affectant la remorque ;
- JUGER que les sociétés RMS et REMORQUES [D] ont manqué à leur obligation de conseil ;
- JUGER que la société REMORQUES [D] engage sa totale responsabilité au titre des produits défectueux ;
En conséquence,
- CONDAMNER solidairement les sociétés D. HANTSCH, RMS et REMORQUES
[D] à verser à la société VOCATOUR la somme de 160.997,31 € ;
- CONDAMNER solidairement les sociétés D. HANTSCH, RMS et REMORQUES
[D] à verser à la société VOCATOUR une somme d'un montant de 15.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- DECLARER IRRECEVABLES les demandes formulées par les sociétés RMS et
REMORQUES [D] ;
- CONDAMNER solidairement les sociétés D. HANTSCH, RMS et REMORQUES
[D] aux dépens, en ceux compris les frais d'expertise.

La société VOCATOUR sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente de la remorque pour défaut de conformité. Elle affirme que l'expertise a donc bien mis en évidence l'existence d'un vice caché affectant la remorque au sens de l'article 1641 du code civil, caractérisé par une " erreur de conception de l'ancrage de l'anneau de remorquage ".
Elle souligne que, le 8 juillet 2010, elle aurait commandé, par l'intermédiaire de la société RMS, auprès de la société D. HANTSCH, une remorque afin de transporter ce broyeur, en signalant qu'il s'agit de la pièce numéro 2 de son bordereau de communication de pièces. La pièce No 2 de son dossier correspond au rapport d'expertise. La facture d'achat de la remorque figure donc à l'annexe 5 du rapport d'expertise pour un prix TTC de 34.000 euros. Il y est mentionné que la remorque pour CRAMBO 6000 est livrée en version routière pour une vitesse de 80 km/h, pour un poids total en charge de 26 tonnes.

Par conclusions No 2, déposées par RPVA le 8 juillet 2020, la SARL RMS demande à la cour de :
CONSTATER que le véhicule tel qu'il est homologué permettait d'aller jusqu'à un poids total de 31,5 tonnes alors que la pesée était de l'ordre de 27 tonnes.
CONSTATER que le rôle de RMS se limitait à la simple vidange du broyeur, faire effectuer la pesée par SOCOTEC INTERNATIONAL en vue de la production à REMORQUES [D] du certificat de pesée et au montage non remis en cause.
CONSTATER que la société TRANS'M ne dispose pas de toutes les compétences requises pour effectuer ce type de transport et qu'en l 'espèce une vitesse excessive est à l'origine de l'accident.
EN CONSEQUENCE,
CONFIRMER le jugement querellé.
DEBOUTER VOCATOUR de ses demandes infondées.
A TITRE RECONVENTIONNEL -
CONDAMNER l'EURL VOCATOUR à payer à RMS la somme de 10.000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive, appel abusif et atteinte à son image de marque.
CONDAMNER la même la payer la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens des deux instances.

Par conclusions No 2, déposées par RPVA le 8 juillet 2020, la SARL LES REMORQUES [D] demande à la cour de :
Constater que la déformation du timon de la société REMORQUES [D] n'intervient en aucune façon dans la réalisation de l'accident.
Constater que le véhicule tel qu'il est homologué permettait d'aller jusqu'à un poids total de 31,5 tonnes alors que la pesée était de l'ordre de 27 tonnes.
Constater que le certificat d'homologation comporte un barré rouge conforme sans rapport avec la carte grise qui relève du propriétaire à savoir VOCATOUR.
CONSTATER que la société TRANS'M ne dispose pas de toutes les compétences requises pour effectuer ce type de transport et qu'en l 'espèce une vitesse excessive est à l'origine de l'accident.
Constater que VOCATOUR et TRANS'M sont des professionnels du transport, éléments essentiels du dossier occulté par l'expert judiciaire.
Constater que VOCATOUR a commis une faute de négligence en sa qualité d'acquéreur professionnel, en acceptant sans réserve et contrôlent le matériel acquis.
En conséquence,
Confirmer le jugement querellé en ce qu'il a débouté VOCATOUR de ses demandes formées contre la société REMORQUES [D].
Débouter VOCATOUR de ses demandes infondées.
À titre reconventionnel, condamner VOCATOUR à payer la somme de 12 000€ de dommages et intérêts pour procédure et appel abusif ainsi qu'à l'atteinte à l'image de marque de la société REMORQUES [D].
Condamner la même à payer la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens des deux instances.
Débouter la société SA D HANTSCH de sa demande visant à ce que la société REMORQUES [D] la garantisse des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle.

La société PRUDENCE CREOLE a adressé des conclusions par RPVA le 11 mai 2021, après la clôture.

***

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure en application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

A titre liminaire, il convient de rappeler que les demandes de constatations ou de dire et juger ne saisissent pas la cour de prétentions au sens des articles 4 et 954 du Code de procédure civile, de sorte qu'il n'y a pas lieu de se prononcer sur ces points.

En outre, même si la société VOCATOUR a précisé qu'elle se désiste de toutes actions à l'encontre de la société TRANS'M, de Monsieur [I] [X] et de la compagnie d'assurance PRUDENCE CREOLE, le dispositif de ses conclusions ne reprend pas cette intention. Or, la cour ne répond qu'aux demandes formulées dans le dispositif des conclusions.

Sur la recevabilité des conclusions de la société PRUDENCE CREOLE :

Le premier alinéa de l'article 802 du code de procédure civile prescrit qu'après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.

En l'espèce, la société PRUDENCE CREOLE a adressé ses conclusions le 11 mai 2021, soit deux mois après la clôture, sans demander la révocation de celle-ci.

Il convient dès lors de déclarer irrecevables ses conclusions et pièces.

Sur les effets de la disjonction ordonnée par l'arrêt du 26 avril 2019 :

L'arrêt du 26 avril 2019, ordonnant la disjonction, a tranché le litige relatif aux casses mécaniques ayant été constatées sur les deux cloches du broyeur qui auraient pour origine un vice caché préexistant à l'accident.

Il reste donc à juger les causes et les conséquences de l'accident, comprenant l'éventuel défaut de conformité de la remorque, la cour s'étant déjà prononcée sur les vices de conception allégués, opposant la société VOCATOUR à la société D HANTSCH.

Sur l'appel de la société D. HANTSCH contre la demande de résolution de la vente de la remorque :

Aux termes de l'article 1641 du code civil, dans sa version applicable à la cause, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

La société D. HANTSCH s'oppose à la résolution de la vente du véhicule réclamée par l'EURL VOCATOUR. Elle affirme que la société D. HANTSCH devait délivrer une remorque conforme aux spécificités contractuelles mais que la remorque n'était pas conforme aux exigences du code de la route.
Elle soutient que la compétence de l'acheteur n'est pas de nature à remettre en cause l'obligation de délivrance d'un bien conforme imposée au vendeur par l'article 1641 du code civil.

Le rapport d'expertise de Monsieur [M] [E], en date du 2 décembre 2013, évoque les circonstances de l'accident (page 11).

Monsieur [X], gérant de la société TRANS'M, a confirmé que c'était la première fois que la société TRANS'M réalisait cette prestation de transport du broyeur pour la société VOCATOUR. Il n'a jamais eu l'occasion de demander au service de la DDE et de la préfecture des dérogations pour le transport en convoi exceptionnel car il n'en a jamais eu l'utilité.
Un premier (transport) a été réalisé le 18 février entre le centre de tri de la Jamaïque et la société RMS au port par un chauffeur de la société QQ. Le disque acquis grâce n'a pas été versée à l'expertise. Le retour avec le broyeur s'est effectué le 22 février 2011.
Monsieur [X] a expliqué les circonstances de l'accident alors qu'il conduisait le poids-lourd. Il a entendu un bruit important pouvant faire penser à un éclatement de pneu. Il n'est pas parvenu à contrôler son convoi et a constaté dans les rétroviseurs un balancement de la remorque de gauche à droite avant qu'elle se met à faire des zigzags. Puis le camion s'est retrouvé environ 90o par rapport au sens de roulage de la chaussée avec le broyeur couché sur le côté droit. Dans l'accident, l'anneau de remorquage est resté solidaire du camion. Lorsque la remorque a été remise sur ses roues, le pneumatique et la roue endommagée ont été remplacée mais le pneu n'a pas été conservé.

Selon les conclusions de l'expert, l'origine de l'accident est principalement liée à une erreur de conception de l'ancrage de remorquage. Il remarque aussi que les conditions de chargement du véhicule tracteur n'ont pas été respectées. Mais il ne considère pas que ce soit réellement la cause du sinistre, pas plus que le facteur de la vitesse.
L'expert étaye ses conclusions par quatre arguments :
olors de l'accident l'anneau s'est désolidarisé de son timon car les six vis de fixations ont été cisaillées. Or d'un point de vue conception, ces vis ne sont pas des éléments " fusibles " et l'assemblage n'aurait pas dû céder.
oLe montage déporté comme il a été conçu n'est pas homologué par le fabricant du crochet. Les REMORQUES [D] ne le préconisent même pas dans leurs instructions de montage, préconisant un montage dans l'alignement de la poutre du timon. Ce choix de montage par des ports est favorable à la création de couples mécaniques néfastes.
oLa platine qui sert de déport est démunie de renforts horizontaux alors que la partie de l'anneau en possède deux. D'ailleurs la partie de l'anneau de remorquage n'a pas été endommagée ; elle a pu être à nouveau utilisée sur la partie basse de la platine. Seuls les trous permettant l'assemblage par boulonnage ce sont ovalisés.
oLe fabricant du broyeur, la société KOMPETCH, par l'intermédiaire de la société D. HANTSCH, propose une version routière avec un anneau d'attelage dans l'alignement de la poutre.

L'Expert déduit de ces analyses que l'origine du sinistre se trouve dans le défaut de conception de la fixation de l'anneau de remorquage (page 22 du rapport).

Pourtant, il conclut aussi en page 39 du rapport, dans une partie 5-2 - REPONSES AUX DIRES DU PRE RAPPORT - que " ceci explique que la cause du renversement n'est pas liée à un défaut de conception de l'ancrage mais bien à une utilisation non adaptée, toutefois, plusieurs paramètres viennent amplifier le phénomène. "

Dans la même partie, l'Expert se prononce sur la vitesse de l'ensemble routier lors de l'accident. Il considère que si Monsieur [X] avait respecté la réglementation en tenant compte du poids du chargement de l'ensemble routier (page 33), supérieur à 16,6 tonnes, il n'aurait pas dû rouler à plus de 60 km/h et aurait dû faire une demande de transport en Catégorie 1 auprès des services de la préfecture).
L'expert vise l'article R. 312-3 du code de la route pour étayer ses conclusions. Selon les deux premiers alinéas de cet article, le poids réel de la remorque ou des remorques attelées derrière un véhicule tracteur ne peut excéder 1,3 fois le poids réel de celui-ci.
Toutefois dans le cas où le poids total roulant réel d'un ensemble constitué d'un véhicule tracteur et d'une remorque est supérieur à 32 tonnes, le coefficient 1,3 ci-dessus est majoré d'une valeur égale à 80 % du rapport entre la partie du poids total roulant réel excédant 32 tonnes et 32 tonnes, sans pouvoir être supérieur à 1,5.

Il précise aussi (page 34 et 35) que l'anneau de la remorque est monté en diamètre de 68 mm alors que le crochet est de 40 mm. Il n'est donc normalement pas possible de monter l'anneau sur ce crochet, sauf en ayant au préalable enlevé la goulotte, ce qui a été constaté sur le camion. Selon l'expert, cet ensemble d'élément permet de confirmer que le crochet n'était pas adapté pour tracter la remorque.

Monsieur [M] poursuit son analyse en soulignant que la remorque pesait 26,6 tonnes, ce poids ayant été constaté contradictoirement lors d'une réunion d'expertise tenue le 4 avril 2013 (page 17 et 18 du rapport).

Il réplique à un dire de la société ROUAULT qui prétend que la remorque pouvait rouler jusqu'à un poids total en charge de 31,5 tonnes que le certificat de conformité (barré rouge) précise que ce poids ne peut être atteint qu'à la condition d'une autorisation spéciale donnée en application de l'article R. 433-1 du code de la route (Annexe 3, page 3 du certificat de carrossage). Cette prescription prévoit que le transport ou la circulation de marchandises, engins ou véhicules présentant un caractère exceptionnel en raison de leurs dimensions ou de leur masse excédant les limites réglementaires, doit faire l'objet d'une autorisation préalable. Ces dispositions s'appliquent aux catégories de véhicules suivantes : (?)

La société D. HANTSCH ne pouvait pas être présente ni représentée à cette réunion puisqu'elle a été assignée par la société VOCATOUR le 16 mai 2013 aux fins d'expertise commune et opposable en même temps que la SARL REMORQUES [D]. Néanmoins, ce pré-rapport a été adressé à toutes les parties mais la société D. HANTSCH n'a pas transmis de dire à ce sujet à l'expert après en avoir eu communication. Ce dernier a même tenté, vainement, de reproduire une nouvelle pesée de l'ensemble routier par les services de la DDE (page 29).

Une nouvelle réunion d'expertise, tenue le 24 octobre 2013, en présence de l'avocat de l'appelante, a permis aux parties d'échanger sur toutes ses constatations afin de " trouver une explication rationnelle sur les causes de l'accident. " Il émettait déjà l'hypothèse que la principale cause soit liée à un défaut de conception de l'ancrage de l'anneau sur son timon (pages 32 et 33).

En réponse aux dires des parties et avant de donner son avis définitif, l'Expert récapitule ses analyses en considérant que " la raison la plus cohérente qui explique la rupture des vis d'assemblage et la déformation de la platine est la suivante : Lors de l'expertise du camion, le crochet était plié (il ne se trouve plus dans l'axe longitudinal du camion). Ce pli peut s'expliquer par la mise en arc-boutement de l'anneau dans le crochet lors du renversement et du soulèvement de l'essieu arrière du camion pouvant causer la rupture des vis. Ceci explique que la cause du renversement n'est pas liée à un défaut de conception de l'ancrage mais bien à une utilisation non adaptée, toutefois plusieurs paramètres viennent amplifier le phénomène.

Enfin, il a déposé un pré-rapport complémentaire afin de répondre à de nouvelles observations pour le 28 novembre 2013, sans en recevoir de la part de la société D. HANTSCH.

Il résulte de ces constatations que :
-La vitesse aurait dû être limitée à 60 km/h et non à 80 Km/h pour l'ensemble routier avec un chargement supérieur à 16,6 tonnes, en l'absence de demande d'autorisation de transport en Catégorie 1 auprès des services de la préfecture ;
-Le montage de l'anneau de remorquage avec le camion porteur, en diamètre de 68 mm, alors que le crochet est de 40 mm, devait rendre impossible de constituer l'attelage en cause sauf à intervenir sur le dispositif en retirant une goulotte, ce qui a été fait ;
-L'absence de carte grise au jour de l'accident, alors que la date de première mise en circulation de la remorque (7 mars 2011) est postérieure (22 février 2001) et que la facture d'acquisition de la remorque est datée du 8 juillet 2010, établit l'incertitude des obligations contractuelles pesant sur le vendeur.

Les conclusions définitives de l'Expert tendent à un partage de responsabilités entre la société TRANS'M, la société RMS et la société REMORQUES [D], sans évoquer celle du vendeur, la société D. HANTSCH.

Cependant, la facture d'acquisition de la remorque mentionne clairement qu'elle est prévue pour transporter un broyeur CRAMBO 6000, en version routière de 80 km/h, avec un anneau AMG, pour un poids total en charge de 26 tonnes.

Les constatations évoquées plus haut établissent que l'ensemble routier n'était pas conçu pour rouler à 80 km/h, que l'anneau AMG n'était pas adaptable à l'attelage, que l'engin ne disposait pas encore de sa carte grise au jour de l'accident, que le poids total en charge était inadapté au poids du broyeur CRAMBO 6000 (page 41 du rapport).

Pourtant, le vendeur a vendu la remorque litigieuse en pleine connaissance de l'usage auquel elle était destinée.

Ainsi, comme l'a justement relevé le premier juge, la remorque livrée par la société D. HANTSCH à l'EURL VOCATOUR n'était pas conforme à cet usage, constitué par le transport d'un broyeur CRAMBO 6000, tel que cela figure sur la facture du 8 juillet 2010.

Il convient donc de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente de la remorque pour défaut de conformité.

Sur les demandes indemnitaires de l'EURL VOCATOUR à l'encontre de la société D. HANTSCH :

Sur les restitutions réciproques :

La nullité d'une convention emporte effacement rétroactif du contrat et remise des choses en leur état antérieur.

La société VOCATOUR conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société D. HANTSCH à lui verser la somme de 43.700,66 euros à titre de restitution, avec intérêt au taux légal.

Elle conclut à l'infirmation sur le montant des dommages et intérêts, fixés à la somme de 5.000 euros par les premiers juges.

La somme de 43.700,66 euros, allouée en première instance correspond au montant de la facture d'achat de la remorque, augmentée des frais de montage de la remorque et des frais de port.

Le jugement querellé doit être confirmé de ce chef dès lors que l'EURL VOCATOUR s'engage toujours à mettre à disposition du vendeur la remorque litigieuse.

Sur les dommages et intérêts :

En ce qui concerne sa demande de dommages et intérêts, l'EURL VOCATOUR sollicite la somme de 160.997,31 euros, considérant que la société D. HANTSCH a commis une faute en en lui vendant une remorque non conforme.

Toutefois, elle calcule son préjudice en précisant qu'en première instance, elle avait sollicité la condamnation de la société HANTSCH à lui verser la somme de 77.956,24 € au titre du vice de conception du broyeur, de 15.000 € au titre du préjudice lié aux dépenses exposées pour le démontage du broyeur sur la remorque non conforme et le montage sur un nouveau châssis.

Or, l'EURL VOCATOUR a déjà fait valoir qu'il ressort du rapport d'expertise qu'il n'existe aucun lien de causalité entre les pannes du broyeur survenues postérieurement à l'accident et l'accident de la circulation lui-même.

L'arrêt du 26 avril 2019, ayant ordonné la disjonction des instances, a aussi retenu la distinction entre les deux événements litigieux, excluant ainsi toutes les demandes relatives au broyeur dans la nouvelle instance, et statuant d'ailleurs sur celles-ci.

Or, dans ses dernières conclusions, l'EURL VOCATOUR réclame une indemnité au titre du vice de conception du broyeur outre le remboursement des frais de démontage du broyeur sur la remorque non conforme et son montage sur un nouveau châssis.

Ces demandes sont irrecevables car elles se heurtent à l'autorité de la chose jugée résultant de l'arrêt du 26 avril 2019 qui a aussi statué sur l'existence d'un défaut de conception du broyeur et donc débouté l'EURL VOCATOUR de sa demande en paiement de la somme de 97.523,78 euros en réparation de son préjudice subi du fait des pannes survenues aux cloches.

Enfin, bien que la remorque litigieuse n'ait pas été conforme à sa destination, il résulte des circonstances de l'accident que la remorque [D] a été utilisée après que le crochet d'attelage ait été modifié, que la carte grise du véhicule n'avait pas été réclamée alors que la date de première mise en circulation y figurant est postérieure au jour de l'accident, qu'aucune autorisation spéciale de circulation n'avait été obtenue pour circuler jusqu'à une vitesse de 80 km/h.

Ces faits ne relèvent pas en tout état de cause de la responsabilité du vendeur.
Le jugement querellé sera donc infirmé en ce qu'il a alloué la somme de 5.000 euros à l'EURL VOCATOUR en réparation des préjudices directement causés par la délivrance non conforme de la remorque litigieuse, alors que l'appelante n'apporte aucun élément permettant de vérifier la réalité de ceux-ci.

Sur les demandes de l'EURL VOCATOUR à l'encontre de la société REMORQUES [D] :

L'EULR VOCATOUR reproche à la société REMORQUES [D] d'avoir engagé sa responsabilité au titre des produits défectueux, en qualité de fabricant de la remorque et d'avoir manqué à son devoir de conseil comme vendeur professionnel.

Sur la responsabilité au titre des produits défectueux :

Aux termes des articles 1386-1 et suivants du code civil, dans leur version antérieure au 1er octobre 2016, applicable à la cause, le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime.

Ces dispositions s'appliquent à la réparation du dommage qui résulte d'une atteinte à la personne.

Elles s'appliquent également à la réparation du dommage supérieur à un montant déterminé par décret, qui résulte d'une atteinte à un bien autre que le produit défectueux lui-même.

Mais, pour engager la responsabilité du producteur, la défectuosité du produit doit consister en un défaut de sécurité ayant causé un dommage à une personne ou à un bien autre que le produit défectueux lui-même.

Or, l'EURL VOCATOUR allègue que les dommages sont constitués par les frais de remise en état du broyeur, notamment du fait de l'accident, ainsi que les frais de gardiennage, de réparations provisoires et de pénalités de retard.

Cependant, il ne résulte nullement des pièces versées aux débats que les causes de l'accident soient constituées par la défectuosité de la remorque puisque le vendeur, la société D. HANTSCH, n'a pas délivré une remorque conforme à l'usage auquel elle était destinée et que les utilisateurs de la remorque n'ont pas respecté un certain nombre de prescriptions évoqués plus haut.

En conséquence, l'appelante est mal fondé à invoquer la responsabilité du fait des produits défectueux après la disjonction.

Sur les manquements à un devoir de conseil :

L'EURL VOCATOUR revendique le fait d'être profane en matière de mécanique, de remorque et d'attelage de poids lourds.

Elle affirme, sans le produire, que selon son extrait KBIS, elle exploite une activité d'aménagement paysager.

La SARL REMORQUES [D] plaide que l'EURL VOCATOUR est une professionnelle du transport sans en justifier non plus.

Or, les seuls éléments versés aux débats établissent que l'EURL VOCATOUR a pour activité principale l'élimination des déchets, ce qui ne la qualifie pas pour être considérée comme un professionnel du transport.

Toutefois, l'appelante ne verse aux débats aucun acte établissant qu'elle a été en contact avec le fabricant de la remorque litigieuse lors de son acquisition, précisant même que la commande a été réalisée par ses soins en concertation avec la société RMS.

Ainsi, l'EURL VOCATOUR doit être déboutée de toutes ses prétentions dirigées contre la SARL REMORQUES [D].

Le jugement querellé sera confirmé de ce chef.

Sur les demandes de l'EURL VOCATOUR à l'encontre de la société RMS:

Sur le devoir de conseil de la société RMS :

L'EURL VOCATOUR soutient que la commande de la remorque a été faite par ses soins en concertation avec la société RMS car il s'agissait d'une commande sur mesure.

Cependant, elle ne produit aucune pièce établissant la relation contractuelle alléguée avec la société RMS.

Le seul élément probant résulte de l'historique des interventions rappelés dans le rapport d'expertise judiciaire (page 13), n'ayant jamais été contesté par les parties. Il se déduit de l'analyse de Monsieur [M] que le gérant de la société RMS est Monsieur [D] [Z], gérant de la SARL REMORQUES [D].

La société RMS, sans être démentie par l'appelante, affirme que sa prestation n'a porté que sur le montage et la demande de pesée effectuée par la SOCOTEC en vue de produire le certificat de pesée à la société REMORQUES [D] qui a procédé à l'homologation du broyeur. Elle prétend en outre n'avoir effectué qu'une vidange en février 2011, avant l'accident du 22 février 2011.

En tout état de cause la vidange n'a pu être réalisée que pour le broyeur et non pour la remorque.

Ainsi, l'EURL VOCATOUR échoue à démontrer une faute ou un manquement de la part de la société RMS lors de l'acquisition de la remorque auprès de la société D. HANTSCH, et ce même si l'Expert a proposé une répartition des responsabilités en omettant le rôle essentiel du vendeur et alors que l'affaire n'était pas disjointe.

Le jugement doit être confirmé aussi de ce chef, en ce qu'il a débouté l'EURL VOCATOUR de ses demandes dirigées contre la société RMS.

Sur l'appel en garantie de la société D. HANTSCH à l'encontre de la société REMORQUES [D], fabricant :

La société D. HANTSCH demande à la cour de condamner la société REMORQUES [D] à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre au titre de la résolution de la vente de la remorque. Elle soutient être étrangère à la question de l'homologation de la remorque car c'est la société REMORQUES [D], fabricant-concepteur, qui a procédé à son homologation.

La société REMORQUES [D] plaide qu'en tant que fabricant, elle a vendu un matériel qui a roulé pendant plusieurs mois sans qu'elle n'ait été consultée. Elle rappelle qu'elle n'a pas été partie à la vente et que rien ne démontre qu'elle était informée de la destination de la remorque. Au surplus, le véhicule, homologué, permettait d'aller jusqu'à un poids total de 31,5 tonnes alors que la pesée a révélé un poids total de mois de 27 tonnes.

En cause d'appel, la société D. HANTSCH produit quatre pièces :
1/ La facture du broyeur en date du 19 décembre 2006, à l'intention de la société SOREFI ;
2/ La facture de la remorque en date du 8 juillet 2010, au nom de la société VOCATOUR ;
3/ Le rapport d'expertise judiciaire réalisé par Monsieur [M] ;
4/ Un certificat de pesée No 48333, daté du 24 septembre (sans mention de l'année), établi par le Service officiel de pesage du Port de la [Localité 14], indiquant que le poids total brut de la remorque et du broyeur représente 25.640 kilos.

La société D. HANTSCH ne verse ainsi aux débats aucune pièce relative à l'acquisition de la remorque auprès de la société REMORQUES [D].

Ainsi, elle échoue à établir que la SARL REMORQUES ROUAULT connaissait l'usage auquel était destiné la remorque vendue à l'EURL VOCATOUR tandis qu'il n'existe aucune faute du constructeur ni aucun vice caché constaté sur la remorque litigieuse.

En conséquence, l'appel en garantie de la société D. HANTSCH doit être rejeté.

Sur les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la SARL REMORQUES [D] et la société RMS :

La société VOCATOUR considère que, si cette demande était dénuée de tout fondement en première instance, elle est irrecevable en appel, aucune d'entre elle n'ayant interjeté un appel incident à la suite du jugement querellé.

Néanmoins, la société RMS et la société REMORQUES [D] visent clairement dans leurs écritures la procédure d'appel en estimant qu'elle est abusive.

Ainsi, une telle demande est recevable puisqu'elle ne pouvait être présentée spécialement en première instance, s'agissant d'un grief constitué par le recours interjeté par l'EURL VOCATOUR.

Toutefois, même recevable en cause d'appel, la demande de dommages et intérêts doit être rejetée car aucun abus ne peut être retenu à l'encontre de la société VOCATOUR qui conserve son droit d'exercer un recours contre la décision de première instance alors que, se fondant sur les conclusions de l'expert judiciaire, un partage de responsabilité impliquant la société RMS et la société REMORQUES [D] résultait des conclusions de Monsieur [M].

Sur les autres demandes :

La société D. HANTSCH supportera les dépens.de l'appel après disjonction car l'EURL VOCATOUR a déjà été condamnée à ce titre par l'arrêt du 26 avril 2019 pour les dépens de première instance et de l'appel relatif aux pannes du broyeur.

L'EURL VOCATOUR devra verser à la SARL RMS et à la SARL REMORQUES [D] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante supportera les dépens de l'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort, par arrêt réputé contradictoire mis à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,

DECLARE IRRECEVABLES les conclusions et pièces de la société PRUDENCE CREOLE ;

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a ce qu'il a condamné la société D. HANTSCH à payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts à l'EURL VOCATOUR ;

Statuant à nouveau de ce chef,

DEBOUTE l'EURL VOCATOUR de sa demande de dommages et intérêts dirigée contre la société D. HANTSCH ;

DEBOUTE la société D. HANTSCH de son appel en garantie à l'encontre de la SARL REMORQUES [D] ;

Y ajoutant,

DECLARE RECEVABLE mais mal fondée les demandes de dommages et intérêts de la SARL LES REMORQUES [D] et de la société RMS à l'encontre de l'EURL VOCATOUR pour procédure abusive en appel ;

CONDAMNE l'EURL VOCATOUR à payer à la SARL RMS une indemnité de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE l'EURL VOCATOUR à payer à la SARL LES REMORQUES [D] une indemnité de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE les autres demandes de l'EURL VOCATOUR et de la société D. HANTSCH SA sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société D. HANTSCH aux seuls dépens.de l'appel après disjonction.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Mme Véronique FONTAINE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 19/017661
Date de la décision : 05/11/2021
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.saint-denis-de-la-reunion;arret;2021-11-05;19.017661 ?
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