COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS CHAMBRE P. P. REFERES
R. G : 08 / 00048
Au fond, origine tribunal de grande instance de Saint-Denis, décision attaquée en date du 8 septembre 2008, enregistrée sous le no 08 / 141
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ No 51 du 30 SEPTEMBRE 2008
Nous, François CREZE, Président de chambre faisant fonction de Premier Président de la Cour d'Appel de Saint-Denis de la Réunion, en l'absence de M. Jean-François GABIN, empêché
Vu la procédure en instance d'appel inscrite au répertoire général sous le no 08 / 1679
ENTRE :
Mamod Abasse X..., demeurant... SOARANO-TANANARIVE-MADAGASCAR (actuellement au Centre Pénitentiaire du Port)
Représenté par Me Fernande ANILHA, avocat au barreau de Saint-Denis
DEMANDEUR
ET :
Anita Y..., demeurant ... 97400 SAINT-DENIS
Représentée par Me Rémy BONIFACE, avocat au barreau de Saint-Denis
DÉFENDERESSE
DÉBATS L'affaire a été appelée à l'audience du 23 septembre 2008 devant NOUS, puis après débats et observations des parties, nous avons indiqué à celles-ci que l'ordonnance sera prononcée par sa mise à disposition au greffe le 30 septembre 2008
GREFFIER LORS DES DEBATS Mme Anne Marie CLAIN, adjoint administratif faisant fonction de greffier
Avons rendu la décision suivante :
Origine du litige
De l'union de Mme Anita Y... et de M. Mamod Abasse X... est née l'enfant Chahista le 28 novembre 1998 à Tananarive. Les parents ont divorcé selon jugement rendu par le tribunal de Tananarive le 09 août 2002, décision ayant confirmé l'ordonnance de non conciliation aux termes de laquelle l'enfant a été confié à son père.
Par ordonnance du juge des enfants de Tananarive rendue sur requête présentée le 22 septembre 2003, la garde provisoire de l'enfant Chahista était confiée à sa grand-mère paternelle.
Par acte d'huissier du 14 janvier 2008, Mme Anita Y..., alors résidente à la Réunion, faisait assigner M. Mamod Abasse X... devant le juge aux affaires familiales de Saint-Denis de la Réunion aux fins de se voir à titre principal confier l'autorité parentale exclusive et subsidiairement l'autorité parentale conjointe avec résidence de l'enfant chez sa mère.
Mme Y... faisait valoir qu'elle avait été contrainte de quitter Madagascar à la suite de la tuerie du 22 avril 2001 au cours de laquelle cinq membres de sa famille ont été tués, et quatre grièvement blessés dont elle-même ; elle rappelait qu'à la suite de la plainte qu'elle avait déposée le 17 octobre 2003 auprès des services de police de Saint-Denis de la Réunion, son ex époux M. Mamod Abasse X... avait été mis en examen des chefs d'assassinat, tentative et complicité d'assassinat, et placé en détention provisoire le 28 juin 2005 à la maison d'arrêt du Port. Elle précisait qu'elle n'avait pas revu sa fille depuis son départ de Madagascar et que celle-ci avait vécu avec son père jusqu'au 13 février 2001, puis avec ses grands-parents paternels qui lui refusent tout contact avec l'enfant.
En réplique, M. Mamod Abasse X... concluait à l'irrecevabilité de la demande et à l'incompétence territoriale du juge aux affaires familiales de Saint-Denis. Il soutenait en outre que Mme Y... s'était désintéressée totalement de l'enfant depuis plusieurs années alors qu'il avait lui-même maintenu des liens épistolaires très étroits avec elle.
Par jugement du 08 septembre 2008, le tribunal de grande instance de Saint-Denis rejetait les exceptions de procédure soulevées par M. Mamod Abasse X..., décidait que l'autorité parentale concernant l'enfant Chahista serait exercée exclusivement par sa mère, Mme Anita Y..., fixait la résidence de l'enfant chez sa mère, et ordonnait l'exécution provisoire de la décision.
Par assignation en référé du 17 septembre 2008, M. Mamod Abasse X... faisait assigner Mme Anita Y... devant le Premier Président de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion aux fins d'obtenir la suspension de l'exécution provisoire de droit attachée au jugement du 8 septembre 2008 au visa de l'article 6 de la CEDH, 341- 5o du nouveau code de procédure civile et 524 dernier alinéa du même code pour atteinte au principe d'impartialité dans une décision aux conséquences manifestement excessives.
Motivation de l'ordonnance
Aux termes de l'article 524 dernier alinéa du nouveau code de procédure civile, le Premier Président peut arrêter l'exécution provisoire de droit en cas de violation manifeste du principe du contradictoire ou de l'article 12 et lorsque l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
Les conditions posées par l'article 524 sont donc cumulatives, et le demandeur doit donc démontrer d'une part la violation manifeste du principe du contradictoire, et d'autre part le risque de conséquences manifestement excessives dans l'exécution provisoire de la décision.
Sur la violation du principe du contradictoire
Selon les énonciations du jugement du 08 septembre 2008, la juridiction ayant délibéré après débats du 07 juillet 2008 devant un juge rapporteur se composait de Mme Danielle Salducci, vice-présidente, de M. Julien Simonet de M. Dominique Garet, assesseurs. À cette audience, Mme Anita Y... était représentée par son avocat tandis que M. Mamod Abasse X... était présent et assisté par ses conseils.
Il en résulte qu'aucune atteinte au principe du contradictoire ne peut être déduite des débats portant sur la compétence territoriale ou sur la domiciliation du défendeur à l'instance principale.
M. Mamod Abasse X... soutient cependant que cette atteinte au principe du contradictoire pourrait résulter de l'atteinte à l'impartialité résultant de la présence du magistrat instructeur dans l'instance délibérante. Or, il résulte des débats devant le Premier Président et des déclarations concordantes des avocats des parties que l'audience du 07 juillet 2008 n'a pu se tenir en présence du magistrat instructeur et que celui-ci n'a pu participer au délibéré alors qu'il avait fait l'objet d'une mutation en métropole effective dès le mois de juin 2008.
Il en résulte que la mention comme assesseur du juge d'instruction constitue une simple erreur matérielle qu'il appartiendra à la cour d'appel de rectifier.
La décision à exécuter ayant été prise dans le cadre d'un procès équitable, la première condition de l'article 524 dernier alinéa n'est pas remplie.
Sur les conséquences manifestement excessives
La conséquence manifestement excessive alléguée réside dans le retour de l'enfant Chahista chez sa mère domiciliée à la Réunion et désormais titulaire exclusive de l'autorité parentale alors que son père se trouve en détention à la Réunion dans le cadre d'une affaire criminelle, et que l'enfant était jusqu'à présent sous la garde de sa grand-mère paternelle à Tananarive.
Le requérant produit de nombreux documents attestant de l'attachement de l'enfant envers lui.
Cependant, et bien qu'il soit établi que Mme Y... n'a connu sa fille que pendant les deux premières années précédant son divorce d'avec M. X..., il n'est pas démontré qu'elle se soit désintéressée de cet enfant au point de ne pouvoir se voir confier une autorité parentale qu'elle a vocation à assurer à défaut du père.
Dès lors, il n'est pas démontré que la mesure de transfert d'autorité parentale et de changement de résidence soit de nature à porter atteinte de façon manifestement excessive aux intérêts de l'enfant.
Aucune des deux conditions cumulatives de l'article 524 dernier alinéa du nouveau code de procédure civile n'étant remplie, il n'y a pas lieu d'ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement du 08 septembre 2008.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort
Vu l'article 524 dernier alinéa du nouveau code de procédure civile,
Rejetons la demande d'arrêt d'exécution provisoire de M. Mamod Abasse X....
Condamnons M. Mamod Abasse X... aux dépens.
La présente ordonnance a été signée par M. François CREZE, Président de chambre et Mme Anne Marie CLAIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT