AFFAIRE : N RG 07 / 00207 Code Aff. : JLR / LE ARRÊT N ORIGINE : JUGEMENT du Conseil de Prud'hommes de SAINT-PIERRE en date du 19 Décembre 2006
COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS DE LA RÉUNION
CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 24 JUIN 2008
APPELANTE :
Madame Luciane X...... 97413 CILAOS Représentant : Mme Gilberte Y...(Délégué syndical ouvrier)
INTIMÉE :
SARL LE PETIT RANDONNEUR ...97413 CILAOS Représentant : la Selarl AMODE ET ASSOCIES (avocats au barreau de SAINT-PIERRE)
DÉBATS : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Mai 2008, en audience publique devant Jean-Luc RAYNAUD, Conseiller chargé d'instruire l'affaire, assisté d'Eric LEPINAY, adjoint administratif, faisant fonction de greffier, les parties ne s'y étant pas opposées.
Ce magistrat a indiqué à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 24 JUIN 2008 ;
Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Président : Hervé PROTIN, Conseiller : Jean Luc RAYNAUD, Conseiller : Christian FABRE, Qui en ont délibéré
ARRÊT : mise à disposition des parties le 24 JUIN 2008
* * *
LA COUR :
FAITS ET PROCÉDURE-PRÉTENTIONS DES PARTIES :
1- Selon contrat du 18 novembre 2001, la société Le Petit Randonneur, qui exploite un hôtel restaurant à Cilaos, a embauché Mlle Luciane X..., pour une durée indéterminée, en qualité de femme de service, chargée de l'entretien des chambres et de l'accueil des clients, moyennant une rémunération mensuelle brute de 1. 242, 82 euros pour 40 heures de travail par semaine ;
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 18 décembre 2005, elle l'a convoquée à un entretien préalable pour le 28 décembre et lui a confirmé une mise à pied conservatoire qui lui avait été verbalement notifiée, confirmation renouvelée par un autre courrier daté du lendemain ;
Elle lui a notifié le 4 janvier 2006, sous la même forme, son licenciement pour faute grave ;
2- Par jugement du 19 décembre 2006, le Conseil des prud'hommes de Saint Pierre, section Commerce, a débouté Mlle X...de ses demandes et l'a condamnée aux dépens ;
3- Par déclaration faite au greffe le 2 février 2007, l'intéressée a relevé appel, dans les formes et délai réglementaires, de cette décision, qui lui avait été notifiée à personne le 31 / 01 ;
Elle sollicite la condamnation de son ancien employeur au paiement des sommes de :
-11. 000 euros à titre de dommages intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, en réparation du préjudice moral et financier qu'elle a subi,-2. 714, 14 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 271, 41 euros à celui des congés payés afférents,-564, 54 euros à celui de l'indemnité légale de licenciement,-814, 24 euros représentant le salaire correspondant à sa période de mise à pied,-904, 71 euros de reliquat de congés payés,-24. 547, 30 euros en paiement des heures supplémentaires,-2. 454, 73 euros au titre des congés payés correspondants,-5. 732, 74 euros de dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait du non respect de son droit à repos compensateur,-1. 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Elle fait encore plaider que le jugement n'est pas motivé, que les griefs figurant dans la lettre de licenciement sont imprécis et que la rupture de son contrat de travail est abusive ;
4- La société Le Petit Randonneur conclut à la confirmation de jugement déféré ; et à l'allocation à son profit d'une somme de 2. 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu les écritures déposées le 10 avril 2007 par l'appelante et le 27 novembre 2007 par l'intimée, qui ont été reprises et développées oralement et auxquelles la Cour renvoie pour plus ample exposé des demandes et moyens ;
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Le fait que le jugement n'ait pas été motivé est sans conséquence dès lors d'une part que son annulation n'est pas sollicitée d'autre part que la cour, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, est tenue de se prononcer sur l'ensemble des prétentions qui lui sont soumises ;
I-Sur les heures supplémentaires et le repos compensateur :
A) Les heures supplémentaires :
L'appelante affirme avoir travaillé entre 42 et 55 heures par semaine sans que ses heures supplémentaires lui aient été payées, ce que conteste l'employeur selon lequel le " cahier de tenue des heures de travail " établi par ses soins comporte nombre d'inexactitudes (Mlle X...aurait travaillé certains jours fériés, à des périodes ou le magasin était endommagé, ou le personnel aurait été mis en congés payés puis au chômage technique en raison de cyclones violents en janvier et mars 2002, ou que l'employeur était bloqué à l'île Maurice) ;
Ce document, établi unilatéralement par la salariée à une date inconnue et qui comporte effectivement quelques erreurs évidentes, ne peut valoir à lui seul preuve de ses allégations ; il est toutefois conforté par les attestations de Jimmy B..., qui a travaillé dans le même établissement de janvier 2001 à février 2002 et affirme que l'horaire de travail était de 7 heures 30 à 17 heures tous les jours (samedi et dimanche inclus) à l'exception du mardi (de 7 heures 30 à 15 heures) et du mercredi (jour de fermeture), de Magali B...et de Josiane B..., qui ne sont ni parents ni alliés ni au service ni en communauté d'intérêt avec l'une ou l'autre partie ;
Le fait que ce commerce soit fermé, depuis octobre 2005, le jeudi après midi et le vendredi-au lieu du mardi après midi et du mercredi-est sans incidence sur le volume hebdomadaire de travail de l'appelante ;
Le fait, attesté par plusieurs personnes, que le restaurant soit fermé les jours de pluie ou de vent est également sans conséquence, les intempéries n'étant pas nécessairement prévisibles et n'empêchant pas le personnel d'accomplir ses tâches habituelles, spécialement lorsqu'il s'agissait, comme en l'espèce, de l'entretien des chambres ;
L'employeur, qui y était légalement tenu, n'a fourni aucun élément de nature à justifier les horaires effectivement réalisé par Mlle X..., dont le contrat ne comportait aucune précision sur ce point (L'article 4 énonçant simplement qu'elle travaillerait 40 heures par semaine à raison de 8 jours sur 5 jours) ;
Le nombre d'heures retenu par l'appelante est fréquemment inférieur aux 55 heures correspondant aux plages d'ouverture de cet hôtel restaurant, le décompte précis produit par ses soins prenant en considération la plupart des observations adverses ;
Il y a lieu dans ces conditions de faire droit à sa demande en paiement d'heures supplémentaires dont Reine Paule C..., soeur du gérant, reconnaissait implicitement la réalité dans son attestation du 22 mai 2006, tout en affirmant qu'elles étaient récupérées, ce que rien n'établit, les taux de majoration ne sont pas discutés ;
B) Le repos compensateur :
Mlle X...se fonde sur l'article L. 212-5-1 (devenu L. 3121-26) 3ème alinéa du Code du travail, en vertu duquel les heures effectuées au delà du contingent conventionnel ou réglementaire ouvrent droit à un repos compensateur obligatoire dont la durée est égale à 50 % de ces heures supplémentaires pour les entreprises de 20 salariés au plus ;
En l'absence de convention ou d'accord collectif de branche ou d'entreprise, il convient de se référer aux dispositions de l'article D. 212-25 dudit code, qui a fixé successivement à 180 puis à 220 heures le contingent d'heures supplémentaires ;
Au vu du décompte produit sur ce point, il convient d'accueillir la revendication de la salariée ;
II-Sur le reliquat de congés payés :
La réclamation de Mlle X...se détaille comme suit :
- congés acquis au mois d'octobre 2005 : 76, 50 jours-à déduire congés pris du 23 / 09 au 2 / 10-8- à déduire congés pris du au 28 / 10-39- à ajouter congés acquis en novembre / décembre 2005 : + 5- à déduire jours soldés-14, 5
reliquat 20 jours
L'employeur soutient qu'un certain nombre de jours de congés que la salariée reconnaissait avoir pris n'avaient pas été portés à la connaissance du comptable, de sorte que les bulletins de paye étaient erronés à cet égard et qu'un " décompte officiel " avait été établi en vertu duquel une indemnité compensatrice correspondant à 14, 5 jours de congés a été versée à Mlle X...lors de son départ ;
Il y a lieu de retenir le décompte contradictoire établi d'un commun accord le 28 octobre 2005 qui fait apparaître un droit à congé de 51 jours, duquel ont été déduits les 39 jours correspondant au congé que l'intimée avait demandé à prendre du 2 novembre au 18 décembre 2005 et auquel ont été rajoutés les 2, 5 jours correspondant au mois suivant ;
C'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté ce chef de demande ;
III-Sur le licenciement :
Il est fait grief à Mlle X...d'avoir, à une période ou l'activité de l'entreprise était la plus forte, demandé des changements d'horaire, eu une " attitude changeante " à l'égard des autres membres du personnel et de la gérante, enfin d'avoir fait part à celle ci, le 19 décembre 2005, de sa décision de ne plus travailler dans de telles conditions sans pour autant donner sa démission ;
L'intéressée a contesté, dans un courrier du 18 janvier 2006, aussi bien avoir jamais demandé de changements d'horaires (elle se serait bornée à réclamer le paiement ou la récupération des heures effectuées au delà de la durée légale) que l'attitude changeante qui lui est imputée, dont la preuve n'est pas rapportée ;
Ces comportements seraient ils établis qu'ils ne constitueraient d'ailleurs pas une cause réelle et sérieuse de licenciement, a fortiori une faute grave ;
Ni les disputes qu'elle aurait provoquées ou les insultes qu'elle aurait proférées envers des membres de la famille C...(dont le père est le gérant de la société Le Petit Randonneur) ni de l'altercation verbale qu'elle aurait eue avec le chef d'entreprise le 19 décembre 2005 ne peuvent être retenues, la lettre de licenciement n'en faisant pas mention ;
Il y a lieu, en considération de l'age (32 ans) et de l'ancienneté (4 ans et 2 mois) de l'intéressée à la date de la rupture, de son expérience dans le métier et de sa situation (elle vit seule avec un enfant à charge), de chiffrer à 11. 000 euros le montant qui lui est du en application de l'article L. 1235-5 du Code du travail ;
- Sur les indemnités de rupture :
Il résulte de la combinaison des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 (anciens articles L. 122-6 et L. 122-8 du Code du travail que le salarié licencié alors qu'il avait, au service de la même entreprise, une ancienneté de services continus de plus de deux ans a droit, sauf faute grave inexistante en l'espèce, à un préavis de deux mois et, à défaut, à une indemnité compensatrice calculée sur sa rémunération brute, le tout sauf convention collective plus favorable ;
Le montant du salaire brut de Mlle X...s'élevait en dernier lieu à 1. 357, 07 euros brut, il convient de faire droit à ses demandes en paiement de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés correspondants ;
L'intéressée a encore droit, par application combinée des articles L. 1234-9 et R. 1234-1 dudit Code, à une indemnité de licenciement à raison d'un dixième de mois par année d'ancienneté jusqu'à la dixième, en tenant compte des mois de service accomplis au delà des années pleines, soit 564, 54 euros ;
Il convient enfin de condamner son ancien employeur au paiement du salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire ;
- Sur les dépens et les frais irrépétibles :
L'appelante, qui succombe en quasi totalité, sera condamnée aux dépens, conformément à l'article 696 du Code de procédure civile, ce qui interdit de faire application à son profit des dispositions de l'article 700 du même Code ;
Il n'est pas inéquitable, pour autant de laisser à la charge de la salariée l'intégralité des frais irrépétibles qu'elle a du exposer pour faire valoir ses droits ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale et en dernier ressort :
CONFIRME le jugement déféré sur le reliquat de congés payés ;
L'INFIRME pour le surplus et
Statuant à nouveau :
Condamne la société Le Petit Randonneur à payer à Mlle Luciane X...les sommes de :
-11. 000 euros à titre de dommages intérêts,-2. 714, 14 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,-271, 41 euros à celui des congés payés afférents,-564, 54 euros à celui de l'indemnité légale de licenciement,-814, 24 euros à celui du salaire correspondant à sa période de mise à pied,-24. 547, 30 euros en paiement des heures supplémentaires,-2. 454, 73 euros au titre des congés payés correspondants,-5. 732, 74 euros de dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait du non respect de son droit à repos compensateur ;
La condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
Rejette les demandes plus amples ou contraires ;
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Hervé PROTIN, président de chambre, et par Monsieur Eric LÉPINAY, adjoint administratif faisant fonction de greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.