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24/06/2008 | FRANCE | N°06/01475

France | France, Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion, Ct0173, 24 juin 2008, 06/01475


AFFAIRE : N RG 06 / 01475
Code Aff. : CF / LE ARRÊT N
ORIGINE : JUGEMENT du Conseil de Prud'hommes de ST DENIS en date du 06 Octobre 2006

COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS
DE LA RÉUNION

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 24 JUIN 2008

APPELANT :

Monsieur Johnny X...
...
...
97400 SAINT DENIS
Représentant : Me Patrick Y... (avocat au barreau de SAINT-DENIS)

INTIMÉE :

Société LBD BUT RÉUNION
...
CD 4- BP 71
97862 SAINT PAUL CEDEX
Représentant : Me Bruno Z... (avocat au barreau de PARIS)

DÉBATS : En appl

ication des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Mai 2008, en audience publique ...

AFFAIRE : N RG 06 / 01475
Code Aff. : CF / LE ARRÊT N
ORIGINE : JUGEMENT du Conseil de Prud'hommes de ST DENIS en date du 06 Octobre 2006

COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS
DE LA RÉUNION

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 24 JUIN 2008

APPELANT :

Monsieur Johnny X...
...
...
97400 SAINT DENIS
Représentant : Me Patrick Y... (avocat au barreau de SAINT-DENIS)

INTIMÉE :

Société LBD BUT RÉUNION
...
CD 4- BP 71
97862 SAINT PAUL CEDEX
Représentant : Me Bruno Z... (avocat au barreau de PARIS)

DÉBATS : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Mai 2008, en audience publique devant Christian FABRE, Conseiller chargé d'instruire l'affaire, assisté de Madame BOURDAIS-MASSENET Jeanne, Greffier, les parties ne s'y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 24 JUIN 2008 ;

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Président : Hervé PROTIN,
Conseiller : Jean Luc RAYNAUD,
Conseiller : Christian FABRE,

Qui en ont délibéré

ARRÊT : mise à disposition des parties le 24 JUIN 2008

* *
*

LA COUR :

Monsieur Johnny X... a interjeté appel d'un jugement rendu le 06 octobre 2006 par le conseil des prud'hommes de Saint-Denis de la Réunion dans une affaire l'opposant à la société BUT (société LBD BUT REUNION).

*
* *
Salarié de la société BUT depuis septembre 1984 et exerçant les fonctions de chef de rayon depuis mars 2000, Monsieur X... a été licencié pour fautes graves, tenant à des actes de harcèlement moral et sexuel, par un courrier recommandé du 21 octobre 2004.

Contestant ce licenciement, il a saisi le juge prud'homale en indemnisation. Le jugement déféré l'a débouté.

Vu l'arrêt de sursis à statuer du 26 juin 2007 et les conclusions déposées au greffe :
le 14 février et 24 avril 2007 par Monsieur X...,
le 15 mai 2007 par la société BUT,
les parties ayant développé oralement leurs écritures auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits et des moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La lettre de licenciement vise les plaintes de Mesdames A... et B... pour des faits remontant à janvier 2000 (pour la seconde) et jusqu'à septembre 2004 où, lors de la réunion tenue le 11, Monsieur X... a attribué la communication difficile avec la première nommée " parce qu'elle n'avait pas voulu tirer un coup " avec lui. Pour Madame A... il est aussi fait état de sa tentative d'obtenir des faveurs sexuelles et, en réponse à son refus, d'un usage abusif de son pouvoir hiérarchique.

Quant à la matérialité des faits dénoncés par Mesdames A... et B..., C... X... invoque une cabale mais aucun élément objectif ne permet d'accréditer cette explication. En revanche, les faits dénoncés par Madame B... sont corroborés par les attestations produites par l'employeur (attestations I..., D..., LAW ASSING). Monsieur E... témoigne avoir entendu Monsieur X... dire à Madame B... " est-ce qu'ou veux mi chavire à ou à ter là ". Cet épisode remonte au dernier trimestre 2003 (attestation du 13 octobre 2004, pièce 22).

Monsieur X... excipe au premier chef de la prescription des faits. Il argumente de ce chef en référence aux réunions tenues les 07 et 08 juillet 2004 (attestations de Madame F..., collègue et délégué syndical comme lui, et de Madame G...) où il a été question des plaintes pour harcèlement. L'employeur a considéré l'incident clos sans pousser plus avant ses investigations, même s'il avait déjà trois attestations de salariés relatives aux seuls abus d'autorité de Monsieur X....

Ce point impose d'ailleurs de considérer que le licenciement de Monsieur X... ne résulte pas d'un " montage " ou d'une stratégie voulue par l'employeur. Il rend sans fondement l'argument du " brouillon " tenant à une lettre de dénonciation dictée ou préparée par la direction.

La convocation à l'entretien préalable étant du 11 octobre, la prescription invoquée n'est pour autant pas acquise s'agissant de faits à caractère répétitif. Cet aspect réitératif résulte notamment des propos tenus par Monsieur X... le 11 septembre 2004 à l'adresse de Madame A.... Parmi les attestations relatant l'incident survenu lors d'une réunion du personnel, celle de Monsieur D..., chef de rayon, est intéressante en ce qu'elle explicite les circonstances et le contexte : "... cette altercation a débuté lorsque Madame A... a demandé à Monsieur X... quelle était la définition du mot chef de rayon car pour Madame A..., Monsieur X... ne faisait pas sa fonction de chef de rayon (résoudre les litiges). Elle reproche aussi qu'elle ne pouvait pas avoir de dialogue avec son chef sans que celui-ci (Monsieur X...) élève le ton et prenne la colère. Vexé par les remarques faites à son encontre, Monsieur X... demanda à Madame A... : " Pourquoi il n'y a pas de dialogue ? C'est parce que j'ai demandé de tirer un coup ? " Toutes les personnes présentes étaient choquées par ces mots ". Par ces propos, Monsieur X... a reconnu avoir sollicité des faveurs sexuelles auprès de Madame A..., sa subordonnée. Il a reconnu aussi un manque de dialogue. En fait, ce manque de dialogue correspond, au regard des faits dénoncés par Madame A... dans son courrier du 08 septembre 2004, à un traitement hautain et vexatoire. Ainsi, les propos tenus par Monsieur X... confirment, par leur teneur et leur implication, les faits dénoncés par Madame A.... Par ailleurs, les termes utilisés par Monsieur X... sont dégradants en ce qu'ils induisent qu'une relation hiérarchique normale suppose l'acceptation par la vendeuse des caprices sexuels de son chef de service. Ils constituent un nouvel épisode de harcèlement.

Les faits du 09 septembre 2004 illustrent bien cette stratégie (un autre chef de rayon confirme à Madame A... l'impossibilité de faire une remise sur un appareil, les clients obtiennent néanmoins une remise et une garantie de Monsieur X... qui de plus fait la vente à la place de la vendeuse).

Vis à vis de Madame B..., l'incident du dernier trimestre 2003 (" est-ce qu'ou veux mi chavire à ou à ter là ") n'a été révélé à l'employeur que par le témoignage de Monsieur E... en octobre 2004. La prescription n'est donc pas plus acquise.

Si l'inspecteur du travail a été destinataire d'une plainte de Madame B... (enquête du 08 juin 2004), les faits n'étaient relatifs qu'à une soirée de mai 2004. Ainsi, les épisodes précités ne sont pas concernés. Dans son courrier du 08 mars 2005, l'inspecteur du travail fait état de son ignorance quant aux faits concernant Madame A.... Ainsi, l'enquête diligentée par l'inspecteur du travail est pareillement sans incidence sur la prescription.

Le fait que la plainte avec constitution de partie civile de Madame A... a abouti à un non-lieu du juge d'instruction n'a aucune incidence sur le présent litige en l'absence d'autorité de la chose jugée. Il doit de plus être relevé que la lecture de l'ordonnance du 20 février 2008 révèle que l'appréciation de charges insuffisantes résulte pour l'essentiel du fait que Madame A... n'a pas produit de " documents probatoires écrits sur le refus de congés " et d'éléments suffisants sur les " vols de clientèle ". Cette ordonnance fait néanmoins état de ce que " d'autres employés assuraient pourtant que les propos tenus par Johnny X... au cours de la réunion de septembre 2004 étaient univoques et accréditaient la thèse développée par la partie civile. De même, ils expliquaient que la jeune femme s'était plainte auprès de certains de subir son harcèlement sexuel, d'autres n'ayant été informés que des diverses brimades subies sur le plan professionnel ".

Il convient encore de relever que Madame B... a demandé à plusieurs reprise un changement de magasin (juin 2003 et mars 2004) et qu'elle était suivie médicalement (antidépresseur, anxiolytique, arrêt de travail pour dépression).

Enfin, les attestations produites par Monsieur X... ne remettent nullement en cause les éléments précités. Le soutien de certains de ses collègues et de son syndicat vient tout au plus prouver que ceux-ci n'étaient pas au courant des pratiques de Monsieur X....

Le licenciement fondé sur des faits de harcèlement moral et sexuel est alors justifié. Les fautes commises par Monsieur X... étaient incompatibles avec la poursuite de la relation salariale durant le préavis. La faute grave est donc retenue.

La société BUT doit être indemnisée de ses frais irrépétibles à concurrence de la somme de 1. 000 euros.

PAR CES MOTIFS,
La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu en matière sociale et en dernier ressort,

Confirme le jugement,

Condamne Monsieur Johnny X... à payer à la société La Bourbonnaise de Distribution But Réunion la somme de 1. 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

Rejette toute autre demande,

Condamne Monsieur Johnny X... aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Luc RAYNAUD, conseiller, pour le président empêché, et Monsieur Eric LEPINAYAdjoint administratif faisant fonction de Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion
Formation : Ct0173
Numéro d'arrêt : 06/01475
Date de la décision : 24/06/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Saint-Denis de la Réunion, 06 octobre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.saint-denis-de-la-reunion;arret;2008-06-24;06.01475 ?
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