La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/05/2008 | FRANCE | N°07/52

France | France, Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion, Ct0062, 23 mai 2008, 07/52


ARRET No

R.G : 07/00052

SCI X... PIERRE

SCI SAINT DENIS PIERRE

C/

SA GRANDS TRAVAUX DE L'OCEAN INDIEN

SA AXA FRANCE IARD

SCP BRACHET BOUCHEND'HOMME

BEGUE

BEGUE

COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS

CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 23 MAI 2008

Vu l'arrêt de la cour de Cassation en date du 28 juin 2006 ayant cassé et annulé l'arrêt rendu le 22 mars 2002 par Saint-Denis suite au jugement rendu par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE ST DENIS en date du 19 DECEMBRE 2000 rg no 00/323 suivant déclaration d'appel en date du

12 JANVIER 2007

APPELANTES A TITRE PRINCIPAL ET INTIMÉES A TITRE INCIDENT:

SCI X... PIERRE représentée par son gérant en exerci...

ARRET No

R.G : 07/00052

SCI X... PIERRE

SCI SAINT DENIS PIERRE

C/

SA GRANDS TRAVAUX DE L'OCEAN INDIEN

SA AXA FRANCE IARD

SCP BRACHET BOUCHEND'HOMME

BEGUE

BEGUE

COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS

CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 23 MAI 2008

Vu l'arrêt de la cour de Cassation en date du 28 juin 2006 ayant cassé et annulé l'arrêt rendu le 22 mars 2002 par Saint-Denis suite au jugement rendu par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE ST DENIS en date du 19 DECEMBRE 2000 rg no 00/323 suivant déclaration d'appel en date du 12 JANVIER 2007

APPELANTES A TITRE PRINCIPAL ET INTIMÉES A TITRE INCIDENT:

SCI X... PIERRE représentée par son gérant en exercice

...

75008 PARIS

Représentant : La SELARL HOARAU-GIRARD (avocat au barreau de ST DENIS),

SCI SAINT DENIS PIERRE représentée par son gérant en exercice

...

75008 PARIS

Représentant : La SELARL HOARAU-GIRARD (avocat au barreau de ST DENIS)

INTIMÉES :

SA GRANDS TRAVAUX DE L'OCEAN INDIEN

ZI No 2

BP 2016

97824 LE PORT CEDEX

Représentant : la SCP CANALE GAUTHIER ANTELME (avocats au barreau de SAINT-DENIS),

Société AXA ASSURANCES venant aux droits et obligations de la Compagnie UAP

...

75009 PARIS

Représentant : Me Francois Z... (avocat au barreau de SAINT DENIS),

SCP BRACHET BOUCHEND'HOMME

...

97434 ST GILLES LES BAINS

Représentant : Me Philippe HUBERT A... (avocat au barreau de ST DENIS),

INTIMES À TITRE PRINCIPAL ET APPELANTS A TITRE INCIDENT :

Monsieur Louis Stéphen B...

...

97400 ST DENIS

Représentant : Me Jean Claude C... (avocat au barreau de SAINT-DENIS),

Monsieur Jean François B...

...

97400 ST DENIS

Représentant : Me Jean Claude C... (avocat au barreau de SAINT-DENIS),

CLÔTURE LE : 22 février 2008,

DÉBATS : En application des dispositions de l'article 785 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Avril 2008 devant la cour composée de :

Président : Monsieur François CREZE, Président de Chambre,

Conseiller : Madame Gilberte PONY,

Conseiller : Monsieur Patrick FIEVET,

Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.

A l'issue des débats, le président a indiqué que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition le 2 mai 2008 à cette date le délibéré a été prorogé au 9 mai puis au 23 mai 2008,

Greffier lors des débats : Dolène MAGAMOOTOO,

Faits et procédure.

La SCI Saint Denis Pierre, promoteur immobilier, a fait réaliser courant 1995- 1996 par l'entreprise GTOI sous la maîtrise d'oeuvre de la SCP Brachet-Bouchend'homme plusieurs ouvrages de soutènement sur une parcelle de terrain jouxtant celui des consorts B... situé en surplomb.

Pour la consolidation des immeubles construits par la SCI Saint Denis Pierre, l'entreprise spécialisée GTOI a eu recours au système de soutènement par clouage, les « clous » se trouvant alors enfouis dans le sous-sol de la propriété voisine des consorts B... .

Les consorts B... ont fait constater par la suite l'implantation de 31 clous de laiton ferraillé d'une longueur de 6 à 5 mètres l'unité sur une surface d'environ 207 m² dans le sous-sol de leur propre terrain.

Une expertise judiciaire a été ensuite diligentée en référé, qui a fait apparaître d'une part que les travaux ont par eux-mêmes généré des fissures dans l'immeuble appartenant aux consorts B..., et d'autre part que l'empiétement par clouage entraînait une dépréciation du terrain Bègue en ce qu'il interdisait tout nouveau travaux d'affouillement au niveau des "clous".

Sur assignation du 03 février 2000 délivrée par les consorts B... au maître de l'ouvrage, à la société d'architecture assurant la maîtrise d'oeuvre, à l'entreprise GTOI et à son assureur Axa, le tribunal de grande instance de Saint-Denis statuant par jugement du 19 décembre 2000 condamnait sous astreinte la SCI Saint Denis Pierre a faire procéder à l'enlèvement des 31 tiges métalliques se trouvant dans le sous-sol de la parcelle des consorts B..., condamnait in solidum la SCI Saint Denis Pierre, l'entreprise GTOI et son assureur Axa au paiement de la somme de 14 530 francs avec les intérêts au taux légal à compter du jugement, outre 6 000 F sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile. Le tribunal prononçait la mise hors de cause de la SCP d'architectes Brachet Bouchend'homme au motif que les travaux avaient été réalisés dans les règles de l'art.

Par arrêt du 22 mars 2002, la cour d'appel de Saint-Denis confirmait le jugement entrepris, tout en faisant remonter le cours des intérêts à la date de l'assignation.

Sur pourvoi formé par la SCI saint Denis Pierre à l'encontre du maître de l'ouvrage, du maître d'oeuvre, de l'entreprise et de son assureur, la cour de cassation cassait l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis seulement en ce qu'elle avait prononcé par confirmation la mise hors de cause de la société Brachet Bouchend'homme, et rejeté les demandes formées par la SCI Saint Denis Pierre à l'encontre de cette société sans rechercher si cette société de maîtrise d'oeuvre chargée de contrôler l'exécution des travaux réalisés par l'entreprise GTOI n'avait pas commis une faute en laissant effectuer les travaux empiétant sur le fond voisin.

Positionnement des parties sur renvoi après cassation.

Par conclusions du 12 juin 2007 valant récapitulatif, les consorts B... formant appel incident à l'encontre de la SCP Brachet Bouchend'homme demandent à la cour de condamner cette dernière à leur verser la somme de 50 000 €à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices liés à l'empiétement et à l'atteinte à leur droit de propriété, d'ordonner à la société d'architectes de faire procéder à l'enlèvement des tiges métalliques litigieuses, et de remettre leur terrain en son état d'origine sous astreinte de 5 000 € par jour de retard, outre l'octroi d'une indemnité de 4000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Par conclusions du 13 juin 2007 valant récapitulatif, la société GTOI demande à la cour de constater que ses droits et obligations définis par le jugement confirmé par la cour d'appel ne sont pas remises en cause par la cassation partielle. Elle demande en conséquence le rejet de toutes les prétentions dirigées contre elle ainsi que l'octroi d'une indemnité de 2000 € au titre des frais irrépétibles d'instance.

Par conclusions du 29 octobre 2007 valant récapitulatif, la société Axa assurances demande à la cour de constater qu'elle n'est pas concernée par la cassation partielle de l'arrêt du 22 mars 2002, celui-ci ayant à son égard autorité de la chose jugée.

Par conclusions du 24 avril 2007 valant récapitulatif, la SCI Saint Denis Pierre et la SCI X... Pierre demandent à la cour de constater la responsabilité de la SCP Brachet-Bouchend'homme dans la réalisation du mur clouté en sa qualité de maître d'oeuvre, et de la condamner à les relever et les garantir de toute condamnation prononcée à leur encontre, outre l'octroi d'une indemnité de 2500 € au titre des frais irrépétibles d'instance.

Enfin, par conclusions du 18 mai 2007, la SCP Brachet-Bouchend'homme demande à la cour de confirmer le jugement du 19 décembre 2000 en ce qu'il a prononcé sa mise hors de cause en raison de l'accord verbal de Monsieur B... sur l'empiétement lié aux travaux de clouage.

Sur quoi, la cour :

La cour se réfère à la décision de première instance et aux écritures récapitulatives susvisées pour plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties.

Sur l'étendue du litige soumis à la cour :

La cassation partielle porte exclusivement sur la responsabilité de la société de maîtrise d'oeuvre à l'égard du maître de l'ouvrage, la SCI Saint Denis Pierre et la SCI X... Pierre. L'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt confirmatif rendent irrecevables les demandes des consorts B... tendant à obtenir de nouvelles indemnités réparatrices ou la condamnation de la société d'architectes à faire exécuter des travaux sous astreinte, alors que les condamnations prononcées de ces chefs n'ont pas été remises en cause par la cour suprême.

Il y a donc lieu de rechercher si la SCP Brachet-Bouchend'homme a commis une faute en laissant effectuer des travaux empiétant sur le fond voisin, et si cette faute engendre une responsabilité à l'égard du maître de l'ouvrage.

Sur la responsabilité de la SCP Brachet-Bouchend'homme.

Il résulte des opérations d'expertise et des conclusions non contredites des parties au litige que la SCP Brachet-Bouchend'homme, société d'architectes, avait été chargée par le maître de l'ouvrage, les SCI Saint Denis Pierre et X... Pierre, de la conception, des plans, de la direction et de la surveillance des travaux de construction d'un immeuble sur un terrain jouxtant celui des consorts B... situé en surplomb.

Pour la réalisation d'un mur de soutènement au regard de la propriété Bègue, le maître de l'ouvrage et la société d'architecte ont fait appel à l'entreprise spécialisée GTOI pour réaliser un ouvrage selon la technologie particulière du clouage, celle-ci ayant en l'espèce nécessité un empiétement réalisé dans le sous-sol de la propriété des consorts B....

Les travaux de clouage ont été réalisés par l'entreprise GTOI selon les règles de l'art au visa des conclusions de l'expert, et ont engendré par eux-mêmes des fissurations ou une aggravation des fissures dans l'immeuble des consorts Bègue. Les responsabilités et les réparations de ces dommages directement liés aux travaux ont été définitivement jugées par l'arrêt confirmatif du 22 mars 2002.

Il est également définitivement jugé que les consorts B... n'ont pas consenti à l'empiétement réalisé sur leurs parcelles par le système de clouage mis en place.

Il appartenait en conséquence au maître d'oeuvre de s'assurer d'une implantation adéquate de l'ouvrage principal et des ouvrages secondaires que constituent les murs de soutènement. Or, il est constant que l'entreprise GTOI a proposé à la maîtrise d'oeuvre qu'il l'a acceptée, de substituer au mur de soutènement en béton initialement prévu le long de la rampe d'accès... un mur cloué de même procédé que celui de la limite nord en retour sur la limite ouest séparant la propriété Bègue de la propriété de la SCI Saint Denis Pierre.

Au terme de l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

En l'espèce, l'erreur d'implantation résultant de l'empiétement sur la propriété voisine sans le consentement express des propriétaires du fonds servant, et aboutissant à la démolition d'un élément d'équipement indispensable (soutènement de l'ouvrage principal), constitue un désordre de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination.

Il s'ensuit que la société d'architectes, titulaire d'une mission complète et tenue au devoir de conseil, a commis une faute par erreur d'implantation d'un ouvrage essentiel ; elle doit être déclarée responsable et tenue à garantir les maîtres de l'ouvrage de toutes les condamnations prononcées contre eux de ce chef.

Sur les frais irrépétibles d'instance.

La société d'architectes Brachet-Bouchend'homme, partie succombante, sera tenue d'indemniser les frais irrépétibles exposés par les SCI Saint Denis Pierre et X... Pierre ainsi que par les autres parties, à l'exception des consorts B... dont l'appel incident est déclaré irrecevable.

Par ces motifs :

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, en audience publique en matière civile et en dernier ressort :

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Saint-Denis du 19 décembre 2000.

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis en date du 22 mars 2002.

Vu l'arrêt de la cour de cassation en date du 28 juin 2006.

Vu l'article1792 du code civil.

Déclare irrecevable l'appel incident des consorts B....

Déclare la SCP Brachet Bouchend'homme responsable de l'erreur d'implantation de l'ouvrage empiétant sur la propriété des consorts B....

Infirme en conséquence le jugement du 19 décembre 2000 confirmé par arrêt du 22 mars 2002 en ce qu'il a prononcé la mise hors de cause de cette société d'architectes.

Condamne en conséquence la SCP Brachet-Bouchend'homme à relever et garantir les SCI Saint Denis Pierre et X... Pierre de toutes condamnations prononcées à leur encontre.

Condamne la SCP Brachet-Bouchend'homme à verser au titre des frais irrépétibles d'instance:

– la somme de 2000 € aux SCI Saint Denis Pierre et X... Pierre.

– la somme de 500 € à la société GTOI.

Déboute les parties de leur demande plus ample ou contraire.

Condamne la SCP Brachet-Bouchend'homme aux dépens, dont distraction au profit de la SCP Canale-Gauthier-Antelme , avocat aux offres de droit.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur François CREZE, Président de Chambre, et par Dolène MAGAMOOTOO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion
Formation : Ct0062
Numéro d'arrêt : 07/52
Date de la décision : 23/05/2008

Analyses

ARCHITECTE ENTREPRENEUR - Responsabilité - Responsabilité à l'égard du maître de l'ouvrage - / JDF

Doit être déclaré responsable et tenu à garantir le maître de l'ouvrage de toute condamnation, l'architecte chargé d'une mission complète de maîtrise d'oeuvre ayant autorisé l'implantation d'un ouvrage accessoire empiétant sur la propriété voisine sans le consentement du propriétaire du fonds servant, et conduisant à la démolition de cet élément, laquelle rend l'ouvrage principal impropre à sa destination


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 22 mars 2002


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.saint-denis-de-la-reunion;arret;2008-05-23;07.52 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award