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23/05/2008 | FRANCE | N°06/01192

France | France, Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion, Ct0062, 23 mai 2008, 06/01192


Arrêt No

R.G : 06/01192

SCI KISMAT

C/

SARL MILHAC SUD

SAS

cieBORDELAISE

DE LA RÉUNION

LA SOCIÉTÉ SAVANNAH

DISTRIBUTION SAS

COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 23 MAI 2008

Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE ST PIERRE en date du 07 JUILLET 2006 suivant déclaration d'appel en date du 17 AOUT 2006

rg no 00/1032

APPELANTE :

SCI KISMAT représentée par son gérant en exercice

42 Rue Marius et Ary Leblond

97410 ST PIERRE<

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Représentant : la SELAS POITRASSON (avocat au barreau de SAINT-PIERRE)postulant et Maître Carine CHAIX avocat plaidant,

INTIMEES :

SARL MILHAC SUD

7 Rue Charles ...

Arrêt No

R.G : 06/01192

SCI KISMAT

C/

SARL MILHAC SUD

SAS

cieBORDELAISE

DE LA RÉUNION

LA SOCIÉTÉ SAVANNAH

DISTRIBUTION SAS

COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 23 MAI 2008

Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE ST PIERRE en date du 07 JUILLET 2006 suivant déclaration d'appel en date du 17 AOUT 2006

rg no 00/1032

APPELANTE :

SCI KISMAT représentée par son gérant en exercice

42 Rue Marius et Ary Leblond

97410 ST PIERRE

Représentant : la SELAS POITRASSON (avocat au barreau de SAINT-PIERRE)postulant et Maître Carine CHAIX avocat plaidant,

INTIMEES :

SARL MILHAC SUD

7 Rue Charles Darwin

ZAC 2000

97420 LE PORT

Représentant : la SELARL AKHOUN RAJABALY (avocat au barreau de SAINT-DENIS)

SAS COMPAGNIE BORDELAISE DE LA RÉUNION

107 Rue Jules Aubert

97400 ST DENIS

Représentant : Me SELARL AKHOUN RAJABALY (avocat au barreau de SAINT-DENIS)

LA SOCIÉTÉ SAVANNAH DISTRIBUTION SAS venant aux droits de la SARL MILHAC SUD SARL

5, rue du Kovil

ZAC de Savannah

97460 SAINT-PAUL

Représentant : la SELARL AKHOUN RAJABALY (avocat au barreau de SAINT-DENIS),

CLÔTURE LE : 18 janvier 2008,

DÉBATS : en application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Avril 2008 devant Monsieur Gérard GROS, Conseiller qui en a fait un rapport, assisté de Catherine A..., faisant fonction de Greffier, les parties ne s'y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué, à l'issue des débats, que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 9 mai à cette date le délibéré a été prorogé au 23 mai 2008.

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Président : Monsieur Olivier FROMENT,

Conseiller : Monsieur Gérard GROS,

Conseiller : Madame Anne JOUANARD,

Qui en ont délibéré

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 23 Mai 2008.

Greffier : Dolène MAGAMOOTOO,

FAITS ET PROCÉDURE,

Par acte sous seing privé en date du 20 décembre 1988 la SCI Kismat a donné à bail commercial à la société Milhac Sud un local situé 50 rue des Bons Enfants à Saint Pierre.

A la suite d'une visite de la Commission de sécurité et d'un PROCÈS-VERBAL en date du 10 juin 1999 l'accès au sous-sol et au dernier niveau du magasin était interdit au public en attente de la réalisation d'une installation de désenfumage et d'autres travaux.

Par acte d'huissier en date du 10 avril 2000 la SCI Kismat a fait assigner sa locataire la S.A.R.L. Milhac Sud afin de la voir condamner à exécuter et payer les travaux de mise en conformité des locaux prescrits par la Commission de sécurité et évalué par expertise préalable.

Par jugement en date du 9 février 2001 le Tribunal de Grande Instance de Saint Pierre a rejeté les demandes de la SCI Kismat, l'a condamné à faire effectuer les travaux en cause et a ordonné une expertise confiée à Monsieur B... aux fins d'évaluer le préjudice commercial subi par la locataire consécutivement à cette interdiction d'accès au public d'une partie des locaux et des inconvénients liés à la réalisation des travaux.

Le 6 juillet 2001 la SCI Kismat a interjeté appel de ce jugement, appel qui, par ordonnance en date du 22 mars 2002, a déclaré irrecevable par le conseiller de la mise en état de la Cour d'appel.

Monsieur B... a déposé son rapport le 10 octobre 2001 évaluant la perte de marge brute à la somme de 242 626,27 €.

Le 9 octobre 2001 la SA Compagnie Bordelaise de la Réunion est intervenue volontairement à la procédure en qualité de propriétaire de la marque Vogue enseigne du magasin exploité par la S.A.R.L. Milhac Sud afin de voir également évaluer son préjudice.

Par jugement en date du 25 octobre 2002 le Tribunal de Grande Instance de Saint Pierre, considérant qu'une telle mesure était de nature à faciliter la solution du litige dans le respect du principe du contradictoire, a ordonné une seconde expertise tant sur le préjudice de la S.A.R.L. Milhac Sud du fait de l'interdiction d'accès au public d'une partie des locaux et des inconvénients liés à la réalisation des travaux que sur celui subi du même fait par la SA Compagnie Bordelaise de la Réunion tant au titre de la perte de marge sur le chiffre d'affaire qu'au titre du préjudice lié au stock invendu, expertise confiée à Monsieur C....

Monsieur C... a déposé son rapport le 13 juillet 2005 estimant le préjudice global de la S.A.R.L. Milhac Sud à la somme de 645 774,03 € et celui de la SA Compagnie Bordelaise de la Réunion à la somme de 324 259,06 € soit au total après minoration tenant au principe de prudence à la somme de 873 075 €.

Le 30 mars 2006 la SCI Kismat ayant à nouveau saisi le juge de la mise en état d'une autre demande de production de pièces et de nullité du rapport d'expertise, l'ordonnance de clôture est intervenue le 11 mai 2006.

Par jugement en date du 7 juillet 2006 le Tribunal de Grande Instance de Saint Pierre a, au visa des rapports d'expertise et du jugement du 9 février 2001, rejeté les demandes de révocation d'ordonnance de clôture et de réouverture des débats ainsi que les demandes incidentes de la SCI Kismat en production de pièces et nullité du rapport d'expertise, condamné celle ci à verser à la S.A.R.L. Milhac Sud une somme de 581 196,63 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 février 2001 et à la SA Compagnie Bordelaise de la Réunion une somme de 291 833,15 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 février 2001, ordonné l'exécution provisoire à hauteur de 2/3 des sommes allouées et condamné la SCI Kismat à verser à chacune des défenderesse une somme de 3 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens frais des deux expertises compris.

Par déclaration au Greffe en date du 17 août 2005 la SCI Kismat a interjeté appel de ce jugement.

Par acte d'huissier en date du 31 mai 2007 la SCI Kismat a fait assigner en la cause la SAS Savannah Distribution venant aux droits de la S.A.R.L. Milhac Sud par suite d'une fusion absorption intervenue le 30 décembre 2005.

MOYENS ET PRÉTENTIONS,

Dans ses dernières écritures régulièrement notifiées déposées le 3 janvier 2008 la SCI Kismat demande à la Cour :

- au principal :

- d'annuler le jugement entrepris en ce qu'il a statué alors que le juge de la mise en état n'avait pas vidé sa saisine et en ce qu'il a omis de statuer sur ses dernières écritures au fond,

- en conséquence de renvoyer l'affaire devant le Tribunal de Grande Instance de Saint Pierre,

- subsidiairement,

- de dire et juger nul le rapport d'expertise de Monsieur C... au regard des dispositions des articles 237 et 238 du Code de procédure civile,

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamné à verser des dommages et intérêts aux sociétés Milhac Sud et Compagnie Bordelaise de la Réunion,

- de dire et juger qu'elle n'est pas responsable de la perte de chiffre d'affaire enregistrée par ces sociétés,

- en conséquence de débouter les sociétés Savannah Distribution venant aux droits de la S.A.R.L. Milhac Sud et Compagnie Bordelaise de la Réunion de l'intégralité de leurs demandes,

- infiniment subsidiairement, si la Cour estimait qu'une partie de la perte de bénéfice des intimés était susceptible d'être mise à sa charge,

- de dire et juger nul le rapport d'expertise de Monsieur C... ou à tout le moins contestable et de désigner un nouvel expert avec pour mission d'examiner les comptes de la société Milhac Sud et de l'ensemble des magasins liés à la société Compagnie Bordelaise de la Réunion sur l'enseigne Vogue, de dire si la baisse du chiffre d'affaires alléguée par cette société au cours des exercices 1999, 2000 et 2001 est également constaté dans la comptabilité des autres exploitant des magasins à l'enseigne Vogue, de dire si l'examen des chiffres d'affaires des magasins exploités par la société Milhac Sud permet de mettre en évidence une baisse générale du chiffre d'affaires et de la marge brute au cours des années en cause, de dire si la cause invoquée dans les rapports de gestion soumis aux assemblées générales d'associés est conforme aux informations figurant en comptabilité et d'évaluer l'éventuel préjudice commercial au regard de la perte de bénéfice,

- en tout état de cause de condamner les sociétés Savannah Distribution venant aux droits de la S.A.R.L. Milhac Sud et Compagnie Bordelaise de la Réunion à lui verser une somme de 15 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens dont distraction par application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

Dans leurs dernières écritures régulièrement notifiées déposées le 25 septembre 2007 les sociétés Milhac Sud, Compagnie Bordelaise de la Réunion et Savannah Distribution demandent à la Cour de dire et juger que c'est à juste titre que jugement entrepris n'a pas révoqué l'ordonnance de clôture et, au visa des articles 382, 383, 564, 911, 915 et 954 du Code de procédure civile,

- à titre principal de dire et juger l'appel irrecevable puisqu'en absence de toutes conclusions au fond après le dépôt du rapport d'expertise toutes les prétentions en cause d'appel de la SCI Kismat sont des prétentions ou des moyens nouveaux développés pour la première fois en appel,

- subsidiairement au fond :

- de dire et juger que le rapport d'expertise de Monsieur C... n'est pas attaquable,

- de débouter la SCI Kismat de sa demande de nouvelle expertise dilatoire et infondée,

- de constater que toutes les demandes de la SCI Kismat sont irrecevables parce que nouvelles en appel,

- de dire l'appel mal fondé et en conséquence de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de débouter la SCI de toutes ses demandes et de la condamner à leur verser une somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties il convient de se reporter à leurs écritures ci dessus visées figurant au dossier de la procédure.

MOTIFS DE LA DÉCISION,

Sur la recevabilité de l'appel,

L'appel interjeté par la SCI Kismat 17 août 2006 à l'encontre du jugement le Tribunal de Grande Instance de Saint Pierre en date du 7 juillet 2006 dans les formes et délais légaux est parfaitement recevable.

Le moyen soulevé par les intimées et tiré de l'irrecevabilité de l'appel motif pris de ce qu'en l'absence de toutes conclusions au fond après le dépôt du rapport d'expertise toutes les prétentions en cause d'appel de la SCI Kismat seraient des prétentions ou des moyens nouveaux développés pour la première fois en appel est en effet mal fondé pour ne pas concerner la recevabilité de l'appel lui-même mais celle des prétentions soumises à la Cour dans le cadre de l'exercice de ce recours.

Sur la nullité du jugement,

Pour conclure à la nullité du jugement entrepris et au renvoie de l'affaire devant le Tribunal de grande Instance de Saint Pierre autrement composé la SCI Kismat fait valoir que le Tribunal a statué alors que le juge de la mise en état n'avait pas vidé sa saisine du 30 avril 2006 portant demande de production de pièces et de nullité du rapport d'expertise et qu'il a omis de statuer sur ses dernières écritures au fond.

Or alors que le Tribunal a régulièrement statué sur les deux demandes présentées le 30 avril par la SCI devant le juge de la mise en état, incompétent au demeurant s'agissant de la nullité alléguée du rapport d'expertise, tout comme il a clairement répondu aux moyens et prétentions présentées dans ses écritures du 3 juillet 2002 par la SCI Kismat et tendant au débouté des demandes indemnitaires de ses adversaires, le moyen tel que soulevé et tiré de la nullité du jugement doit être rejeté.

Sur la recevabilité des demandes de la SCI Kismat

Pour soutenir sur le fondement des dispositions de l'article 564 du Code de procédure civile que les prétentions de la SCI Kismat sont irrecevables, les intimés font essentiellement valoir que celle ci n'ayant pas conclu au fond devant le Tribunal après le jugement du 25 octobre 2002 toutes les demandes qu'elle présente devant la Cour doivent de ce seul fait être considérées comme nouvelles.

Or le jugement en date du 25 octobre 2002 est là un jugement avant dire droit qui ne fait qu'ordonner un complément d'expertise et ne dessaisit pas le Tribunal.

Les dernières conclusions au fond régulièrement notifiées par la SCI Kismat sont incontestablement au vu de la procédure de première instance celles déposées le 3 juillet 2002 et elles tendent au débouté des demandes indemnitaires présentées par les sociétés Milhac Sud et Compagnie Bordelaise de la Réunion à son encontre.

Les demandes présentées par la SCI Kismat devant la Cour et qui tendent exactement aux mêmes fins sont donc parfaitement recevables, étant rappelé que les parties peuvent en appel soulever des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves au soutien de leurs prétentions.

Au fond,

S'agissant tout d'abord de la nullité requise du rapport de l'expert de M C... au regard des dispositions des articles 237 et 238 du Code de procédure civile, il doit être constaté que pour conclure à une telle fin la SCI Kismat, qui avait fait valoir devant le premier juge au soutien de cette prétention que l'expert avait porté une appréciation d'ordre juridique, ne développe de ce chef aucun moyen devant la Cour.

Que par ailleurs et ainsi que l'a justement rappelé le premier juge la juridiction n'est jamais liée par les conclusions d'un expert dès lors que celles ci et les débats ont porté sur des éléments de fait et de droit permettant de trancher le litige en toute connaissance de cause, qu'aucune disposition ne sanctionne de nullité l'inobservation des obligations imposées par l'article 238 du Code de procédure civile au technicien commis et qu'en toute hypothèse le juge est en droit d'apprécier l'avis d'un expert même si celui ci a exprimé une opinion d'ordre juridique excédant sa mission.

Sur la responsabilité de la SCI Kismat,

Pour contester au fond le jugement entrepris et tout droit à indemnisation des intimées la SCI Kismat soutient essentiellement qu'elle n'est pas responsable de la perte de chiffre d'affaire enregistrée par ces sociétés, que la preuve d'une faute de sa part en relation avec le préjudice allégué n'est pas établie et enfin que la baisse du chiffre d'affaires des sociétés Milhac Sud et Compagnie Bordelaise de la Réunion résulte du fait de tiers étrangers au contrat de bail commercial existant entre elle et la société Milhac Sud.

Elle fait valoir que l'autorité de la chose jugée par la décision du 9 février 2001 ne se rapporte qu'à la charge des travaux de mise en conformité préconisés par l'expert et n'a nullement statué sur le lien de causalité entre le préjudice allégué du fait de la fermeture des locaux et l'imputabilité des travaux.

Il résulte des documents produits et des débats que le bail liant les SCI Kismat et la société Milhac Sud est en date du 20 décembre 1988.

Qu'ensuite d'une visite de la Commission de sécurité du 29 mai 1999 un procès verbal en date du 10 juin 1999 a constaté que le niveau de sécurité de l'établissement devait être réajusté et a préconisé divers travaux avec, contrairement à ce que soutient la SCI Kismat, interdiction d'accès au public du niveau IV et du sous-sol en attendant la régularisation du désenfumage.

Que la société Milhac Sud, considérant que la charge du coût des travaux incombait entièrement à la bailleresse, a saisi le juge des référés le 7 septembre 1999 qui, par ordonnance en date du 22 octobre 1999, a désigné Monsieur D... en qualité d'expert avec pour mission d'indiquer la nature des travaux devant être mis en oeuvre afin de répondre aux prescriptions de la Commission de sécurité, en chiffrer le coût et préciser leur durée et leur incidence sur l'activité commerciale du preneur.

Que l'expert a déposé son rapport en février 2000 duquel il ressort que le coût des travaux pouvait être évalué à 163 000 francs, que la durée des travaux de désenfumage était de l'ordre de dix semaines, les autres travaux pouvant être conduit sans incidence sur l'activité commerciale en parallèle au désenfumage et que si la réalisation de ces travaux dans le magasin était à l'évidence une source de nuisances et de gène défavorable à l'activité commerciale, avec une plus value quant à son coût (aménagement des jours et horaires des travaux) des solutions existaient pour minorer ce préjudice

Que la SCI Kismat a alors, par acte en date du 10 avril 2000, saisi le Tribunal de Grande Instance de Saint Pierre aux fins principales de voir constater que la mention "sous réserve de la conformité" figurant sous la rubrique la durée du bail avait trait au certificat de conformité délivré le 30 décembre par la commune de Saint Pierre, de voir constater que les clauses du bail mettant à la charge du preneur divers travaux étaient claires et non équivoques et concernaient les travaux nécessaires à l'exercice de son activité et en conséquence de voir dire et juger que la charge des travaux de mise en conformité préconisés par la Commission incombe à la société Milhac Sud.

Que c'est dans ces conditions que, la société Milhac Sud ayant au principal conclu au débouté des demandes, à la condamnation de la SCI Kismat à exécuter les travaux et à la désignation d'un expert pour évaluer son préjudice commercial, par jugement en date du 9 février 2001 le Tribunal de Grande Instance de Saint Pierre a débouté la SCI Kismat de l'ensemble de ses prétentions, a dit que la charge des travaux incombait entièrement à la SCI Kismat, l'a condamné sous astreinte à les faire exécuter et achever dans le délai de quatre mois de la signification de la décision et a, avant dire droit sur la fixation du préjudice commercial subi par la société Milhac Sud du fait de l'interdiction d'accès au public d'une partie des locaux et des inconvénients liés à la réalisation des travaux ordonné une expertise confiée à Monsieur B....

Que les travaux ont alors été exécutés et le magasin, dont le sous-sol et le 3ème étage étaient fermés depuis juin 1999, a été rouvert dans sa totalité en septembre 2001.

Que Monsieur B... a déposé son rapport courant octobre 2001.

Que la Compagnie Bordelaise de la Réunion, propriétaire de l'enseigne Vogue utilisée par la société Milhac Sud et fournisseur de celle ci, arguant de ce que l'inexécution fautive d'un contrat causant un dommage à un tiers engendrait la responsabilité du débiteur de l'obligation inexécutée à l'égard du tiers est alors intervenue volontairement à l'instance le 9 octobre 2001.

Que par un second jugement en date du 25 octobre 2002 le Tribunal de Grande Instance de Saint Pierre, considérant qu'une telle mesure était de nature à faciliter la solution du litige dans le respect du contradictoire a ordonné une nouvelle expertise confiée à Monsieur C....

Que Monsieur C... a déposé son rapport le 11 juillet 2005.

Ceci rappelé, il est constant qu'il n'a en effet été définitivement statué par la décision du 9 février 2001 aujourd'hui définitive, que sur la charge des travaux de mise en conformité des locaux loués dans le cadre des rapports contractuels entre la bailleresse et la locataire, le juge ayant dit et jugé que cette charge incombait entièrement à la bailleresse la SCI Kismat qui a été condamné à les exécuter.

Pour autant dans la mesure où la charge des travaux incombait à la SCI Kismat, celle ci a incontestablement commis une faute en ne les exécutant pas antérieurement alors qu'ayant connaissance lors de la location par elle des locaux de ce que ceux ci recevraient du public elle avait l'obligation dès l'origine de délivrer des locaux remplissant les conditions de sécurité appropriées.

Dès lors il ne peut être fait utilement grief par celle ci à sa locataire, pour s'exonérer de toute responsabilité, de ne pas avoir sollicité l'autorisation préalable d'ouverture de son établissement recevant du public.

Qu'il s'ensuit que la SCI Kismat doit être tenu pour responsable des conséquences préjudiciables pour sa locataire de l'inexécution des ces travaux.

Que l'inexécution de ces travaux de conformité des locaux aux normes de sécurité ayant entraîné, ainsi que cela résulte du procès verbal en date du 10 juin 1999, la fermeture immédiate et imposée du 3ème étage et du sous-sol du magasin, la responsabilité de la SCI Kismat dans cette fermeture est incontestable.

Qu'il en est de même s'agissant du retard de plusieurs mois à compter de cette fermeture dans l'exécution des travaux, retard dont il n'est en rien établi qu'il soit d'une façon ou d'une autre imputable à une faute de la société Milhac Sud et dont les conséquences en terme de préjudice doivent être supportées par la SCI Kismat.

S'agissant de la Compagnie Bordelaise de la Réunion la SCI Kismat soutient que celle ci n'est pas fondée à solliciter indemnisation de son préjudice dès lors qu'aucune faute délictuelle ne peut lui être reprochée et que par ailleurs il ressort d'un accord contractuel entre celle ci et la société Milhac Sud que "le distributeur devra indemniser le fournisseur au cas où un ou plusieurs magasins seraient totalement ou partiellement fermés par mesure administrative ou autre consécutive ou non à un fait imputable au distributeur"ce dont il résulte qu'en toute hypothèse si la Compagnie Bordelaise de la Réunion a subi un préjudice c'est à la société Milhac Sud de l'indemniser.

Or il est constant qu'en droit les fautes contractuelles d'une partie peuvent servir de fondement à une responsabilité quasi-délictuelle à l'égard de tiers dans la mesure où ces derniers subissent un préjudice du fait de ces fautes.

Que la demande de la Compagnie Bordelaise de la Réunion tendant à se voir indemniser du préjudice commercial subi par elle du fait de la fermeture partielle des locaux loués est ainsi recevable dès lors qu'elle trouve son fondement dans la faute de la SCI Kismat bailleresse à l'égard de la société Milhac Sud locataire, caractérisée par une carence dans son obligation de délivrer la chose louée en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée.

Que cette demande est en outre fondée, sauf à apprécier son quantum, les accords liant la société Milhac Sud et la Compagnie Bordelaise de la Réunion étant étrangers à la SCI Kismat.

Sur l'évaluation des préjudices,

Il ressort du rapport de Monsieur C... déposé le 11 juillet 2005 que le préjudice commercial de la société Milhac Sud peut être évalué à la somme de 581 196,63 € et celui de la Compagnie Bordelaise de la Réunion à la somme de 291 833,15 € sur la base d'une perte de chiffres d'affaires pendant la période de fermeture partielle des locaux de 1 845 242 €.

Pour contester ces évaluations la SCI Kismat fait essentiellement valoir que l'expert a à tort évaluer le préjudice de la société Milhac Sud sur la base d'une marge brute de 35 % du chiffre d'affaires ce qui ne correspond nullement au bénéfice, qu'il n'a pas pris en compte les facteurs extérieurs telle que la grève qui a affecté le personnel du magasin et les travaux d‘aménagement de la rue, qu'il n'a pas vérifié par comparaison avec d'autre magasin à l'enseigne Vogue si la baisse de chiffre d'affaires de la société Milhac Sud n'était pas générale et n'avait pas d'autre cause que la fermeture d'une partie des locaux du magasin de Saint Pierre.

Elle ajoute que l'expert ne précise pas même s'il s'agit du chiffre d'affaires de la société Milhac Sud qui est propriétaire d'autres magasins ou de celui du magasin de Saint Pierre.

Or il résulte tout d'abord des rapports des experts B... et C... que se sont bien les éléments concernant le magasin de Saint Pierre qui ont été pris en compte par les deux experts d'ailleurs pour l'évaluation du préjudice de la société Milhac Sud.

Qu'ensuite pour déterminer la perte de chiffres d'affaire pendant la période de fermeture partielle du magasin à hauteur de la somme de 1 845 242 euros, Monsieur C..., comme l'avait fait Monsieur B..., a justement pris en compte les éléments incontestables qu'ont été les chiffres d'affaires effectivement réalisés pendant la période de fermeture soit de juillet 1999 à septembre 2001 qu'il a comparé à ceux effectivement réalisés sur les deux années précédentes soit en 1997 et 1998, et ce sans prendre en compte l'augmentation de ceux ci postérieurement à septembre 2001 d'où il s'ensuit que le fait que cette augmentation ait pu être due aux travaux effectués par la société Milhac Sud en juin 2002 ayant rendu le magasin plus attractif est sans intérêt.

Que l'expert a également justement pris en compte un manque à gagner de 35% du chiffre d'affaires perdu pour la société Milhac Sud et de 17,58 % du même chiffre d'affaires pour la société Compagnie Bordelaise de la Réunion, ces pourcentages correspondant effectivement au vu des documents comptables à leur marge bénéficiaire, cette base de calcul n'ayant d'ailleurs jusqu'alors nullement été discutée par la SCI Kismat qui ne fournit aucun élément permettant de la remettre en cause.

Qu'une nouvelle expertise tendant à voir effectuer une comparaison avec les autres magasins de la région est inutile et sans intérêt dans le cadre du présent litige.

Ainsi sur ces bases, la Cour, prenant en compte les effets conjugués de cette fermeture pendant deux ans d'environ 30 % de la surface de vente imputable à la SCI Kismat, des travaux d'aménagement de la rue des Bons Enfants entre fin janvier et mi avril 2000 rendant plus difficilement accessible le magasin, du mouvement de grève du personnel du magasin du 6 mai au 11 juin 1999 ayant entraîné des perturbations et la fermeture totale du magasin sur deux jours, et ainsi que les dirigeants de ces sociétés l'ont admis dans leurs rapports de gestion, ayant porté atteinte à l'image de celui ci et eu des conséquences sur le chiffre d'affaires pendant toute la période qui a suivie, estime devoir fixer aux sommes de 452 000 € pour la société Milhac Sud et de 226 000 € pour la société Compagnie Bordelaise de la Réunion l'indemnisation qui devra leur être versée par la SCI Kismat.

Le caractère abusif de l'appel n'étant en rien établi les sociétés Milhac Sud, Compagnie Bordelaise de la Réunion et Savannah Distribution doivent être débouté de leur demande en dommages et intérêts de ce chef.

L'équité commande la condamnation de la SCI Kismat à verser aux sociétés Milhac Sud, Compagnie Bordelaise de la Réunion et Savannah Distribution une somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement en matière civile par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

REJETTE comme non fondés les moyens tirés de l'irrecevabilité de l'appel, de la nullité du jugement, de l'irrecevabilité des demandes et de la nullité du rapport d'expertise de Monsieur C....

INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SCI Kismat à verser à la S.A.R.L. Milhac Sud une somme de 581 196,63 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 février 2001 et à la SA Compagnie Bordelaise de la Réunion une somme de 291 833,15 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 février 2001,

STATUANT à nouveau CONDAMNE la SCI Kismat à verser à titre de dommages et intérêts à la S.A.R.L. Milhac Sud une somme de 452 000 € et à la SA Compagnie Bordelaise de la Réunion une somme de 226 000 € augmentée des intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

REJETTE toutes autres demandes

CONDAMNE la SCI Kismat à verser sociétés Milhac Sud, Compagnie Bordelaise de la Réunion et Savannah Distribution à une somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de leurs frais irrépétibles d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Olivier FROMENT, Président, et par Dolène MAGAMOOTOO, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion
Formation : Ct0062
Numéro d'arrêt : 06/01192
Date de la décision : 23/05/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Saint-Pierre, 07 juillet 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.saint-denis-de-la-reunion;arret;2008-05-23;06.01192 ?
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