N° RG 23/01162 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JKRA
COUR D'APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 4 SEPTEMBRE 2024
DÉCISION DÉFÉRÉE :
21/02523
Tribunal judiciaire d'Evreux du 7 février 2023
APPELANTE :
S.A.S. CONSTRUCTIONS CHAUDRONNEES ET METALIQUES DE [Localité 4] CCMG
RCS d'Evreux 330 588 963
[Adresse 6]
[Localité 2]
représentée par Me Caroline SCOLAN de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Christophe SENET de la Selarl FIDAL, avocat au barreau de Rouen
INTIMEE :
G.A.E.C. DE LA [Adresse 5]
RCS de Bernay 317 707 875
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée et assistée par Me Nelly LEROUX-BOSTYN, avocat au barreau de l'Eure
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 3 juin 2024 sans opposition des avocats devant Mme BERGERE, conseillère, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre
Mme Magali DEGUETTE, conseillère
Mme Anne-Laure BERGERE, conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Catherine CHEVALIER
DEBATS :
A l'audience publique du 3 juin 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 4 septembre 2024
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 4 septembre 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
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* *
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Le 28 août 2012, le Groupement Agricole d'Exploitation en Commun de la [Adresse 5] (ci-après dénommé Gaec de la [Adresse 5]) a acquis auprès de la Sas Les Constructions Chaudronnées et Métalliques de [Localité 4] (ci-après dénommé la société Ccmg) une mélangeuse de précision accouplée à une turbine de paillage, moyennant le prix de 54 896,40 euros Ttc.
Par acte d'huissier du 20 avril 2017, se plaignant de plusieurs dysfonctionnement dès les premières utilisations de la machine, le Gaec de la [Adresse 5] a assigné la société Ccmg devant le juge des référés du tribunal judiciaire d'Evreux afin d'obtenir sa condamnation à procéder à des travaux de remise en état, ou, à titre subsidiaire, une expertise judiciaire.
Par ordonnance du 3 janvier 2018, il a été fait droit à la demande d'expertise,
M. [B] étant désigné en qualité d'expert. Le rapport d'expertise a été déposé le 26 octobre 2020.
Par exploit d'huissier du 6 septembre 2021, le Gaec de la [Adresse 5] a assigné la société Ccmg devant le tribunal judiciaire d'Evreux aux fins de condamnation en réparation de ses préjudices.
Par jugement du 7 février 2023, le tribunal judiciaire d'Evreux a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, :
- débouté le Gaec de la [Adresse 5] de sa demande en paiement de dommages et intérêts lié aux frais d'expertise judiciaire,
- condamné la société Ccmg à payer au Gaec de la [Adresse 5] la somme de
25 418 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel,
- condamné la société Ccmg à payer au Gaec de la [Adresse 5] la somme de 870 euros par mois à compter du 2 mars 2017 et jusqu'au prononcé du jugement à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance,
- condamné le Gaec de la [Adresse 5] à payer à la société Ccmg la somme de
1 416 euros en paiement de la facture du 27 avril 2016, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 11 août 2016,
- condamné la société Ccmg à payer au Gaec de la [Adresse 5] la somme de
2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la société Ccmg de sa demande au titre des frais irrépétibles,
- condamné la société Ccmg aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire,
- débouté les parties de leurs plus amples demandes.
Par déclaration reçue au greffe le 29 mars 2023, la société Ccmg a interjeté appel de cette décision.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 15 décembre 2023, la Sas Ccmg demande à la cour, au visa des articles 564 et suivants du code de procédure civile, 1103, 1104 et 1341, 1231, 1231-1 et 2239 et suivants du code civil, de :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
. condamné la société Ccmg à payer au Gaec de la [Adresse 5] les sommes de
25 418 euros au titre du préjudice matériel, 870 euros par mois à compter du 2 mars 2017 au titre du préjudice de jouissance et 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
. débouté la société Ccmg de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
. condamné la société Ccmg aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire,
statuant à nouveau sur ces chefs,
- débouter le Gaec de la [Adresse 5] de toutes ses demandes de condamnation en paiement au titre de la réparation de la mélangeuse de précision accouplée à une turbine de paillage Roller Plus Silver 24m3,
subsidiairement,
- limiter le montant des dommages et intérêts au titre du préjudice matériel à
5 000 euros et à 10 000 euros au titre du préjudice de jouissance,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné le Gaec de la [Adresse 5] à payer la somme de 1 416 euros Ttc en règlement de la facture du 27 avril 2016, avec intérêt à compter de la mise en demeure du 11 août 2016,
- dire et juger irrecevable la nouvelle prétention du Gaec de la [Adresse 5] tendant au rejet du paiement de cette facture,
- débouter, en tout état de cause, le Gaec de la [Adresse 5] de son appel incident sur cette question,
- débouter le Gaec de la [Adresse 5] de toutes ses demandes,
en tout état de cause,
- condamner le Gaec de la [Adresse 5] à lui payer la somme de 7 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise, avec distraction au profit de la Selarl Gray Scolan conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans l'arrêt à intervenir, condamner le Gaec de la [Adresse 5] à lui payer le montant des sommes retenues par l'huissier chargé de l'exécution forcée au titre de l'article 10 du décret 96-1080 du 12 décembre 1996 (tarif des huissiers) modifié par le décret n°2001-212 du 8 mars 2001, en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de son recours, l'appelante critique les conclusions du rapport d'expertise judiciaire, estimant que l'expert ne démontre pas le lien qui existerait entre elle et l'origine du désordre. Plus précisément, si elle ne conteste pas le fait que la désolidarisation de la pale qui a entraîné la destruction du réducteur a pour origine la mauvaise qualité de la soudure de liaison entre le rotor et la pale, en revanche, elle affirme que cette soudure n'a pas été réalisée par son personnel, rappelant que les dernières interventions sur la machine ont eu lieu près de deux ans avant cette panne et que la machine était peu entretenue par le Gaec de la [Adresse 5], de sorte qu'il est impossible que cette soudure de mauvaise qualité ait tenu deux ans. Elle estime que l'expert n'apporte aucune preuve technique à son affirmation péremptoire et rappelle que ce n'est pas à elle de rapporter la preuve de son absence de responsabilité.
À titre subsidiaire, sur le préjudice subi par le Gaec de la [Adresse 5], l'appelante fait observer qu'il ne peut être demandé de manière cumulative le coût de la réparation et l'entier coût du financement d'un crédit-bail pour une nouvelle machine. En outre, elle soulève le fait que le coût réel n'est pas justifié, en l'absence de productions de factures.
Sur le paiement de la facture du 27 avril 2016, la société Ccmg soulève l'irrecevabilité des contestations émises par l'intimée tant sur la prescription que sur le fond, comme étant une demande nouvelle. À titre subsidiaire, elle conclut à l'absence de prescription, puisque la première demande en paiement a été présentée par conclusions du 6 juin 2017, ce qui a, conformément à l'article 2241 du code civil, interrompu la prescription, puis suspendu la prescription pendant le temps de l'expertise judiciaire. Sur le fond, elle fait valoir que cette intervention n'est aucunement en lien avec les dysfonctionnements constatés, de sorte que le Gaec de la [Adresse 5] ne s'oppose pas valablement à son paiement.
Par conclusions notifiées le 20 septembre 2023, le Gaec de la [Adresse 5] demande à la cour, au visa de l'article 1231-1 du code civil, de :
- débouter la société Ccmg de sa demande de réformation du jugement,
- confirmer le jugement entrepris à l'exception de la facture du 27 avril 2016,
- consacrer la responsabilité de la société Ccmg dans le préjudice subi par le Gaec de la [Adresse 5] dans le cadre de la réparation de la mélangeuse de précision accouplé à une turbine de paillage Roller Plus Silver 24 m3,
- condamner la société Ccmg à lui régler les sommes suivantes :
. 25 418 euros Ttc au titre des frais de remise en état de la mélangeuse, outre mémoire pour tenir compte de l'augmentation à prévoir,
. 61 770 euros Ht au titre de la location,
. 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- réformer le jugement en ce qu'il a condamné le Gaec de la [Adresse 5] à régler la somme de 1 416 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 11 août 2016,
- juger que la demande est prescrite,
- débouter la société Ccmg de sa demande de paiement de la somme de 1 416 euros,
y ajoutant,
- condamner la société Ccmg à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.
Au soutien de son action en responsabilité, le Gaec de la [Adresse 5] affirme qu'il résulte du rapport d'expertise judiciaire que la société Ccmg est entièrement responsable de son préjudice en raison d'une réparation défectueuse et non préconisée en pareil cas par le constructeur de la machine agricole. Elle fait observer que l'expert a relevé que les factures de la société Ccmg des 22 janvier 2015 et 24 novembre 2015 attestent des soudures réalisées. De plus l'expert précise que la désolidarisation de la pale et la destruction du système du réducteur sont imputables à celui qui a mal exécuté la soudure, ce qui ne peut être qu'un membre du personnel de la société Ccmg. Elle fait observer que dans le cadre des opérations d'expertise, l'appelante n'a pas contesté être à l'origine de cette soudure.
Sur son préjudice, elle sollicite l'homologation des conclusions du rapport d'expertise judiciaire sur le coût matériel des réparations. En outre, elle sollicite le remboursement des factures de location qu'elle a dû régler pour se procurer une machine de remplacement, le temps de l'immobilisation de sa mélangeuse, qui est un matériel indispensable à l'alimentation de son troupeau laitier, de sorte qu'elle est utilisée tous les jours.
Sur son appel incident, elle entend soulever la prescription de l'action en paiement de la société Ccmg, au motif que la facture a été émise le 27 avril 2016 et que la demande en paiement a été régularisée par voie de conclusions du 4 janvier 2022, soit après l'expiration du délai de 5 ans de l'article 2224 du code civil. Sur le fond, elle fait valoir que la société Ccmg est débitrice d'une obligation de résultat et que manifestement, son intervention n'a pas donné satisfaction, de sorte qu'elle s'estime bien fondée dans son refus de paiement de la facture litigieuse.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 mai 2024.
MOTIFS
Sur la responsabilité de la société Ccmg
Aux termes de l'article 1147 devenu 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
Il résulte de l'application combinée de cette disposition et de l'article 1315, devenu 1353, du code civil qu'à l'instar du garagiste, si la responsabilité du réparateur de machine agricole au titre des prestations qui lui sont confiées n'est engagée qu'en cas de faute, dès lors que des désordres surviennent ou persistent après son intervention, l'existence d'une faute et celle d'un lien causal entre la faute et ces désordres sont présumées. Il s'agit d'une présomption simple qui peut être renverser en rapportant la preuve de son absence de faute.
En l'espèce, les conclusions du rapport d'expertise judiciaire sont les suivantes : 'Les pignons du système de réduction du mouvement de rotation sont cassés. Le rotor avant de malaxage a perdu une pale. Cette pale est venue se coincer entre ledit rotor et la paroi de la cuve de malaxage. Il s'en est suivi un blocage brutal de la machine. Ce blocage a produit un choc destructeur pour les engrenages du système de réduction du mouvement. Les réducteur sont détruits et le rotor avant est endommagé.
La cause de la panne est une rupture de la soudure de liaison entre la pale, désolidarisée de son point de fixation et le rotor. L'origine de la perte de la pale est une mauvaise exécution de la soudure de liaison entre la pale et le rotor. Cette réparation est un 'collage' inefficace et non une soudure.'
L'expert retient que la soudure a été mal exécutée, sans respect de règles de l'art.
Ensuite, il relève que 'suivant les documents d'atelier Ccmg datés du 22 janvier 2015 et 24 novembre 2015 présents au dossier, des soudures ont été réalisées lors de réparations effectuées par Ccmg. En effet, ces documents mentionnent 'soudure sur vis' et ' soudure sur vis mélangeur'. La désolidarisation de la pale et la destruction du système de réducteur sont imputables à celui qui a mal exécuté la soudure lors des réparations du 22 01 2015 et du 24 11 2015, à savoir Ccmg'.
Les documents visés par l'expert ne sont pas communiqués dans les pièces annexées au rapport d'expertise et ils ne sont pas produits par les parties. Néanmoins, la société Ccgm, que ce soit dans le cadre des opérations d'expertise ou dans le cadre de la présente instance, ne conteste ni leur existence, ni le fait d'avoir réalisé l'intervention litigieuse mentionnée. Elle soutient seulement que le lien de causalité n'est pas établi, puisque la casse de la soudure est intervenue en mars 2017, soit près de 16 mois après l'intervention.
Cet unique argument tenant à la durée écoulée entre l'intervention de la société Ccgm et la rupture de la soudure, n'est pas un élément suffisant pour affaiblir la présomption de lien de causalité existant entre les deux, à défaut de toute allégation et a fortiori démonstration d'une intervention postérieure d'un tiers, étant de surcroît fait observer qu'il ressort des éléments du dossier que si le Gaec de la [Adresse 5] ne procédait pas fréquemment à des entretiens mécaniques de son matériel, il n'est pas établi qu'il faisait appel à un autre prestataire pour intervenir sur sa machine. Jusqu'au mois de mars 2017, seule la société Ccgm était sollicitée pour procéder aux entretiens et aux réparations nécessaires.
Les conclusions du rapport d'expertise judiciaire sont suffisantes pour présumer la faute et le lien de causalité imputable à la société Ccgm à l'origine de la détérioration de la mélangeuse du Gaec de la [Adresse 5]. Aussi, et en l'absence de tout élément permettant de renverser cette présomption, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que sa responsabilité était engagée.
Sur le préjudice matériel, la société Ccgm soutient que l'évaluation de l'expert judiciaire fixant le coût de la réparation à 25 418 euros au vu d'un devis établi par un professionnel n'est pas sérieuse et doit être ramenée à la somme de 5 000 euros. Eu égard à l'ampleur des dégâts et dans la mesure où cette critique n'est fondée sur aucun argument technique, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu ce chiffrage.
Sur le préjudice de jouissance, à titre liminaire, il convient de préciser qu'il importe peu que l'expert judiciaire n'ait pas eu communication des éléments nécessaires au chiffrage de ce poste de préjudice puisqu'il ne s'agit pas d'un élément technique sur lequel la juridiction ne peut statuer sans l'éclairage d'un sachant.
En outre, c'est en vain que la société Ccgm estime qu'elle n'a pas à supporter cumulativement le coût de la réparation de la mélangeuse et le préjudice lié à son remplacement sur la période pendant laquelle celle-ci était hors d'usage. En effet, il n'est ni contestable ni sérieusement contesté que ce matériel est utilisé quotidiennement par le Gaec de la [Adresse 5] pour les nécessités de son exploitation agricole. Aussi, le fait que la mélangeuse ait été inutilisable à la suite de la désolidarisation de la pale et pendant toute la procédure judiciaire lui a causé un préjudice de jouissance incontestable, qui l'a contraint à louer une autre machine.
La période d'indemnisation retenue par les premiers juges n'est pas critiquable. Quant à l'évaluation de ce préjudice de jouissance, il convient de retenir, au vu des factures produites aux débats, les éléments suivants :
- du mois d'octobre 2017 au mois de juillet 2018, le Gaec de la [Adresse 5] justifie avoir loué une mélangeuse en remplacement de celle détériorée pour un coût mensuel Ttc de 1 200 euros, soit sur la période un préjudice de 12 000 euros,
- pour la période postérieure, du mois d'août 2018 au mois de février 2023, date du jugement de première instance, il convient de prendre en compte le coût du loyer du contrat de crédit-bail, soit 936,13 euros Ttc. En revanche, il n'y pas lieu de tenir compte du montant de la première mensualité de 10 823,40 euros, qui correspond au coût du droit d'option pour l'acquisition définitive de la machine. Sur cette période, le préjudice est donc évalué à 936,13 × 55 mois = 51 487,15 euros.
En conséquence, par jugement infirmatif, il convient de condamner la société Ccgm à payer au Gaec de la [Adresse 5] la somme totale de 63 487,15 euros TTC au titre de son préjudice de jouissance, étant précisé que la demande s'élevait à la somme de 61 770 euros HT de sorte qu'avec la TVA applicable, la somme allouée n'excède pas la prétention.
Sur le paiement de la facture du 27 avril 2016
- Sur la recevabilité
Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer son adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel la prescription.
Et selon l'article 123 du même code, les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages et intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.
L'article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Les articles 2241 et 2242 du même code précisent que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. L'interruption résultant de la demande en justice produit ses effet jusqu'à l'extinction de l'instance.
En l'espèce, à titre liminaire, il convient de préciser que la fin de non-recevoir soulevée par le Gaec de la [Adresse 5] n'est pas une demande nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile, étant surabondamment fait observer que cette exception d'irrecevabilité était déjà soulevée en première instance, le juge du fond n'ayant pas statué dessus pour des raisons procédurales tenant à sa saisine qu'il a estimé irrégulière sur cette question.
La facture litigieuse a été émise le 27 avril 2016. La société Ccmg justifie avoir, pour la première fois, présenté sa demande en paiement, dans le cadre de l'instance en référé pour l'audience du 7 juin 2017. Cette demande en justice a valablement interrompu le délai de prescription quinquennale de son action en paiement jusqu'à la fin de l'instance, soit jusqu'à l'ordonnance de référé rendue le 3 janvier 2018 aux termes de laquelle la société Ccmg a été débouté de sa demande en paiement. Un nouveau délai de 5 ans a donc commencé à courir à partir de cette date. Il n'est pas contesté que dans le cadre de la présente instance, la société Ccmg a présenté à nouveau sa demande en paiement dans ses conclusions notifiées le 4 janvier 2022, soit avant le terme du délai de prescription fixé au 3 janvier 2023.
Son action n'est donc pas prescrite et la fin de non-recevoir soulevée par le Gaec de la [Adresse 5] à ce titre sera donc rejetée.
- Sur le fond
Aux termes des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ils doivent être exécutés de bonne foi.
Et selon l'article 1217 du même code, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté ou l'a été imparfaitement, peut :
- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation,
- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation
- obtenir une réduction du prix,
- provoquer la résolution du contrat,
- demander réparation des conséquences de l'inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.
En l'espèce, il est constant que les travaux facturés par la société Ccmg le 27 avril 2016 dont elle réclame le paiement, à savoir 'intervention sur pailleuse : dépose pailleuse, retour en atelier pour réparation, remontage et essais', et plus précisément, ainsi que cela ressort du rapport d'expertise judiciaire, la dépose des couteaux qui étaient usés, ont été réalisés.
Le Gaec de la [Adresse 5] s'oppose au paiement de cette facture arguant de la mauvaise exécution de la prestation. Toutefois, il ne ressort aucunement du rapport d'expertise judiciaire que la dépose des couteaux et leur remplacement ont été réalisés de manière défectueuse. Aussi, et en l'absence de tout autre élément permettant d'établir la faute contractuelle reprochée à la société Ccmg, cet argument est inopérant.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné le Gaec de la [Adresse 5] à payer à la société Ccmg la somme de
1 416 euros en paiement de la facture du 27 avril 2016, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 11 août 2016.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Les dispositions de première instance relatives aux dépens et frais irrépétibles seront confirmées.
La société Ccmg succombant, elle sera condamnée aux dépens d'appel.
L'équité et la solution du litige commandent qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit du Gaec de la [Adresse 5] à concurrence de la somme de 3 000 euros.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Rejette la fin de non-recevoir soulevée par le Gaec de la [Adresse 5] tirée de la prescription de l'action de la Sas Ccgm au titre du paiement de la facture du 27 avril 2016,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la Sas Ccmg à payer au Gaec de la [Adresse 5] la somme de 870 euros par mois à compter du 2 mars 2017 et jusqu'au prononcé du jugement à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance,
Statuant à nouveau du chef infirmé,
Condamne la Sas Ccmg à payer au Gaec de la [Adresse 5] la somme de
63 487,15 euros au titre de son préjudice de jouissance,
Y ajoutant,
Condamne la Sas Ccmg à payer au Gaec de la [Adresse 5] la somme de
3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel,
Condamne la Sas Ccmg aux entiers dépens de l'instance d'appel.
Le greffier, La présidente de chambre,