N° RG 23/01376 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JK77
COUR D'APPEL DE ROUEN
CH. CIVILE ET COMMERCIALE
ARRET DU 29 AOUT 2024
DÉCISION DÉFÉRÉE :
222/207
Tribunal judiciaire de Dieppe du 14 décembre 2022
APPELANTE :
S.C.I. SCI LE RETRO
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée et assistée par Me David-alexis MENNESSON, avocat au barreau de ROUEN
INTIMEE :
S.A.S. SVR
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Simon MOSQUET-LEVENEUR de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 11 avril 2024 sans opposition des avocats devant Mme MENARD-GOGIBU, conseillère, rapporteur.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme FOUCHER-GROS, présidente
M. URBANO, conseiller
Mme MENARD-GOGIBU, conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme RIFFAULT, greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 11 avril 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 juin 2024 puis prorogé à ce jour.
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 29 août 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme FOUCHER-GROS, présidente et par Mme RIFFAULT, greffière.
*
* *
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par acte sous seing privé du 28 décembre 2018, la SCI Le Retro a consenti un bail commercial à Monsieur [H] [Z] sur divers locaux dépendant d'un immeuble sis à [Adresse 2], à l'angle de la [Adresse 6], et ce, pour une nouvelle durée de neuf années entières et consécutives à compter du 1er janvier 2019 pour se terminer le 31 décembre 2027.
Les locaux sont à usage de café-débit de boissons-snack-petite brasserie.
Suivant acte sous seing privé du 21 janvier 2020, la société SVR a acquis le fonds de commerce de Monsieur [Z].
La cession du fonds de commerce a été signifiée à la SCI Le Retro le 15 avril 2020.
La société SVR a procédé à des travaux.
Par acte d'huissier du 3 septembre 2020, le bailleur a fait signifier à la société SVR un commandement visant la clause résolutoire pour inexécution des obligations locatives.
La société SVR a saisi le tribunal judiciaire de Dieppe aux fins de voir constater la nullité de ce commandement.
Par jugement du 14 décembre 2022, le tribunal judiciaire de Dieppe a :
- déclaré le commandement pour inexécution des obligations locatives délivré le 3 septembre 2020 à la SCI SVR à l'initiative de la SCI LE Retro sans objet, les obligations contenues étant exécutées et en conséquence prononce sa nullité,
- débouté la SCI Le Retro de sa demande reconventionnelle tendant à prononcer l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial,
- débouté la SCI Le Retro de sa demande reconventionnelle de résiliation du bail commercial la liant à la SAS SVR,
- débouté les parties de leurs plus amples demandes,
- débouté les parties de leur demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SCI Le Retro aux dépens.
La SCI Le Retro a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 18 avril 2023.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 avril 2024.
EXPOSE DES PRETENTIONS
Vu les conclusions du 18 octobre 2023, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la SCI Le Retro qui demande à la cour de :
- déclarer recevable et bien fondée la société SCI Le Retro en son appel de la décision rendue le 14 décembre 2022 par le tribunal judiciaire de Dieppe,
Y faisant droit,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Dieppe en date du 14 décembre 2022 en ce qu'il a :
- déclaré le commandement pour inexécution des obligations locatives délivré le 3 septembre 2020 à la SCI SVR à l'initiative de la SCI Le Retro sans objet les obligations contenues étant exécutées et en conséquence prononce sa nullité,
- débouté la SCI Le Retro de sa demande reconventionnelle tendant à prononcer l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial,
- débouté la SCI Le Retro de sa demande reconventionnelle de résiliation du bail commercial la liant à la SAS SVR,
- débouté les parties de leurs plus amples demandes,
- débouté les parties de leur demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SCI Le Retro aux dépens,
Statuant à nouveau,
A titre principal,
- prononcer, au profit de la société SCI Le Retro, l'acquisition de la clause résolutoire contenue dans le bail commercial en date du 28 décembre 2018 applicable entre les parties à la date du 3 octobre 2020, par l'effet du commandement pour inexécution visant la clause résolutoire délivré le 3 septembre 2020,
A titre subsidiaire :
- prononcer la résiliation judiciaire du bail commercial en date du 28 décembre 2018 applicable entre les parties à la date de l'arrêt à intervenir,
En tout état de cause :
- ordonner l'expulsion de la société SVR et de tout occupant, de son chef et avec l'assistance de la force publique s'il y a lieu, des lieux en cause, dans le mois de la décision à intervenir,
- ordonner qu'en cas de besoin, les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et, à défaut, seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrit avec précision par le commissaire de justice chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans un délai de deux mois à l'expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques, sur autorisation du juge de l'exécution,
- ordonner que tous travaux, embellissements, améliorations, installations et construction deviendront la propriété du bailleur en fin de jouissance, sans indemnité, sans que la société SVR ne puisse les supprimer sans l'autorisation préalable de la société SCI Le Retro,
- condamner la société SVR à démonter à ses frais exclusifs la terrasse extérieure dans un délai de 30 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ainsi que de remettre en état la façade, sous astreinte de 300 euros par jour de retard,
- condamner la société SVR à verser par provision à la société SCI Le Retro une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer majoré de cinquante pour cent, charges et taxes en sus, à compter de la date de résiliation du présent bail jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, outre les intérêts au taux légal à compter de la date de la décision à intervenir,
- ordonner la capitalisation des intérêts par période annuelle,
- débouter la société SVR de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société SVR à verser à la société SCI Le Retro une indemnité de
7 000 euros en ce compris les frais de première instance et d'appel au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance.
Vu les conclusions du 31 août 2023, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la société SVR qui demande à la cour de :
- dire et juger la société SCI Le Retro mal fondée en son appel du jugement rendu le 14 décembre 2022 par le tribunal judiciaire de Dieppe et la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Si par extraordinaire, la cour venait à considérer que la clause résolutoire a vocation à s'appliquer,
- suspendre les effets de la clause résolutoire et octroyer à la société SVR vingt-quatre mois de délais pour apporter une réponse appropriée aux exigences de la bailleresse,
- condamner la société SCI Le Retro à payer à la société SVR la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande d'acquisition de la clause résolutoire contenue dans le bail commercial
La SCI Le Retro soutient que :
* le bail impose au preneur de solliciter l'autorisation du bailleur avant de procéder aux travaux suivants : construction, démolition, câblage, modification des cloisons ou planchers, plafonds, changement de distribution, agencement ou installations ; le prétexte d'une remise aux normes et d'embellissement ne peut pas prospérer ;
* les travaux entraînant une démolition doivent au préalable faire l'objet d'un accord du bailleur et d'une intervention de son architecte ; le bailleur a multiplié les démarches afin d'obtenir des informations sur la nature des travaux et les faire stopper dans l'attente de l'intervention de son architecte ;
* le 2 mars 2020, le preneur a fait réaliser un procès-verbal de constat et il a été constaté la présence de solives pourries au sein des locaux loués ;
* deux réunions ont été organisées les 29 juin et 27 juillet 2020 en présence de l'architecte du bailleur, Monsieur [M], qui a relevé que le preneur avait effectué les travaux sans le consulter et qu'aucun traitement n'avait été effectué sur les poutres pourries ;
* le preneur a réalisé des travaux de démontage sans l'autorisation du bailleur ;
* la société Socotec est intervenue à la fin des travaux, sans que ni le bailleur, ni son architecte ne soit convoqué et/ou informé malgré leur demande ; ce faisant et en ne communiquant pas les informations nécessaires à la surveillance et au contrôle du chantier alors que la présence de solives pourries est susceptible d'atteindre la solidité du plafond, la société SVR a violé les dispositions du bail ;
* le fait que le preneur présente a posteriori un rapport du bureau de contrôle ne saurait excuser son inexécution contractuelle.
La société SVR réplique que :
* le local nécessitait des travaux ; elle a déposé une demande d'autorisation de construire le 26 mai 2020 auprès de la mairie ; les travaux envisagés ne touchent en aucun cas la structure du bâtiment, ni les murs porteurs et ne mettent en aucune façon en péril l'immeuble ;
* elle a réalisé des travaux qui ne requièrent pas l'autorisation de la bailleresse ;
* la SCI Le Retro a été informée de ces travaux et son architecte les a même validés au cours des réunions qui ont eu lieu sur place ; elle a sollicité le concours du cabinet Socotec qui a émis un avis conforme.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article L145-41 du code de commerce, '' Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai'.''
Le commandement doit informer clairement le preneur du manquement qui lui est reproché et ce manquement doit être en relation avec une stipulation expresse du bail sanctionnée par la clause.
Seules les dispositions claires et précises d'un commandement ont vocation à produire effet compte tenu de l'importance de la sanction encourue en cas de non-respect.
Il incombe au bailleur d'établir l'existence et la persistance de l'infraction aux clauses du bail.
Le bail commercial stipule en son article 12 relatif à la clause résolutoire :
'' ' à défaut de paiement d'un seul terme (') ou en cas d'inexécution d'une seule des conditions du Bail ('), le Bail sera résilié de plein droit, même dans le cas (') d'exécution postérieure à l'expiration des délais ci-dessus.''
La clause 6.2.4.1 du bail relative aux travaux en cours de bail à l'initiative du preneur stipule :
'' Le Preneur pourra effectuer librement, à sa charge, les travaux d'équipement et d'installation qui seront nécessaires à l'exercice de son activité, à condition que ces travaux ne nuisent ni à la destination ni à la solidité de l'immeuble ni au règlement pouvant, le cas échéant, exister, le tout à charge pour ledit Preneur d'obtenir les autorisations administratives nécessaires.
Le Preneur aura à sa charge toutes les transformations nécessitées par l'exercice de son activité, tout en restant garant, vis à vis du bailleur de toutes actions en dommages et intérêts de la part des autres preneurs ou des voisins que pourrait provoquer l'exercice de cette activité.
Toutefois :
D'une part, le Preneur ne pourra faire, sans l'autorisation préalable écrite du Bailleur, dans les Biens Loués, aucun agrandissement, aucune construction, ni démolition, aucun câblage, aucune modification des cloisons ou planchers, plafonds ni aucun changement de distribution, agencement ou installations.
Ces travaux qui seront autorisés par le Bailleur seront faits aux frais du Preneur, au besoin sous la surveillance et le contrôle de l'architecte du Bailleur, dont les honoraires et vacations seront payés par le Preneur.
D'autre part, le Preneur ne pourra faire aucuns travaux affectant la destination ou la solidité de l'immeuble au sein duquel se situent les Biens Loués ou pouvant avoir des répercussions directes comme indirectes sur les éléments du bâti visés à l'article 606 du Code civil.
Ces travaux de transformations ne pourront être faites qu'après avis favorable préalable et sous la surveillance et le contrôle de l'architecte du Bailleur (').
(').
Le Preneur aura également à sa charge tous travaux exigés par l'administration pour mettre les biens loués en conformité avec les normes de sécurité, d'hygiène et d'accès, et notamment avec les normes de sécurité liées à l'activité qu'il se propose d'exercer.
En particulier, et de convention expresse entre les parties, le preneur assurera l'ensemble des travaux de mise en conformité (notamment les travaux de sécurité et d'accès, de mise en conformité au regard des ERP) quelle qu'en soit la nature, qui seraient rendus indispensables par une autorité administrative quelle qu'elle soit, en raison de l'activité exercée dans les lieux loués, même en cas de vétusté, de modifications législatives ou réglementaires ou autres, de telle façon que le bailleur ne soit jamais recherché à ce sujet(...).''
Le 3 septembre 2020, la SCI Le Retro a fait délivrer à la société SVR un commandement visant la clause résolutoire insérée au bail ''pour inexécution des obligations locatives'' en ces termes :
(')
Qu'il est stipulé à l'article 6-2-4-1 dudit bail relatif aux travaux en cours de bail à l'initiative du preneur :
D'une part, le Preneur ne pourra faire, sans l'autorisation préalable écrite du Bailleur, dans les Biens Loués, aucun agrandissement, aucune construction, ni démolition, aucun câblage, aucune modification des cloisons ou planchers, plafonds ni aucun changement de distribution, agencement ou installations.
Ces travaux qui seront autorisés par le Bailleur seront faits aux frais du Preneur, au besoin sous la surveillance et le contrôle de l'architecte du Bailleur, dont les honoraires et vacations seront payés par le Preneur.
( ')
Qu'en date du 5 février 2020, la requérante fait constater ('), la réalisation d'importants travaux dans les locaux commerciaux objet du bail.
Qu'en date du 12 mars 2020, la requérante vous demandait par SMS, de prendre l'attache de son architecte, (')
(') qu'en date du 12 juin 2020, ce constat permettant d'entrevoir l'étendue et l'importance des travaux que vous avez entrepris.
En date du 12 mai 2020, la requérante (') vous adressait une mise en demeure de stopper sans délai tous travaux.
Que vous êtes actuellement en infraction avec les conditions de votre bail à savoir :
- vous n'avez pas contacté l'architecte de la bailleresse pour effectuer les importants travaux dans le local [Adresse 2], dont il ressort du constat effectué à votre requête le 2 mars 2020, que vous aviez mis à nu les plafonds comportant des poutres pourries.
- vous avez poursuivi vos travaux sans que le PV de constat du 2 mars 2020 ait été dénoncé à la requérante.
- vous avez effectué un doublage en placo avec mise en peinture du plafond sans aucun traitement des poutres pourries comme le précisait votre maître d''uvre, la société Exbebat, lors de la réunion du 27 juillet 2020, en présence de l'architecte de la bailleresse et du bureau de contrôle Socitec.
Qu'en conséquence, la requérante se voit contrainte de vous faire par le présent acte, commandement dans le délai d'un mois des présentes :
- A procéder au démontage des travaux que vous avez effectué et qui masquent les poutres pourries ;
- D'avoir à porter remède aux poutres pourries, par tous travaux nécessaires dans les règles de l'art, et ce en présence de Monsieur [Y] [M], architecte (...) en lui fournissant les devis, factures, PV des matériaux mis en 'uvre sur les murs et plafonds, ainsi que le Dossier des Ouvrages Exécutés.
Il résulte des dispositions du bail que le preneur peut réaliser librement les travaux d'équipement et d'installation nécessaires à l'exercice de son activité à condition que ces travaux ne nuisent ni à la destination ni à la solidité de l'immeuble et qu'il a, par ailleurs, à sa charge l'ensemble des travaux de mise en conformité des locaux avec les normes de sécurité liées à son activité même en cas de vétusté.
Il s'ensuit que le bailleur doit démontrer que les travaux entrepris et dénoncés précisément dans les commandements - soit la mise à nu des plafonds et la pose d'un doublage en placo avec mise en peinture du plafond sans aucun traitement des poutres pourries - sont de ceux qui requièrent pour leur exécution son autorisation préalable, tels qu'énumérés à l'article 6-2-4-6 du bail
Le 2 mars 2020, Maître [S], huissier de justice à [Localité 3], requise à la demande de la société SVR aux fins d'effectuer, avant l'engagement des travaux, toutes constatations utiles concernant l'état des murs et plafonds mis à nu, a constaté la présence de solives au plafond dont certaines étaient pourries.
Dans un courrier électronique du 12 juin 2020, le conseil de la société SVR s'est adressé au conseil de la SCI Le Retro pour lui préciser, après interrogation du maître d''uvre et retranscription du courrier de ce dernier, que les travaux entrepris consistent à démonter des plaques de plâtre en doublage des plafonds puis à réaliser un doublage plaque de plâtre coupe-feu aux normes en vigueur, que les travaux ne touchent en aucun cas aux structures du bâtiment et ne peuvent mettre en péril l'immeuble. Il indique que les travaux engagés n'obligent en aucun cas la présence d'un architecte.
Dans un courrier du 6 juillet 2020 adressé au conseil de sa cliente, Monsieur [M], architecte de la bailleresse, indique que les doublages notamment aux plafonds ont été refaits à neuf, que l'entreprise qui a effectué les travaux affirme que les plafonds sont désormais coupe-feu 2 h et il ajoute avoir constaté que les plaques de plâtre posées sur les murs de doublage sont en 25 mm d'épaisseur.
Dans un courrier du 27 juillet 2020, toujours adressé au conseil de sa cliente, Monsieur [M] précise que le bureau de contrôle Socotec, représenté par Monsieur [G], présent ce même jour au rendez-vous sur site, a été missionné à sa demande par l'entreprise Exbat afin de pouvoir lever ou non la réserve sur les poutres pourries après avoir fait retirer les plaques de plâtre sur les zones concernées.
Il ne ressort nullement de ces éléments et notamment des courriers de Monsieur [M], architecte de la bailleresse, que la mise à nu des plafonds par démontage des plaques de plâtre ayant révélé la présence de solives dont certaines ont été qualifiées de ''pourries'' par Maître [S], constituent des travaux de démolition des plafonds.
Par ailleurs, la présence de solives pourries à un endroit du plafond n'est mentionnée que sur le constat de l'huissier de justice qui ne constitue pas un avis technique. La société SVR produit le rapport de la société Socotec du 8 juin 2021 duquel il ressort que les travaux réalisés concernant notamment le plafond et les murs ont été vérifiés. Il y est noté que les vérifications ont comporté, d'une part, un examen des documents de conception, d'exécution, des justificatifs fournis et, d'autre part, des visites effectuées au cours desquelles des examens par sondage ont été réalisés. Dans le cadre de sa mission de contrôle de la sécurité des personnes au risque incendie, la société Socotec en la personne de Monsieur [G], rédacteur du rapport, observe en page 11, après constatations faites sur site, que les solives bois sont en bon état général.
Si ce contrôle est intervenu au mois juin 2021 après la délivrance du commandement, le constat du 2 mars 2020 n'est pas à lui seul suffisant pour rapporter la preuve de solives pourries.
Il ressort encore du rapport Socotec que les travaux effectués dans le local ont consisté à poser des contre-cloisons double plaque aux murs et d'un plafond coupe-feu avec laine de verre sous plancher bois afin de rendre le local conforme aux normes de sécurité contre les risques d'incendie ce qui répond à l'obligation pesant sur le preneur de prendre en charge les travaux de mise en conformité des locaux avec les normes de sécurité liées à son activité pour lesquels l'autorisation préalable du bailleur n'était pas nécessaire.
Il résulte de ce qui précède que le commandement du 3 septembre 2020 a été délivré pour des motifs inexacts de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la SCI Le Retro de sa demande tendant à prononcer l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial sans qu'il y ait lieu pour autant de mettre à néant ledit commandement en l'absence de motif de nullité intrinsèque.
Sur la demande de résiliation judiciaire du bail
Moyens des parties
La SCI Le Retro soutient que :
* le preneur a réalisé des travaux de réaménagement complet du local commercial loué et a violé l'article 6.2.4.1 du bail ; le prétexte d'une remise aux normes et d'embellissement ne peut pas prospérer ; il a procédé au rebouchage de l'accès initial au sous-sol ;
* il a violé l'article 6.3 relatif à l'occupation - jouissance l'obligeant à garnir et tenir constamment garnis le local commercial, de matériel, marchandises (') et à exploiter son commerce sans interruption ;
* postérieurement à la délivrance du commandement, la société SVR a percé la façade, passé des câbles pour poser une enseigne lumineuse et a construit une véranda ;
* la construction de la véranda constitue une violation du bail conclu entre les parties, peu importe que l'agrandissement et/ou la construction soient permanents ou non et des tiges métalliques de renfort, sont directement enfoncées dans la façade de l'immeuble ;
* ces éléments constituent un cas d'inexécution suffisamment grave des obligations contractuelles mises à la charge du preneur justifiant la résolution judiciaire du bail commercial.
La société SVR réplique que :
* elle a réalisé des travaux de peinture, des embellissements, de l'agencement intérieur, des revêtements au sol ; elle n'a pas créé de nouvel accès à la cave ;
* elle a fait faire des mises aux normes ;
* les câbles traversant le mur de la façade ont été installés lors de la pose de l'enseigne par les anciens exploitants ; elle n'a pas posé de nouvelle enseigne ;
* elle a sollicité les autorisations administratives nécessaires à la création de la véranda ; tous les recours exercés par la société Le Retro sont demeurés vains ;
* la photo versée aux débats démontre qu'il n'y a pas de scellement sur la façade, aucune fixation et aucun ancrage dans le mur ; les préconisations du cahier des charges du [Adresse 5] ont été parfaitement respectées ; la véranda n'est pas fixée à l'immeuble et est auto portée ; ces travaux n'ont pas affecté les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 1227 du Code civil, ''La résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice.''
Aux termes de l'article 1741 de ce code, '' Le contrat de louage se résout par (') le défaut respectif du bailleur et du preneur de remplir leurs engagements.''
Il résulte de ses dispositions que la résiliation judiciaire du bail peut être prononcée pour un manquement du locataire et le juge apprécie si ce comportement constitue une faute suffisamment grave pour justifier la résiliation.
La clause 6.2.4.1 du bail relative aux travaux en cours de bail à l'initiative du preneur stipule que :
'' le Preneur ne pourra faire, sans l'autorisation préalable écrite du Bailleur, dans les Biens Loués, aucun agrandissement, aucune construction, ni démolition, aucun câblage, aucune modification des cloisons ou planchers, plafonds ni aucun changement de distribution, agencement ou installations. (...)
La SCI Le Retro a fait constater le 23 mars 2021 un affichage sur la porte d'entrée du local commercial mentionnant une non opposition du maire à la déclaration préalable pour la création d'une véranda couverte close.
Le 15 juillet 2021, Maître [C], huissier de justice, a constaté la présence d'une véranda en cours de construction en façade du local et il ressort du procès-verbal qu'une partie de la charpente du toit plat et des tiges métalliques de renfort sont directement enfoncées dans la façade de l'immeuble ce qui n'est pas sérieusement combattu par le seul cliché photographique de la véranda produit par la société SVR qui illustre une seule vue d'ensemble et de l'agrandissement.
Si la société SVR justifie avoir obtenu les autorisations administratives préalables aux travaux et notamment celle de l'architecte des bâtiments de France qui a approuvé le projet, il ne prétend pas avoir demandé et à plus forte raison avoir obtenu l'autorisation préalable de la bailleresse pour réaliser ces travaux d'agrandissement ce qui constitue un manquement grave aux stipulations contractuelles peu important que cet agrandissement soit ou non permanent puisqu'il n'est nullement prévu par le contrat que l'autorisation préalable du bailleur soit exclue pour un agrandissement qui serait provisoire.
Ces importants travaux d'agrandissement sans l'accord du bailleur constituent à eux seuls une violation grave des obligations contractuelles par le preneur et justifient la sanction de la résiliation du bail de sorte que le jugement qui a débouté la SCI Le Retro de cette demande sera infirmée.
Par conséquent, il convient de prononcer la résiliation judiciaire du bail liant les parties avec effet à la date du présent arrêt.
Sur les conséquences de la résiliation judiciaire
Moyens des parties
La SCI Le Retro soutient que :
* en application de l'article 6-2-5 du bail, les améliorations et biens seront laissés par le preneur à bail en fin de jouissance à l'exception de la terrasse extérieure, sans indemnité ;
* l'indemnité d'occupation sera majorée de 50 % conformément à l'article 13 du bail.
La société SVR réplique que :
* elle sollicite la suspension des effets de la clause résolutoire ; sa bonne foi n'est pas contestable ;
* elle a effectué des travaux de mise aux normes ;
* elle sollicite des délais pour répondre aux exigences de la bailleresse en vertu des dispositions des articles 1345-5 du Code civil et L 145-41 du code de commerce.
Réponse de la cour
La demande de la société SVR tendant à la suspension des effets de la clause résolutoire est sans objet dès lors que la cour a confirmé le jugement qui a débouté la SCI Le Retro de sa demande tendant à prononcer l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial.
Les dispositions de l'article L.145-41 du code de commerce qui portent sur la suspension des effets de la clause résolutoire ne trouvent pas à s'appliquer en matière de résiliation judiciaire.
Les dispositions de l'article 1343-5 du code civil ne portent que sur l'octroi de délais de paiement et sont impropres à justifier une demande de délais pour d'autre motifs.
Sur le sort des travaux et améliorations :
Il est prévu par l'article 6-2-5 du bail qui stipule que '' tous travaux, embellissements, améliorations, installations et constructions deviendront la propriété du Bailleur en fin de jouissance, sans indemnité de sa part. En fin de jouissance, le Bailleur pourra demander au preneur le rétablissement des biens loués dans leur état primitif sauf pour les travaux autorisés préalablement et par écrit par le Bailleur.
(')
Le preneur ne pourra plus supprimer les travaux ainsi exécutés, même au cours des présentes, sans le consentement du Bailleur, lesdits travaux se trouveront incorporés à l'immeuble du fait de leur exécution et le Preneur perdant tous droits de propriété à leur égard.''
La société SVR n'a développé aucun argument en réponse à cette demande de la SCI Le Retro qui sollicite l'application des stipulations du contrat de sorte qu'il sera fait droit à sa demande comme il sera dit au dispositif de la décision.
En ce qui concerne la véranda, il convient de condamner la société SVR à la démonter à ses frais et à remettre en état la façade ceci dans un délai de 30 jours à compter de la signification de l'arrêt.
Il n'est fait état par la SCI Le Retro d'aucune circonstance faisant apparaître la nécessité d'assortir d'une astreinte cette condamnation à procéder au démontage de la terrasse de sorte qu'il convient de l'en débouter.
Sur l'indemnité d'occupation :
L'article 13 du bail commercial relatif à l'indemnité d'occupation stipule : '' Dans l'hypothèse où malgré une décision constatant les effets de la clause résolutoire, ou la résiliation du Bail, le Preneur refusait de libérer les Biens Loués, il serait redevable d'une indemnité d'occupation fixée sur la base du dernier loyer en cours majoré de CINQUANTE POUR CENT (50%), des charges er de la TVA, le cas échéant, et ce jusqu'à la libération effective des Biens Loués (') ''
A partir de la date de la résiliation, le locataire devient un occupant sans droit ni titre et est donc redevable d'une indemnité d'occupation.
La société SVR n'a développé aucun argument en réponse à cette demande de la SCI Le Retro.
En application des stipulations contractuelles, il convient de faire droit à la demande et de condamner la société SVR à payer à la SCI Le Retro une indemnité d'occupation égale au montant du dernier loyer en cours majoré de 50 %, charges et TVA en sus, à compter du présent arrêt jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés. Cette indemnité sera payable chaque mois et d'avance en douze termes égaux au plus tard le 10 de chaque mois concerné. Les intérêts de retard courront au taux légal à compter du 10 du mois pour chaque terme concerné. Ces intérêts seront capitalisés par période annuelle à compter de chaque terme.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire ;
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SCI Le Retro de sa demande tendant à voir prononcer l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial ;
L'infirme en ses autres dispositions,
Statuant à nouveau,
Prononce la résiliation judiciaire du bail commercial du 28 décembre 2018 avec effet à la date du présent arrêt ;
Dit sans objet la demande de suspension des effets de la clause résolutoire formulée par la société SVR ;
Ordonne l'expulsion de la société SVR et de tout occupant, de son chef et avec l'assistance de la force publique s'il y a lieu, des lieux en cause, dans le mois de la décision à intervenir ;
Ordonne qu'en cas de besoin, les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et, à défaut, seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrit avec précision par le commissaire de justice chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans un délai de deux mois à l'expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques, sur autorisation du juge de l'exécution ;
Ordonne que tous travaux, embellissements, améliorations, installations et construction deviendront la propriété du bailleur en fin de jouissance, sans indemnité, sans que la société SVR ne puisse les supprimer sans l'autorisation préalable de la société SCI Le Retro ;
Condamne la société SVR à démonter à ses frais exclusifs la véranda et à remettre en état la façade du local commercial dans un délai de 30 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;
Déboute la SCI Le Retro de sa demande tendant à assortir cette condamnation d'une astreinte ;
Condamne la société SVR à payer à la SCI Le Retro une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du dernier loyer en cours majoré de 50 %, charges et TVA en sus, à compter du présent arrêt jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés ;
Dit que cette indemnité sera payable chaque mois et d'avance en douze termes égaux au plus tard le 10 de chaque mois concerné ;
Condamne la société SVR au paiement des intérêts de retard au taux légal sur chaque terme d'indemnité à compter du 10 du mois pour chaque terme concerné ;
Dit que ces intérêts seront capitalisés par période annuelle à compter de chaque terme;
Condamne la société SVR aux dépens de première instance et de l'appel ;
Condamne la société SVR à payer à la SCI Le Retro la somme de 5000 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.
La greffière, La présidente,